Confessions Infirmes

By SylvainDuCosmos

46K 4.5K 958

Je suis handicapé. C'est pas drôle. Mais en fait... Si ! À travers mes Confessions Infirmes, je vais vous rac... More

1 # Quand on a la courante et qu'on ne peut pas courir
2 # Le coup de la panne
3 # Fast and Furious : Wheelchair Drift
4 # L'handicapitaine de soirée
5 # Les boules de Noël
6 # A votre se(r)vice
7 # "Allez, tout le monde debout... Là-bas..."
8 # Le jour où je me suis fait « une Gourcuff »
9 # Eyes wide shut
10 # Jeune handicapé recherche une meuf mortelle
11 # Quand il faut régler la mire avant le tir
12 # L'école pour tous
13 # Normes énormes
15 # Pot-pourri d'infirmes anecdotes
16 # Le professionnel
17 # Aussi forte qu'une fourmi
18 # Gallinacé
19 # Amsterdam...
20 # ... et ses dames
21 # 8 pattes vs 4 roues
22 # La fable du faible
23 # Quand on voit deux fois au lieu d'une
24 # Quand tu veux te faire beau mais que t'es polio
25 # « Pourquoi le monsieur il roule ? »
26 # Vacances à roulettes I - Nothing Toulouse !
27 # Vacances à roulettes II - Juppé, au s'cours !
28 # Vacances à roulettes III : Handicapé GO !
29 # Ces gens-là
30 # Tournicotis, photomaton !
31 # En plein deux dents !

14 # La mule

1K 135 13
By SylvainDuCosmos

On a tous au moins une fois dans notre vie été contrôlé par des gendarmes ou des policiers, que ce soit dans un véhicule ou même à pied. Ça m'est personnellement arrivé plusieurs fois, notamment quand j'étais plus jeune. Et oui, il y a les contrôles au faciès, mais il y a aussi les contrôles à l'âge, surtout quand les jeunôts sont suspectés simplement parce qu'ils ont une longue tignasse de cheveux, voire pire, des dreadlocks (cliché, quand tu nous tiens...).

Avec mes potes, comme chaque vendredi ou samedi soir, nous nous rendons dans notre habituel et charmant pub pour y boire abondamment afin d'oublier notre terrible quotidien d'étudiant de 20 ans. La route pour aller au troquet est toujours la même, incontournable car c'est la seule à enjamber l'Oise sur des kilomètres à la ronde. C'est évidemment le spot parfait pour la flicaille qui veut faire du chiffre en se postant entre une heure et cinq heures du matin pour contrôler tout ce qui passe.

On va pas se mentir, mes amis et moi aimons bien partager quelques cônes de ganja, en plus des divers cocktails dont nous nous abreuvons toutes les soirées. Forcément, le retour au bercail est toujours un peu dangereux, mais bon, comme dit mon ami Joe, la voiture elle connaît la route ! OK, OK, je l'admets, ce n'est pas forcément exemplaire de raconter ça, seulement ce serait mentir que de ne pas narrer les choses ainsi.

À cette époque, je marche avec une canne, mais il faut préciser que depuis mon opération dont j'ai parlé dans une confession précédente, je porte des attelles à l'intérieur de mes chaussures qui m'aident à maintenir mon pied dans un certain angle. Ces attelles sont très basiques, en plastique, absolument pas gênantes ni difficiles à mettre. Ceci dit, vous connaissez la chanson : tout ce qui sort de l'ordinaire peut vite passer pour quelque chose de délicat, d'embêtant, etc. La plupart du temps, c'est à mon détriment. Mais parfois, cela peut devenir un avantage...

C'est un samedi soir comme les autres, et il est trois heures du matin. Nous sommes six jeunes majeurs complètement saouls (le capitaine de soirée l'est moins, m'enfin il ne vaut mieux pas quand même qu'il souffle dans le ballon !), et nous avons tous des looks de hippies sauvages avec nos cheveux longs et nos fringues complètement destroy. Et en plus de ça, pour faire profil bas un maximum, les enceintes de la vieille ZX crachent à fond du bon vieux System of a Down.

Nous empruntons la longue route qui coupe à travers champs et tout en chantant comme des gros tarés (THEY'RE TRYIN' TO BUILD A PRISON THEY'RE TRYIN' TO BUILD A PRISON THEY'RE TRYIN' TO BUILD A PRISON FOR YOU AND ME TO LIVE IIIIIIIN) et au loin, nous apercevons une voiture qui nous fait des appels de phares. Nous nous arrêtons à hauteur du véhicule, et le conducteur à l'intérieur baisse sa vitre pour nous avertir : « les mecs, il y a des poulets au carrefour, je vous préviens, ils arrêtent toutes les bagnoles. Si vous avez quoi que ce soit, balancez-le ! » nous avertit-t-il en bon samaritain sorti de nulle part, tel un miracle salvateur.

Salvateur car non seulement nos veines et nos poumons sont sacrément chargés, mais en plus de ça, il nous reste largement de quoi nous faire arrêter. Que faire, que faire... quelqu'un propose de tout planquer dans le soutif de la seule fille qui est avec nous, mais on se rend vite compte que ça ne sert à rien car il y a beaucoup trop à planquer. Les pochons sont limites plus gros que ses seins (et ce n'est pas une planche à pain ! (et non il n'y aura pas de photo...)). J'ai alors une idée, très modestement, de génie.

Plus haut je vous ai décrit mes attelles que je porte aux pieds à cette époque-là. Les chaussures que j'ai sont de deux pointures au-dessus de la mienne, ce qui fait qu'il y a un espace entre mes orteils et le bout. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que mes attelles ne rentrent pas dans toutes les chaussures, et que le modèle que je voulais (des chaussures de skate Emerica brunes desquelles je suis tombé amoureux en les voyant) m'avait forcé à l'achat à prendre deux tailles au-dessus pour que je puisse y faire rentrer mes releveurs en plastique.

Je dis alors à mes potes que l'on a qu'à planquer les pochons au fond de mes godasses, car a priori, on va forcément tomber sur les flics, et qu'on aura le droit à une petite fouille des familles bien comme on aime. Sauf que moi, ils n'oseront pas me faire enlever mes chaussures en voyant l'appareillage ô combien étrange et mystique de ce petit être qui doit tellement souffrir et qui est si différent qu'on ne va pas l'embêter plus que ça. Ce petit être, il est comme les autres : il boit, il fume, il fait la teuf, il s'éclate, bref, il vit comme il l'entend. Même si c'est un peu illégalement. Et puis merde, un petit spliff n'a jamais tué personne...

Mes amis ne sont pas très convaincus, et avec du recul je comprends pourquoi. Pour eux, je suis exactement comme n'importe qui, ils sont tellement habitués à sortir avec moi qu'ils ont parfaitement intégré mon handicap, et ne voient pas pourquoi je ne serais pas contrôlé tout comme ils le seraient. Je leur raconte alors cette petite anecdote sur un événement datant de quelques mois.

Je jouais à Ogame (oui, ce jeu hyper chronophage que certains connaissent sûrement) et j'y avais rencontré un mec super sympa qui m'avait proposé de passer le week-end chez lui, à Lille. Ce gars avait pour habitude de « gober » le week-end. La première fois qu'il m'a dit ça, j'ai pas compris. Il m'a alors expliqué que c'était le terme pour « prendre de l'ecstasy ». Sur le coup, j'étais comme qui dirait puceau de ce genre de truc. Et le vendredi où je l'ai retrouvé, ce cher ami m'a initié à ce qui pour moi n'existait que dans Human Traffic. Toute la nuit du vendredi au samedi, j'ai essayé d'attraper les lasers, mais je n'y suis jamais parvenu hélas. Et du samedi midi au lundi midi, j'étais complètement KO, avec une descente de bâtard couplé au fait que j'étais un frêle adolescent de 45 kg. Le lundi après-midi, lorsque je suis monté dans le train pour rentrer chez moi, j'étais pas très bien, alors mon ami m'a passé un petit remède maison, quelques sticks qu'il avait lui-même roulé avec amitié et moults sentiments. J'étais tellement décalqué qu'à aucun moment je ne me suis demandé si j'allais me faire contrôler ou pas.

Et bien figurez-vous que je me suis retrouvé dans un wagon avec un contrôleur qui a checké absolument tout le monde. Tout le monde sauf moi. Je me souviens qu'il m'avait aidé à monter dans le wagon, et qu'il avait bien vu que j'étais handicapé à ma démarche très oscillante, mais il ne pouvait pas se douter que ma façon de tanguer était aussi un petit peu due aux nombreux résidus d'acide qui traînaient dans mes veines. À aucun moment il ne m'a demandé quoique ce soit, si ce n'est mon titre de transport. Au contraire, il a été aux petits soins avec moi. J'aurais limite pu lui demander un café qu'il m'en aurait apporté un !

Voilà mes potes rassurés. De toute façon, c'est soit on adopte mon plan, soit on adopte un mec (ah non ça c'était l'autre confession !), soit on fait un détour bien trop long par rapport à la flemmardise profonde qui nous tient. J'enlève donc mes chaussures et mes attelles et on tasse tout au fond, en mode casse-moi tout là-dedans je veux plus rien reconnaître. Je me retrouve avec 20 g de Marie-Jeanne au bout de chaque pied, et j'ai beau avoir foi dans mon stratagème, j'ai quand même un peu les miquettes.

Nous arrivons au fameux carrefour, et bien entendu un monsieur de la maréchaussée nous fait signe de nous arrêter (je vous demande de vous arrêter !). Nous nous exécutons, et quand il nous demande de sortir, mes amis obéissent mais pas moi. Pour le moment, aucun des trois poulets ne me dit quoique ce soit. Mes quatre potes mâles doivent vider leur sac à dos et enlever leurs chaussures, se font gentiment palper là où il faut. Ma pote femelle subit le même traitement, mais par une fliquette.

Puis le plus grand des représentants de l'État et de l'ordre se penche vers moi et me demande de sortir. Avant de raconter la suite, je vous demande de cliquer sur ce lien : https://youtu.be/CcflwUYYoXk. Je lui explique que je suis handicapé, que mes jambes me font atrocement souffrir et que ce soir, c'est la première fois que je sors avec mes amis et qu'ils m'emmènent au pub depuis que je me suis fait opérer des pieds, il y a quelques mois, et que je sors d'une rééducation qui a été aussi épuisante que pénible. Je lui dis que je n'ai absolument rien à cacher car de toute façon, la boisson m'est absolument interdite car elle causerait bien trop de ravages à mon corps. Quant à la drogue, quant au cannabis, il serait très probablement mortifère tant mes capacités respiratoires sont faibles à cause de ma terrible maladie. Je lui dis qu'en aucune façon il ne pourra trouver quoi que ce soit sur moi. Pour l'unique raison que mon bonheur réside dans une seule chose : mes copains (copaaaaains gnéééé).

J'ai presque la larme à l'œil tant je suis investi par mon rôle. Je sens le flic tressaillir, mais il me demande néanmoins de me lever pour sortir de la voiture. Je demande à un ami de m'aider, et je fais exprès de glisser, en plaquant un genou sur le trottoir, non sans lâcher un râle de douleur langoureux qui a pour cible le cœur de l'homme en uniforme. Il me tend sa main pour me relever, et je lève mes yeux vers lui, des yeux brillants de reconnaissance pour ce geste plein d'humanité et de gentillesse, et je lui dis ce mot : « merci ».

Je me retrouve debout, adossé contre la voiture, et je me fais palper. Quand les mains du flic arrivent sur mes mollets, il sent le plastique des attelles et me demande ce que c'est. Je lui explique que depuis mon opération, opération qui n'a d'ailleurs pas été une franche réussite, j'ai de nombreuses séquelles, notamment celle qui fait que je ne peux plus actionner la cheville moi-même, ce qui me fait d'une part souffrir atrocement, mais d'autre part qui m'oblige à porter des attelles pour maintenir mes pieds dans une certaine position.

Il n'ose pas me demander si j'ai mal. Il n'ose pas vérifier. Et de toute façon, je lui dirais que oui. Il s'éloigne pour discuter avec ses collègues, qui en ont fini avec mes amis. Une minute plus tard, il revient vers moi et me dit que c'est bon, que nous pouvons tous repartir. Je le remercie pour sa compréhension, et lui souhaite une bonne nuit avant de remonter dans la voiture, non sans me faire aider par mes amis qui poussent la comédie jusqu'à attacher ma ceinture de sécurité à ma place. Nous repartons, dans un silence de cathédrale. Et puis, quelques centaines de mètres après, mon ami conducteur s'arrête.

Il me regarde droit dans les yeux et explose de rire. Moi aussi, ainsi que les quatre autres sur la banquette arrière.

Ce soir-là, j'ai su ce que c'était que d'être une mule.

- - -

Merci de continuer à me lire et à me soutenir ! Voici le FB (http://tinyurl.com/hgguzwk)

Si tu aimes les confessions infirmes, n'hésite pas à acheter le livre !

http://amzn.eu/1SI0nMi 

Continue Reading

You'll Also Like

37.3K 1.7K 88
⚠️ LES PERSO QUI SONT MORT DANS LE MANGA/ANIME NE SONT PAS MORT DANS CETTE FANFICTION C'EST UN AU 🍽️🐈 NON AU SPOIL
92.8K 2.2K 10
هل تستطيعي ان تحبي شخص متجرف متكبر متنمر؟ هل تستطيعي ان تحبي مغتصبكي؟
685K 71.4K 70
SALUTT GUYSS❤ c mon premier livre donc nieuw léne khol guaw dina saff té dina nekh 😌 mélange de wolof et français 💝 Cette histoire est mis réelle...
349K 29.8K 154
Dure d'aimer quand on n'a pas le choix. Wolf Anciss, jeune loup-garou en paye les frais. Wolf, Etrange jeune homme capable de voir en détaille tout...