Confessions Infirmes

By SylvainDuCosmos

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Je suis handicapé. C'est pas drôle. Mais en fait... Si ! À travers mes Confessions Infirmes, je vais vous rac... More

1 # Quand on a la courante et qu'on ne peut pas courir
2 # Le coup de la panne
3 # Fast and Furious : Wheelchair Drift
4 # L'handicapitaine de soirée
5 # Les boules de Noël
6 # A votre se(r)vice
7 # "Allez, tout le monde debout... Là-bas..."
8 # Le jour où je me suis fait « une Gourcuff »
9 # Eyes wide shut
10 # Jeune handicapé recherche une meuf mortelle
11 # Quand il faut régler la mire avant le tir
13 # Normes énormes
14 # La mule
15 # Pot-pourri d'infirmes anecdotes
16 # Le professionnel
17 # Aussi forte qu'une fourmi
18 # Gallinacé
19 # Amsterdam...
20 # ... et ses dames
21 # 8 pattes vs 4 roues
22 # La fable du faible
23 # Quand on voit deux fois au lieu d'une
24 # Quand tu veux te faire beau mais que t'es polio
25 # « Pourquoi le monsieur il roule ? »
26 # Vacances à roulettes I - Nothing Toulouse !
27 # Vacances à roulettes II - Juppé, au s'cours !
28 # Vacances à roulettes III : Handicapé GO !
29 # Ces gens-là
30 # Tournicotis, photomaton !
31 # En plein deux dents !

12 # L'école pour tous

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By SylvainDuCosmos

Depuis tout petit, j'ai toujours suivi un parcours scolaire « normal », c'est-à-dire dans des établissements publics avec des élèves tout à fait lambda. Bien que ma pathologie, dégénérative, aurait dû poser plus de problèmes vers la fin de ma scolarité qu'au début, cela n'a pas du tout été le cas : à chaque époque ses épreuves.

Mes parents ont dû faire face à de nombreux soucis, parfois matériels, parfois logistiques, mais souvent affligeants. Ils n'ont jamais cédé à la tentation de la scolarité à domicile, et ont toujours tenu à m'incorporer dans un modèle de vie que n'importe quel gamin a en temps normal.

Tout a commencé lorsque j'ai eu l'âge d'entrer en petite section de maternelle. À ce moment-là, j'avais à peu de choses près les mêmes « capacités physiques » que les autres enfants, à ceci près qu'il était tout de même nécessaire que je bénéficie d'une attention particulière car j'étais bien évidemment plus sujet à des accidents, comme des chutes par exemple. Ma bonne vieille ville d'Auvers-sur-Oise, se voulant parangon de culture simplement parce que Vincent Van Gogh y est mort (en ayant vécu seulement trois mois, et pourtant les cars de Chinois vous donnent l'impression qu'il y a passé toute sa vie et que la commune entière est encore imprégnée de sa présence), a signifié à mes parents que ma venue dans la maternelle nécessitait trop d'attention pour moi seul par rapport au nombre d'employés... et j'ai donc été purement et simplement recalé ! Comme quoi, même en bas âge, on peut se faire tej ! Mon père travaillant, ma mère a donc été obligée de m'emmener dans l'école maternelle qui m'acceptait la plus proche, à 15 km. Chaque matin et chaque soir elle se coltinait le trajet, cumulant perte de temps et dépenses en essence. Je me demande aujourd'hui comment elle a fait pour ne pas se débarrasser de ce problème en me jetant dans l'Oise...

J'ai fini ma maternelle sans me retrouver au fond de la rivière, et l'étape suivante a donc été l'école primaire. D'entrée, il y avait un hic : pour accéder aux classes, les élèves étaient obligés de passer par des escaliers extérieurs au bâtiment. Non seulement il n'y avait pas d'ascenseur, mais en plus de cela, les marches étaient dépourvues de rampes. Mes parents ont donc fait la demande auprès de la mairie pour qu'une adaptation soit effectuée. Pas quelque chose de grandiose, absolument pas : il me fallait juste une simple rampe pour que je puisse utiliser les escaliers en toute sécurité. L'école primaire, ça dure cinq ans si on ne redouble pas. Devinette : combien de temps a-t-il fallu à la mairie pour installer une rampe ?

Le temps que je finisse ma classe de CM2 ! Et oui, après tout, j'étais le seul élève handicapé, c'était pas un petit morveux boiteux qui allait commander une installation pour lui tout seul. Ce n'était pas comme si cela pouvait s'avérer utile pour le commun des mortels, que ce soit du personnel un peu âgé ou même d'autres enfants. Mais bon, trêve d'ironie ! Ramenons les choses au réel cœur du problème : l'argent. Après tout, une rampe ça coûte extrêmement cher pour une ville qui jouit d'un tourisme attractif. Ça doit chiffrer dans les... je ne sais pas, 200, 500 € peut être ? Bordel de merde, une simple barre de fer fixée au mur aurait suffi, mon propre père aurait pu l'installer lui-même en moins de deux heures !

La petite ironie de l'histoire, c'est que je n'ai même pas fini ma classe de CM2 dans l'établissement puisqu'à mon 11e anniversaire, je me suis fait opérer des pieds et j'ai donc fini ma scolarité à domicile pour les quatre mois qu'il restait. Mais c'est à ce moment-là que la municipalité a enfin jugé nécessaire d'installer ce que je réclamais depuis presque cinq ans. Tu parles d'un temps de latence...

L'étape suivante fut le collège, et pour le coup, l'établissement répondait aux normes. Il faut dire qu'il venait à peine d'être bâti, ce qui explique probablement son accessibilité. Ceci dit, il y a des rames de métros qui ont été construites encore plus récemment et qui ne disposent pas d'ascenseur, donc je suppose que le caractère récent n'est pas une explication toujours valable. Du coup, on va vite passer sur ses quatre années de collégien.

Septembre 2001, c'est avec une certaine excitation que je vois les attentats du World Tra... les portes du lycée s'ouvrir, avec les souvenirs d'un rendez-vous de préparation de mon entrée en seconde m'assurant que l'établissement était tout à fait aux normes et prêt à m'accueillir. Alors, en théorie, il l'était. Il y avait un ascenseur, et j'ai obtenu certains passe-droits comme ne pas faire la queue au self ou encore l'autorisation de déposer des livres de cours dans le bureau de la CPE pour alléger mon sac. Mais il faut que je vous décrive le bâtiment.

Figurez-vous le lycée Fragonard de L'Isle-Adam comme, vu du dessus, un fer à cheval. Au centre, il y a la cour de récréation, et sur les extérieurs, les salles de classe, dispersées au rez-de-chaussée et au premier étage. L'ascenseur se trouvait à l'entrée du bâtiment, et... je pense qu'un cliché via Google Maps sera plus illustratif parce qu'il n'y a pas de mots pour décrire le ridicule de cette architecture... toi qui as dessiné les plans de ce lycée, je te le dis dans les yeux : tu es un abruti fini et tu devrais songer à une reconversion au plus vite.

Il y a beaucoup de choses qui ne vont pas dans ce lycée. La première est la position de l'ascenseur : il est à côté de la salle des profs, et ne dessert qu'une partie des classes. Grosso modo, les cours se répartissaient ainsi : la partie nord pour les BTS, les ES et les STT, l'ouest pour les scientifiques, le sud-ouest pour le français et la philosophie, et le sud pour les cours de langue. Il n'y a pas eu un jour sans que je ne sois obligé de couper par la cour intérieure quitte à prendre les escaliers pour ne pas arriver en retard d'un cours à l'autre. Donc pour l'accessibilité via un ascenseur, on est d'accord elle existe, mais elle suppose en contrepartie d'arriver en retard à certains cours. Si dans la tête d'un lycéen c'est pas plus mal de rater 10 minutes et de se la jouer tranquille, objectivement, c'est du sabordage scolaire. Ma prof de droit était une spécialiste de la débilité : elle ne comprenait pas que, venant d'un cours d'anglais et boitant pas mal, je ne pouvais pas arriver à l'heure à son cours, et du coup elle ne m'acceptait pas. Quelque part, ce n'est pas si grave : j'éprouvais absolument aucune intérêt pour sa matière, et cela me permettait de filer à l'extérieur pour me la couler douce pendant une heure. Il y a des gens comme ça qui n'ont d'humain que le genre...

Vous aurez sans doute noté la présence d'une zone intitulée « les racines des os brisés ». C'est un petit sobriquet que j'ai donné à cette partie de la cour qui a provoqué bien des foulures et des fractures aux lycéens. Pourquoi ? Et bien sachez qu'un arbre, ça possède des racines. Et qu'un grand et gros arbres, ça possède des grandes et grosses racines, à tel point qu'elles éclatent sans aucun mal les pavés de la cour. On se retrouve donc avec un fatras de pierres brisées et de dalles branlantes qui forment autant de pièges qu'il n'y a de pieds pour marcher dessus. C'est intelligent n'est-ce pas ? Remarquez, c'est très important de mettre de la verdure, sans ironie je suis totalement pour. Mais quitte à faire ça, pourquoi dépenser de l'argent dans un revêtement de basse qualité alors qu'un simple parterre de gravier et de terre aurait largement fait l'affaire ? Et oui, si l'architecte avait eu plus de bon sens que de frénésie pseudo artistique, il aurait lié efficacité et sécurité. Il faut croire que cette personne était à son domaine ce que je suis à la boxe thaïe.

Finissons en beauté avec l'université ! Ici, c'était un peu comme le lycée : en théorie, tout était parfaitement accessible. Mais en pratique, j'ai dérouillé plus d'une fois. Pendant mes quatre années de licence (ouais, j'ai retapé la dernière car je me suis mis à World of Warcraft et au poker), j'ai du rester coincé dans l'ascenseur une bonne dizaine de fois. Cela aurait pu être le double, car la moitié du temps, celui-ci était en panne. À cette époque-là, je marchais encore plus difficilement qu'au lycée et j'avais besoin d'une canne. Imaginez ma peine quand je devais me résoudre à prendre les escaliers... Un ascenseur, c'est bien, un ascenseur qui marche tous les jours, c'est encore mieux !

Dans l'ensemble, j'avais toujours cours dans la même partie de l'université, sauf une année ou un cours était donné dans un amphithéâtre en sous-sol (oui oui ça existe), amphithéâtre inaccessible par absence d'ascenseur. Inutile de vous dire que ce cours-là, je n'ai eu d'autres choix que de m'en passer. Je n'en ai pas fait toute une histoire, car c'était un cours magistral, donc il n'y avait pas vraiment d'obligation de s'y rendre (en tout cas du point de vue d'un étudiant Mais durant un semestre, il y avait un cours « obligatoire » qui avait lieu dans la seule et unique salle qui se situait exactement entre le premier étage et le rez-de-chaussée, c'est-à-dire là où l'ascenseur ne s'arrête pas. Pour y accéder, une volée de marches qui représentaient pour moi une épreuve plus grande que l'escalade de l'Everest. 

Le jour où j'ai découvert ça, j'étais dépité, écœuré par l'absurdité de la situation. Chaque début d'année, j'avais rendez-vous avec une « chargée de l'accueil des étudiants handicapés ». Je tiens d'ailleurs à préciser que je n'incrimine absolument pas cette personne qui faisait ce qu'elle pouvait avec les petits moyens qu'elle avait. Je n'ai aucun doute sur sa sincérité et sur sa réelle envie d'aider les étudiants, plus particulièrement les étudiants handicapés. Mais toujours est-il que c'est totalement aberrant de passer du temps à chaque pré-rentrée pour discuter de ma situation et de mes éventuels besoins pour au final avoir un planning de cours qui me dirige dans la seule classe absolument inaccessible. Ce matin-là, quand le prof est arrivé, je lui ai demandé ce qu'il ferait à ma place. Et il m'a dit qu'il comprenait ma situation, que c'était absolument inadmissible, et qu'en l'état actuel des choses il ne voyait pas comment je pouvais assister à son cours. Heureusement, mes camarades m'aidaient à chaque fois à gravir les marches, mais pour une fois, pour une question de principe, je m'attarde sur ce point de détail de l'histoire (n'est-ce pas) qui est peut-être un détail pour vous mais qui pour moi veut dire beaucoup, ça veut dire « coucou, nous sommes une université accessible à tous, sauf ici et ici et ici et encore ici, mais on va faire comme si de rien n'était, comme ça on ne touche pas au budget ».

La dame chargée des étudiants handicapés que j'ai cité il y a quelques lignes m'a une fois proposé d'assister un conseil d'administration portant sur la question de l'intégration des étudiants handicapés. On aurait dit une réunion du Medef : costard cravate, petits-fours, que des vieux, et ça rigole hypocritement, et ça discute sur des points aussi insignifiants qu'une virgule mal placée, etc. À un moment donné, j'ai pris la parole. J'en avais marre qu'ils se gargarisent de leur flamboyante université. Je leur ai parlé de tous les problèmes que j'ai évoqués plus haut. Je leur ai parlé de leur cafétéria accessible uniquement via des escaliers (cafétéria que je n'utilisais pas parce que 5€ le sandwich fait de pain rassis et d'une seule tranche de jambon, ça tient plus à la sodomie avec gravier qu'autre chose). Je leur ai parlé des escaliers à l'extérieur des bâtiments et notamment de leurs rampes en métal, qui sont abominablement glissantes quand il pleut et terriblement douloureuses en hiver. Encore une fois, je n'ai fait que parler de bon sens... évidemment, rien n'a changé, en tout cas pas quand j'y étais encore.

Vouloir intégrer les enfants handicapés dans la scolarité, c'est bien. Le faire, c'est encore mieux. Quelque part je me dis que plus les choses avancent, mieux ce sera. Et après je me souviens des articles de presse qui dépeignent des situations dans lesquelles de futurs élèves handicapés sont refusés aux portes d'établissements scolaires qui refusent de les prendre en charge en invoquant des raisons toujours plus boiteuses les unes que les autres...

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Si tu aimes les confessions infirmes, n'hésite pas à acheter le livre !

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