GINNY
– Ce-C'est pas possible ! je m'exclame. Ça n'arrive que dans les films !
– Oui, eh bien, les films s'inspirent de choses qui existent, répond Rosa.
C'est impossible enfin !
Lysandre ne peut pas avoir perdu la mémoire ! Il ne peut pas m'avoir oublié, Octavia me l'aurait dit !
– Après les médecins restent positifs, ajoute Rosalya, sûrement dans le but de me rassurer. Il va sûrement se rappeler petit à petit, mais on ne peut pas savoir combien de temps ça prendra.
– Mais-Mais de quoi il se souvient au juste ? Est-ce que...
Je suis incapable de continuer.
J'aurais jamais dû suivre Castiel. J'aurais dû rester dans mon lit à regarder Twilight en boucle pendant des jours.
– Est-ce qu'il se rappelle de moi ?
C'est impossible qu'il ne s'en souvienne pas. Il ne peut pas m'avoir oublié, pas alors que je viens juste de m'ouvrir suffisamment à lui pour accepter de me mettre en couple.
Allez Ginny, sois forte et répète la question :
– Est-ce qu'il se souvient de moi ?
Je connais déjà la réponse. Si c'était le cas, Octavia me l'aurait dit. S'il se souvenait de moi, elle n'aurait pas ressenti le besoin de me cacher son amnésie.
– Honnêtement, j'en sais rien, répond Rosalya. Je lui ai à peine parlé ce matin. Il avait l'air content de me voir... Mais je crois qu'il a oublié pas mal d'événements récents, on n'a pas eu l'occasion de parler de toi.
Super, sympa.
Je sens une main se poser dans mon dos et une étrange chaleur me rassure légèrement. Je lève les yeux vers Castiel, dont le regard est aussi sombre que le mien. Je crois qu'il essaye de se montrer rassurant et optimiste, mais soyons honnêtes, il n'est ni l'un, ni l'autre.
La mère de Lysandre apparaît aux côtés de Leigh dans le couloir et je n'ai qu'une envie : foncer dans la chambre de mon Mozart pour m'assurer qu'il va bien.
– Vous êtes tous venus voir mon Lysandre ? demande sa mère. Comme c'est adorable...
Rosalya s'approche de Leigh pour le prendre dans ses bras.
– Alors ? demande-t-elle. Du nouveau ?
– Il a l'air... paisible, répond Leigh. Les médecins ont dit de ne pas le brusquer.
– Qu'est-ce qu'ils entendent par "brusquer" ? demande Castiel.
– Le médecin est encore dans la chambre, il vous expliquera mieux que moi.
J'aimerais que ledit médecin soit Mark, ce serait rassurant. Mais les chirurgiens titulaires ne s'occupent pas des post-op, ils laissent ça aux internes et aux résidents.
Et effectivement, un médecin inconnu aux cheveux roux sort de la chambre.
– Et bien, Lysandre est apprécié à ce que je vois, commente-t-il.
– On peut le voir ? demande immédiatement Castiel.
Sans attendre la réponse du médecin, je m'avance vers la chambre de Lysandre.
– Eh ! Attendez ! s'exclame le médecin.
Je fais volte-face :
– Dr Mark Rogers, ça vous dit un truc ?
– Euh... Bien... Oui... C'est-Enfin c'est notre meilleur neurochirurgien.
– C'est le père de ma meilleure amie et croyez-moi, il n'apprécierait vraiment pas s'il apprenait qu'un de ses internes a refusé l'accès de cette chambre à la personne qui a sauvé la vie de sa fille.
Oui je sais, c'est bas de ma part de jouer la carte "Rogers" mais je n'ai pas la force d'arrondir les angles, pas aujourd'hui.
Il faut que je le vois, maintenant.
La porte s'ouvre à la volée, faisant sursauter le patient allongé dans son lit.
La vue de ses blessures me fend le cœur et j'en perds toute ma combativité. Si bien que la seule chose qui sort de ma bouche est un petit :
– Salut...
– Te revoilà... répond Lysandre.
Je fronce les sourcils, étonnée par la lueur qui illumine son regard. Est-ce que les autres se sont trompés ? Finalement il se souvient de moi ?
– Oui !
Je me tourne, découvrant Rosalya souriant timidement à mon copain. Mon regard oscille entre les deux sans réussir à comprendre ce qu'il se passe.
– Regarde qui est venu ! s'exclame Rosalya en souriant.
Mon cerveau n'arrive pas à analyser les informations de cet instant, si bien que je me contente d'observer comme la spectatrice que j'ai toujours été.
– Oh, bonjour.
Lysandre semble tout juste s'apercevoir de ma présence, ce qui signifie que sa réaction était en rapport avec Rosalya...
– Je suis désolé... ajoute-t-il. On se connait ?
Je fais un pas en arrière, frappée par ses paroles.
– Je...
Mais qu'est-ce que je suis censée dire ? Mon propre petit-ami ne me reconnait pas. Suis-je donc si insignifiante que ça ?
– C'est Ginny, Lysandre, intervient Rosalya. Ne me dis pas que tu ne te rappelles pas...
– Je suis vraiment désolé, répond-t-il.
Répond Ginny.
Répond Ginny.
– Ce-Ce n'est pas grave...
C'est sûrement le plus gros mensonge de ma vie.
Je fais un nouveau pas en arrière, ne me sentant absolument pas légitime de me trouver ici.
Il me faut tous les efforts du monde pour demander :
– Comment tu te sens ?
– Mes blessures me font un peu mal mais c'est supportable.
C'est au moins supportable pour l'un de nous.
– Ce qui est troublant en revanche, c'est de constater que beaucoup de choses m'échappent, continue-t-il. Mais heureusement, je me sens moins perdu depuis que j'ai vu ma mère, Leigh... et toi.
Il regarde fixement Rosalya.
– Ca va aller, répond Rosalya avec un sourire bienveillant. Tu vas finir par te rappeler. On va t'aider, pas vrai Ginny ?
Ginny a quitté le chat, veuillez réessayer plus tard.
– On va lui rappeler les choses petit à petit, ajoute Rosalya avant de se tourner vers Lysandre. Déjà tu pourrais peut-être nous dire ce que tu te rappelles à propos de moi.
– Tu es Rosalya, une camarade du lycée, répond Lysandre. Tu es venue à la boutique de mon frère l'autre jour... On a beaucoup discuté. Je crois... Je crois qu'on devient de plus en plus proches, non ?
QUOI ?
NON ! NON NON NON ET NON !
C'est un putain de cauchemar.
– Oui c'est vrai, répond Rosalya, ne se rendant pas compte de ce qu'il insinue. Même si tu restes quelqu'un de mystérieux ! Je ne sais pas tout de toi non plus. Ginny est au lycée avec nous. Tu ne te rappelles pas de votre première rencontre ? La première fois que vous vous êtes parlés, c'était... Euh...
– Je t'avais pris pour un fantôme, je complète en pilotage automatique.
– C'est plutôt drôle, répond Lysandre en souriant. Et assez poétique. Raconte-moi.
Je fais un nouveau pas en arrière.
J'en ai vécu des choses ces derniers mois, mais ça...
– Je peux pas... je murmure dans un souffle.
Et je tourne les talons avant de m'enfuir.
Pour la première fois de ma vie, je choisis de prendre les escaliers au lieu de l'ascenseur. Je les dévale avec une vitesse digne de Flash et me retrouve bientôt à l'étage des urgences. Nathaniel est assis dans la salle d'attente et se redresse immédiatement en me voyant. A son regard, je comprends qu'il sait ce qu'il se passe. Je m'apprête à lui demander où se trouve ma meilleure amie quand des éclats de voix attire nos regards.
– Si vous sortez de cette salle, je vous jure que je vous fait interner de force !
– Et bien allez-y !
Le bruit d'une porte qui s'ouvre à la volée résonne dans le rez-de-chaussée et Octavia apparait, vite suivit par une femme asiatique en blouse bleue foncée. Je sais que leurs échanges sont compliqués, mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi... explosif.
– Revenez là ! s'exclame la psy.
– Ou sinon quoi ? réplique Octavia en levant les bras avec provocation.
Elle fait volte-face et nos regards se croisent. Je la vois déglutir et avancer vers la porte des urgences. Refusant de la laisser s'en sortir comme ça, je me précipite vers elle et la suit dans la salle d'urgences.
– Eh ! s'exclame un médecin en blouse bleue claire. Sortez de là !
– Oh c'est bon toi ! répond Octavia avant de se précipiter vers le bureau des urgences où est confortablement installée Hélène.
– TOI ! je m'exclame.
Nathaniel est sur mes talons mais je n'y fais pas attention. Octavia s'apprête à décrocher le téléphone fixe posé devant sa belle-mère mais j'écrase le téléphone pour l'en empêcher.
– Pourquoi tu ne m'as rien dit ? j'attaque direct.
Elle lève un doigt pour me couper avant de se tourner vers un type en blouse bleue claire.
– Il faut un brancard ici, affirme-t-elle.
– Pourquoi ? demande-t-il en lançant un regard vers Hélène.
– Elles vont essayer de s'entre-tuer, explique-t-elle.
– Non, répond Octavia. Je vais m'évanouir dans quelques secondes.
Hélène pousse un juron et se relève immédiatement. Avant qu'elle n'ait le temps de contourner son bureau, Octavia vacille et est rattrapée de justesse par Blondie.
– Elle m'énerve à faire ça tout le temps ! je m'exclame.
– Oui moi aussi, répond Hélène. Si tu savais le nombre de rencards en salle de garde qu'elle a inter-Euh non oublie ça.
Je soupire et tourne les talons. Je ne supporte plus cet hôpital, je ne supporte plus les lumières trop vives et les gens qui hurlent de douleur, je ne supporte plus de voir Blondie agir en parfait prince charmant alors que mon propre petit-ami est coincé dans un lit sans aucun souvenir de moi, pire encore, regardant Rosalya comme si elle était la huitième merveille du monde.
Je passe les portes automatiques et me laisse tomber sur un banc dans le parc, dépassée par les événements.
Je sens du mouvement à côté de moi et un bras passer au-dessus de mes épaules. Reconnaissant l'odeur de cuir et de café de Castiel, une fois n'est pas coutume, je me permets de me laisser aller dans ses bras, incapable de faire fonctionner mon cerveau correctement.
– Ils ont dit que c'était temporaire, dit-il. Il va finir par se souvenir.
– Et si c'est pas le cas ?
– Alors on lui rappellera tout, affirme-t-il avec détermination. Et on l'aidera à se créer d'autres souvenirs.
Je secoue la tête.
– Cette fois c'est terminé, j'en peux plus...
Je ne cherche même plus à retenir mes larmes. Je suis complètement effondrée, une autre raison pour laquelle j'aurais mieux fait de rester dans mon lit. Ou loin de toute personne de type "homme".
– T'es plus forte que ça, tente Castiel.
Je secoue la tête d'un signe négatif. C'est vraiment l'événement de trop, je ne peux plus me battre. S'il y a un Dieu quelque part, je le félicite, cette fois c'est vraiment la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Je crois qu'enfin je comprends comment on peut en venir à l'option définitive parce que tout ce que je veux à cet instant, c'est débrancher mes émotions et annuler ma vie. De toute façon, à quoi bon la vivre si c'est pour enchaîner les situations de crise ?