A l'encre de notre histoire

By BlandineAlvarez

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A l'encre de mon histoire.... Ou plutôt de la notre... Je m'appelle Cassandre, j'ai 23 ans et je m'apprête à... More

Jour 1 - Samedi
Jour 2 - Dimanche
Jour 3 - Lundi
Jour 4 - Mardi
Jour 5 - Mercredi
Jour 6 - Jeudi
Jour 8/9/10 - Dimanche/Lundi/Mardi
Jour 11 - Mercredi
Jour 12 - Jeudi
Jour 13 - vendredi
Jour 14 - Samedi
Jour 15 -Dimanche
Jour 16 - Lundi
Jour 17 - Mardi
Jour 18 - Mercredi
Jour 19 - Jeudi
Jour 20 - Vendredi
Jour 21 - Samedi
Epilogue

Jour 7 - Vendredi

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By BlandineAlvarez


— Je n'ai rien oublié ?

Voilà quatre fois que Julie m'énumère le contenu de son sac de randonnée.

— Non. Tu as tout ce qu'il et faut.

Enfin.... de mon point de vue, la trousse de maquillage et les crèmes de jour sont de trop... Quoi que... Ce matin je me suis résolue à emprunter sa poudre de jour pour cacher les vilaines cernes qui assombrissaient mes yeux. Après son retour assez tardif hier, nous avons passé plusieurs heures à discuter avant que la fatigue ait raison de nous. C'était inévitable. Je n'aurais pas réussi à dormir sans avoir vidé mon sac, ni elle si elle ne m'avait pas raconté toutes les heures passées en compagnie d'Alex. Malheureusement ce n'était pas la meilleure nuit pour faire une quasi nuit blanche...

Lorsque nous quittons notre chambre, une grosse partie du groupe s'est déjà rassemblé devant l'entrée principale, inondée par un soleil éclatant. Nos amis nous font signe et nous les rejoignons, nos sacs sur le dos.

Julie se faufile directement aux côtés d'Alex qui l'accueille avec un baiser. Je suis contente de voir mon amie si heureuse.

— Bonjour à tous. Vous êtes prêts ? nous demande Patrick, notre guide de haute montagne.

— Oui, acquiesce Chantal.

— Nous sommes parés, renchérie Alex.

— Super. Voici vos provisions pour ce midi.

Patrick pose sa caisse et nous distribue à chacun un sac en plastique blanc. Comme des enfants nous les ouvrons pour en vérifier le contenu. Des chips, un sandwich au jambon, une compote à boire, et une pomme.

— Dis donc les marmottes, ça va vous faire bizarre de ne pas manger quatre plats ce midi ! les charrie Myriam.

Mathieu répond en grognant.

— Du coup je serais obligé de me rassasier avec un peu de chaire humaine, ajoute Alex en faisant mine de manger le bras de Julie.

— C'est ce qu'on verra, lui répond-elle une lueur de défis dans les yeux.

Décidément ces deux là vont bien ensemble.

Je sens sa présence avant de le voir. L'air semble soudainement crépiter. Il me suffit de tourner la tête pour voir Mickaël franchir les portes du chalet. Je me contrôle pour ne pas le regarder la bouche ouverte. Il a rabattu ses lunettes de soleil sur sa tête, dégageant son visage de ses quelques mèches rebelles et mettant en avant ses yeux amandes. Avec un sac bien rempli sur le dos, il reste imposant, à contrario de certains de mes collègues qui semblent disparaître sous le leur.

Je m'apprête à le rejoindre quand Marie apparaît dans mon champ de vision et l'accoste. Elle ne veut pas arrêter de lui mettre le grappin dessus celle-là ?

— Bon, puisque tout le monde est là, nous allons commencer à remplir les bus ! nous crie Patrick en désignant les quatre mini bus derrière lui.

Avec regret, je suis le groupe. J'aurais aimé savoir lequel Mica va conduire pour prendre place dans le sien, malheureusement Marie ne lui a toujours pas lâché les basques. Mes amis montent dans le deuxième bus mais je ne les suis pas, faisant mine de refaire mes lacets. En quelques minutes, il ne reste presque plus personne dehors. Je lance un regard en direction du chalet et m'aperçoit, avec soulagement, que Marie et Mickaël ont terminés leur discussion.

— Mickaël, tu prends le premier avec la p'tite dame. Il reste encore une place dedans ! crie Patrick.

Merde !

Mica hausse les épaules en me voyant. L'air désolé qu'il affiche suffit à faire disparaître ma mauvaise humeur alors que je monde dans le bus de mes amis.

Durant le trajet, Patrick nous explique les détails de note trek. Je ne retiens que le lieu: Vallonpierre. Le refuge en pierre se situe au bord d'un lac calme. C'est là bas que nous passeront la nuit, après une petite après-midi de marche tranquille.

Dans le bus j'ai l'impression de me retrouver au temps de mes colonies de vacances. Le niveau sonore est très fort. Tout le monde est excité à l'idée de cette randonnée et surtout de cette nuit en altitude. Au bout d'une demi-heure quelqu'un lance la première chanson, et il ne faut que quelques couplets avant que tout le monde ne se joigne à lui.

Nous arrivons sur place essoufflés et sans voix, mais heureux et détendus. Je n'ai même pas eut des nausées pendant les virages, une première !

Nos accompagnateurs nous regroupent rapidement, et Patrick, en bon guide, prend la parole.

— Bien. Tout le monde m'entend ?

Au son des hurlements de certains, il rit puis ajoute:

— Je sais que vous avez sans doute un peu faim, mais je vais vous demander de tenir vos ventres affamés. Nous allons marcher une petite heure jusqu'à un endroit plus jolie que ce parking pour prendre notre repas.

Mon ventre gargouille un peu mais tant pis je suis capable d'attendre, surtout pour une meilleure vue. Je jette un coup d'œil à Julie qui a l'air de subir le même problème que moi, et nous éclatons de rire devant nos visages déconfis.

— Durant cette randonnée, je serais en tête pendant que Mickaël fermera la marche. Emilie et Nathalie se mélangeront parmi vous. Si vous avez un quelconque problème n'hésitez pas à venir voir l'un de nous. Très bien. Vous êtes près ?

— Oui !

Je me joins aux cris de mes collègues, et après quelques éclats de rire, Patrick s'engage dans un large chemin de terre et tout le groupe le suit.

Vous vous doutez que, sachant que Mica se trouve en queue de file, je ne me presse pas. Julie, qui a compris mon petit manège, fait de même. Elle discute avec Alex et Myriam, et bientôt il ne reste plus que notre groupe sur le parking.

— C'est parti, dit Mica dans mon dos.

Je ne peux réprimer le large sourire qui s'épanouit sur mes lèvres.

— C'est parti, dis-je en lui emboîtant le pas.

Nous parlons peu pendant que nous trouvons notre rythme de croisière. Mes yeux accrochent les paysages qu'ils découvrent à chaque pas. Sous le couvert des arbres, il fait plutôt frais et le vert y dévoile toutes ses nuances. Autour de nous les discussions sont d'abord vives, puis peu à peu nous n'entendons plus que nos pas sur le sol caillouteux.

Au détour d'un virage, je vois que Mickaël est en train de me regarder.

— Pourquoi souris-tu ?

— Parce que j'aime te voir regarder la nature. Tu me fais penser à un enfant qui découvre le monde pour la première fois.

Voyant mon froncement de sourcil, il ajoute:

— Ce n'est pas un reproche, bien au contraire. J'aime l'expression qui se peint sur ton visage.

Son regard s'intensifie et soudain j'ai l'impression que les arbres ne suffisent plus à me protéger du soleil. J'ai chaud...

— Merci, dis-je dans un murmure.

Patrick ne nous a pas mentis. Nous nous arrêtons dans un champ où les premières fleurs ont déjà fait leur apparition. Ces petites pointes de blanc et de jaune illuminent l'herbe verte de leurs couleurs vives. Toute la vallée s'étend à nos pieds. Quelle meilleure vue pour savourer notre pique-nique ?

De petits groupes se forment, mais, contrairement aux premiers jours, ce n'est pas nos lieux de résidence qui nous rapprochent, mais bien les affinités qui se sont développés au cours de cette première semaine ensemble.

J'étends ma veste sur l'herbe et m'y assoie, tandis que mes amis font de même autour de moi.

— Tu me laisses une petite place ? me demande Mickaël.

— Oui, bien sur.

Il ne se fait pas prier et prend place tout contre moi, au point que nos cuisses et nos bras se touchent. Et oui, ma veste n'est pas si grande que ça ! Les discussions vont de bon train et nous savourons notre pique-nique. Je suis en train d'écouter Chantal quand je sens mon paquet de chips bouger dans ma main. Après un bref sursaut, je me rends qu'il compte qu'il s'agit simplement de Mica me volant quelques chips.

— Eh !

— Je te les emprunte juste, me dit-il en m'offrant son meilleur sourire.

— Oui bien sur. Comme si tu pouvais ensuite me les rendre.

— Tu voudrais me laisser mourir de faim ?

Sa moue aurait fait craquer même une none. Comment résister à ses beaux yeux ?

— Non, c'est bon sers toi.

Il plonge une nouvelle fois sa main dans le paquet et savoure une grande bouchée de chips.

— Merci P'tit Cassy.

Une fois le repas fini, certains s'accordent à une petite sieste. Mickaël s'allonge à côté de moi, et replie ses bras sous sa tête. Ce geste suffit à soulever son tee-shirt de quelques centimètres, et à dévoiler à mon regard un morceau de peau doré. J'ai une folle envie d'y poser ma main et de remonter lentement le long de son ventre dans une douce caresse. Peut être que si je faisais semblant de tomber, cela pourrait passer pour un accident, vous ne croyez pas ? Non, peut être pas....

Pour ma propre santé, il serait plus raisonnable que je détourne le regard, et c'est ce que je fais, non sans m'être imprégnée de cette image.

Après ce moment de convivialité nous reprenons notre route. Cette fois nous sommes plus bavards. Avec Mickaël, nous discutons de la région, des randonnées qu'il a pu faire, de la faune et de la flore...Myriam, Mathieu, Alex et Julie se joignent parfois à la conversation et les heures de marche défilent rapidement. Entre sous-bois et chemins de pierre à flanc de montagne, le paysage change souvent, nous faisant profiter de ses multiples facettes.

Des exclamations de joie interrompent notre discussion. Je relève la tête et ce que je découvre me stupéfie. Au bout d'un chemin de cailloux blanc, un lac paisible s'étend tel le maître des lieux. Le surmontant, une petite auberge construite en pierre domine ce paysage calme. Nous sommes cernés de toute part par de grandes chaînes montagneuses. Les plus hautes ont encore de la neige à leur sommet. Je me rends pour la première fois compte que nous sommes perdus au milieu de la nature, coupés de la civilisation que nous connaissons. Je ne prends pas la peine de sortir mon portable, je suis quasiment certaine que je ne capte aucun réseau ici. Rien de tel pour se dépayser !

— C'est beau.

— Content que ça te plaise !

Nous nous sommes tous les deux arrêté de marcher.

— Tu es déjà venu ici ?

— Oui, au moins une fois chaque année. C'est assez reposant, dit-il le regard perdu dans le vague.

— Je veux bien te croire.

— Viens allons rejoindre les autres avant que toutes les bonnes places soient prises.

Avec un clin d'œil il reprend son chemin, et je lui emboîte le pas.

Il faut jouer des coudes pour entrer dans le refuge. L'intérieur est tout aussi rustique que sa façade. Je repère la cheminée qui nous tiendra chaud quand le soleil aura disparu – ce qui ne devrait plus tarder – ainsi que les quelques tables mises à disposition pour manger. Les filles m'apprennent que nous dormirons à l'étage, tandis que les hommes se voient attribuer l'espace dans lequel nous sommes actuellement. Bien, au moins nous aurons peut être un peu plus chaud qu'eux ! Nous posons nos affaires dans un coin, puis ressortons profiter des derniers rayons du soleil avant qu'il n'amorce sa descente derrière les massifs montagneux.

Un grand feu a été allumé près du lac et de grosses pierres font office de chaises tout autour. La nuit est tombée il y a une heure environ, et les flammes léchant le bois sont les seules ressources lumineuses que nous ayons – en plus des lampes frontales de nos animateurs. D'ailleurs je me suis bien moquée de Mica quand je l'ai vu avec ce troisième œil sur la tête !

Le groupe s'est rassemblé pour partager un bon repas.

— Levons nos verres à cette nuit froide qui nous attend ! crie Patrick en levant son verre en plastique rempli de vin chaud.

Nous l'imitons tous avant de prendre une grande gorgée de ce liquide chaud. Notre repas se compose essentiellement d'un sandwich froid, de pain et d'un fruit, mais peu importe, ce n'est pas ce que nous mangeons qui compte mais la bonne ambiance qui règne entre nous. Pour finir en beauté, la Taverne du Loup nous a préparé des chamallows à faire griller, de quoi raviver nos âmes d'enfant !

— Ça me rappel mes années colo, dis-je à Mickaël, assis à côté de moi.

— A part que maintenant plus personne ne te surveille pour te dire de ne pas trop en manger.

— Oui, et c'est ce qui les rend encore meilleure !

J'embroche dix chamallows et m'approche du feu.

— Je ne me souviens pas que tu ais beaucoup eut à me réprimander pendant mes séjours.

— Hum...Laisse moi réfléchir... Il y a eut la fois où tu as renversé un pichet à eau sur la tête d'une de tes amies, le coup des vêtements volés, et surtout celle où tu as filé dans les bois avec un garçon.

Il fait mine de compter sur ses doigts comme s'il essayait de se souvenir de tous les délits que j'avais pu commettre. Je le regarde la bouche grande ouverte.

— N'imp...

— Quoi ? C'est quoi cette histoire de garçon dans la forêt ! intervient Julie qui a entendu la fin de notre conversation. Cass' ne serait pas la petite fille sage qu'elle veut nous faire croire ?

Cette fois, elle a l'attention de tout notre groupe d'amis. Je lance un regard noir à Mica, mais ce dernier est mort de rire.

— Elle ne vous l'a pas dit ? ajoute-t-il.

— Il dit n'importe quoi. Il n'y a jamais eut de garçon, dis-je en revenant à grand pas vers eux - tant pis pour les chamallows ! Arrête de dire n'importe quoi, ils vont finir par te croire !

Je le menace avec ma broche, mais cela le fait rire plus fort.

— Ok, ok, finit-il par dire en levant les mains pour se rendre. Autant leur dire la vérité. Il n'y a pas eut un mais trois garçons.

Mes yeux s'agrandissent tandis que mes amis ajoutent leur rire au sien.

— Cass', bourreau des coeurs " dit Julie entre deux rires.

J'essaie de démentir ses propos mais Mica attrape ma main et m'entraîne dans son élan. Je tombe sur lui. Une de ses mains a agrippé ma hanche pour m'empêcher de tomber du rocher. Allongé l'un sur l'autre, nos têtes ne sont séparées que de quelques centimètres. Cela commence à devenir une habitude ces derniers jours, vous allez me dire !

Il lève sa main libre. Pendant quelques secondes j'imagine qu'il va la plonger dans mes cheveux avant que nos bouches ne fassent qu'une. Bien sûr, mon imagination s'est encore emballée. Il attrape le bout de ma broche pour l'approcher de sa bouche. Ses lèvres s'entrouvrent et il croque dans l'un de mes chamallows.

— Hummm.

Ce son grutal fait vibrer tout mon corps. Je ne peux plus détacher mon regard de ses lèvres humides. Combien de nuit ai-je rêvé qu'elles déposaient des baisers brûlants sur ma peau ? Mes orteils se recroquevillent d'anticipation.

Si près l'un de l'autre, il doit sentir mon cœur battre à cent à l'heure.

— Merci.

Il a relevé la tête pour chuchoter à mon oreille. Son souffle chaud dans le creux de mon cou envoie une décharge électrique dans tout mon corps et une douce chaleur prend naissance dans mon bas ventre. Je suis consciente que je respire rapidement...trop rapidement....

— Trouvez-vous une chambre !

Je rougie violemment. Nous devons offrir un spectacle assez intime effectivement. Je commence à me relever pour me détacher de Mica, mais il ne me lâche pas la main.

— Ne sois pas jalouse, dit-il à la personne qui nous a interrompu, puis à moi il ajoute. Viens, allons marcher un peu.

En me tenant la main il me fait sortir du cercle. Nous plongeons dans l'obscurité et nous approchons du lac. D'abord silencieux, je redoute que nous ne trouvions rien à nous dire pour relâcher la tension qui crépite entre nous. A mon plus grand soulagement il prend la parole en premier.

— Alors comme ça il n'y a jamais eut de garçon pendant toutes ces années de colonie ?

Bon, pas mon sujet favoris, mais c'est déjà mieux que rien.

— Non pas vraiment.

— Même pas un petit flirt ?

— Non. A l'époque je n'étais pas très branchée garçon.

Je hausse les épaules.

— Hum... A l'époque, ça veut dire que maintenant...

Il laisse sa phrase en suspens, m'obligeant à le regarder dans les yeux. Il a ce regard joueur que j'aime tant.

— Arrête de t'imaginer des choses bizarres !

— Mais je n'imagine rien du tout, se défend il en levant les mains en signe d'innocence.

— Et toi ? Il y a eut DES filles pendant tes colos ?

— Oui. Des tonnes !

A son ton je sais qu'il en rajoute, et pourtant, je sais aussi qu'il y a une part de vérité dans ses paroles.

— Elles te couraient toutes après ! Après tout qui peut résister à ces beaux yeux ?

Non ! Je n'ai pas dis ça tout fort ? Son sourire se fait plus franche tandis qu'il ressert l'étreinte de ma main.

— C'est vrai ? Tu trouves que j'ai de beaux yeux ?

Mortifiée, je hoche simplement la tête.

— Ça veut dire que toi aussi tu étais sous mon charme ?

Je lève les yeux au ciel.

— Je te défis de me trouver quelqu'un qui ne l'était pas !

Pourquoi nier de toute manière ! Autant rentrer dans son jeu.

— Ma grand-mère. Kevin, le cuisinier. Patrick. Marissa, la femme de chambre, dit-il, en faisant mine de compter sur ses doigts.

— Je suis certaine que Marissa était totalement sous ton charme.

— Oui, mais j'aurais préféré que ça ne soit pas le cas !

Nous rions en nous souvenant de la vieille femme, gentille comme un cœur, mais un peu collante. Nous continuons notre tour du lac dans le silence, et je me perds un instant dans les étoiles brillant de milles feux au-dessus de nous. J'ai beau avoir envie de lui exprimer mes sentiments, chaque fois que le moment se présente je perds tout mon courage.

— Quand as-tu commencé la bachata ?

Je suis un peu déroutée par ce changement de sujet, mais pas déçu de passer à quelque chose de moins délicat.

— A 17 ans...après t'avoir vu la danser.

— Alors j'ai été ta source d'inspiration, dit-il en prenant de grands airs.

Plus sérieux, il ajoute ensuite.

— J'en suis content, tu es magnifique quand tu danses et une incroyable partenaire.

Il me trouve magnifique ? Il a vraiment aimé danser avec moi ? Malgré la fraîcheur de cette nuit de printemps j'ai l'impression de transpirer sous mon pull.

— Merci. Tu es un partenaire fantastique toi aussi.

Ses yeux brillent à mon compliment.

— C'est vrai que je ne...

Je lui donne une accolade qui manque de le faire tomber dans l'eau.

— Arrête de te congratuler. Regarde tes chevilles grossissent tellement que tu ne marche même plus droit !

— Tu vas voir toi !

Il cherche à attraper mon bras mais j'ai une seconde d'avance et je me mets à courir. Les bruits de pas sur les gravillons m'indiquent qu'il me suit de près. A moitié morte de rire, j'ai du mal à tenir la distance. Il ne lui faut que quelques mètres avant de me rattraper. Il me saisie les bras par derrière et tente de me faire avancer vers le lac. Je crie. Enfin je rie plus que je ne crie, et il se joint à moi.

Il me place en équilibre au bord de l'eau de manière à ce que je n'aie aucun moyen de me rattraper s'il me lâche.

— Avoue que je suis le meilleur, et je ne te lâcherais pas.

— Non, je ne veux pas que mon nez se mettre à pousser comme Pinocchio !

Il me lâche un quart de seconde, juste assez pour que je me sente tomber, avant de me rattraper.

— Dis-le sinon tu vas finir à l'eau !

— D'accord !! Tu...tu es le meilleur, dis-je entre deux éclats de rire.

— Je sais, je sais.

Dès qu'il me lâche je me dépêche de m'éloigner du bord du sentier.

Trop vite à mon goût nous finissons le tour du lac. J'aurais aimé qu'il s'arrête et me demande de rester dans l'ombre avec lui quelques minutes de plus, car je suis incapable d'en prendre l'initiative. Il ne m'a pourtant pas lâché la main, c'est un signe non ? Je maudis mon manque de courage quand Julie nous repère et nous fait de grands signes. Nous les trouvons étendu sur une couverture non loin du feu. Patrick joue de la guitare au groupe de fortune. D'un coup d'œil, je vois que les fumeurs se sont rapprochés du lac, alors que d'autres ont sortis des jeux de carte. Personne n'a l'air décidé à aller se coucher.

Arrivé à leur hauteur, Mica lâche ma main. Elle me semble soudain très froide et je frissonne en m'asseyant à côté d'Alex et Julie. Cette dernière a posé sa tête sur son épaule et elle à l'air totalement heureuse.

— Tu as froid. Viens là.

Mica soulève délicatement mes hanches et colle mon dos contre son torse, m'entourant de ses bras. Entre ses jambes je sens sa chaleur se diffuser dans mes vêtements. Son corps fait barrière à la brise qui s'est levée, et rapidement le mien arrête de trembler. Il ne me lâche pas pour autant.

Je soupire et pose ma tête contre ton torse, me détendant dans ses bras. Patrick continu à jouer, et je me laisse bercer par ses notes. La douce musique de la respiration de Mica tout contre moi s'ajoute à celle de la guitare. Je soupire d'aise et de mes doigts commencent à décrire de lents cercles sur ses mains, dans un mouvement machinal. Un lent sourire étend mes lèvres quand je sens son cœur accélérer. Nous restons dans cette position pendant ce qui me parait être des heures et je me délecte de la façon dont mon corps épouse le sien à la perfection.

Peu à peu le feu de camp se vide. Il doit être tard mais j'ai l'impression que je ne pourrais jamais dormir cette nuit.

— Bonne nuit ! nous disent Julie et Alex avant de se diriger vers le refuse.

— Je crois qu'on devrait y aller nous aussi, me dit Mickaël en voyant nos amis partir.

— Hum...

Son rire résonne dans sa cage thoracique.

— Allez, on va être crevé demain sinon.

Il dépose un baiser sur ma tempe avant de me priver de sa chaleur en se levant. Je prends la main qu'il me tend et me lève un peu contre mon gré. Mes jambes et mes fesses me font mal, sûrement à cause du sol dur. Lentement, presque à reculons, nous nous approchons du chalet. Quand finalement nous arrivons devant l'escalier menant au dortoir des femmes, nous nous arrêtons.

Mon cœur bat à cent à l'heure. Dans les livres, c'est le moment où les héros s'embrassent, non ?

— Bonne nuit Cassy.

— Bonne nuit Mica.

— N'oublies pas de bien te couvrir pour ne pas avoir froid.

Je hoche la tête. Il passe une main dans ses cheveux. On dirait qu'il veut dire quelque chose. Aurait-il aussi peur que moi ?

— Fais de beaux rêves, dis-je en essayant de détendre l'atmosphère.

— Toi aussi. Je...je vais aller aider Patrick à éteindre le feu, me dit-il en désignant le reste du groupe qui a commencé à nous rejoindre.

Il me donne un dernier sourire avant de repartir vers le lac. C'est à la fois frustrée et contente que je me roule dans mon sac de couchage, espérant que je trouverais le sommeil rapidement.

Trois heures. Mon portable diffuse une faible lumière bleuté avant de se mettre en veille pour la énième fois. Je n'arrive pas à trouver le sommeil. Je crois que j'ai regardé l'heure toutes les demi-heures depuis que je me suis couchée.

Tout le monde semble dormir profondément. Après avoir mûrement réfléchi, je sais que ce ne sont pas seulement les ronflements qui me parviennent du premier étage, qui me tiennent éveillé. C'est plutôt une excitation profonde. La sensation que quelque chose de merveilleux est sur le point de m'arriver. Un peu comme la veille de Noël.

Des bruits de voix me parviennent de l'extérieur. Je les entends depuis une bonne heure, mais je viens seulement de reconnaître le rire de Mica. Il n'est pas couché lui non plus ! Mon cœur se gonfle d'espoir et le manque de sommeil me donne des ailes. Je me sens soudain le courage de lui dire ce que j'ai sur le cœur.

Avant que je m'en rende compte, je suis déjà debout. A tâtons je récupère ma polaire et l'enfile en me dirigeant vers les escaliers. Tant pis pour mon pantalon de pyjama rouge. Étrangement à 3 heures du matin je n'ai pas honte de ce que je peux porter ou même faire.

Sur la pointe des pieds, je descends à l'étage des garçons. La lueur de la lune dessine le cadre de la porte d'entrée, et c'est toujours dans le plus grand silence que je l'ouvre - enfin, avec un ou deux grincements quand même. La fraîcheur de la nuit m'envahit dès que je referme la porte derrière moi. Les voix me parviennent du côté droit du refuge. Un sourire aux lèvres je m'approche doucement jusqu'à ce que voir leur silhouette se découper dans l'obscurité. Assis sur la terrasse, Mickaël regarde le ciel et à ses côtés, Nathalie fume une cigarette.

— C'est bien de pouvoir nous retrouver un peu seul, lui dit Nathalie après avoir soufflé un nuage de fumé.

— Hum... Seuls avec les étoiles.

— Et seul avec toi. Ça fait longtemps qu'on n'a pas pu discuter tous les deux. Tu n'es pas du genre à être très accessible, avec ta horde de femmes autour de toi.

Son rire sarcastique ne me plaît pas, mais je décide de ne pas m'en formaliser en m'approchant d'eux.

— D'ailleurs la rousse, euh... Cassandre je crois.

Mica hoche la tête.

— Elle est totalement accro à toi. Il y a quelque chose entre vous ?

Elle souffle un nouveau nuage

— Je ne veux pas être indiscrète...c'est juste...

Elle jette sa cigarette avant de poser sa main sur la jambe de Mica. Je la voix la remonter lentement vers son torse, dans un caresse sensuelle. Mon cœur bat à mille à l'heure. Je me suis arrêtée. Je m'attends à ce qu'il la repousse mais il se contente de soutenir son regard. Enhardit par cette absence de rejet, Nathalie rapproche son visage du sien.

— Je pensais que tu aimais les femmes plus que les midinettes.

Je la vois s'arrêter à quelques centimètres de sa bouche, en l'attente de sa réponse ou d'un mouvement l'incitant à aller plus loin.

— Cassy est une bonne amie, rien de plus.

Nathalie lui offre son plus beau sourire avant de poser brutalement ses lèvres sur les siennes et de plonger ses mains dans ses cheveux. Mica agrippe ses hanches pour la rapprocher de lui et répond à son baiser avec autant de fougue.

Un hoquet de stupeur m'échappe.

Je n'ai pas le temps de faire demi-tour que le couple s'est déjà retourné. Je vois Mica me reconnaître malgré l'obscurité: ses yeux s'arrondissent et sa bouche s'ouvre sous la surprise. Les larmes me montent aux yeux, hors la dernière chose que je veux c'est qu'ils me voient pleurer. Je me retourne et part aussi rapidement que possible en direction du lac. J'ai besoin d'un moment seule.

— P'tite Cassy.

J'entends sa voix suppliante dans mon dos, mais je refuse de me retourner pour lui montrer qu'il a mit mon cœur en morceau. Arrivée devant le lac je ne m'aventure pas plus loin, sachant que si je risque de me perdre ou de me faire mal. Malheureusement ma course ne l'a pas arrrêté.

— P'tite Cassy.

Ces simples mots, ce surnom que j'ai toujours aimé, attisent ma colère. Je me retourne et plonge mon regard d'acier dans le sien.

— Ne m'appelle plus comme ça, je ne suis pas une gamine !

Ma voix tremble. J'espère qu'il y verra de la colère et non de la tristesse. Il tente de s'approcher - sûrement pour me prendre dans ses bras - mais je fais un pas en arrière pour l'en dissuader.

— Je sais.

Je m'attends à ce qu'il se défende, qu'il m'explique, mais il semble décidé à se murer dans le silence.

— Pourtant j'ai l'impression que c'est tout le contraire. Je suis toujours la Cassy de 13 ans pour toi, hein ? Je ne mérite pas d'être une femme à tes yeux.

— Arrêtes, ne dis pas n'importe quoi.

Son calme se fissure, et pour la première fois je vois ses traits se durcir.

— Pourquoi réagis-tu comme ça ?

Il passe ses mains dans ses cheveux comme si j'étais un casse tête qu'il ne comprenait pas. Son ton me met en rogne. Il me fait passer pour une gamine qu'on engueule parce qu'elle se croit le centre du monde.

— Tout ça n'était qu'un jeu pour toi ?

Je ravale difficilement les larmes qui me piquent les yeux.

— Tout ça quoi ?

Sa question me blesse mais je ne me laisse pas démonter.

— La balade sur le lac, le feu de camp, l'infirmerie, nos discussions. Toutes les fois où on s'est rapproché. Tu crois vraiment que ce sont des choses que des amis font ?

— Il ne s'est jamais rien passé entre nous.

Son ton brut me fait l'effet d'un couteau enfoncé dans mon cœur. Non, il ne s'est jamais rien passé, mais il y a eut tant de moments où les choses ont failli aller plus loin. N'était-ce rien pour lui ?

— Nous avons toujours été aussi proches. Qu'est- ce qui a changé ?

— J'ai changé Mickaël ! - Je le vois serrer la mâchoire lorsque j'utilise son nom complet - J'ai grandis. Je ne suis plus une petite fille ! Peut être que je n'ai pas les même formes que toutes les bimbos qui te tournent autour, mais je pensais que toi, plus que quiconque, l'aurais vu.

Ma voix craque, et une larme traite dévale la pente de ma joue.

— Je suis désolé.

— Moi aussi je suis désolée. Désolée de ne pas être Peter Pan. Désolée d'avoir grandie. Désolée d'avoir des sentiments.

— Cassy, si j'avais su, je ne les aurais pas encouragés. Je ne pensais pas que....

De nouvelles larmes coulent. L'inquiétude se lit sur son visage et soudain je le hais d'être si prévenant. J'aurais préféré qu'il soit indifférent, cela m'aurait donné moins de mal à le détester. Il esquisse un mouvement pour se rapprocher de moi mais je le repousse, incapable de le sentir près de moi.

— Non. Je... je ne t'importunerais plus pendant le reste de mon séjour. Avec le nombre de personnes présentes, on ne devrait pas avoir de mal à ne pas se croiser trop souvent.

J'ai l'impression de voir de la douleur dans ses prunelles chocolat mais je n'ai plus confiance en mon jugement. Je réprime un sanglot. Il faut que je me retrouve seule, je ne veux pas qu'il me voit craquer. De mes mains j'essuie mes larmes et relève la tête.

— Bonne nuit.

Il hoche la tête sans rien répondre, comme si c'était moi qui l'avait blessé. Que croyait-il ? Qu'on resterait ami après ça ? Je ne peux pas me mentir, j'aurais aimé que rien ne change entre nous, mais mon cœur est déjà bien trop engagé dans cette relation fantôme. Est-ce que je peux vraiment continuer à me satisfaire de notre amitié ? Non, chaque fois que je le verrais je me demanderais quel goût peuvent bien avoir ses lèvres, si ses cheveux sont aussi soigneux qu'ils en ont l'air et je me rappellerais de la sensation de ses doigts sur ma peau.... J'ai l'impression que rien ne pourra être comme avant.

Je me dirige vers le refuge, le laissant seul devant le lac. Alors que je lui tourne le dos, je laisse mon amour perdu se déverser sur mes joues, le cœur en pièces.

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