Je me réveille avec une bonne odeur de pain au chocolat chaud. J'ouvre les yeux et vois Kierra sur le bord du lit.
-Surprise! s'exclama-t-elle.
Sur ses genoux se trouve un plateau, il est remplit de pain au chocolat, avec un bol de lait chaud, et un grand verre de jus d'orange. Le réveil parfait! Je la remercie, et nous mangeons toutes les deux. Cette surprise, c'était pour marquer notre dernière journée ensemble. En fin d'après midi, nous repartirons, reprendrons notre quête.
-J'ai une deuxième surprise pour toi, me dit-elle en sortant un petit sachet rose de sa poche.
Elle me le tend, je l'ouvre. J'en sors un magnifique bracelet. Il est en argent, enroulé, avec aux extrémités, deux perles de culture. Je le regarde ébahis, il est incroyable, délicat, simple, mais incroyablement beau. Sur une des perles, les reflets sont gris, et sur l'autre, il sont plutôt bleus, cela s'accorde à merveille. Je le met à mon poignet, Kierra me regarde en attendant que je dise quelque chose. Je lui saute au cou, elle va tellement me manquer. J'espère vraiment que nous pourrons nous revoir un jour.
-Quand tu regarderas ce bracelet, tu penseras à moi. Ça te permettras de ne pas m'oublier, me chuchota-t-elle au creux de mon oreille.
-Jamais je ne t'oublierai, même sans ce bracelet.
J'aimerais lui offrir quelque chose, mais je n'ai pas d'argent de l'Atlantique. Puis d'un coup, j'ai une idée. Je lève mes mains, et créé un coeur de glace, à l'intérieur, je mets la date de ce jour.
-Ce coeur ne pourra jamais dégeler, même auprès d'un feu. Garde-le en souvenir de moi.
Nous avons toutes les deux les larmes aux yeux, les adieux vont être difficiles. Je soupire profondément, ce n'est pas le moment de pleurer.
-Tu veux faire quelque chose? me demanda-t-elle.
-Qu'est ce qui est incontournable en Atlantide? répondis-je.
-Il y a l'allée des glaces, mais ça ne devrait pas t'impressionner. C'est une allée immense constituée de statue de glace, je suis sur que tu saurais toutes les refaire. Sinon il y a la salle bleutée, c'est un endroit vraiment magique! C'est une immense salle de méditation, tu peux entendre des choses, comme si les dieux te parlaient. Lorsque tu en sors, tu te sens incroyablement bien, me dit-elle un sourire aux lèvres.
-D'accord, allons y!
Elle se lève et m'entraîne par la main. Nous allons vers un carrosse royale, puis nous partons vers la salle bleutée.
Au bout de dix minutes, nous arrivons. Kierra sort une clé de sa poche, en or, avec de petits diamants bleus. Elle l'insère dans la serrure, la tourne, puis la remets à l'intérieur de sa robe rose pâle. Elle ouvre délicatement la porte, puis entre dans cette fameuse salle. Cinq personnes au maximum peuvent y entrer en même temps. Nous sommes seules aujourd'hui. Je suis ébahis, la salle est ronde, avec des reflets bleus et est très peu éclairée. Je m'installe sur une des nombreuses marches.
-Ferme les yeux, puis écoute les dieux et les ancêtres te parler, chuchota Kierra.
Je la voit inspirer profondément. Je l'écoute et ferme mes paupières, je n'entend pour l'instant. Je me concentre, puis d'un coup, je me crispe, je viens d'entendre un chuchotement. Il était tellement doux, tellement legé, que je n'ai pas entendu les paroles.
"Tu es une âme maudite, ton destin est maudit, mais tu vas y arrivera. Les dieux sont avec toi, ils te font confiance. Tu n'es pas une personne normale, tu es différente, tu dois te battre, tu es en danger, tu es une battante aussi. Le peuple t'attend, écoute ton coeur, il te guidera. Ton futur proche est cruel, tu t'en sortira, seulement si tu y cois, seulement si tu arrive à franchir les barrières de la cruauté. N'oublie jamais, les dieux sont avec toi..."
Je reprends mes esprits lentement, les dieux sont avec moi? Je me demande ce que cette douce voix de femme voulait dire. Je me concentre de nouveau pour avoir de nouvelles informations, en vain. Kierra est toujours dans son monde, sa bouche fine légèrement ouverte. Puis sans que je m'y attende, une voix grave d'homme retentit. Beaucoup plus forte que la précédente.
"Tu es une âme maudite, ton destin est maudit, tu n'y arrivera pas. Les dieux te haïssent, ils n'ont aucune confiance en toi. Tu vas mourir, le grand Amaury Stultus nous l'a garantit. Il t'attendais, il savait que tu ne serais pas comme les autres, mais il va te faire mourir, comme il a fait mourir les braves gens avant toi. Tu es spéciale, l'Autre est spécial, et vous mourrez, ensemble dans la noirceur cruelle de la vie..."
Je reste abasourdie pendant plusieurs secondes. Quand je rouvre mes yeux, Kierra me fixe avec stupeur. Elle ouvre la bouche pour parler, mais ne trouve pas ses mots.
-Tu... Il... Pourquoi..., souffla-t-elle dans un murmure, plus pour elle que pour moi.
Je la regarde, je ne l'avais jamais vu dans cet état, j'ai l'impression qu'elle ne peut plus rien contrôler.
-J'ai entendu la voix du dieu qui te parlait, c'est impossible! Normalement, une seule personne à la fois peut entendre les voix de la dignité, s'écria-t-elle désespérée.
-Tu l'a entendu, le fou qui me parlait?
Elle eu un hoquet de stupeur.
-Excuse toi! Tout de suite, on n'insulte pas les dieux!
-Je suis désolé, j'avais oublié que c'était un dieux de votre monde qui me parlait.
Le soulagement passa sur son visage, puis la crainte s'y installa de nouveau.
-Tu es en grand danger, si les dieux t'ont maudits, tu vas mourir!
-Une autre déesse m'a dit juste avant que j'allais réussir, que j'étais différente, lui dis-je.
-Impossible, me dit-elle, catégorique.
-Je te jure que si, c'était une voix de femme!
-C'est impossible, les dieux ne peuvent pas se tromper, hors, tu me dit que l'un t'a dit quelque chose et l'autre l'inverse.
Je soupir, je sais ce que j'ai entendus quand même!
-Kierra, je te promets que je te dis vrai. Cela te parait impossible, mais c'est la vérité.
-D'accord, je te crois. Sortons d'ici, il faut allez au palais royal, prévenir mon père. Les dieux ont fait une erreur, ce n'est jamais arrivé... Enfin une fois.
-Qu'est-ce que tu veux dire?
-Il y a plusieurs siècles, il y avait eu deux versions, comme toi aujourd'hui. Une femme maudite, elle est morte deux jours plus tard, soupira-t-elle en baissant les yeux.
Nous marchons en silence jusqu'au palais. Kierra passe par les souterrains, ils mènent directement à sa chambre, ses parents et moi sommes les seuls à le savoir. Son père est sur le trône, comme quasiment tout le temps. Sa mère arrive quelques secondes plus tard. Elle me fixe avec un immense sourire, puis viens me prendre dans ses bras. Elle est magnifique, l'âge n'a pas déformé ses traits, on dirait encore une jeune femme. Elle porte une robe violette à volant et des bijoux d'argent.
-Comment vas tu? me demanda-t-elle de sa douce voix.
Je regarde Kierra, je vais la laisser répondre à ma place. Elle se place devant moi et explique la situation. Son père se lève, ses traits sont déformés par la colère.
-Pars d'ici, tu n'es plus la bienvenue. Je ne veux plus jamais te revoir, tu es maudite, tu es une menace pour mon peuple, ma famille et moi même.
-Non! s'écria Kalys.
Elle s'avance vers son mari, et se place devant les marches de marbre et d'or.
-Laisse lui le temps qu'elle se remette. Son départ est prévu pour ce soir, elle partira donc dès que le soleil se couchera, pas avant. Je suis la reine, ta femme, j'ai aussi des droits. Je décide donc de la protéger tant qu'elle sera sous mon toit, continua-t-elle.
Le roi, maugréant dans sa barbe, se rassoit. L'amour qu'il porte à sa femme est donc vrai. Kalys m'entraîne dans les couloirs du château, elle aussi va beaucoup me manquer. Elle ouvre la porte et me pousse à l'intérieur de sa chambre. Elle m'oblige à m'asseoir sur son lit, elle me coiffe et me maquille. Je la remercie cent fois, elle me répond qu'elle est vraiment heureuse de le faire. Nous passons un agréable moment, la musique vient combler mon bonheur. De la musique assez classique, tout en étant moderne, j'adore. La matinée se passe, puis nous allons manger dans un grand restaurant très connu en Atlantide.
Le repas était vraiment excellent, je découvre de nouvelles saveurs à chaque plat que je mange dans ce royaume incroyable. Ce soir, nous repartirons, nous nous rejoindrons devant la porte principale du palais royal. L'après midi se passe vite, et je repense à peine à ce qui m'est arrivé ce matin. Je ne vais pas avertir Justin, ni les autres, cela les inquiéterait. Je profite de mes dernières heures avec Kierra. Je me lie rarement d'amitié avec des personnes, Jade est ma seule véritable amie au lycée, j'aime bien certaine filles de ma classe, mais je ne les considèrent pas comme des amies. Kierra est la deuxième personne avec qui je me suis vraiment lié d'amitié. Elle a beau être différente, avec une peau bleutée, des cheveux blancs, et des marques blanches pour honorer les dieux, je l'aime comme elle est.
A vingt heures, nous sommes tous rassemblés devant la porte principal du palais royal. Kierra et sa mère nous accompagnent, ainsi que deux gardes et deux femmes de chambre. Nous allons à la barrière magique, seul les sirènes peuvent la traverser. Sinon, pour sortir de l'Atlantide, il faut aller sous les tunnels du château, il faut que le roi soit d'accord, et il n'a jamais donné l'autorisation à des gens du peuple.
Arrivé à la barrière magique, nous faisons nos adieux. Kierra laisse couler ses larmes sur ses joues, quand à moi, j'essaie de me retenir. Nous nous serrons dans nos bras, puis nous voyons les sirènes de l'autre côté, elles nous attendent. Je vois une sirène passer son bras par le portail, je le prends pour qu'elle m'emmène au delà du royaume. Aussitôt que je l'ai touché, je me sens partir à une vitesse incroyable. Seulement quelques secondes plus tard, je reprends ma respiration. Je ne perd pas de temps et créé trois barques. Dès que Justin sors sa tête de l'eau, il me rejoint à l'intérieur de l'une d'elle. Une fois tout le monde arrivé, Suzie et moi les faisons avancer à l'aide d'un courant. Justin et moi prenons les rênes des chevaux et les entraînons à notre suite. Nous devrions arriver à la frontière entre les humains et les sorciers d'ici une petite heure. Dès que nous y serons, nous arrêterons la magie. Nous regagneront la terre à la nage, cela ne nous prendra seulement vingt minutes.
Nous arrivons à la frontière lorsque la nuit commença à tomber. Je me glisse lentement dans l'eau. Elle est fraiche, pas froide, c'est très agréable. Nous pouvons déjà apercevoir la terre du Brésil d'ici. Nous nageons pendant près d'un quart d'heure, puis arrivons sur le sable fin. Je m'allonge dessus dès que je le touche, nous dormirons à la belle étoile cette nuit. Je regarde quelques instants le croissant de lune brillant, puis m'endors dans un sommeil profond...