Le ciel orange fait ressortir la grisaille des immeubles new-yorkais salis par la pollution. Le bruit des poubelles tapant contre le sol et les camions qui les vident résonne en cadence, s'éloignant de plus en plus.
Assise au volant de ma voiture neuve, je guette le bâtiment de l'autre côté de la rue depuis quelques heures déjà. Je vérifie une énième fois mon matériel et refait mentalement mon plan d'attaque. Ce meurtre est mon galop d'essai, si je le réussis, je rentrerai dans la compagnie des tueurs d'élite de Mme. Leblanc, la K.E.A. (the Killer Elite Agency), n'ayant pas le droit à l'erreur. Ce meurtre est le plus important de ma vie, et il le restera surement.
L'heure à laquelle part travailler Mr. Smith approche. L'homme que je dois tuer à la cinquantaine, il travaille en tant qu'avocat. Mais ce n'est pas la raison de ma présence dans cette rue, cet homme fait plus de torts à la justice que lui rendre service, il maquille des affaires et blanchi des fonds mafieux.
Ma montre sonne et les portes battantes de l'immeuble s'ouvrent, il est pile à l'heure. On peut lui reprocher d'être mal honnête mais il est ponctuel. C'est un homme à la chevelure poivre et sel, il est grand et plutôt musclé. Je jette un œil à la photo fournie par la personne « réclamant mes services » pour m'assurer que je ne me trompe pas de personne, j'aurai l'air maline avec le corps de la mauvaise personne sur les bras. J'allume le contact et suis sa voiture discrètement, je n'allume pas les phares de mon véhicule pour ne pas attirer son attention. Un rendez-vous a été pris avec Mr.Smith devant un entrepôt, me faisant passer pour un de ses hors la loi de clients. L'endroit où nous devons nous retrouver est truffé de caméras appartenant à la K.E.A. Ils veulent savoir comment je me débrouille sur le terrain malgré les excellents résultats que j'ai obtenus durant les premiers tests.
Après m'être assurée qu'il se dirige bien vers le lieu que je lui ai indiqué la veille grâce à la puce collée au capot de son véhicule, je fais un détour par les garages où je range mon matériel. Je possède plusieurs voitures, une sportive, une limousine, un quatre-quatre tout terrain, une ambulance -c'est toujours pratique-, une voiture de flic, un hélicoptère, plusieurs véhicules de l'armé et différentes motos. Tous ce qui est présent dans ce sous-terrain -ou presque- n'est que l'héritage paternel. Sur les murs de la salle sous terraine, des armes de toutes tailles, styles ou qualités variables sont accrochées. Mes armes préférées sont mon katana, mon arbalète et mon charme (caché derrière une épaisse couche de sarcasme). Ma mère aurait aimé que je fasse mannequin ou actrice, mais je voulais suivre les pas de mon père. Je voulais devenir tueuse professionnelle et j'allais y arriver.
Pour ne pas avoir de problème de circulation, je décide de prendre une moto, la plus rapide. J'arrive au lieu de rendez-vous avant le pick up noir que je suivais il y a moins d'une demie heure, Mr. Smith aurait-il changé d'avis ? Mon envie de réussir se transforme soudainement en inquiétude.
Après des minutes d'attente interminables, des bruits de voiture roulant sur du gravier se font entendre. Je reprends espoir et me cache derrière un bidon d'essence vide. La voiture s'arrête à quelques mètres de moi seulement. Ma respiration s'accélère, mon cœur s'emballe. Je respire lentement pour tenter de me calmer. En vain, la pression monte. Le moteur du quatre-quatre se coupe. J'ai l'impression que mes poumons vont exploser et n'ose pas regarder les caméras qui m'observent. J'entends une porte claquer, il est sorti. Je pose les yeux sur l'arme à feux que j'ai dans les mains. Je vérifie que le silencieux soit bien installé avant d'enlever de cran de sureté. Ensuite je me lève et vise en regardant ma victime dans les yeux. Je tire, il est mort, j'ai réussi.
C'était simple.
Le poids qui m'écrasait l'intérieur de la poitrine disparaît. Une voix résonne dans ma tête, c'est celle de ma mère. Elle me dit "Ton père serai fier de toi.". À cette pensée, l'image de mon père souriant apparaît dans mon esprit, je la chasse et m'approche du corps inerte. J'entoure la tête dans un sac plastique pour que le sang coulant du crane ne salisse pas la banquette arrière de la voiture du défunt propriétaire. Je ferme le sac au niveau du coup du cadavre avec du rouleau adhésif puis entasse Mr. Smith à l'arrière du véhicule, cela me prend une dizaine de minute car ma victime pèse le poids d'un âne mort...Ou d'un homme mort.
Heureusement pour moi, le coffre est assez grand pour que j'y couche ma moto. Je monte le deux-roues juste à coté de Mr.Smith. Mon téléphone vibre, c'est Mme.Leblanc.
- Allo ?
- Mlle. Witness ?
- Oui.
- Vous êtes engagée.
Je ne peux décrire la joie qui m'habite. Certes tout le monde ne serait pas hystérique d'avoir tué quelqu'un et encore moins fière de son acte. Mais je ne suis pas tout le monde. Je suis Maygarah Witness, fille du grand tueur Bran Witness et à présent membre de la K.E.A.
Voilà comment s'est passé mon tout premier meurtre. C'était il y a trois ans.