Confessions Infirmes

By SylvainDuCosmos

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Je suis handicapé. C'est pas drôle. Mais en fait... Si ! À travers mes Confessions Infirmes, je vais vous rac... More

1 # Quand on a la courante et qu'on ne peut pas courir
2 # Le coup de la panne
3 # Fast and Furious : Wheelchair Drift
4 # L'handicapitaine de soirée
5 # Les boules de Noël
6 # A votre se(r)vice
7 # "Allez, tout le monde debout... Là-bas..."
8 # Le jour où je me suis fait « une Gourcuff »
9 # Eyes wide shut
10 # Jeune handicapé recherche une meuf mortelle
11 # Quand il faut régler la mire avant le tir
12 # L'école pour tous
13 # Normes énormes
14 # La mule
15 # Pot-pourri d'infirmes anecdotes
17 # Aussi forte qu'une fourmi
18 # Gallinacé
19 # Amsterdam...
20 # ... et ses dames
21 # 8 pattes vs 4 roues
22 # La fable du faible
23 # Quand on voit deux fois au lieu d'une
24 # Quand tu veux te faire beau mais que t'es polio
25 # « Pourquoi le monsieur il roule ? »
26 # Vacances à roulettes I - Nothing Toulouse !
27 # Vacances à roulettes II - Juppé, au s'cours !
28 # Vacances à roulettes III : Handicapé GO !
29 # Ces gens-là
30 # Tournicotis, photomaton !
31 # En plein deux dents !

16 # Le professionnel

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By SylvainDuCosmos

N'importe quelle personne handicapée a un suivi médical plus ou moins poussé. Pour ma part, depuis que je suis tout petit je passe ponctuellement des examens. Lorsque j'étais un enfant, j'étais à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul de Paris, mais maintenant, je suis à la Salpêtrière. Si auparavant le suivi était très régulier, il est depuis quelques années beaucoup plus sporadique.

Les médecins changent, le suivi en pâtit. J'ai parfois l'impression que chacun d'entre essaye d'être meilleur que l'autre non pas pour le bien du patient mais plutôt pour sa carrière, pour son ego. Cela a pour effet d'ouvrir plusieurs voies en même temps (on va se lancer dans telle adaptation, on va étudier tel ou tel gène, etc.), pour souvent les interrompre quand le médecin à l'origine est parti dans un autre service, voir dans une autre structure. Mais ce ne sera pas le sujet d'aujourd'hui. Si mon suivi médical est, de mon propre point de vue, défaillant, la faute en est surtout à certains médecins (et je dis bien certains, car ils ne sont fort heureusement pas tous comme ça) qui font leur travail comme des machines.

Mardi dernier, j'avais rendez-vous à la Salpêtrière. Le but était de reprendre un suivi plus solide, et aussi d'obtenir des services médicaux dont j'avais pu jouir par le passé, notamment un mois dans un centre de rééducation intensive qui m'avait fait le plus grand bien. Et oui, pendant quatre semaines, j'étais à la piscine tous les matins, je mangeais gratos le midi, et surtout, je faisais travailler mon corps avec des professionnels (rien à voir avec le plus vieux métier du monde) dans des infrastructures dignes de ce nom. D'ordinaire, je fais de la kiné régulièrement, mais là, c'était autre chose. Je voulais donc ré obtenir un séjour dans ce centre, mais aussi me renseigner sur une thérapie d'ordre plus psychologique que physique.

Vous allez me dire, comment pourrais-je obtenir quelque chose de l'ordre de la psychologie ? Pour la simple et bonne raison que dans la très grande majorité des cas, les personnes handicapées ont besoin d'un suivi psychologique car elles sont fortement sujettes à la dépression. Je sais de quoi je parle... mais ça non plus, ce n'est pas le sujet du jour. Toujours est-il que je comptais sur ce rendez-vous pour obtenir non seulement des informations mais aussi rétablir une communication. C'était d'ailleurs ce que j'avais expliqué au téléphone en le prenant.

Paris, Paris... 30 minutes à vol d'oiseau, deux heures en voiture pour me rendre à l'hôpital depuis mon domicile. Je suis claqué, et je laisse mon taxi conventionné conduire pendant que j'essaye tant bien que mal de me réveiller avec du dubstep à fond dans les oreilles. Nous arrivons à peine cinq minutes en retard, puisque nous avions anticipé à mort les bouchons et l'enfer du périph.

Le médecin, spécialisé dans la rééducation physique, me fait entrer dans son bureau. Pas de bonjour. Je le salue néanmoins, avec insistance, pour souligner son manquement. Ça commence bien... Il ouvre mon dossier et le lit sans mot dire. J'attends. J'attends. J'attends tellement que j'hésite à sortir mon sexe pour me masturber en attendant. Et au moment où j'allais le faire, il claque sèchement son classeur puis lève enfin les yeux sur moi.

- Alors Monsieur Feo...

- C'est Seo, corrige-je, Monsieur Seo.

- Oui oui, très bien, expédit-il sans même s'excuser. Je vais vous demander de faire quelques mouvements.

Ça c'est le truc habituel, alors j'obtempère. Depuis 25 ans, j'ai eu le temps de m'y faire ! Le truc, c'est qu'aujourd'hui, ce médecin ne me demande pas de me déshabiller. Non pas que j'ai une furieuse envie de me faire reluquer le fion, mais c'est quand même bien plus pratique de se mouvoir sans jean qu'avec. Et que dire des mouvements de la cheville avec ou sans chaussures. Mais bon, c'est lui le professionnel, alors je m'exécute.

En moins d'une minute, il semble avoir fait le tour de la question et me demande de me rasseoir (je vous jure que c'est exactement le terme qu'il emploie, « rasseoir », alors que je suis dans mon fauteuil et qu'à aucun moment je ne me suis mis debout avec quelque appui que ce soit). Je réponds en voulant faire un trait d'humour que je ne risquais pas de me relever, mais lui non plus ne relève pas. Bonjour l'empathie (pour ne pas dire bonjour tristesse !) !

Le médecin aussi agréable qu'une porte de prison me décrit alors des troubles dont je semble souffrir. Le problème, c'est qu'il se trompe. Ce que j'essaye de lui expliquer de manière diplomatique. Lui, il m'explique que j'ai du mal à faire certains mouvements de la cheville et qu'il faut me prescrire des attelles pour pallier à cela. Moi, je lui explique qu'au quotidien, je ne mets pas de chaussures tant que je suis dans mon appartement, et que si je sors de mon appartement, c'est avec mon fauteuil, donc mes pieds sont sur les repose pieds, et que le problème qu'il croit voir ne se pose jamais dans ma vie de tous les jours. Ce que je tente de lui expliquer, c'est qu'il voit un problème là où il n'y en a pas. Je lui souligne en passant que de toute façon, les attelles qu'il veut me prescrire, je ne pourrais pas les mettre tout seul, et que de ce fait je ne vois pas leur intérêt.

Mais le docteur maboule s'obstine et commence pendant que je proteste à rédiger son ordonnance. OK, pourquoi pas, qu'il la rédige ! De toute façon, je suis remboursé à 100 % par la sécu, et en plus, ce n'est pas parce qu'il fait une ordonnance que je suis obligé de l'utiliser. J'aimerais maintenant lui parler de ce qui m'intéresse vraiment : reprendre la rééducation intensive qui m'avait fait un bien fou (sans pour autant être une cure miracle bien évidemment, faut pas déconner, pourquoi pas m'envoyer à Lourdes tant qu'on y est), et avoir un suivi psychologique. Non pas que je souffre de dépression ou que je sois malheureux, mais je suis absolument persuadé que de base, n'importe quel être humain devrait être suivi psychologiquement, mais qu'en plus, je soupçonne des choses refoulées en mon for intérieur que j'aimerais bien faire sortir, des choses un tant soit peu liées à mon handicap.

Et c'est limite s'il s'esclaffe, s'il se fout littéralement de ma gueule. Mais voyons, quel est le rapport entre ma maladie neuromusculaire et la psychologie ? Il n'y en a absolument aucun ! Bah oui, il a raison le monsieur. Après tout il a un diplôme de médecine et moi pas. C'est sûr que quand on est handicapé, on est moins susceptible d'avoir une vie difficile ou simplement d'être parfois incompris. J'aimerais bien que ce soit le cas, mais hélas, la réalité est toute autre. J'essaye d'insister, de lui souligner le fait que le mental conditionne beaucoup le physique, que je fais cette démarche suite aux conseils d'un ami qui est diplômé de médecine chinoise (une médecine bien plus ouverte que l'occidental, cette merde pharmaco dépendante qui pense résoudre tous les problèmes en en créant des nouveaux à coups de traitements à effets secondaires et j'en passe... ça c'était pour le coup de gueule).

Le docteur maboule adopte alors l'attitude du muet. Je parle dans le vent et il ne m'écoute pas. Il ne me regarde même pas. Puis il reprend la parole pour me parler d'un problème que je semble avoir et qui sort de nulle part : apparemment j'aurais besoin d'une espèce de ceinture pour maintenir mes vertèbres, afin de m'aider à faire certains mouvements. Encore une fois, pourquoi pas. Je trouve ça juste étrange que mon kiné qui me suit hebdomadairement ne m'ait jamais parlé de ça avant et que lui le fasse...

J'ai bien compris que ce médecin faisait parti de ceux qui considèrent que tout ce qui a trait à la psychologie n'est pas digne d'attention. Et oui, il y en a comme ça. J'en ai croisé quelques-uns. Ils feraient bien de se remettre en question, j'oserais même dire qu'ils feraient bien de suivre une thérapie lol. C'est malheureux mais c'est comme ça, j'irai voir avec ma généraliste qui elle est une personne ouverte et saura peut-être m'aider.

J'abandonne la bataille de la thérapie mais je réengage le combat sur le thème de la rééducation intensive. Lorsque je l'avais faite, c'était dans un centre spécialisé, en demi-pension pendant un mois. On m'avait expliqué que ses cessions (rien à voir avec la guerre) sont particulièrement coûteuses et qu'en général elles sont attribuées en priorité aux personnes qui sont là pour des troubles temporaires, comme les accidentés de la route par exemple. Mais comme moi, mon handicap ne risque pas de s'évaporer, cela signifie que techniquement, je suis éligible ad vitam aeternam à cette rééducation, mais qu'économiquement parlant, je représente un gouffre financier. Et c'est ni plus ni moins le même discours qu'adopte le médecin en face de moi.

Qu'est-ce que vous voulez penser ? Si les praticiens eux-mêmes n'essayent même pas de prendre les armes, comment voulez vous vous en sortir ? Encore une fois, heureusement qu'ils ne sont pas tous comme ça. Mais quand vous tombez sur l'un d'entre eux, vous êtes comme un chat pris dans les phares d'une voiture.

La consultation s'achève, et je regarde mon téléphone : elle aura duré tout au plus sept minutes. On peut dire que c'était expéditif ! Après le travail à la chaîne, la consultation à la chaîne. Ce médecin a fait du fordisme sa méthode de travail, et je ne sais pas pourquoi, je suis persuadé qu'il va rentrer chez lui avec le sentiment du devoir accompli, comme un professionnel. Et bien sache, ducon, que tu es un abruti aussi ouvert d'esprit qu'un coffre-fort en titane et que je regrette qu'une chose, c'est de ne pas t'avoir craché à la gueule tellement tu m'as manqué de respect en me prenant pour un idiot qui ne sait rien sur son propre handicap alors que je suis le premier concerné et sûrement le mieux renseigné sur ce que je vis dans ma propre vie. Mais bon, avec des œillères comme les tiennes et le je-m'en-foutisme qui exhale de toi, je doute que tu en es quelque chose à faire...

L'ironie dans tout ça, c'est que le lendemain, je suis allé à la pharmacie avec l'ordonnance que Monsieur m'avait faite. Et bien je n'ai même pas eu ce qu'il m'avait prescrit : je vous laisse essayer de décrypter l'ensemble de traits et de courbes que ce cher médecin doit appeler « écriture ».

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