Le Tour de l'Univers en 10-43...

By ManuBreysse

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Sareth est Pharaon sur une planète perdue à l'extrémité d'un bras de la voie lactée, jusqu'au jour où il est... More

Avant-propos - Fermi, Humains et Paradoxe
Chapitre 1 - Olhem, Rêve et Assassinat
Chapitre 2 - Vortex, Taxi et Georges
Chapitre 3 - Bibliothèque

Chapitre 4 - Désespoir, Bar et Diabolo-plutonium

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By ManuBreysse




En tant que souverain incontestable de l'Olhem, Sareth avait été responsable de la mise à mort d'un bon nombre de personnes, mais il n'avait jamais réellement tué un Olehmite de ses propres mains. Déambulant dans les rues étroites d'une ville inconnue, il aurait cru ressentir plus de remords après avoir mis fin aux jours d'une innocente, bien qu'exaspérante, créature. Au lieu de ça, il ne ressentait qu'une importante nostalgie pour son monde natal.

Il est une loi des plus curieuses dans l'univers voulant que chaque créature mâle soumise au désespoir finisse par croiser la douce et chaleureuse lueur émanant d'un bar enfumé. Sareth étant précisément dans cet état d'esprit, il finit par franchir le seuil du seul type d'établissement qui volait plus de clients aux psychiatres que le suicide. Les bars représentent des endroits de fête et de convivialité, c'est pourquoi ils attirent tant de personnes déprimées. Pourtant, celui dans lequel pénétra Sareth était glauque : pas bien grand, une faible lumière éclairait la salle, de la poussière recouvrait les tables et le sol. Lorsqu'il avança, une vingtaine d'yeux appartenant à moins de huit clients le dévisagea, avant de reprendre leur contemplation béate du liquide se trouvant sous leur nez.

— Qu'est-ce que je vous sers ? demanda le patron, une créature violette à six tentacules, en train de nettoyer des verres derrière son comptoir. Venant juste de débarquer sur la planète, Sareth ne sut pas quoi répondre.

— Euh... Je prendrai un... diabolo-plutonium.

Le nom du breuvage fit naître le respect dans le regard des autres clients. Une créature au fond de la salle s'exclama même :

— Ça, c'est un gars qui n'a pas froid aux yeux ! C'est bien mon garçon, fais voir à ces nouilles de quel bois tu te chauffes !

Sareth se demandait s'il avait bien fait de choisir ce type de breuvage, mais en tant que roi et représentant de l'Olhem, à qui il fallait rendre sa vraie grandeur, il ne pouvait plus reculer. Il se rassura en pensant qu'après tout, s'ils en vendaient, c'était que ça ne devait pas être bien méchant...

C'est sur ce genre de considérations intuitives et totalement erronées que la majeure partie des malentendus dans l'univers naît. Inutile de préciser que le diabolo-plutonium n'est pas une boisson ordinaire, et qu'en général seuls les géants de Xersix sont habilités à en boire sans trop subir d'hémorragies internes. Cependant, aucun Olehmite n'ayant jamais bu une telle boisson jusqu'à aujourd'hui, il se pouvait que ses effets soient différents. Certains prétendent que, parfois, le breuvage se montre plus clément en ne court-circuitant que momentanément la capacité du buveur à distinguer l'espace tridimensionnel des autres dimensions. Avant, bien évidemment, de lui faire subir un broyage de cerveau digne des plus atroces tortures médiévales.

— D'où est-ce que tu viens, étranger ? lui demanda le barman.

— De l'Olhem.

— Jamais entendu parler.

L'ignorance du barman pour le monde de Sareth, qui représentait tout ce en quoi il croyait, redonna du courage au roi à qui l'on venait de présenter un liquide d'une couleur dorée et fort alléchante. Sareth porta le verre à sa bouche. Lorsque la boisson pénétra à l'intérieur, ce fut sa langue qui se révulsa en premier. Prise de crampes et d'étourdissements, elle n'eut pas le temps d'informer l'œsophage qui déjà, se contractait par violents spasmes transversaux. Ensuite, la chose atteignit directement son lobe occipital, lui brouillant momentanément la vision, avant que son cerveau ne semble imploser dans un bruit bigbanguesque. L'Olehmite resta immobile pendant plusieurs minutes, les yeux tournés à l'intérieur, avant de reprendre une gorgée. Cette fois-ci, il réussit à sentir son estomac se contorsionner comme pour mieux fuir par l'une ou l'autre de ses deux extrémités. Il répéta ce geste trois fois avant que le verre ne soit vide, sous les yeux incrédules du barman. À la gauche de Sareth se trouvait un être à la morphologie humanoïde, mais à la peau jaune nacrée, devant lequel se trouvait une dizaine de verres contenant un fond du même liquide doré. Le regard de l'homme aux cheveux blond était vide, et de sa bouche sortait un très fin filet de salive, indiquant probablement un degré avancé de « légumisation ».

— Il n'a pas arrêté de boire de la soirée.

Le barman s'était adressé à Sareth, voyant ce dernier essayer de comprendre comment un filet de bave pouvait tenir si longtemps pendu à une lèvre.

— Je n'ai pas vraiment compris, poursuivit le patron, mais il semblait dire que plus rien ne valait la peine de vivre avant de s'immobiliser comme une asperge géante. Lui aussi ne devait pas connaître le diabolo-plutonium. Je vous en ressers un autre ?

— Non merci, ça ira, répondit Sareth encore sous le choc du premier verre.

— Pour moi, remettez-m'en un double !

Le légume s'était subitement réveillé au nom du breuvage. Le patron le regarda dans le blanc des yeux avant d'ajouter :

— Je pense que vous avez assez bu.

— Peut-être, mais c'est le seul moyen d'oublier ce qui est arrivé à la bibliothèque.

Ce n'est pas parce qu'il avait parlé en regardant à la fois ses pieds et le plafond que sa phrase interpella Sareth, mais parce que l'incident avait eu lieu à peine dix minutes plus tôt.

— Vous pouvez répéter ? Vous étiez à la bibliothèque aujourd'hui ?

— Oui, lorsque tout ça, est arrivé, dit-il avec un geste vague.

Sareth, à l'état d'ébriété moins avancé que son compère de beuverie, fit preuve d'une plus grande éloquence se traduisant par :

— Vous parlez de la disparition du sens de la vie ?

Cette fois-ci, la créature saoule se retourna pour le regarder dans les yeux.

— Oui. Comment savez-vous ?

— J'y étais.

— Vous ne trouvez pas ça horrible ? Ce qui est arrivé à cette Varlone ?

Sareth faillit s'étrangler. Après avoir toussé plusieurs fois, il prononça avec difficulté :

— Si... si, bien sûr.

— Vous devez être le seul alors, personne ne peut blairer les Varlons.

Le roi fut soulagé, bien qu'il eut des difficultés à apprécier l'humour de son compagnon de cuvée, et ce, même si cet humour était profondément élimé par une vague de dix verres de diabolo-plutonium.

— Jah Covala, enchanté.

Sareth mit un certain temps avant de comprendre qu'il s'agissait du nom de... de ce gars.

— Sareth Têth Alraï, je viens de l'Olhem.

— Ah ? Moi je ne sais plus d'où je viens. Pour tout vous dire, je n'en sais plus grand-chose, mais ce n'est pas important. Plus maintenant, du moins.

— Vous cherchiez le sens de la vie ?

— Oui bien sûr, mais personne ne peut comprendre...

— Si, moi je peux comprendre. Le simple fait de savoir que cette civilisation possédait la réponse au sens de la vie me donne des frissons...

— Avec tout ça, je ne saurais jamais plus qui je suis, continua la créature blonde, sans se soucier d'avoir coupé la parole à Sareth, qui avait du mal à comprendre les paroles de son homologue dépressif.

— Vous ne savez pas qui vous êtes ? Vous m'avez donné votre nom...

— Un nom peut très bien être inscrit sur l'étiquette de votre caleçon, cela ne vous dit pas qui vous étiez ! J'ignore tout. Cela va bientôt faire deux ans que j'ai perdu la mémoire et, rien, pas même le pathétique bout de papier qui m'encombre les poches, ne m'évoque le moindre souvenir.

Il lui présenta un papier sur lequel se trouvaient des inscriptions dans une autre langue.

Sareth, qui ne tenait pas particulièrement à écouter l'alcoolique déballer ses problèmes personnels, allait se lever. Pourtant, il invita son interlocuteur à poursuivre son discours d'un mouvement de tête encourageant, comme si son corps avait voulu en savoir plus que lui. Ce phénomène appelé, « l'auto-contradiction », est bien connu des psychiatres. Il signifie que le sujet se contredit consciemment, car son « Moi » intérieur ressent parfaitement l'inintérêt relatif qu'aurait l'acte premier. C'est pour cette raison que le surmoi envoie un ordre au « Ça », et rectifie le tir. L'idée de se faire expliquer le monde dans lequel il venait de débarquer, par une personne saoule, n'inspirait pas vraiment Sareth. C'est donc son inconscient qui, ayant une irrémédiable envie d'en apprendre plus, avait pris le relais, l'obligeant à agir contre sa volonté.

— Je suis incapable de vous dire si j'ai de la famille, reprit Jah, d'où je viens ou ce que je fais dans la vie. Comme personne n'a essayé de me contacter durant ces deux années, je ne dois manquer à personne...

Sur cette parole déprimante, il vida le contenu d'un verre que le barman avait malgré tout rempli, soucieux d'en découvrir plus sur ce client dont la tête lui rappelait vaguement celle d'un people.

Le fait de confondre volontairement deux visages pour se donner l'impression de vivre un évènement vraiment extraordinaire, alors qu'il est d'un affligeant prosaïsme, est décrié comme un délire d'autosatisfaction et de glorification de soi-même. C'est un acte que l'on fait lorsqu'on n'est pas sûr d'une chose, mais dont on veut à tout prix s'en convaincre pour donner de l'importance au moment vécu, et à soi-même.

— Et puis sincèrement, croyez-vous que je chercherais le sens de la vie si je savais qui j'étais ?

Il est vrai que Sareth n'avait jamais bien pu supporter l'alcool ; encore aurait-il fallu que le diabolo-plutonium en contienne. Néanmoins, il ne voyait pas du tout le rapport entre le sens de la vie et ses soi-disant capacités thérapeutiques que vantait l'amnésique. Il mit ça sur le fait qu'il avait bu, qu'il n'était pas de ce monde et qu'il ne comprenait plus grand-chose ces derniers temps.

Le barman aux six membres leur annonça que l'établissement allait fermer. Il demanda à Sareth la somme de 4 Solts de platine.

— Je n'ai pas d'argent... voulut-il s'excuser, sans pour autant réussir à y mettre le ton désolé attendu et très apprécié dans ces instants délicats.

Le barman n'y vit qu'affront et irrespect, deux notions qu'il n'avait jamais comprises, mais qu'il ne pouvait supporter. Son ton chaleureux et cordial s'effaça totalement pour laisser place à une mimique colérique. Il ressentait une envie pressante de ventouser de l'étranger.

— Laisse, Joe. Je le lui paye. Je pense avoir un point commun avec ce gars-là.

Descendant du tabouret, Jah, qui venait de lui sauver la vie, perdit l'équilibre et tomba. Par un réflexe surhumain et imprévisible, Sareth le rattrapa avant qu'il ne touche le sol. Plus tard, le roi se rappellera que Jah tombait plus lentement que la normale, émettant l'hypothèse que c'était dû à la boisson ingérée. Notons ce fait étrange qu'est le pouvoir de la boisson sur l'inertie des corps en chute libre.

— Merci pour l'argent. Je n'ai vraiment rien à...

— De rien, c'est tout naturel. Je n'aime pas voir Joe tabasser des clients tant que je ne suis pas complètement conscient. Que diriez-vous de m'accompagner chez mon psy ? Je viens de me souvenir que j'avais rendez-vous. Je pensais que le diabolo-plutonium m'aiderait, mais j'ai eu toooort...

Le blondinet se précipita soudain vers la sortie, une main devant la bouche. Sareth crut qu'il s'étouffait. Ce n'est que lorsqu'il sortit, et qu'il entendit le bruit caractéristique, qu'il comprit. En effet, une fois dehors, Jah s'était littéralement jeté sur la chaussée pour vomir pendant une bonne vingtaine de secondes. Il s'essuya la bouche avec sa manche, avant de revenir près de Sareth, comme si de rien n'était. Lorsque Jah reprit la parole, Sareth avait perdu le fil de la conversation.

— Il faut bien qu'il bosse un peu, vu ses honoraires. Il vous plaira, j'en suis sûr.

***

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