GINNY
– Je te pardonne toujours pas de ne m'avoir rien dit, j'affirme en me calant un peu mieux dans le lit.
– Je sais, répond Octavia en raclant le fond de sa compote. Mais qu'est-ce que tu aurais fait à ma place ?
Je soupire et reporte mon attention sur la télévision accrochée au mur. Après son malaise, Octavia a reçu l'ordre de rester à l'hôpital quelques jours, ce qui signifie que je n'ai pas un patient à gérer, mais deux. Le jour de ma première visite à Lysandre, Castiel m'a raccompagné jusqu'à chez moi et je ne suis pas revenue le voir après ça. A la place, je passe mon temps à regarder des comédies romantiques avec ma meilleure amie à l'étage psychiatrie.
– "Je hais ta façon de me parler, et la couleur de tes cheveux. Je hais ta façon de conduire et de me regarder dans les yeux. Je hais tes stupides bottes d'armée et ce que tu devines en moi. Je te hais au point d'en crever et même de te tuer parfois. Je hais ta façon d'avoir raison, tes histoires inventées. Je te hais quand tu me fais rire d'avantage quand tu me fais pleurer. Je te hais quand tu n'es pas là et que tu es dieu sait où. Mais je hais surtout de ne pas te haïr... ni un seul instant.. ni une seule minute... ni même du tout."
– C'est vraiment le meilleur film du monde, soupire Octavia, les larmes aux yeux devant le regard triste de Heath Ledger.
Je lève les yeux au ciel et lui tend la boîte de mouchoirs.
– Tu sais ce qui est bien avec la psychiatrie ? lance Octavia en prenant la télécommande pour zapper sur une autre chaîne.
Je tourne la tête vers elle, attendant sa prochaine connerie.
– C'est que si Castiel vient nous voir, tu pourras pas t'enfuir en sautant par la fenêtre.
Que quelqu'un achève cette fille.
Mais elle n'a pas tort. Les dispositifs anti-suicide de la psychiatrie empêchent tout danger : pas de fil avec lequel se pendre dans la douche, pas de fenêtre qui s'ouvre suffisamment pour pouvoir y sauter, miroir incassables etc...
C'est à ce moment-là que Rosalya entre en trombe dans la chambre.
– On a une urgence !
– Une urgence ? répète Octavia. Quel genre d'urgence ?
– Une urgence urgente !
Quelques instants plus tard, nous passons la porte de la chambre de Lysandre et je vois rouge.
– Qu'est-ce que... traduit Octavia.
– Tout va s'arranger, je vais t'aider !
– Nina ?! s'exclame ma meilleure amie.
Je vais la jeter par la fenêtre à coup de batte de baseball.
Non mais je rêve ! Elle ose lui plaquer un bisou sur la joue ??
L'imbécile d'interne se tourne vers moi et me lance un grand sourire hypocrite. Son regard dévie quelques secondes sur ma meilleure amie avant de revenir vers moi. Je vois, il essaie de s'attirer les faveurs de la fille du boss pour aller au bloc. C'est très vexant.
– C'est vraiment une bonne chose que vous soyez venue, reprend-t-il. Lysandre a besoin d'être entouré, il n'y a rien de mieux que la présence des proches pour faire face à une amnésie.
Il se tourne vers Lysandre :
– Je vais vous laisser, vous avez besoin de retrouver votre petite-amie.
– Je...
– Nina s'est tout de suite présentée à l'équipe médicale, reprend le médecin.
WAIT
Il croit que c'est ELLE sa petite-amie ???
Cette fois c'est officiel : je suis maudite.
– Il était temps de nous mettre au courant, ajoute-t-il. Si nous l'avions su plus tôt, elle aurait eu le droit de venir avec la famille.
– Non mais vous êtes complètement con !?
C'est Octavia que je viens d'entendre jurer là ?
– Allez chercher votre supérieur ! ajoute Octavia.
– Mademoiselle, je-
– Taisez-vous ! le coupe-t-elle. Les internes sont aussi inutiles que des nouveaux-nés ! Alors faites ce que je vous dis avant que je bip mon père et croyez-moi, il appréciera pas de me voir ici plutôt que dans ma chambre !
Nina, qui continuait de câliner Lysandre, intervient :
– Haaan, vous pourriez nous laisser nous retrouver quand même. Vous êtes pas gentilles... Je dois prendre soin de Lysandre, il a besoin de moi.
– Si tu veux, intervient Lysandre. Tu pourras lui parler après Ginny. Pour le moment, on a des choses à se dire, elle et moi.
– Je vais me la faire, marmonne Octavia avant de faire un pas en avant.
Elle est stoppée par une armée de médecins venus tout droit de l'aile psychiatrique pour la rappeler à l'ordre et la ramener dans sa chambre.
Donc en résumé : une saleté de gamine totalement obsédée par mon petit-ami l'a envoyé à l'hosto avec des trous dans le crâne faits par ma meilleure amie aujourd'hui internée à l'étage des fous et elle ose se faire passer pour SA copine ??
Là c'est bon, je craque.
Les poings serrés, je m'approche du lit de Lysandre et saisis l'une des couettes de Nina avant de la tirer vers moi malgré ses protestations. Je l'entraine dans le couloir et la relâche.
– Tu joues à quoi là ? je craque. T'es qu'une putain de groupie complètement tarrée ma parole ! T'as pas le droit de faire ça ! T'as pas le droit de prétendre être sa petite-amie et le faire passer pour un putain de pointeur alors que TU as provoqué ça ! C'est toi qui l'a entraîné sur la route, c'est de TA faute s'il est là et tu oses te servir de son état pour te faire passer pour sa petite-amie ??
– Ne me parle pas comme ça ! proteste Nina. T'as bien vu que Lysandre est amoureux de moi.
– Dégage d'ici avant que je te refasse le portrait, je craque. J'en ai rien à foutre que tu sois une gamine, tu n'as pas à t'approcher de MON petit-ami !!
– Qu'est-ce qu'il se passe ici ? s'exclame l'horrible Felicité. On est pas dans une cour de récré !
– Dites ça à l'interne qui a laissé une gamine de douze ans complètement folle entrer dans la chambre d'un patient ! je rétorque.
– Mademoiselle, je vais devoir vous demander de rester calme sinon je-
– Vous allez quoi ? je la coupe. Vous allez appeler la sécurité ? Mais faites donc, dites-leur de la ramener chez elle !
– NON !!! hurle Nina.
– Qu'est-ce qu'il se passe ici !?
– MARK ! je m'exclame, soulagée de reconnaître quelqu'un avec un minimum de cervelle. C'est elle qui a provoqué l'accident de Lysandre et elle se fait passer pour sa petite-amie et ton imbécile d'interne y a cru !
– Parlez autrement Mademoiselle !
– Et mon poing dans ta tronche de vieux dragon tout sec, c'est plus politiquement correct ?!
– C'est bon Félicité, je m'en occupe, la contredit Marc.
Quelques minutes plus tard, Nina a disparu du service, hurlant et pleurant sous les regards des personnes présentes dans le service et moi je tourne en rond dans le couloir, à deux doigts de craquer et d'ouvrir la fenêtre pour sauter.
– Ginny ?
Je ferme les yeux en entendant la douce voix de Rosalya. Cela ne lui ressemble pas de prendre des pincettes, signe que la situation est vraiment désespérée.
– On peut retourner le voir toutes les deux si tu veux... A moins que tu veuilles y aller seule...
– Non, surtout pas.
Elle m'adresse un sourire tendre et me prends la main.
– Allez viens, je lui ai expliqué pour Nina. Tu vas voir, ce n'est pas si terrible.
J'en suis pas si sûre.
– Est-ce que tout va bien ? me demande Lysandre.
Je pouffe, ne sachant quoi répondre. Je sais qu'on est censé ménager Lysandre mais non, absolument rien ne va !
Je réussi à prendre sur moi pour répondre :
– C'est plutôt à toi qu'il faut poser cette question...
– Physiquement ça va. J'ai conscience que ça aurait pu être bien pire. Pour le reste... Je suis un peu perplexe.
Bon sang, même amnésique sur un lit d'hôpital, il continue de parler comme un homme médiéval !
– Je suis un peu perdu vis-à-vis des relations que j'ai pu entretenir avec vous...
Il se tourne vers moi :
– Encore une fois, je suis vraiment désolé. C'est aussi pénible pour moi que pour toi.
– Je vais vous laisser quelques instants... intervient doucement Rosalya avant de fuir la pièce.
– Dis, toi et moi on semble très proches... reprend Lysandre.
– Euh... Oui...
– Du coup, j'imagine que je peux te poser une question personnelle ?
J'hoche la tête.
– Je ne sors pas avec Rosalya ?
Génial...
Mon propre petit-ami amnésique me demande s'il sort avec l'une de mes meilleures amies.
La vie est belle !
– Pour être franc, quand je l'ai vue ici, j'ai cru que c'était parce que...
– Qu'est-ce que tu racontes ?
– J-Je ne sais pas... Tout ce dont je me rappelle c'est qu'on avait sympathisé... Et... Je vais peut-être trop loin...
– Tu... T'es en train de dire que Rosa te plaît ? je murmure, abattue.
– Je n'aurais peut-être pas dû aborder ce sujet avec toi..
NON TU CROIS ?
– Etant donné ta réaction, je me dis que ce n'est sûrement pas le genre de choses dont on avait l'habitude de parler...
– Euh... Ils ne t'ont rien dit ? je demande, blême. Rosalya est avec Leigh...
– Avec mon frère ?
– On parle de moi ?
Nous nous tournons tous deux vers Leigh qui vient d'entrer avec Rosalya. Je déglutis et m'écarte pour les laisser passer et fais un pas un en arrière, puis un autre, et je sors finalement de la pièce.
Il faut que je sorte de cet hôpital, définitivement.