OCTAVIA
Les jours passent dans une attente latente. Nathaniel a totalement disparu des radars et mon inquiétude force Ginny et Rosalya à s'assurer que je n'oublie pas de m'occuper de ma propre survie, comme par exemple oublier de manger ou de boire de l'eau.
Les couloirs de ce lycée ont perdu tout intérêt sans Nathaniel et j'ai l'impression de n'être que l'ombre de moi-même. Je sais que j'ai fait ce qu'il fallait, mais j'ai très peu d'espoirs quant à la réactivité du système. J'ai réussi à m'en sortir grâce à une méthode un peu extrême, mais les barrières mentales de Nathaniel l'empêchent de faire face à toute cette violence qu'il subit depuis bien trop longtemps.
En passant dans le couloir des langues dans le but de rejoindre la bibliothèque, j'entends des voix provenir de l'une des salles vides :
– Parle moins fort !
Je reconnais la voix de Charlotte, que j'imagine être en compagnie de Li. Malgré moi, je m'approche doucement pour écouter leur conversation.
– Si quelqu'un l'entend, Ambre ne pourra pas le supporter.
– Non mais quand même ! réplique Li. Avoue que c'est louche cette histoire. C'était les FLICS, Charlotte, je les ai vus !
– Peut-être qu'ils faisaient une enquête dans le voisinage.
– Dans ce cas, le père d'Ambre est un suspect puisqu'ils l'ont embarqué.
Je cale ma main contre ma bouche pour m'empêcher de pousser un cri.
– Moins fort, je te dis ! Mais ils lui ont carrément passé les menottes, ou bien... ?
– Je n'en sais rien, je n'ai pas bien vu. En tout cas, Ambre m'a envoyé promener en me disant qu'elle ne viendrait pas au lycée aujourd'hui.
Le père de Nath a été embarqué par les flics.
LE PÈRE DE NATH A ÉTÉ EMBARQUÉ PAR LES FLICS.
Ça veut dire que, même s'ils essaient de le cacher, il y a suffisamment de preuves pour entamer une procédure.
Je n'ai pas besoin d'en entendre plus. Je préfère m'éclipser avant qu'elles ne me voient.
Je retrouve Ginny et Rosa dans la bibliothèque, penchées au-dessus d'un devoir dont je suis carrément sûre de ne pas connaître l'existence.
– Je viens de surprendre une conversation entre Charlotte et Li, je les informe. Apparemment les poulets ont embarqué le père de Nath.
– La police ? répète Rosalya. Wouah ! C'est allé loin alors ! Tu n'as pas fait tout ça pour rien.
– Ouais... Enfin, tu imagines la situation chez eux ? Ça doit être l'enfer.
Rosalya me lance un regard sévère avant de me pincer.
– Aïe ! Pourquoi t'as fait ça ?
– J'ai décidé que je te pincerai à chaque fois que tu diras quelque chose de débile !
– J'espère que t'as de bons doigts, marmonne Ginny sans lever les yeux de sa feuille.
– Je t'interdis de te torturer encore une fois, me gronde Rosalya. Le père de Nathaniel doit assumer les conséquences de ses actes.
– Peut-être... Mais je me sentirais mieux si je savais comment allait Nathaniel...
– NON.
Avec Rosa, nous nous tournons vers Ginny qui a relevé la tête pour me fusiller du regard.
– C'est hors de question, tu entends ? continue-t-elle. Tu ne vas pas retourner là-bas pour voir comment se porte ton blondinet !
– C'est pas ce que j'allais dire !
– Ah oui ?
Je marque une hésitation avant de demander :
– Vous travaillez sur quoi ?
– Octavia... me prévient Ginny. Tu ne vas pas retourner là-bas !
***
– Castiel ! j'interpelle le blaireau aux cheveux rouges dans la cour. J'aurais... Un service à te demander.
– Et depuis quand j'ai une tête à rendre service ?
– Depuis que tu m'as soutenu le jour de la pièce ? Ou que tu es resté avec moi quand j'affrontais les services sociaux pour aider Nathaniel ?
– Je ne l'ai pratiquement pas revu depuis, alors quelque part, j'y ai trouvé mon compte.
Je lève les yeux au ciel.
– J'aurais encore besoin de ton aide dans cette histoire...
– Qu'est-ce qu'il y a cette fois ? C'est sa pimbêche de sœur qui l'a mordu ?
– Arrête, c'est pas drôle ! je réplique en lui donnant une tape sur le bras. Je voudrais juste... me rendre chez lui pour voir comment il va. La police est venue ce matin emmener son père...
– Les flics ? L'affaire est réglée alors. Tu ne devrais plus t'en mêler...
Je ne réponds pas.
Il soupire.
– J'imagine que tu iras même sans moi ?
– À ton avis ?
– T'es vraiment une tête de mule !
– C'est pas le pire adjectif dont on m'ait qualifié, je rétorque. Attends... Ça veut dire que tu viens avec moi ?
– J'ai pas le choix ! s'énerve Castiel. Imagine que cet imbécile s'en prenne à toi. J'aurais l'air malin de t'avoir laissée partir toute seule !
– Si tu m'avais dit qu'un jour je me pointerai chez ce type... marmonne Castiel en regardant le portail avec dédain.
– Castiel... je murmure, les dents serrées. C'est pas le moment.
Je n'ai même pas le temps d'appuyer sur la sonnette que la mère des jumeaux ouvre le portail et crache :
– Vous ? Qu'est-ce que vous revenez faire ici ?
– Je...
– Je vous reconnais, vous aussi ! me coupe-t-elle en lançant un regard noir à Castiel. Vous êtes le fils de cette... femme aux cheveux rouges.
– Ouais, tout juste.
Castiel semble à deux doigts de refaire le portrait de la mère de Nath, ce qui ne serait pas un choix très judicieux.
– On voulait parler à Nathaniel, je les coupe. Ça fait des jours qu'on ne l'a pas vu et je m'inquiète...
– Mon fils et mon mari sont de sortie, ils ne seront pas de retour avant un moment.
Autrement dit : ils sont encore chez les flics.
– On peut l'attendre ? je demande, même si je connais déjà la réponse.
– Inutile, vous n'êtes plus la bienvenue ici, Mademoiselle.
Je doute que quiconque ait déjà été le bienvenu dans cette maison.
– Partez avant que je prévienne la p... Avant que je m'énerve !
– Eh ! s'énerve à son tour Castiel. Prenez pas ce ton là avec elle ! C'est la seule personne ici à prendre soin de votre fils, vous devriez lui dire merci.
Alors, si un jour on m'avait que Castiel me défendrait ainsi, je n'y aurais jamais cru. Il semblerait que l'affaire Débrah lui ait définitivement mis du plomb dans la cervelle...
– Il se porterait sans doute mieux si vous arrêtiez de le harceler ! Allez vous en, maintenant.
Elle tourne les talons et ferme le portail d'un geste brusque.
– Je comprends mieux maintenant, bougonne Castiel. La connerie, c'est héréditaire.
– Castiel...
– Va pas me dire que tu l'inviterais à une soirée pyjama.
A une conférence sur les violences domestiques et familiales en revanche...
– J'aurais dû me douter que ça servirait à rien... je soupire. Tu crois qu'il est vraiment avec son père ?
– J'en sais rien, il pourrait tout aussi bien avoir été enfermé dans sa chambre par sa charmante petite maman.
Je ne réponds pas, envisageant très sérieusement l'idée de la violation de domicile pour vérifier que mon prince en détresse est toujours en vie.
– Écoute, on ne peut plus faire grand chose, là, tout de suite. Viens, on rentre.