Hosmön - L'Eveil [SOUS CONTRA...

De Arimie

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« Tu es à moi Evelynn. Hier, aujourd'hui et pour toujours. » Depuis la disparition de sa mère, Evelynn a to... Mai multe

Prologue
CHAPITRE DEUX
Bonus 1 -
Bonne et mauvaise nouvelles
Hosmön - Edition pour fin février !
Hosmön disponible : sortez vos chapeaux de fêtes !
Concours : GAGNER UN BROCHE

CHAPITRE UN

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De Arimie




      J'inspectai les rues depuis ma petite fenêtre du deuxième étage, cachée, jouant avec mon poignard. La lune ne brillait pas cette nuit-là. Un voile sombre, presque étouffant, sillonnait le ciel depuis plusieurs jours. Seules les lumières des torches de la Garde Royale, inspectant les vieilles bâtisses, brillaient faiblement dans la nuit.

Le Roi Fölgen d'Hardred avait donné l'ordre d'arrêter tout individu suspect ou pratiquant Hosmön, le Pouvoir Divin. Certaines personnes naissaient avec Hosmön, fragment de la déesse déchue, Nehräh. Il était un savoir unique. Il était une arme.

Afin d'anéantir les détenteurs de ce pouvoir, autrement dit les Mages, Fölgen ordonna leurs arrestations et leurs exécutions. Pour une raison qu'hélas j'ignorais, certains Mages de niveau Cinq et Quatre étaient épargnés ; les Mages supérieurs, de niveau Trois, Deux et Un, n'avaient pas leurs mots à dire. Ils devaient disparaître.

Les niveaux des Mages étaient importants car ils permettaient de définir la puissance de ceux-ci. Les Mages de niveau Un étaient les Mages les plus puissants car ils possédaient deux formes de Magies complètes. Les Mages de niveau Deux, aussi appelés les Confirmés, possédaient une Magie complète et un pouvoir simple d'une autre Magie. Les Mages de niveau Trois, eux, maîtrisaient deux pouvoirs de différentes Magies. Ces trois classes de Mages étaient considérées comme celles étant les plus fortes. Enfin, les Mages de niveau Quatre et Cinq avaient la possibilité d'utiliser plusieurs pouvoirs d'une même Magie pour les niveaux Quatre et seulement un pour les niveaux Cinq. Ils étaient considérés comme les mauvais et ceux que l'on pouvait maîtriser facilement.

Je ne connaissais que très peu de Mages mais, petite, j'appréciais écouter les histoires à leurs sujets. Pourquoi ? Peut-être que l'idée d'avoir de « superpouvoirs » me faisait fantasmer... Quelques années plus tard, ce n'était plus le cas. Acquérir de tels pouvoirs n'était pas une bonne chose. Ici, en tout cas.

Le Roi était une personne sans pitié pour ceux qui naissaient avec Hosmön. Face à son courroux, la population de Mages avait considérablement diminué sur nos Terres. Beaucoup avaient perdu la vie, d'autres avaient tenté de fuir, mais le résultat était inchangeable. La mort. Pour tous.

Une personne pouvait développer Hosmön de la naissance jusqu'à l'âge de raison, environ vingt-cinq années. On devait passer l'Épreuve de l'Occluse et réussir le Défi de Nehräh. Mais cette acquisition avait un prix : le pouvoir ou la mort. J'ignorais alors tout de ces différents tests, mais je savais que lors de leur réussite, une marque apparaissait sur le corps de celui qui avait triomphé, indiquant ainsi son élément. Toutefois, le niveau n'était pas visible à l'œil nu. Seul un Mage Psychique pouvait identifier le niveau d'un individu.

J'avais vu de nombreuses personnes laisser leur vie dans ce combat, dont Cynthia, ma confidente. Nous avions une quinzaine d'années à l'époque. Cynthia respirait la joie de vivre. Issue d'une famille de paysans, Cynthia rêvait de quitter Tombroise pour rejoindre son frère aîné, Kallel, et devenir tailleuse. Malheureu- sement, le destin en avait décidé autrement. Cynthia tomba gravement malade. Enfin, pas malade dans le sens « être malade », elle avait été choisie, mais elle ne survécut pas et Nehräh l'emporta avec elle.

Je jetai quelques coups d'œil derrière les vieux rideaux troués, observant les gardes. L'un d'eux attendait ses compagnons qui fouillaient une maison abandonnée. C'était leur rituel du soir. Honnêtement, je n'avais pas peur d'eux. La maison que j'occupais était habitée par une vieille dame qui ignorait qu'un intrus squattait son grenier depuis des jours. Les gardes n'appréciaient définitivement pas cette femme et n'avaient jamais osé l'importuner. Dépourvue de toute forme magique, cette personne avait une déficience mentale et se refusait à n'importe quelle relation humaine. J'étais donc tranquille.

Étirant les muscles engourdis de mon corps, je pouvais sentir les courants d'air s'échapper du plafonnier et chatouiller ma peau à travers la faible épaisseur de ce qui ressemblait à des vêtements.

J'aurais aimé que ma mère soit là. Sentir le contact de sa main glisser dans mes longs cheveux noirs me permettait d'oublier le monde triste dans lequel j'avais pris vie. Elle était d'une nature très calme et savait comment me remonter le moral. En même temps, qui d'autre que ma mère pouvait m'apaiser en quelques instants ? Bon, il est vrai qu'elle n'était pas une personne ordinaire. Elle était un Mage de catégorie Un. La seule encore vivante à ce jour, ou tout du moins, je continuais d'y croire.

Nommée la Divine, ma mère excellait dans la magie de Glace et du Psychisme et s'était vu par la suite attribuer une autre forme de magie, la Foudre. Elle incarnait le Mage Ultime à la perfection. Ses Magies avaient permis de grandes prouesses au sein de notre monde. J'ignorais la majeur partie de son passé, mais nous avions vécu de belles années elle et moi, seules, coupées des autres après la sanglante guerre. En réalité, je savais que nous fuyions quelque chose depuis le départ, seulement je faisais comme si de rien n'était car je pouvais enfin avoir ma mère pour moi, ce qui n'était jamais arrivé lorsqu'elle travaillait encore pour l'ancien Couple Royal.

Grâce à sa Magie Psychique, ma mère pouvait lire dans les pensées d'une personne et comprendre ainsi qui elle était. Elle pouvait même percevoir ses sentiments, ses émotions. C'était un pouvoir ultime. Connaître tout de son adversaire nous rend plus fort. Presque invincible.

Nous avons donc voyagé de ville en ville afin de trouver un confort paisible. Taïa, ma mère, travaillait comme liseuse de bonne aventure pour nous permettre de vivre. J'aimais beaucoup la suivre dans ses recherches sur les Hommes et je ne craignais rien. De temps en temps, elle devait s'absenter quelques jours et me laissait au sein d'une auberge que je connaissais bien et où j'avais découvert une véritable amie, Cynthia. Nous étions inséparables à l'époque. J'appréciais passer mon temps avec elle et attendais patiemment le retour de ma mère, jusqu'au jour où elle n'est jamais rentrée.

L'air s'était rafraîchi d'un coup. Je m'étais endormie quand des cris légers mais tout de même audibles me réveillèrent. Me relevant discrètement, j'observai l'une des maisons voisines en faisant bien attention à ne pas faire bouger les rideaux. Au cours de cette vie solitaire, j'avais dû apprendre la ruse et la discrétion afin d'augmenter mes chances de survie. À ce moment-là, je savais que rien ne m'arriverait. Mes compétences étaient infaillibles et ma confiance était réelle.

Je ne distinguai pas clairement les personnes, je devais donc déchiffrer ce que les ombres au sol souhaitaient me dire. Plusieurs personnes se battaient. Les pleurs vinrent compléter le bruit des hurlements qui s'étaient faits moins discrets. Les gardes semblaient avoir découvert ce qu'ils cherchaient. En quelques instants, les ombres devinrent plus grandes et les hommes se montrèrent enfin, traînant une femme d'une trentaine d'années par les cheveux.

Encore.

– Je vous en prie. Je ferai tout ce que vous voudrez. Je vous en prie, laissez-moi partir, renifla la jeune femme m'allouant un frisson.

– Relevez ses vêtements. Cherchez sa marque. Il est évident que cette pauvre folle en est une.

– Pitié... Pitié, continua-t-elle entre deux sanglots.

L'un des gardes attrapa la jeune femme par les bras afin de l'empêcher de bouger. Celle-ci commença à se débattre en hurlant.

– Pitié Monseigneur ! C'est ma femme. Je vous en prie. Elle attend mon enfant. Ayez pitié de nous Monseigneur.

Le Chef n'entendit rien et permit à ses chiens de dénuder cette pauvre personne. La dignité n'avait plus lieu d'être et cette famille vivait un terrible cauchemar, comme toutes les autres ; car malheureusement, ils étaient omniprésents depuis des années.

Je savais que mon intervention était inutile. Jamais je n'aurais pu sauver cette femme des griffes des chiens de Fölgen. La Garde Royale était composée d'experts en combat, dont deux Mages de niveau Quatre par groupe. Je ne pouvais donc rien faire, si ce n'était attendre et prier pour elle.

La Garde Royale n'inspectait qu'à la tombée de la nuit, où les personnes se retrouvaient chez elles afin d'éviter toute Menace Noire. En effet, le Roi avait des pouvoirs immenses et savait créer la vie, mais pas celle que l'on croit. Je ne savais pas comment, mais Fölgen avait réussi à dompter toutes les formes de Magies et s'en servait pour créer des entités malsaines spectrales qui n'apparaissaient que lors d'épisodes sombres, tels que la nuit. Ma mère m'en avait quelquefois parlé et refusait que je me mette à sillonner les rues lorsque le soleil se couchait. Je n'ai aperçu que deux fois ce type de monstre et mes yeux avaient saigné...

– Ne la tuez pas, je vous en supplie Monseigneur.

– Monseigneur, nous l'avons trouvé, cria l'un des gardes à son supérieur qui se dirigea vers lui.

Je comprenais très bien de quoi il parlait et je savais que cette femme était en très mauvaise posture ; car pour le Roi, même enceinte, peu importait l'âge, si vous étiez Mage de catégorie supérieure, vous deviez mourir quoi qu'il arrive.

– Au nom du Roi, je vous arrête ! cria l'un en dégainant son épée sous la tête de la prisonnière.

– S'il vous plaît. Je vous en conjure. Ayez pitié... souffla-t-elle alors qu'on la traînait sur le sol.

– Ma femme, je vous en prie ! Rebecca ! hurla son désespéré mari en tentant de passer le mur de lances que lui offrait la Garde en guise d'avertissement.

Celui-ci ne céda pas et tenta de forcer. Au même moment, le garde à sa gauche donna un grand coup dans sa jambe, le faisant hurler et tomber au sol. Soudain, le Feu s'éleva et l'un des gardes s'égosilla tandis que son corps se mettait à brûler d'une lueur d'un bleu éclatant.

– Maîtrisez-la, siffla le Chef de la Garde.

Je vis la jeune femme se libérer en un clin d'œil, créant autour d'elle une multitude de flammes protectrices. Ses yeux viraient au rouge, alors que sa gorge s'illuminait d'une lueur blanche scintillante. Il ne me fallut pas bien longtemps pour analyser sa catégorie : Feu et Lumière. Je n'étais pas Mage, mais j'avais appris à distinguer les éléments surtout lorsqu'ils étaient aussi puissants que les siens.

– Comment osez-vous toucher mon mari ? hurla-t-elle alors que ses cheveux devinrent une masse de Lumière.

Les gardes se mirent en position d'attaque. Les deux Mages de la troupe n'étaient que de simples Mages. En toute logique, cette femme n'avait rien à craindre. Cependant, trois facteurs pouvaient causer sa perte : son mari, sa grossesse et les Monstres spectraux.

– Je vous ordonne de partir, grogna-t-elle, avant que mes flammes ne vous dévorent sans le moindre remord !

– Comme c'est mignon, sourit le Chef en direction de la demeure du couple agressé.

L'un des gardes sortit de la bâtisse, le sourire aux lèvres, traînant un très jeune garçon par le col. Le petit pleurait et criait.

– Valian ! s'écria Rebecca.

Il ne pouvait être que son fils.

Mes mains tremblaient depuis déjà quelques minutes. Je dus me faire violence pour ne pas intervenir. Comment pouvait-on être inhumain à ce point ? Vouloir assassiner une pauvre femme enceinte ayant déjà un jeune enfant à nourrir. La vie était déjà suffisamment difficile ici.

– Dîtes-moi, que se passerait-il si, à tout hasard, votre fils se retrouvait...

– Non ! s'écria-t-elle sans attendre la suite. Ne faites pas ça. Je me rends.

La jeune femme se laissa tomber et les gardes s'en emparèrent sans attendre l'ordre de leur supérieur. La bataille était désormais finie et je savais que quoi qu'il advienne, cette femme venait de perdre la vie.

Alors que cela faisait plusieurs minutes que la scène avait pris fin, la haine était toujours présente dans mon esprit. Cet épisode était loin d'être le premier auquel j'assistais et malheureusement, je ne pouvais pas intervenir. Je n'avais aucun pouvoir et ma seule capacité était l'attaque physique rapprochée. Quand bien même je savais me défendre, je n'étais pas invincible et la moindre erreur causerait ma perte et jamais je ne pourrais mener à bien ma Quête : sauver ma mère.

*

Lorsque vint l'aube, je m'équipai de mon havresac et sautai par la fenêtre en direction du marché du village. Ce que je m'apprêtais à faire ne faisait pas partie des bonnes mœurs. Croyez-moi. Mais bon, je n'avais pas le choix. Mon corps s'affaiblissait tant la nourriture lui manquait. Tellement de jours étaient passés depuis le dernier morceau de pain que j'avais mangé. Je n'avais pas idée de la difficulté de cette tâche au départ, mais l'instinct de survie m'empêchait de renoncer à ce que je m'apprêtais à faire.

On ne prend jamais goût au vol. On s'y fait.

Je marchai le long des étals inspectant les différents produits présents. Il y avait beaucoup de personnes, quelques Gardes Royaux, des femmes et peu d'hommes. La plupart restait travailler dans les champs ou dans les scieries et autres lieux de travaux manuels. La population ne m'intéressait guère. Il y a quelques années, j'aurais été la première à venir saluer chaque personne afin de faire leur connaissance. Je m'intéressais beaucoup aux autres, mais le destin avait fait que rien ne serait plus jamais pareil : j'étais seule, je volais, je marchandais à mon avantage, j'espionnais... j'étais devenue une sorte de hors-la-loi. Je n'avais donc plus rien à faire avec les autres et c'était mieux ainsi ; car après tout, je n'avais qu'un objectif : ma mère.

Alors que je continuais à marcher le long des étals, mes yeux analysaient l'étendue des biens proposés. Au bout de quelques minutes, j'arrivai enfin à celui que je cherchais. Pris d'assaut par les clients, le marchand de pain bavardait et faisait l'éloge de sa nouvelle création « Pain de viande de canards », d'après ce que je comprenais. Je pouvais donc profiter de l'occasion et récupérer furtivement de quoi me remplir l'estomac pour quelques jours.

Ce n'était pas ma première fois et j'étais passée maître en la matière.

Sortant le bras de ma cape, j'attrapai trois pains et les fourrai dans mon sac rapidement. Je repris une seconde poignée puis une troisième en faisant bien attention au regard du marchand. Contre toute attente, une douleur au niveau de la poitrine me prit de plein fouet, m'interrompant dans mon vol.

– Non. Pas maintenant, soufflai-je à voix basse alors que le moment ne s'y prêtait absolument pas.

Jetant quelques regards en direction du marchand toujours absorbé par sa conversation, je repris une profonde inspiration et glissai à nouveau ma main vers les vivres. La douleur reprit de plus belle et mon bras percuta une pile de brioche qui tomba à terre.

– Mais... Qu'est-ce que vous faites ? m'interrompit une voix féminine d'un âge mûr.

Une montée de stress d'anxiété me fit lâcher les pains qui tombèrent au sol, s'éparpillèrent, et roulèrent jusqu'aux pieds du marchand. Celui-ci me regarda, interloqué, comme s'il essayait de comprendre ce qu'il se passait. Seulement quelques secondes suffirent et l'homme s'époumona.

– Sale petite... GARDES ! Aux voleurs !

Après une légère analyse de la situation, j'attrapai quelques pains qui étaient tombés, histoire de perdre le moins de vivres possible, avant de me mettre à courir. Le marchand ainsi que deux gardes étaient à mes trousses. Cherchant désespérément une échappatoire, je m'élançai dans une ruelle en pierre et bifurquai dans un petit renfoncement sombre. Mon rythme cardiaque s'accélérait et mon souffle se raccourcissait.

Continuant de courir, je me faufilai à travers les rues. S'il y avait une chose de bien au fait de vivre dehors, c'était de connaître chaque petit recoin permettant à un moment comme celui-ci de survivre. Jetant de rapides coups d'œil derrière moi, je m'enfonçai dans une voie sans issue. Enfin, sans issue... uniquement lorsque l'on est large comme un ou deux tonneaux. Depuis que j'errai dehors, mon poids avait diminué d'une bonne dizaine de kilogrammes. Bon, je n'étais pas mince pour autant, mais je pouvais passer dans à peu près tous les passages les plus étroits.

Il n'y avait plus qu'un garde à mes trousses. Il ne me restait plus que quelques mètres avant d'atteindre la petite jointure ouverte entre les deux habitations qui me faisaient face. Seulement, je ne l'atteindrais pas. Je devais ralentir le rythme de ma course du fait que mon souffle commençait à se restreindre plus que d'ordinaire. Je sentais l'air quitter mes poumons sans inversion jusqu'à ce qu'il me manque réellement.

Prise d'une quinte de toux, je commençai à vaciller. Chacun de mes membres tremblait et refusait d'obéir aux ordres de mon cerveau. Ma vision devenait de moins en moins stable et ma tête me faisait terriblement mal. Mais je ne voulais rien lâcher. C'était arrivé une fois. Une seule. Et j'avais réussi à m'en sortir. Je pouvais le refaire.

Tentant un dernier effort pour atteindre le mur. Mes jambes me lâchèrent et je m'écroulai à terre. Mon mal de crâne s'était amplifié et tous mes sens perdirent de leur intensité.

– ...Là ! intervint une voix à peine audible.

– ...Te tiens.....mène la ! lui répondit une autre.

– Elle ne ...échapper !

*

Au réveil, ma tête me faisait toujours mal. Ce n'était pas la première fois que cela m'arrivait. Mais à chaque fois, ce mal prenait une ampleur considérable et je ne savais pas exactement quelle en était la source. Déjà malade à mon âge... la vie était réellement triste. Sans me relever, je tâtai le sol du bout des doigts. Une chose était sûre, je n'étais pas chez moi. De toute façon, je n'en avais pas.

Crachotant les quelques grains de sable qui avaient infiltré ma bouche, j'essayai de me redresser. À peine j'eus le temps de me lever complètement qu'une lumière vint s'agiter rapidement devant moi, me faisant retomber à terre.

– Alors ma jolie, on a faim ? me questionna l'un des gardes masculins.

Deux hommes se mirent à rire.

– Cette fois-ci, tu ne sortiras plus ma chérie. Le vol est puni d'emprisonnement. Tu as de la chance d'avoir encore tes deux mains.

– Sérieux. C'est quoi leur problème ? Eux, ils ne crèvent pas de faim à ce que je sache, chuchotai-je de façon à ce que ces imbéciles ne m'entendent pas.

Toussant de nouveau, je les ignorai. La pièce était sombre, petite et sale. De longs barreaux cuivrés me séparaient des deux idiots de gardes. Ils portaient la tunique gris clair aux bordures dorées de la Garde Royale. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre que j'étais gardée prisonnière dans les geôles du Château d'Hardred.

Génial. Moi qui ne devais pas être découverte, je me retrouvais au plus proche de ce que j'évitais. Depuis que ma mère avait disparu, je devais me cacher. Ma tête n'était pas mise à prix, mais je détenais des informations, soi-disant, valant plus que ma propre vie. Et comme elle était introuvable, ils s'en prenaient à moi. D'après les avis de recherche, ma mère avait de nombreux secrets dont j'ignorais l'objet. Avis qui, au passage, ne citaient que mon nom puisque jamais ils n'avaient pu avoir la chance de voir ma petite tête.

M'installant dans le coin « couché », c'est-à-dire au fond de la cellule, j'observai les deux hommes. D'après leur conversation, ils avaient, je cite, « un meilleur joujou » que moi et ils semblaient bien s'éclater.

– C'est ça qu'on appelle la Protection du Royaume ? Tu parles, crachai-je dans un juron.

Après avoir parlé de techniques de torture, ils échangeaient maintenant sur le moyen de « se faire » la Gouvernante du secteur « Habillement et Linge ».

Pauvre femme. Se faire reluquer par des types pareils... Beurk.

Soudainement, un hurlement masculin retentit, m'arrachant à leur conversation.

– Qu'est-ce que c'était ? murmurai-je.

Un second hurlement résonna dans la pièce, hérissant mes poils. Puis un troisième. Un quatrième... Cela n'en finissait pas !

Après un moment, qui m'a paru être une éternité, quatre hommes armés passèrent devant ma cellule. Deux hommes traînaient un corps à demi-nu masculin, glissant à moitié sur le sol. Un autre portait comme un long fouet noir rongé par un liquide rouge noirâtre. Un dernier tenait une grande tige de fer jaune orangé en son extrémité.

Des images de tortures traversèrent mon esprit. Que lui avaient-ils fait subir ? Étais-je la prochaine ? Me recroquevillant sur moi-même, je tentai de ne pas paniquer, de ne pas hurler.

– Allez, entre là-dedans ! Maudit Valroth, gronda un garde.

L'accrochant au milieu de la cellule, qui se trouvait face à moi, deux hommes lui donnaient de nombreux coups dans le ventre. L'homme ne disait plus rien et gisait les bras accrochés à des chaînes le surélevant du sol. Les deux gardes quittèrent la pièce.

L'homme suspendu ne bougeait pas. Contrairement à ma cellule, de nombreuses torches illuminaient la sienne, me permettant de mieux le voir malgré la distance. De ses bras pendus s'écoulaient de longues traînées de sang, longeant son torse jusqu'à créer une flaque titanesque à ses pieds. Son torse à peine visible semblait porter de nombreux coups et blessures telles que des brûlures. Je ne pouvais pas comprendre ce qu'il se passait, avec tant de sang perdu, aucun homme ne pourrait survivre ! Mes yeux n'arrêtaient définitivement pas de le fixer. Mon ventre gronda au moment où mon regard se posa sur ses cuisses nécrosées par le manque d'hygiène. Je voulus vomir, oublier ce que je venais de voir. Je me retournai d'un coup, regard vers le fond de ma cellule, la main à la bouche. J'allais réellement régurgiter. Pauvre homme... Comment pouvait-on en arriver à ce point ? Comment pouvait-on être aussi cruel ? Torturer une personne presque morte... Comment...

Même si mon cœur saignait, je ne pouvais tout de même pas l'ignorer. Il ne méritait pas un sort si triste, quand bien même il pouvait être un criminel. Je me mis à nouveau face à lui, tentant de garder la tête haute. Mes yeux devinrent brillants sous tant d'indignation de la part des gardes. Je ne distinguai pas très bien le prisonnier puisque le feu m'éblouissait mais je pouvais lui donner facilement une trentaine d'années. De longs cheveux ébène retombaient devant son visage, pendus dans le vide, face à lui. Compassion et apitoiement s'étaient emparés de moi. Malgré l'absence de propreté, je jurai qu'il devait être quelqu'un d'important. Les muscles de ses cuisses étaient bien proportionnés malgré son sort, sa carrure laissait entendre qu'il venait d'une famille plus ou moins noble et ses cheveux, bien que sales, étaient d'un soyeux plus qu'étrange.

*

Contrairement à mon confrère de prison, le seul, j'étais plutôt bien traitée. On m'apportait mon repas une fois par jour et les gardes, pour l'instant, ne s'en étaient pas pris à moi. Pourquoi ? Aucune idée ! Mais cela-dit, je ne m'en plaignais pas.

La Garde était présente jour et nuit. Je ne saurais dire depuis combien de temps j'étais enfermée. Peut-être huit jours ? Plus ? Ou peut-être moins. Mais j'avais compris que la Garde était composée de sept personnes. En tout cas, j'avais pu apercevoir minimum sept personnes différentes. Deux d'entre elles restaient à proximité de nous, tandis que les autres demeuraient dans une autre pièce. Je les entendais souvent s'esclaffer et hurler, pour ne pas dire autre chose. En tout cas, j'avais cru comprendre que je n'étais pas une menace mais que, je cite, « cela faisait du bien de voir une minette dans les geôles » et que donc, ils ne me laisseraient pas sortir.

Hourra.

Mais bon, ils avaient mal identifié la marchandise, car jamais je ne périrais dans cette cellule pour leurs « beaux yeux ». Comme à son habitude, mon instinct de survie se laissait entendre. Je devais à tout prix trouver un moyen de sortir avant que les gardes découvrent que je figurais sur la liste des personnes les plus recherchées de tout le Royaume, bien qu'ils soient un peu trop idiots pour le comprendre...

Plusieurs autres jours étaient passés et le même rituel se répétait. Nourriture pour moi, torture pour lui. J'ignorais tout de cet homme. Ou tout du moins ce qu'il en restait. Malgré tout, quelque chose m'intriguait. Au fil des jours, l'homme était de plus en plus torturé, pourtant, ses blessures ne s'aggravaient pas. Cet individu était soit incroyablement fort, soit un Mage, mais je n'étais pas sûre que les Gardes s'amuseraient à garder un homme qui guérissait éternellement. Quoique ? Ils étaient tellement bêtes.

Je ne pouvais pas dire que l'ennui prenait tout mon temps. Mon voisin d'en face était une intrigue et je me posai une multitude de questions à son sujet. Parfois, je me prenais même à le dévorer du regard. Ce qui était très drôle, d'ailleurs, car qui oserait faire une telle chose ? Pourtant, je ne pouvais faire autrement. Ses cheveux m'obsédaient et son visage me troublait. Peu visible à cette distance, je n'avais qu'une envie, y promener mes doigts, suivre ses traits fins alors que jamais je n'avais eu ce genre d'attention envers quelqu'un. Jamais.

*


Mon réveil était plutôt turbulent aujourd'hui. À travers les parois froides des murs, je pouvais entendre de nombreux cris, des hurlements et des explosions. Ce matin, aucun garde n'était à son poste.

L'heure était venue.

J'analysai ce qui m'entourait comme si un objet libérateur était apparu pendant la nuit. En examinant un peu mieux les barreaux, je m'aperçus qu'ils n'étaient plus en très bon état. Attrapant une barre solidement, je commençai à la gratter de mes ongles. De nombreuses pellicules de fer tombèrent au sol. La rouille avait complètement consumé les barreaux. Je grattai à en saigner, mais je m'en fichais. Je voulais sortir. C'était tout ce qui comptait.

Même si mes ongles avaient réussi à creuser la barre dans sa quasi-totalité, la dernière fibre ne céda pas. Je fis de même avec un second. Cela ne me prit pas bien longtemps. J'étais plutôt une personne habile et la douleur pouvait être soutenable tant que je pouvais rester debout. Ce barreau était un peu plus robuste que le précédent et mes ongles n'avaient malheureusement pas réussi à tout retirer. Il me fallait donc trouver quelque chose d'autre. Après réflexion, une idée me vint à l'esprit. Les gardes posaient leurs appareils de torture sur une table près de la porte à droite, donc en toute logique, proche de ma cellule. J'espérais de tout cœur qu'ils y soient. Passant mes bras à travers les barreaux, j'attrapai le pied de table. Je mis toutes mes forces pour la tirer. Un bruit énorme retentit dans les geôles. Je me précipitai vers le fond de ma cellule, le cœur battant la chamade, recroquevillée et en alerte.

Personne n'était descendu. Je me rapprochai à nouveau avec prudence et tirai la table jusqu'au-devant de ma cellule. Me relevant, je découvris les outils que je convoitais tant. Génial !

Attrapant la barre de fer, je pris une grande inspiration.

– Ça va marcher. Ça va marcher. Ça va marcher, me répétai-je en boucle.

Je plaçai donc la barre de fer horizontalement entre deux barres de façon à créer une sorte de levier. Prenant une grande inspiration, je poussai sur la barre de toutes mes forces. Mes pieds glissèrent sur le sable et je tombai à terre. Me relevant, je pris une impulsion plus forte sur mes jambes et, enfin, l'un des barreaux céda. Un sentiment de joie me prit. Je recommençai avec un second. Le trou était encore trop mince pour que je puisse passer. Je me mis à plusieurs reprises dans la même position et retentai une multitude de fois l'action jusqu'à ce que l'espace soit suffisant.

Sortant de ma cellule et récupérant mon havresac, je me mis à courir vers les escaliers. Montant à toute vitesse, j'aperçus la lumière du jour, qui tentait de traverser la vieille porte en bois. Un sourire indélébile se dessina sur mes lèvres. J'allais pouvoir sortir.

Pourtant, contre toute attente, mon corps se figea.

Attends... Et lui ? 

***********************************

Notes :


Différence entre Magie et pouvoirs = Une magie regroupe différents pouvoirs. Une magie de Nature par exemple regroupe la guérison par les plantes, la métamorphose animale et végétale, la création de la vie végétale, etc. Un pouvoir sera par exemple la métamorphose animale.  


 1 = Mages et niveaux : dans cette fiction le rang des Mages est calculé en fonction de leurs réussites aux différentes Épreuves (Occluse et le défi de la Déesse).

- Mage de niveau 1 = Classe de Mage ultime. Ils excellent dans deux domaines de Magie. Exemple = Magie de Feu et Magie liée au Psychisme.

- Mage de niveau 2 = Classe de Mage supérieure. Ils excellent dans un domaine de Magie et ont également un pouvoir magique d'un autre domaine de niveau simple. Exemple = Magie de Feu et pouvoir de guérison simple de lumière.

- Mage de niveau 3 = Classe de Mage simple. Ils possèdent un ou plusieurs pouvoirs de de deux magies différentes. Exemple = Pouvoir de nature et psychique : métamorphose animal et vision augmentée.

- Mage de niveau 4 = Classe de Mage novice. Ils possèdent un ou plusieurs pouvoirs d'un même type de magie. Exemple = Pouvoir de Gel : Création de cristaux de glace et congélation d'un objet.

- Mage de niveau 5 = Classe de Mage inférieureIls possèdent un seul pouvoir simple. Exemple = Pouvoir de Feu : création de boules de feu.

Chaque Mage peut évoluer dans sa catégorie mais un Mage de niveau 4 ne pourra pas devenir un Mage de niveau 3 par exemple. Ni l'inverse.


 2 = l'Épreuve de l'Occluse et le Défi de Nehräh  : afin de protéger ses terres durant sa période de faiblesse, la Déesse décida de donner la possibilité, aux enfants du Royaume, d'obtenir le pouvoir de réguler le monde. Afin de les choisir, elle créa deux épreuves (qui seront expliqué au fil des chapitres).


***********************************  


Lien image : http://heizui.deviantart.com/art/girl-portrait-414581816

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