Hosmön - L'Eveil [SOUS CONTRA...

By Arimie

168K 2.8K 690

« Tu es à moi Evelynn. Hier, aujourd'hui et pour toujours. » Depuis la disparition de sa mère, Evelynn a to... More

Prologue
CHAPITRE UN
Bonus 1 -
Bonne et mauvaise nouvelles
Hosmön - Edition pour fin février !
Hosmön disponible : sortez vos chapeaux de fêtes !
Concours : GAGNER UN BROCHE

CHAPITRE DEUX

7.2K 661 142
By Arimie



      Je me retournai, observant la cage d'escalier sombre, figée, cherchant au plus profond de mon être si une quelconque solution était envisageable. Comment pouvais-je abandonner un homme dans cet état ? Le laisser ici était une condamnation et j'en étais le bourreau. Je me rendais coupable d'un crime, je mettais un terme à son existence. Tout cela était-il juste ? Quel que soit mon acte, sa vie était désormais entre mes mains. Partir sans lui revenait à le tuer et ça jamais je ne pourrais le supporter. Pourtant, l'emmener était risqué. Je ne savais rien de cet homme si ce n'était son appellation « Valroth ». Autrement, j'ignorais tout de son être, son origine, sa famille, lui... tout simplement.

La partie rationnelle de mon cerveau n'avait aucune hésitation et me hurlait constamment de monter les dernières marches et de courir jusqu'à la liberté, sans jamais me retourner. Pourtant, une autre, plus sensible et sentimentale, ne pouvait ignorer les faits : un homme meurtri incapable de bouger n'atteindrait jamais la liberté sans aide. J'hésitais entre ces deux vérités, perdant un temps fou. Puis, une troisième vint perturber mes sens, faisant pencher la balance d'un côté : je ne pouvais pas l'abandonner. Je n'en avais pas le droit. Je n'étais le juge de rien. Pourquoi, comme moi, n'aurait-il pas droit à une seconde chance ?

Etait-il un tueur ? Pourquoi n'en serait-il pas un ? C'est vrai, un guerrier prospère en retirant la vie de ses ennemis. Bravoure, insoumission et héroïsme ne faisaient pas d'un guerrier un homme sans péché. Le sang recouvrirait toujours ses mains, quoi qu'il arrive.

Avait-il commis un crime grave pour être condamné à une torture impitoyable ? J'en doutais. Mon cœur n'y croyait pas. Une aura signifiant le respect planait vigoureusement autour de lui. Et j'avais la ferme impression que le laisser, signifiait la fin de quelque chose de très important.

Le temps n'avait pas de patience et je devais immédiatement trouver une solution.

Finalement, mon corps suivit mon cœur et entama la longue traînée de marches que je venais d'emprunter afin de retourner vers les cellules.

Arrivant face à la sienne, je ne pus m'empêcher de passer ma main sur mon nez. L'odeur était atroce. Quelle insalubrité. C'était déchirant.

Attrapant la poignée de la porte en fer forgé, je donnai un petit coup afin de la déverrouiller. Malheureusement, celle-ci était bloquée, ou plus exactement, « fermée à clé ». Je n'avais pas le choix. Je devais soit la forcer, soit trouver ces satanées clés. Le déverrouillage allait prendre du temps. Ma dextérité n'était pas au point pour ce type de technique et je n'étais même pas sûre de pouvoir y arriver. Pour ce qui était des clés, il était également possible qu'elles ne soient pas ici, si les gardes avaient pris la précaution de les prendre. Néanmoins, je ne pouvais pas m'aventurer dans une ouverture délicate. J'optai pour la seconde option.

Je me mis à faire les cent pas entre les cellules en fouillant chaque recoin. L'anxiété faisait de plus en plus rage en moi. Les clés étaient introuvables. Il ne restait donc que la salle des gardes à fouiller.

J'entrai avec précaution dans la pièce. Si quelqu'un dormait, il fallait impérativement que je le maîtrise avec rapidité et pour tout dire, ce n'était pas mon fort. La pièce était plus lumineuse que le couloir qui longeait les différentes cellules. Malgré la clarté, la pièce était vide de vie. Simplement une table, cinq chaises et un jeu de cartes en pagaille, sans oublier les choppes de bières à moitié vides éparpillées sur la table. Je me mis à chercher partout sans résultat concret. Cette fois, j'allais littéralement exploser.

– Mais où sont-elles, bon sang ? grognai-je avec impatience, manquant de m'arracher les cheveux.

Passant mes doigts à travers mes boucles brunes emmêlées, je me retournai pour sortir de la pièce. C'est à ce moment-ci que je perdis contenance, car finalement elles étaient là, depuis le début, accrochées derrière cette fichue porte. Énervée, je les récupérai d'un mouvement sec et me ruai sur la serrure de la cellule. Lorsque le verrou tomba, je ne pris pas la peine d'attendre. Toutefois, l'ambiance venait de changer. Le stress et l'agacement retombaient créant un espace étrange au fur et à mesure que mes pas me rapprochaient de lui. Les cris du dehors avaient disparu. Il n'y avait plus que le bruit de ma respiration mêlée à la sienne. Mon cœur battait sans faille. Je n'aimais pas ça et en même temps, j'appréciais. C'était étrange. Je ne savais même plus quoi faire. Mes pieds avaient cessé d'avancer. J'étais là, au beau milieu de la pièce, à douter.

Alors que je recommençai à entrer dans une phase d'angoisse, mes yeux n'avaient qu'une seule obsession, lui. Les chaînes de fer entouraient son cou, ses poignets, ses chevilles et son ventre. Accroché à une poutre en bois, son visage retombait devant lui, me laissant seulement admirer ses cheveux et son torse nu. Oui, « admirer », c'était le mot exact. Comment une personne logique pourrait-elle admirer un détenu enchaîné, couvert et lacéré de blessures ? Comment ? Pourtant, c'était la seule chose que je faisais. Je le dévorai des yeux. Malgré son faible poids, sa musculature était à couper le souffle. Les veines de ses bras et cuisses m'excitaient dangereusement et je regrettais même que son pantalon fût seulement coupé au niveau de ses cuisses. Je me repris aussitôt. Depuis quand m'intéressais-je aux hommes moi ? Je délirai complètement.

Attrapant délicatement ses doigts entre les miens, je sentis une étrange sensation pénétrer mon corps, me faisant relâcher aussitôt sa main. Ni agréable et ni désagréable, cette sensation m'avait surprise et mon corps ne s'y attendait pas. J'étais en état de choc, oubliant la situation tendue. Que s'était-il passé ?

Je repris enfin mes esprits et attrapai fermement ses liens que je déverrouillai grâce à la multitude de clés que j'avais en main. Je pris mon havresac et le plaçai sur mon ventre, les hanses bien serrées sur mes épaules. Une fois l'individu détaché, je m'accroupis et le basculai sur mon dos, passant ses bras sur mes épaules. Je rougis et perdis l'équilibre quand je sentis son bras frôler ma poitrine.

Bon, Evelynn ressaisis-toi. Ça, ce n'est pas toi, me murmurai-je afin d'apaiser la tension.

Je me mis finalement en route. Les marches me semblaient plus longues à gravir cette fois-ci. Le poids mort que je traînais n'arrangeait rien, tout comme cette grosse fatigue et ces douleurs qui n'avaient pas réellement disparu depuis mon arrestation. Je n'étais pas une faible et la douleur, je l'avais déjà vécue. Plus d'une fois. Mais je devais avouer que ça, jamais.

Je dus m'y prendre à deux fois pour finir de gravir ces interminables marches. D'ailleurs, je me demandais sincèrement comment mon corps faisait pour tenir physiquement. Le pain et l'eau, ça ne nourrit pas trop.

Je repris mon souffle alors que mon cerveau n'avait toujours pas digéré ce qui s'était passé avec l'homme. De l'électricité statique ? J'en doutais. Je pensais plutôt à autre chose. Plus exactement à un Mage, de Foudre qui plus est. Le Roi avait ordonné leurs arrestations, et en toute logique, il se pouvait qu'il en fût un. D'ailleurs, les gardes se manifestaient souvent, exprimant leur énervement lorsqu'ils revenaient de torture. Ils se plaignaient constamment de « ne jamais rien pouvoir tirer de lui ». M'enfin, je ne connaissais pas tous les détails. Bon, il fallait impérativement que je me reprenne. L'objectif étant de fuir cette galère, je devais donc trouver un moyen de sortir incognito avec un homme à demi-mort, souffre-douleur de la Garde Royale, sans me faire choper. Quelle bonne idée que j'avais eu de le prendre avec moi !

Bref, je n'avais plus le temps.

Me rapprochant de la porte, je découvris une multitude de petits trous et pris le soin d'y plonger mon œil. Quelque chose de vif me brûla les yeux, je laissai échapper un râle. Qu'est-ce qu'il se passait bordel ? Je me concentrai un peu plus sur l'environnement. Mon cerveau avait mis en « stand-by » ce qu'il se passait réellement. Des cris et des hurlements devinrent plus audibles. Je pouvais clairement entendre comme des explosions, des pleurs, des écroulements d'objets lourds. Réellement, ce n'était pas le moment le plus propice pour une balade, mais c'était bien l'occasion ou jamais de se tirer de cet enfer. De plus, je ne comprenais pas très bien pourquoi les gardes s'étaient éclipsés. L'urgence devait être plus que réelle pour laisser des prisonniers sans surveillance.

*

Je pris un moment avant d'ouvrir la porte. Même si je n'étais pas une trouillarde, j'étais inquiète par les évènements. Lorsqu'enfin je me décidai, je fis un mouvement de recul pour me cacher de côté, afin de ne pas être immédiatement visible. Malheureusement, je n'étais plus seule et ma taille avait augmenté. Me cacher de la sorte était plus qu'inutile. De plus, je n'en avais pas réellement besoin, le spectacle qui s'offrait à moi était digne d'un terrain de guerre : des flammes immenses dansaient follement de part et d'autre, attaquant bâtisses, charrettes, meubles et cadavres. Les cris des oiseaux étaient hallucinants, tout comme les hennissements des chevaux attachés aux bois. De nombreux corps sans vie habillaient l'espace meurtri par l'attaque, si c'en était une. Plusieurs personnes courraient, paniquées. Femmes, hommes et enfants étaient en effervescence, cherchant au plus vite une échappatoire, se bousculant à travers les flammes. Une fumée épaisse était également au rendez-vous, s'échappant des carcasses des bâtisses désormais en ruine.

Mon mutisme était divin et mon enthousiasme se faisait entendre. Contrairement à la scène effroyable dont j'étais spectatrice, une joie immense s'était emparée de moi. Avec cette montagne de corps morts, je pouvais facilement passer inaperçue, et cela, même avec une personne sur le dos. Posant un pied dehors, je me mis en marche, suivant les personnes blessées se précipitant vers la sortie que j'espérais trouver. Je me bouchai le nez et la bouche pour lutter contre la fumée qui allait bientôt pénétrer ma chair. Je dus à plusieurs reprises rebrousser chemin face aux éboulements et gravas qui avaient bloqué l'issue. Je continuai à suivre la foule dans cette traversée infernale. À ma grande surprise, je ne me sentais toujours pas fatiguée. Cette situation était vraiment étrange. Pourtant, je devais porter plus de soixante-dix kilos sur moi, entre mon sac coincé sur mon ventre et le poids de l'homme sur mon dos.

Sur le chemin, je remarquai également la souffrance dont était victime la verdure. Le ciel était devenu presque invisible et la plupart des arbres s'étaient fissurés en deux, voire même avaient complètement disparu. Les drapeaux accrochés aux poteaux, encore intacts, commençaient à fondre sous l'appétit des flammes, dévorant leurs emblèmes par la même occasion. Cependant, je ne voyais aucun étendard étranger. Je ne comprenais pas très bien ce qu'il se passait. Cela faisait longtemps que je n'avais pas assisté à ce genre d'attaque. Qui prenait d'assaut la ville ? Était-ce pour lui ?

Hum... en le regardant bien, on pourrait facilement le croire. Il dégage quelque chose de charismatique, voire d'aristocratique. Cela ne m'étonnerait pas. Par contre, ce qui me faisait douter, c'était que s'il l'était vraiment, il serait mort depuis bien longtemps. Le Roi était d'une atrocité légendaire et nourrissait une haine spectaculaire envers les personnes ne le soutenant pas.

Lorsque moi et mon... (comment définir ce « truc » que je traînais sur le dos ?) atteignîmes la porte principale, je m'arrêtai quelques instants. Malgré la panique, des gardes étaient plantés devant les portes, empêchant certaines personnes de passer. Que devais-je faire ? Je me cachai rapidement derrière plusieurs caisses vides encore intactes, afin de les observer. Trois gardes inspectaient chaque personne, les questionnant et inspectant leur corps. Certains se voyaient obligés de rester ici. Les pleurs et les cris étaient encore plus pesants. À bien y réfléchir, je me demandai sincèrement comment nous allions pouvoir sortir sans nous faire repérer. Il était hélas impossible d'emprunter cette voie. C'était évident.

Je me retournai aussitôt, analysant toutes les failles possibles. J'étais face à un mur de pierres de plusieurs mètres. Je me mis à le longer, cherchant à faire basculer quelques briques afin de pouvoir m'y insérer. Je tâtai rapidement le mur, prenant garde à mes arrières. L'homme sur mon dos n'avait toujours pas bougé et je commençai à vraiment m'inquiéter de son état. Était-il mort depuis tout ce temps ? Bref, je n'avais pas le temps. Soudain, un bruit de cor me stoppa dans ma recherche. Je perçus une multitude de gardes armés se diriger vers les portiers. Je les vis échanger quelques paroles avant que l'un d'eux fasse un signe à la troupe qui se dispersa avec entrain. Cette fois, le temps était plus que compté et je me remis immédiatement à la recherche d'une faille. Je devais trouver, et vite.

Comme je cherchais depuis plusieurs minutes un passage suffisamment étroit, un violent coup me fit perdre l'équilibre. Quelque chose venait de me propulser à terre au loin. Une explosion avait retenti. Mes tympans n'entendaient plus rien. Seul un sifflement insupportable s'emparait de moi. Mon souffle avait pris une tournure rapide et ma tête était sonnée. Je dus me faire violence afin de me reprendre alors que je crus que mon cerveau se déchirait. L'explosion venait de créer une brèche et le mur s'était écroulé sur plusieurs mètres. Je cherchai aussitôt mon sac et l'homme. Mes yeux les trouvèrent rapidement. Mauvaise nouvelle, l'homme était à peine visible sous le tas de gravats qui l'avait assailli.

– Merde, râlai-je grattant le sable afin de l'évacuer de sous cette masse.

Par chance, il n'était pas trop esquinté. Je pus le sortir en quelques secondes. Il saignait à plusieurs endroits, mais c'était infime face à ce qu'il avait vécu dans les geôles. Je m'en persuadais en tout cas.

Je le remis sur mon dos après avoir replacé mon sac. Je m'avançai vers la brèche en question. Nous étions à plusieurs mètres en hauteur, et elle débouchait sur une immense forêt épargnée par les flammes. Pourtant, l'hésitation m'avait pris de nouveau. Jamais nous nous en sortirions vivants. Nous étions bien trop haut. Comment pourrait-on vivre après une si longue chute ? Mes pieds étaient intimement d'accord avec moi. Je n'étais pas spécialement pour les prises de risques, même si ma vie n'était faite que de ça. Et là, j'avais bien peur que ce ne fût la fin.

Finalement, un événement inattendu vint compromettre mon combat intérieur. Nous avions été repérés. Deux gardes m'en- cerclèrent sans que je m'en rende compte. En même temps, mon audition peinait à revenir et je n'avais rien senti. Je me tournai vers eux, reculant au bord de la falaise. Mon cœur faisait des bonds. J'essayai de trouver une solution. Malheureusement, avec mon sac devant et l'homme sur mon dos, impossible de me défendre, surtout devant deux gardes armés de lances.

Je les vis émettre des paroles. Bien évidemment, je n'entendis rien. Leurs regards sombres étaient durs, et je savais que, quoi qu'il arrive, c'était fini. J'allais soit mourir ici, embrochée par des lances, ou alors j'allais périr dans ses geôles pour le restant de mes jours.

Les hommes n'attendirent pas et s'approchèrent doucement de moi. Finalement, je n'eus même pas le besoin de faire un choix.

Une explosion violente retentit, m'arrachant un cri et me propulsant vers l'arrière. Je me laissai tomber dans le vide avec tout ce que je portais.

*

Je me réveillai instantanément, le souffle court, pris d'une crise d'angoisse. La lumière crue me fit plusieurs fois cligner des yeux. Lorsque je voulus me relever, de nombreuses douleurs me firent trébucher. La chute avait été rude et, bizarrement, j'avais réussi à y survivre. Comment, je l'ignorai. L'humaine que j'étais, n'aurait jamais survécu à cette hauteur de chute. Je devais donc remercier ma bonne étoile. Mon heure n'était pas encore venue, Mère.

Je me fis craquer à plusieurs reprises les membres. Après une rapide inspection de mon corps, je me mis à souffler. Rien n'était cassé. Mes yeux s'attardèrent sur la forêt dans laquelle j'étais plongée. Les arbres spectaculaires semblaient sur le point de perdre leur parure colorée. Habillés d'un camaïeu de rouge, le temps chaud semblait loin désormais. L'hiver n'allait plus tarder.

Marchant quelques pas, je trouvai rapidement mon havresac caché sous un amas de feuilles mortes. Je me précipitai pour l'ouvrir afin de vérifier son contenu, espérant que les gardes n'aient rien retiré. Je trouvai une corde, ma petite bourse, quelques vêtements sales et mon poignard.

– Ouf, soufflai-je soulagée.

Décidément, la Garde abritait un tas de bons à rien.

Je plaçai mon sac sur le ventre et l'attachai correctement. Je me retournai afin de prendre la seconde cargaison. Une minute. La seconde ? Quelle seconde ? Je cherchai désespérément dans ma petite tête qui ne sembla pas vouloir se souvenir de cet épisode. Merde. Bon sang, qu'avais-je oublié ? Je savais que cette donnée était capitale, voire fondamentale. Je me rappelais de l'évasion des geôles, des gardes qui nous barraient la route mais rien de plus. D'ailleurs comment avais-je fait pour me retrouver ici ? Je me mis à rire quand je me souvins avoir sauté de mon plein gré. Moi, la plus grande trouillarde de l'univers. Bon, il fallait que je trouve un endroit où passer la nuit. Une douleur à la tête me prit de plus belle. Arg ! Bon sang. Quand est-ce-que ces satanées douleurs allaient se terminer ? Je n'en pouvais plus.

Subitement, un bruit étouffé me fit sursauter. Je n'étais pas seule. M'équipant de ma dague rouillée, je me mis en position de défense, marchant en crabe en direction des sons suspects. Je contournai plusieurs arbres faisant attention aux bruits de mes pas. Lorsqu'enfin mes yeux découvrirent un corps allongé, presque déchiqueté, émettant des spasmes saccadés. Mais ce n'était pas tout, des bêtes piquetaient le corps de cette personne, tentant de lui arracher la chair. Ces bêtes n'étaient pas des oiseaux ordinaires. Ils étaient très grands, noirs et leurs regards écarlates n'inspiraient rien de bon. J'en avais déjà vu il y a quelque temps. Il faisait nuit et les gardes entassaient des corps sans vie en une pile afin de les incinérer. Plusieurs de ces bêtes rodaient afin d'attraper de quoi se nourrir. Charognards, ils guettaient la mort, attendant le moment propice où ils pourraient nous dévorer.

Avant d'être repéré, je m'éloignai doucement. Pas question de me faire bouffer comme ça. Je me mis à marcher sans savoir réellement où j'allais. Mes yeux cherchèrent un indice pouvant me permettre de me repérer dans cette immense forêt. Les arbres se ressemblaient et j'avais l'impression que la forêt même bougeait, me ramenant à chaque fois au point de départ. Je m'assis afin de me reposer. Bordel, j'allais vraiment mourir comme ça ? Non, sûrement pas.

Je me mis à repenser à cette pauvre personne. Mon dieu, dans quel état elle était... Je visionnai à nouveau la scène. Ses pieds nus étaient crades, donnant l'impression qu'il n'avait pas pris le soin de se laver correctement ou plutôt qu'il ne le pouvait pas. L'homme, car j'étais persuadée que c'en était un, était couvert de blessures et ses plaies saignaient malgré l'épaisse croûte qui les contenait.

À mesure que je pensais à lui, mon cœur s'emballait tentant de me rappeler quelque chose. Ce n'était pas la première fois que je le voyais. J'en avais la certitude. Mais alors, qui était-il ? Subitement, j'en pris conscience et me relevai d'un bond. L'homme, les geôles, l'évasion... c'était ça. C'était lui.

Je me mis à courir à contre sens. Il fallait que je le sauve, et vite. Mes doigts firent tournoyer à plusieurs reprises ma dague à

mesure que je me rapprochais. Lorsqu'enfin j'arrivais vers l'immense arbre qui cachait le corps, je ralentis en prenant le soin d'inspirer correctement. Courage Evelynn. Me tapotant les joues rapidement, je m'élançai en hurlant, afin de faire déguerpir les rapaces. À mon arrivée, je n'en crus pas mes yeux. Le corps n'était plus là !

*

– Voilà. Voilà ce que ça fait de réfléchir pendant dix ans à un plan d'attaque ! m'écriai-je. Maintenant, je vais avoir un mort sur la conscience. Quelle idiote je fais...

Il fallait que je me reprenne. Surtout, je ne devais pas paniquer. De plus, je ne savais même pas s'il était vivant quand je l'avais pris avec moi...

Un bruit de croassement me fit sursauter. Je n'avais plus qu'une envie, chialer comme une gosse de mes bêtises. J'étais une incapable. Bon... qu'allais-je faire désormais ? Me morfondre comme une enfant n'allait rien arranger. Le temps s'était refroidi et la lumière avait pratiquement disparu.

Après plusieurs heures de marche, je trouvai un coin où me reposer entre plusieurs rochers épineux. La forêt n'avait pas joué avec moi et j'étais rassurée de trouver un endroit comme celui-ci. J'allais être abritée du froid et être invisible aux yeux des bêtes.

La nuit avait été courte. J'avais réussi à dormir, malgré l'anxiété qui me rongeait l'estomac. Les rochers n'étaient pas très confortables. Mon dos allait souffrir quelques jours durant. Je récupérai mes affaires que j'avais calées contre les roches et sortis de ma cachette. Tout allait pour le mieux si on oubliait les douleurs, la course contre la garde et le corps qui était allongé devant moi sur le dos, tête de côté et le regard fixe vers le mien.

J'aurais dû paniquer et hurler de peur tant je ne m'attendais pas à ça. Pourtant, mon regard ne put se détacher du sien. Cette couleur émeraude mielleuse et sucrée me donna des frissons dans chacune des parties de mon anatomie. Je ne m'en étais pas rendu compte, mais tout le long de cet interminable combat de regards, j'avais retenu ma respiration. Après avoir inspiré un bon coup, je me dirigeai vers lui.

Alors que je pensais que son regard allait me suivre, je fus déçue lorsque le contraire se produisit. Il ne me suivit pas et semblait perdu dans le vide.

– Excusez-moi, vous m'entendez ? demandai-je lorsqu'enfin j'atteignis son corps.

Aucune réponse.

Cette personne, bien qu'esquintée, était toujours aussi splendide. Je ne pus m'empêcher de faire le contour de son torse avec mes doigts. Installant sa tête sur mes cuisses, je jetai un coup d'œil autour de moi. Comme toujours, rien... Si ce n'était que les feuilles mortes et arbres gigantesques qui nous encerclaient. Ses yeux s'étaient de nouveau fermés. Ses joues étaient chaudes et le souffle qui s'échappait de sa bouche fit soulever à plusieurs reprises certaines des mèches noires de mes cheveux. Je posai ma main au creux de son cou et fermai les yeux, soulagée de sentir que son cœur battait, même si sa régularité était inexistante. Mes yeux revinrent à son visage qu'ils n'avaient alors pas observé correctement jusque-là. Ses traits étaient fins, son nez droit et sa bouche appelait aux baisers. Je dus me reprendre. Je ne savais définitivement pas ce que je faisais. Il fallait que j'arrête de l'observer comme une perverse. Une dernière fois, je me le jurai, je le regardai et dégageai délicatement une mèche noire qui cachait son front et son œil droit. Cet homme était indéniablement beau. J'ignorai pourquoi il était enfermé et qui il était réellement mais... je n'avais aucune envie de le laisser. Et, de toute manière, je savais que quelque part, je ne le pouvais pas. Mon cœur était persuadé que nos destins étaient intimement liés. Pourquoi ? Je l'ignorais encore.


**********************


Image : http://deson13.deviantart.com/art/125-434862287

Continue Reading

You'll Also Like

156K 11.8K 57
Un jour comme un autre, la jeune Artémis se retrouve avec un pouvoir. Lors de la première utilisation de son don, elle va libérer une telle puissance...
166K 1.7K 30
من لا يحب الانحراف لا يدخل 🔞🔞🔞 الرواية منحرفة 🔞🔞
28.9K 914 34
Et si les Cullen avant un sixième en enfant et si Célia Cullen . Et si Sam Uley ne s'était pas imprégné d'Emily Young mais d'une Cullen .Et si Bella...
294K 17.8K 78
Quand on a des parents qui nous traitent comme des moins que rien, on peut facilement dire qu'on n'a pas la vie rose et on a tendance à vouloir se do...