GINNY
Je parcours les coulisses à la recherche de ma meilleure amie, étonnée qu'elle puisse se cacher aussi facilement avec sa robe de princesse. Surtout avec sa discrétion légendaire !
Je décide de revenir sur scène, soulagée de ne pas avoir dû y mettre un pied ces dernières semaines, et retrouve Castiel, Lysandre, Rosalya, Armin, Alexy et Nathaniel en grand débat. Mais toujours pas d'Octavia.
– Eh ! je lance, les sourcils froncés. Vous avez vu O' ?
Un "non" général retentit et nous échangeons tous un regard. Ce n'est pas vraiment son genre de disparaître comme ça sans prévenir, surtout quand Blondie est dans le coin. En général, elle va plutôt tout faire pour passer du temps avec lui pour l'observer à la dérobée comme une psychopathe.
– Elle est peut-être avec son père, dit calmement Lysandre.
– Impossible, je réponds. Il est parti pendant la scène du fuseau.
Je parcours la foule du regard. La réunion parents-profs est terminée mais un buffet post-théâtre a été installé dans le gymnase pour que ceux qui le souhaitent continuent d'échanger.
– Quoi ? Vous l'avez pas vu partir en courant tout à l'heure ?
Je me tourne vers Castiel, étonnée.
Octavia ? Courir ? Impossible.
– De quoi tu parles ? s'exclame Blondie.
– Bah ouais, lance Castiel. Pendant que tu la bouffais des yeux durant le rappel, elle regardait le public et à un moment elle a fixé des gens et s'est enfuie. En fait c'est pas la belle au bois dormant qu'on aurait dû faire mais Cendrillon.
La réponse de Castiel entraîne un nouveau duel entre lui et Blondie mais je les coupe :
– Attends... Tu sais ce qu'elle a vu ?
– Je sais pas moi, répond Castiel en haussant les épaules. Je crois qu'il y avait une rouquine assez petite, elle-
Je vacille en entendant sa réponse et le coupe :
– Est-ce qu'il y avait quelqu'un avec elle ?
– Tu crois que j'ai fais attention à ça ?
– Est-ce qu'il y avait quelqu'un avec elle ? je répète.
– Euh... commence Castiel, faisant carburer son minable petit cerveau. Ouais, je crois qu'il y avait un type, assez grand avec des bouclettes, il-
Je n'entends pas la suite de sa phrase.
Je recule de plusieurs pas et parcours à mon tour la foule du regard.
C'est impossible.
Bien sûr que Castiel se fout de moi. Ce serait bien le genre de conneries qu'il pourrait faire.
Et pourtant...
– Ginny ? s'inquiète Lysandre.
– Salle des délégués, j'ordonne. Maintenant. Et trouvez les affaires d'Octavia.
Je tourne les talons sans un mot et me mets à courir pour sortir du gymnase le plus vite possible. L'air frais me permet de garder les pieds sur terre mais je me penche en avant, posant mes mains sur mes genoux en essayant de garder une respiration régulière.
– Gi' ?
Je ferme les yeux en entendant la voix de Lysandre, incapable de lui répondre. Sans un mot, je me redresse et continue ma route comme un automate jusqu'à notre QG. Je m'accroche à l'espoir de trouver ma meilleure amie assise sur le petit canapé en cuir de la pièce mais de toute évidence, la chance n'est pas avec moi.
Je pose les mains à plat sur la grande table centrale et continue d'essayer de calmer ma crise d'angoisse.
– Bon ! Il se passe quoi là ? demande Armin.
Je prends mon téléphone et le déverrouille avant de rechercher le dossier dont j'ai besoin.
– Est-ce qu'ils ressemblaient à ça ? je demande en montrant le téléphone à Castiel.
– Euh ouais, pourquoi ?
– Putain... je souffle.
Je me redresse et commence à faire les cents pas en me prenant les cheveux entre les mains.
– Est-ce que l'emo de service pourrait nous éclairer de son savoir ? lance Alexy.
Je ferme les yeux pour essayer de me reprendre. Ce n'est clairement pas le moment de craquer, on verra ça quand la menace sera passée. Pour l'instant, il faut que je me transforme en détective Ginny, membre du FBI.
– Il faut appeler les flics.
Il y a une exclamation générale.
– Il faut appeler les flics, je répète.
Rosalya entre dans la salle à ce moment et je me précipite vers elle pour déverser le contenu du sac d'Octavia sur la table.
– Wow, elle en a un de ces bordels ! lance Castiel avant de saisir un carnet.
Je lui tape sur la main pour l'empêcher d'aller plus loin avant de saisir le téléphone de ma meilleure amie. J'enlève la coque et la découvre vide.
– Faut qu'on la retrouve immédiatement, je souffle.
– Pourquoi ? s'exclame Nathaniel. Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est qui ces gens ?
– Sa mère... je murmure, blême. Et son... beau-père.
– ILS SONT LA ??? s'écrit Rosalya.
– Euh... Moi pas comprendre... lance Armin. Je croyais que sa mère était morte !
– Malheureusement non, je crache.
Je referme les yeux et prends une grande inspiration avant de faire carburer mon esprit et de me reprendre.
– Bon, je reprends. Il faut absolument qu'on retrouve Octavia, c'est urgent.
J'ouvre le portefeuille de ma meilleure amie et en sort une carte.
– Quelqu'un doit appeler ce numéro et insister jusqu'à ce qu'elle réponde.
Je prends une inspiration et ajoute en montrant la photo :
– Et il me faut trois personnes pour intercepter ces personnes, de préférence des garçons.
– Pourquoi ? demande Lysandre.
Je déglutis, incapable de répondre.
– C'est lui ?
Je lève les yeux vers Castiel dont le regard argenté est plus glacial que l'iceberg qui a coulé le Titanic.
– C'est lui, n'est-ce pas ?
J'hoche la tête.
– Je suis pas sûr de tout comprendre là, lance Armin. Et je suis pas sûr de vouloir comprendre...
– Alors casse-toi, je réponds. Je veux forcer personne à être là, alors...
– Qu'est-ce qu'il se passe ? me coupe Nathaniel.
Je lève les yeux vers lui et me demande si lui exposer la situation est vraiment une bonne idée. Mais lorsque ses yeux se posent de nouveau sur le téléphone, il fronce les sourcils et je vois qu'il commence à recomposer le puzzle.
– Ton brillant esprit n'a toujours pas compris ? lance Castiel, acerbe.
– Castiel, ça suffit, l'arrête Lysandre.
– Non... souffle Nathaniel en secouant la tête. C'est pas possible...
Il passe une main dans ses cheveux avant de se raidir encore plus :
– Le rapport de police...
– Est-ce que quelqu'un pourrait expliquer calmement et clairement la situation ? demande Lysandre.
– Ce qu'il se passe... je commence. C'est que ma meilleure amie a disparu et qu'un pédo-criminel se balade tranquillement au lycée.
Un silence pesant s'empare de la pièce avant que Rosalya ne prenne la carte et ne quitte la salle sans un mot.
– Tu veux dire que... commence Alexy, blême.
Je ferme les yeux et serre les dents, mais cette fois est la fois de trop. Ce secret me pèse depuis bien trop longtemps et cette fois, j'ai atteint le point de rupture.
Alors je craque :
– Il y a deux ans, quand on s'est rencontré, j'ai compris que quelque chose clochait chez elle. Elle parlait jamais de sa famille, elle avait pas le droit de m'inviter parce que sa mère "ne voulait pas d'inconnus" chez eux, je devais pas lui parler de trucs persos par message... J'ai commencé à me poser des questions, puis à lui en poser et j'ai fini par la faire craquer.
Je souffle pour évacuer ce poids qui pèse sur mon estomac et je continue, la voix tremblante :
– Elle m'a révélé que quand elle avait douze ans, ce type avait "accidentellement" posé sa main là où il ne fallait pas et la seule chose que sa mère a fait c'est ignorer le problème. J'ai essayé de dénoncer la situation mais on m'a pas écouté et... Il y a un an, juste après qu'elle ait atteint sa fameuse majorité sexuelle, le type a... été beaucoup trop loin. Là encore, sa mère n'a pas réagi.
J'émet un rire plein de mépris :
– Enfin si, elle lui a sorti qu'au fond elle le voulait un peu quand même sinon ça ne se serait pas passé, et s'est contenté de dire "en même temps, c'est vrai que tu me ressembles" puis a enchaîné sur le fait que c'était dur pour de choisir entre deux personnes qu'elle aimait.
Je marque une pause pour reprendre mon souffle avant de continuer :
– Elle a fini par en parler au psychologue scolaire qui ne l'a pas cru, sous prétexte que "de toute façon, tu passes ton temps à mentir alors on peut pas te croire" et il a dit qu'il appellerait sa mère pour parler de la situation...
– C'est le jour où elle fait sa tentative de suicide ? devine Lysandre.
J'hoche la tête.
– Le type a pris un an de prison mais a été relâché il y a quelques semaines pour "bonne conduite".
Un silence lourd s'empare de nouveau de la pièce avant que Nathaniel se redresse, encore plus livide que d'habitude. Il fait un pas vers la porte sans un mot jusqu'à ce que Castiel lui barre la route, ayant sûrement peur qu'il fasse une connerie.
– Je crois savoir où elle est, murmure Nathaniel.
Le ton de sa voix me tend, j'ai l'impression d'entendre Octavia quand elle s'inquiète de sa situation à lui.
– Va la chercher, je lance.
– Je... commence Castiel
– Non, je le coupe.
Je fais un signe de tête à Nathaniel qui comprend le message et quitte la pièce immédiatement. Je crois qu'à l'heure actuelle, si ma meilleure amie a besoin d'une personne, c'est lui. C'est à partir du moment où elle l'a retrouvé qu'elle a commencé à changer et, même si cela me fait mal de le reconnaître, je crois que personne ne pourra l'aider plus que lui.
– On va le trouver, affirme Castiel.
– Attendez, je le coupe. J'ai pas terminé.
La porte s'ouvre sur Rosalya et je reprends :
– Je voulais pas aborder le sujet devant Nathaniel, mais la mère d'Octavia n'est pas les contacts du lycée. Les seules traces qu'il y a de sa situation sont dans le dossier scolaire qui se trouve dans la salle des profs.
– Tu crois que quelqu'un l'aurait contacté ? demande Lysandre.
– Ambre... murmure Rosalya. C'est la seule à avoir ouvert le dossier.
– Je vais buter cette fille, s'exclame immédiatement Alexy.
– Attendez...
Nous nous tournons tous vers Castiel dont l'expression est passée de la rage pure à la culpabilité.
– Il y a quelqu'un d'autre qui a regardé son dossier...
– Débrah, murmure Lysandre.
– On verra ça plus tard, commente Armin. Là faut qu'on aille voir les profs, et qu'on appelle les flics.
– Ils sont en route, affirme Rosalya.
– Bien... je réponds. Je suis désolée de vous impliquer là-dedans, vraiment, mais... Je peux pas gérer ça toute seule, pas encore...
– T'en fais pas, répond Lysandre d'un ton rassurant. On est là, alors dis-nous simplement ce qu'on doit faire et on s'en occupe.
Un message s'affiche au-dessus de la photo et un soupir de soulagement retentit dans la pièce : ma meilleure amie est en sécurité dans un endroit que personne ne pourra trouver avec Nathaniel.
À peine une minute plus tard, tout le monde s'est réparti les tâches et a disparu. Je suis seule dans la salle des délégués, assise sur le canapé avec Lysandre qui a insisté pour rester avec moi.
– Tu veux que j'appelle ? il me demande.
J'hoche la tête d'un signe négatif.
– Je -je crois que ça va aller... je réponds avant d'appuyer sur le numéro.
– Service de neurochirurgie du Virginia Mason Medical Center, bonjour, me répond une voix. Que puis-je faire pour vous ?
– Il faut que je parle de toute urgence au Docteur Rogers.
– Le Docteur Rogers a été appelé en urgence, il est en pleine intervention.
Le hasard fait définitivement bien les choses... Alors qu'il est appelé en urgence, l'autre pédo se pointe...
– Croyez-moi, il veut avoir cet appel, j'insiste. C'est à propos de sa fille.
– Je ne peux rien faire, puis-je prendre un message pour lui ?
J'hésite un instant avant de demander :
– Est-ce que le Docteur Rossea est disponible ?
– Je la bip.
La minute qui suit me semble interminable et je soupire en entendant la voix d'Hélène retentir dans le haut-parleur.
– Docteur Rossea, que puis-je pour vous ?
– Hélène ?! je m'exclame en me redressant pour faire les cent pas. C'est Ginny, la meilleure amie d'Octavia...
– Qu'est-ce qui se passe ?
– Ils sont là.
Seul le silence me répond et je commence à paniquer. Et enfin, la réponse que j'attendais arrive :
– Je le fais sortir de chirurgie, on est là dans vingt minutes.
– Merci... je souffle, soulagée.
– Ginny... Est-ce que..
– C'est bon, je réponds. Elle est sur le toit du lycée avec son futur mari, les flics sont prévenus et on a des amis qui s'occupent de le retenir.
– Bien, tu as fait tout ce qu'il fallait, répond Hélène. Maintenant tu prends le temps de craquer, d'accord ?
J'acquiesce et raccroche le téléphone avant de me laisser tomber sur le canapé.
Et je me mets à pleurer.