Nuances de bleu
Robert soupira en se rappelant qu'ils allaient au musée. C'était Hugues qui l'avait suggéré, prétendant qu'ils s'amuseraient. Robert finalement accepté, à contre cœur, parce que premièrement ses parents l'avaient puni de tous objets qui seraient potentiellement électroniques, et que deuxièmement il pleuvait.
Et deuxièmement on était dimanche, et il pleuvait. Il n'avait rien à faire d'autre que d'accompagner son ami au musée. Il avait totalement désapprouvé l'idée d'aller dans un lieu pareil. Il s'attendait plutôt à aller dans un ciné. Parce que, oui, Robert détestait l'art, ou il ne le comprenait simplement pas ? Il maudit ses parents de l'avoir puni un jour de pluie. Enfin quoi ce n'était plus un enfant ! Se constat lui rappela que, sans son téléphone dans l'étroite voiture, il ne savait pas quoi faire d'autre que regarder par la fenêtre les fines traces, que laissait la pluie dans son sillage.
Ils arrivèrent enfin devant le musée, après ce qui lui avait semblé être une éternité. Il courut et se réfugia dans la pièce chaude, il secoua la tête pour chasser l'eau de ses cheveux.
Robert reporta pour la millième fois son regard émeraude sur le tableau devant lequel Hugues était planté. Il ne l'appelait même plus son ami, parce qu'à ce moment précis il mourait littéralement d'ennui, et le tableau enfin si on pouvait appelait ça un tableau, ne l'aidait pas beaucoup. Il ne put s'empêcher cette fois de soupirer bruyamment. Hugues se tourna vers lui, avec un regard interrogateur auquel il ne répondit absolument pas. À la place, il lui empoigna fermement le bras et embrassa du regard la pièce à la recherche d'une œuvre qui n'aurait pas été peinte par quelqu'un en dépression.
Son regard se verrouilla presque instantanément sur une toile à l'autre bout de la salle. Il jubila de laisser enfin tous ses tableaux aux couleurs tristes et aux formes bizarres, derrière lui.
Maintenant qu'il était devant la petite peinture rectangulaire, Robert pu admirer la jeune femme qui y était représentée. Constatant avec soulagement que les courbes de son corps n'étaient pas droites et structurées mais joliment arrondies. Et que par miracle elle n'avait pas un nez triangulaire, non celui-ci était petit et retroussé.
Son visage était joyeux. Il rayonnait, irradié même, de joie. Cela semblait irréel, tant elle lui sembla belle. Elle dégageait une douceur infinie, qu'il n'avait encore jamais vu, qu'il n'avait même jamais imaginé possible.
Ce qui peina un peu Robert fut ses yeux bleus pâles, qui semblaient d'une tristesse infinie. Et ce détail le secoua, aussi petit soit-il cela l'agaçait, fortement, pourquoi diable toutes les œuvres qu'il voyait aujourd'hui étaient tristes ou bleus ? Il détestait le bleu ! Plus même que Picasso ou que la pluie.
Il était venu ici, simplement pour se divertir. Il n'avait pas espéré rigoler trop non plus, il était avec Hugues, tout de même. Il gémit de frustration et se retourna pour regarder son compagnon, qui observait lui aussi le tableau d'un œil ravi.
-Pourquoi tous les peintres utilisent-ils autant de bleu ? lâcha Robert, après l'avoir fixé quelques secondes.
-Picasso a eu une période où il peignait tout en bleu, répondit-il simplement, son attention toujours fixé sur le portrait
-Et alors ? Tu ne vas pas me faire croire que tous les peintres ont une période de bleu collectif ! s'exaspéra-t-il
-Pas tous, Picasso en particulier a beaucoup peint dans cette couleur. Il est probable que beaucoup de peintre aient eu, eux aussi une période où ils peignaient dans la même couleur. Après tout, pourquoi pas ?
Robert ne répondit pas trop contrarié. Il observa de nouveau la femme, et se dit que c'était bien plus beau que tout ce qu'il avait vu dans le passé, bien loin des œuvres étranges de Picasso. Qui pouvait donc peindre aussi bien ? Il se tourna totalement vers Hugues, dos au portrait. Hugues devait surement le savoir. Il savait toujours tout.
-Tu sais qui a peint ce tableau ? questionna-t-il
-Picasso, murmura Hugues en admiration
Et Robert explosa de rire, sous le regard surprit ou curieux des autres visiteurs, bien sûr que non, cela ne pouvait pas être de Picasso... Picasso ne peignait pas de telle œuvre ! Il faisait seulement des carrés, des triangles et parfois des petits cercles. Picasso ne pouvait simplement pas peindre une aussi belle œuvre.
-Tu n'as jamais été crédible, Hugues. Je suis certain que ce n'est pas Picasso qui a peint ça ! rigola-t-il en se tenant les côtes
-Bien sûr que si ! Qui veux tu que se soit ? siffla-t-il irrité, qu'il doute de sa parole.
-Impossible, dit-il doucement avant de reprendre plus fort, Picasso n'est pas capable de peindre de cette façon. C'est indiscutable.
-Tu n'es pas objectif parce que tu ne l'aimes pas ! cracha Hugues d'une voix où l'on sentait la colère percer
-Bien sur que si, c'est toi qui ne l'est pas. Tu es tellement en admiration devant Picasso que ça altère ton jugement ! répondit Robert en appuyant bien sur le nom du peintre avec mépris.
-C'est vrai, j'adore Picasso, et ? Chacun son truc, je ne critique pas les tiens, moi ! dit-il durement sans mâcher ses mots
Robert avait rarement vu Hugues perdre son sang-froid, il en fut très surpris, presque fier d'avoir réussi à le lui faire perdre. Au final, l'après-midi ne serait peut-être pas si ennuyeux, il avait vu un Hugues en colère. Deuxième chose qu'il pensait impossible en une après-midi, la première étant, Picasso peignant quelque chose qui ne comprendrait pas un angle droit.
-Cela peut être trompeur, le style étant totalement différent de celui qu'il adoptera en vieillissant, mais c'est lui qui la peint, reprit-il après quelques minutes de réflexion, sa voix redevenue étrangement calme.
Quoi ? C'était tout ? Hugues ne s'énervait pas plus ? Puis ses paroles s'imprimèrent lentement dans l'esprit de Robert et il secoua la tête. De toute façon, que connaissait-il à l'art ? Cela ne l'avait jamais intéressé, contrairement à Hugues que ça passionnait.
Mais Robert ne voulait pas. Pour une raison inconnue, il refusait d'admettre avoir tort. Il était convaincu qu'il avait raison. Picasso ne pouvait pas, avoir peint cette œuvre. Cette toile qui l'avait fasciné, qui l'avait touché au plus profond de son âme, dont il sentait encore les yeux le fixer même lorsqu'il était tourné pour parler avec Hugues.
Et même lorsque ce dernier lui montra l'étiquette où était inscrit le nom du peintre en gras et en majuscules, il refusa de l'accepter. Cela ne pouvait pas être Picasso. Alors son cerveau, chercha une solution. Remuant frénétiquement chaque détail que ses yeux lui apportaient. Un détail qui prouverait que cette peinture qu'il aimait tant n'avait pas été peinte par un homme qu'il avait toujours méprisé et jugé. Alors Marc, s'enfonça de plus en plus, persuadé qu'il avait raison. Parce que cela semblait plus simple que d'accepter la vérité. Il en était tellement sûr, Picasso n'avait pas peint la femme aux yeux bleus.
-Ça ne veut rien dire, le musée peut s'être trompé.
Mais le regard que lui lançait Hugues de ses yeux couleurs d'encre, lui montrait clairement le ridicule de sa suggestion. Il aurait pu incliner la tête et s'avouer vaincu, mais Robert était quelqu'un d'obstiné et les yeux foncés en face de lui, ne faisaient que l'incitait un peu plus a trouvé une solution plausible.
-Quelqu'un peut très bien avoir falsifié sa signature, ça ne prouve rien ! souffla-t-il
-Et pourquoi ce mystérieux peintre aurait-il signé avec le nom de quelqu'un d'autre ? Le but d'un artiste est d'être reconnu pour son talent. De faire partager sa vision du monde. De faire découvrir le monde à ceux qui n'en n'ont pas la possibilité. Alors pourquoi aurait-il prit le nom de Picasso ? Il n'était même pas connu lorsque cette toile a été peinte, récita Hugues, en bon connaisseur d'art
Les mots de Hugues devenaient de plus en plus flous à mesure qu'il parlait, Robert n'entendait à présent plus que le ton monocorde qu'il avait la fâcheuse habitude d'utiliser lorsqu'il parlait en cours.
Son cerveau ne cessait de cogiter, n'arrivant plus à se concentrer. Alors il avait tort ? Il ne pensait maintenant plus qu'au bleu pâle de ses yeux. Et s'il les avait effacés ? Il se tourna lentement vers la jeune femme et à ses yeux qui l'obsédaient. Il appréhendait tant ce qu'il allait voir, qu'il commençait à transpirer. Les battements de son cœur s'accéléraient et son souffle devint irrégulier. Il pensait que maintenant que l'idée que Picasso l'avait peinte s'était imprégnée en lui, elle allait changer. Que son visage deviendrait carré, que ses traits seraient plus durs, son regard froid, d'un bleu polaire. Mais non, le visage était intact, conservant toute sa douceur.
Lorsqu'il regarda, enfin, les yeux du portrait, ce fut comme illumination... Le bleu était sa couleur favorite. Mais pas n'importe quel bleu, non, ce bleu-là.
Celui qui brillait dans la pâleur de la couleur.
Ce bleu là était son préféré.
Alors voilà, je sais que ce n'est certainement pas le meilleur chapitre que vous ayez lu.
Mais j'ai écris cette histoire pour montrer que parfois lorsqu'on ne connaît pas vraiment une chose ou une personne, on a souvent tendance à avoir des préjugés dessus. Et que la majeur partie du temps, nos préjugés se révèlent être erronés.
N'hésitez pas à commenter à ce que vous en avez pensé.
xoxo
Marine