Confessions Infirmes

By SylvainDuCosmos

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Je suis handicapé. C'est pas drôle. Mais en fait... Si ! À travers mes Confessions Infirmes, je vais vous rac... More

1 # Quand on a la courante et qu'on ne peut pas courir
2 # Le coup de la panne
3 # Fast and Furious : Wheelchair Drift
4 # L'handicapitaine de soirée
5 # Les boules de Noël
6 # A votre se(r)vice
8 # Le jour où je me suis fait « une Gourcuff »
9 # Eyes wide shut
10 # Jeune handicapé recherche une meuf mortelle
11 # Quand il faut régler la mire avant le tir
12 # L'école pour tous
13 # Normes énormes
14 # La mule
15 # Pot-pourri d'infirmes anecdotes
16 # Le professionnel
17 # Aussi forte qu'une fourmi
18 # Gallinacé
19 # Amsterdam...
20 # ... et ses dames
21 # 8 pattes vs 4 roues
22 # La fable du faible
23 # Quand on voit deux fois au lieu d'une
24 # Quand tu veux te faire beau mais que t'es polio
25 # « Pourquoi le monsieur il roule ? »
26 # Vacances à roulettes I - Nothing Toulouse !
27 # Vacances à roulettes II - Juppé, au s'cours !
28 # Vacances à roulettes III : Handicapé GO !
29 # Ces gens-là
30 # Tournicotis, photomaton !
31 # En plein deux dents !

7 # "Allez, tout le monde debout... Là-bas..."

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By SylvainDuCosmos

En France, l'accessibilité aux bâtiments publics pour les personnes en fauteuil n'est pas vraiment respectée partout. Si pour certains édifices l'ancienneté de l'architecture ou le caractère historique de celle-ci donne un caractère compréhensible à l'inaccessibilité, d'autres récents n'ont en revanche aucune excuse.

Je pourrais vous parler d'énormément de lieux que j'ai pu visiter (ou que j'ai voulu visiter mais que je n'ai pas pu), mais je vais me contenter dans cette confession de vous raconter comment ce qui s'annonçait être un rêve a failli tourner au cauchemar.

Je suis un fan absolu de Bertrand Cantat, que ce soit avec Noir Désir ou avec Détroit. Cet artiste est à mon sens prodigieusement talentueux et est capable de créer des textes à faire pleurer et vibrer. J'aime ce mec, j'aime ce chanteur et ce parolier. Par contre, n'ayez aucune crainte Mesdemoiselles, je ne risque pas de vous envoyer valser contre un radiateur avec mes bras en pattes de mouche.

Précision importante, je n'ai réellement découvert Noir Désir qu'après leur dernière tournée. Du coup, après l'affaire de Vilnius, je n'avais plus l'espoir de revoir Bertrand Cantat en concert. Puis il y a eu sa libération, puis l'implosion de Noir Désir, et finalement la formation de son nouveau groupe Détroit. Et qui dit nouveau groupe, dit album. Qui dit album, dit tournée.

En 2014, je vivais dans le 95 et je visais des places pour les deux dates annoncées à la Cigale au mois de juin. Je n'en ai pas eu, mais devant le succès des ventes, de nombreux autres concerts ont été proposés à travers la France et j'ai finalement pu obtenir des places pour celui du 8 mai à Amiens. Nous étions quatre : Juliette, Claire, Jasmine et moi-même.

Cela allait être le plus beau jour de ma vie...

Au préalable, je m'étais bien sûr renseigné sur l'accessibilité de la salle. La personne que j'avais eue au téléphone m'avais assuré qu'il n'y aurait pas de problème, que je serai pris en charge comme je cite « toute personne à mobilité réduite doit l'être, fauteuil ou pas ». Me voilà donc rasséréné.

Nous sommes le 8 mai 2014. C'est le jour J, il est 19 heures et nous arrivons sur le parking devant le Cirque Jules Verne, l'édifice accueillant le concert. Et c'est là que la désillusion commence...

Nous cherchons naturellement des places GIC. Il y en a, six, quatre occupées légalement et deux non. Qu'à cela ne tienne, je ne suis pas d'humeur à m'énerver contre les deux enfoirés qui mériteraient qu'on fasse en sorte qu'ils aient le droit de se garer sur ces places ad vitam aeternam. Nous finissons par trouver une place non loin de là, et rejoignons le bâtiment. Une de mes amies rentre à l'intérieur pour demander où se situe l'accès pour les fauteuils roulants. Elle revient en nous disant que c'est de l'autre côté du cirque. Petit détail : ceci n'était indiqué absolument nulle part. Mais bon, passons.

Nous arrivons devant une large rampe qui permet aisément à un fauteuil de monter. Il y a juste un élément qui cloche : avant de pouvoir atteindre cet accès, il faut monter un trottoir d'une vingtaine de centimètres. Nous avons beau faire le tour, regarder ailleurs, il n'y a pas d'autres passages. Alors si par hasard le fabuleux architecte qui a conçu ceci me lit, je voudrais lui adresser ces simples mots : tu es à l'architecture ce que je suis aux 400 m haies. Voire pire.

Heureusement, de braves anonymes viennent à notre aide pour porter mon fauteuil et moi avec jusqu'à la rampe. J'emprunte enfin l'accès aux personnes handicapées et suis terriblement reconnaissant que l'on facilite ainsi ma rentrée dans des établissements de spectacles.

Une fois à l'intérieur, mes amies et moi nous rendons à l'accueil. Nous expliquons la situation, qu'une employée du cirque Jules Verne m'avait garanti qu'il n'y aurait aucun problème pour que j'assiste au concert. Un agent de sécurité nous emmène à l'endroit dévolu aux personnes en fauteuil roulant. Et là, je reste sur le cul (d'ailleurs, c'est toute l'histoire de ma vie ça) : en réalité, il n'y a pas vraiment d'espace réservé aux personnes handicapées, elles sont simplement parquées derrière les personnes qui sont debout dans la fosse. Autant vous dire qu'il m'était impossible de voir quoi que ce soit sur la scène.

Je suis furieux. Le concert n'est pas encore commencé mais ça ne va pas tarder. Nous sortons de la salle et allons directement nous adresser aux agents de sécurité. Je leur dis que c'est absolument inadmissible, que s'en est même irrespectueux et que si je dois assister au concert dans ces conditions, j'exige d'être remboursé. Bien évidemment, je ne tiens pas à être remboursé car je veux absolument voir Bertrand Cantat et l'entendre chanter. Et je n'ai pas envie de me contenter d'un Blu-ray.

J'hésite sur les qualificatifs à employer pour les agents de la sécurité. D'un côté, ils sont très professionnels puisqu'ils tiennent absolument à respecter les consignes que la direction leur a données, qui sont celles qui ont probablement été écrites par un débile profond qui ne comprend pas qu'une personne assise n'a strictement aucun intérêt à venir voir un concert si c'est pour être derrière des personnes debout (à moins que celles-ci soient toutes atteintes de nanisme, ce qui est fort improbable). Je finis par réussir à les baratiner qu'ils me montent (tous en même temps, oh oui j'aime ça !), quitte à laisser mon fauteuil dans un local. Je peux très bien m'asseoir dans les gradins, tant que je vois la scène et que je suis avec mes trois amies.

Maintenant vous allez comprendre pourquoi j'hésite sur les qualificatifs concernant les agents. Ils sont professionnels, mais ils ne sont vraiment pas doués, et je dis ça pour rester poli car ils y mettaient quand même de la bonne volonté. À quatre, ils ont adopté la méthode suivante : chacun me tient un membre (maintenant que j'y pense, ils auraient dû être cinq). Sur le coup, je me dis pourquoi pas, peut-être même que le vent nous portera. Après tout, ce sont eux les pros et pas moi.

Les quatre agents sont tous de tailles différentes. Très différentes. Le plus petit doit faire dans les 1,60 m, les deux moyens dans les 1,80 m, est le plus grand dépasse les 2 m. Vous allez me demander où est le problème. Il est évident : je subis un véritable écartèlement. Pas comme dans Braveheart, mais presque. Je me fais tostakill.

Le calvaire dure de longues minutes, car bien que les quatre agents se rendent compte peu à peu que leur technique est tout sauf irréprochable, ils persistent. A la longue, j'ai l'impression que mes épaules se disloquent, et j'ai peur de tomber à tout instant. Nous montons comme ça les marches les unes après les autres, avec de multiples pauses. Je leur soumets plusieurs propositions, comme simplement me prendre sur leur dos (ce qui est faisable par une seule personne bien constituée, ce qui est leur cas), ou encore utiliser la technique de la chaise (deux personnes croisent leurs bras pour former un siège pour celui qui doit être porté). Mais non, aucun mot ne résonne dans leurs oreilles sourdes.

Finalement, nous atteignons les gradins aux allures de paradis. J'ai le dos éclaté, on pourrait presque m'appeler Elasticman. Ceci dit, nous y sommes, enfin. Le concert va commencer. Je suis aux anges (de désolation).

Comment vous décrire ce concert ? De tous les spectacles auxquels j'ai pu assister, aucun ne m'a fait ressentir autant d'émotions. Je n'ai jamais vu une telle communion entre un artiste et son public. Lorsque Bertrand Cantat a commencé les accords de « A ton Etoile », j'ai littéralement fondu en larmes de bonheur. Je n'avais aucune connaissance de la setlist, je voulais me garder la surprise. J'avais une certaine appréhension, c'était celle que le mélange entre les anciennes chansons et les nouvelles ne prenne pas. J'avais aussi peur que des idiots viennent perturber le spectacle pour les raisons extra artistiques que l'on connaît tous malheureusement. Mais tout fût parfait.

J'étais déjà un fan absolu de Bertrand Cantat avant cet inoubliable 8 mai 2014, et je le suis encore plus depuis. D'ailleurs, Juliette, qui ne connaissaient pas plus que ça son œuvre et qui venait plus pour voir un concert comme un autre qu'autre chose, a été totalement conquise par la puissance et la prestance. Quant à (haha) Jasmine et Claire, en sortant de la salle, elles ne demandaient qu'à y retourner alors qu'elles n'ont plus n'étaient pas obnubilées comme je le suis par ce poète.

D'ailleurs, nous y sommes repassés au Zénith de Paris quelques mois après. Cette fois-ci, il n'y a eu aucun problème pour l'accessibilité, mais je regrette simplement (il y a hélas toujours quelque chose à regretter...) que les emplacements pour les personnes handicapées ne permettent pas aux accompagnateurs de s'asseoir à côté de leur ami(e)/frère/soeur/cop(a)in(e)...

Ceci dit, il faut quand même noter quand les choses sont bien faites. Parce que cela arrive. Récemment, au mois d'octobre 2015, il y avait une compétition d'esport à Paris, les phases de poule des WCS de League of Legends.

Cette fois-ci, nous étions trois et nous y sommes rendus en taxi pour ne pas nous prendre la tête. Nous avons été déposés juste devant le bâtiment, aucun problème de marche ni de trottoir. Les employés étaient aux petits soins sans pour autant sombrer dans l'apitoiement. Dans la salle, il n'y avait pas spécialement de place pour les personnes en fauteuil roulant, mais comme les rangées étaient constituées de chaises alignées, il suffisait de demander à en enlever une pour que je puisse y insérer mon véhicule (en effectuant au passage un magnifique créneau digne de passer dans les écoles de conduite). Et lorsque, entre les matchs, des intervenants distribuaient des goodies en les jetant dans le public, un adorable employé est venu spontanément me voir en me demandant si j'en avais reçu. Je lui ai dit que non, mais que ce n'était pas grave du tout. Il m'a demandé de ne pas bouger, ce à quoi j'ai répondu « ça risque pas » en rigolant et en le faisant rire. Cinq minutes après, il m'a apporté un modèle de chaque goodie. J'étais vraiment surpris car jusque-là, je n'avais jamais vu ça.

Finalement, force est de constater que lorsque l'on est handicapé, il est relativement difficile de sortir convenablement dans des salles de spectacles. Il est d'ailleurs difficile de sortir tout court, car en France, les infrastructures sont vraiment en retard pour un pays « moderne ». Il suffit d'aller à Londres pour se rendre compte de la différence monumentale qu'il y a. Encore une fois, je comprends tout à fait que les anciens bâtiments ne soient pas accessibles (on va quand même pas démonter les marches de Notre-Dame pour des handicapés quand même, déjà qu'un bossu squatte le clocher...), mais je trouve ça sidérant que des rames de métro construites dans les deux ou trois dernières décennies ne soient pas munies d'ascenseurs.

Peut-être qu'en explosant les genoux des politiques à coup de massue puis en les clouant à des fauteuils roulants, les choses avanceraient...

- - -

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