OCTAVIA
– Un concert ? demande Nathaniel. Et tu veux que je participe ?
– Bien sûr ! je réponds. Ce serait comme un grand projet de classe ! Et on a besoin de quelqu'un d'organisé où je vais commettre un meurtre.
– Celui de Castiel j'espère.
Je pouffe avant de répondre :
– Ma meilleure amie a investi la bibliothèque de ma maison comme QG et je ne supporte plus de la voir marmonner ! Elle est en train de stresser les vieilles éditions familiales du théâtre de Shakespeare ! Ces ouvrages datent du XIXe siècle, ils ont besoin de repos et de calme !
Nathaniel se retient visiblement de rire et reprend :
– C'est pas plutôt toi qu'elle est en train de rendre folle ?
– Si ! je m'exclame. Elle est tout le temps chez moi, à parler, à respirer et j'ai besoin que quelqu'un l'aide parce que sinon...
– Octavia ! me coupe Nathaniel. J'ai accepté à l'instant où tu m'as demandé de t'aider.
– C'est vrai ?? Oh merci Nate !!!
Je lui saute dans les bras, soulagée qu'il ait décidé d'accepter. Le nez caché dans son cou, je m'autorise à profiter de cette étreinte quelques instants, savourant la sensation de ses bras autour de ma taille.
– Tu sais que mon surnom c'est plutôt Nath ? demande-t-il.
– Ouaip, mais Nate c'est plus facile à prononcer, je réponds.
Je le sens sourire contre mon épaule et je détache mes bras de lui.
– Désolée, si ça te dérange... je commence.
– Pas du tout, me coupe-t-il. J'aime bien Nate, surtout si tu es la seule à m'appeler comme ça.
Ne souris pas comme une débile O'
Ne souris pas comme une débile O'
Ne souris pas comme une débile O'
– Alors, cheffe, demande-t-il. Par quoi on commence ?
Je fais mine de réfléchir avant de répondre :
– Tu crois que tu serais douée avec une batterie ?
***
– Qu'est-ce qui t'arrive ?
Je ne réponds pas, concentrée sur les messages du groupe créé par Ginny dédié au concert.
– O' ? insiste mon père.
Je sursaute en voyant sa main passer devant mes yeux et lève enfin les yeux de mon écran.
– Quoi ?
– T'as pas l'air dans ton assiette depuis quelques jours, qu'est-ce qu'il se passe ?
– J'ai jamais l'air dans mon assiette d'après toi, je bougonne en prenant une bouchée de ma salade de fruits.
– Certes, confirme-t-il. Mais en ce moment, c'est pire que d'habitude.
Il a raison.
En temps normal je suis juste légèrement aigrie mais en ce moment, on dirait que je m'apprête à abattre une malédiction sur la route de brique jaune.
– O' ? Tu peux me faire confiance, tu le sais ?
– Oui je sais... je souffle. C'est juste que... J'ai découvert quelque chose et... Je sais pas quoi faire.
Il ne répond pas, attendant que je finisse par craquer.
– Un de mes amis a des marques dans son dos, des marques qui ressemblent à des coups, je commence. Il refuse de m'en parler et... Je suis inquiète pour lui.
Il repose la fourchette qu'il tenait en main et demande :
– Il est peut-être tombé ? Ou il s'est blessé en sport ? Je sais que tu as tendance à imaginer le pire, et c'est normal, mais peut-être...
– Pa' ! je le coupe. C'est pas un garçon à problèmes, il n'est pas violent. Il est gentil, et toujours consciencieux, calme, drôle et adorable et...
– Et c'est juste un ami ?
Je lui lance un regard noir avant de craquer :
– D'accord, c'est vrai que... Il est...
Je baisse les yeux et joue avec les petites peaux de mes ongles.
– De toute façon il se passera rien, pour ça il faudrait qu'il découvre la vérité et ce jour-là il...
– Si c'est vraiment le garçon que tu penses, il sera sous le choc pendant un temps, c'est normal, me coupe-t-il. Mais si c'est vraiment ce garçon, alors il t'aimera quand même, avec tes blessures, tout comme toi tu l'acceptes avec les siennes.
– Comme toi tu acceptes celles d'Hélène ? je réplique.
Mon père perd ses couleurs avant de demander :
– Comment tu...
– J'ai passé trois mois à l'hôpital, tu te souviens ? je réponds. Tu crois que je sais pas que tu l'as rejeté à cause de moi ?
– Je...
– Je suis désolée pour ça, je reprends. Je pensais pas que je viendrais gâcher votre histoire.
– Ne dis pas ça, répond-t-il immédiatement. Hélène et moi, c'est impossible, ça l'était déjà avant toute cette histoire.
J'arque un sourcil, sceptique.
– Hélène est interne, Octavia, dit-il. Je suis son enseignant, son supérieur, je n'ai pas le droit de...
Il ne termine pas sa phrase, se contentant de baisser les yeux.
– Vous êtes adultes, tous les deux, je réplique. C'est le principal, non ?
– Tu comprendras quand tu seras adulte, dit-il. Enfin, j'espère pas.
[spoilers alert : si, elle comprendra ! rdv dans Campus Life ! ]
– Mais le fait est que tu n'as rien à voir avec ce qu'il a pu se passer ou non avec Hélène, c'est clair ?
– Mouais, je marmonne. Je pense toujours que tu te sers de cette excuse parce que t'es un véritable lâche pas foutu de lui avouer tes sentiments.
– Alors là c'est l'hôpital qui se fout de la charité !
Nous échangeons un regard entendu avant d'éclater de rire.
– Pour ton ami... reprend-t-il quelques minutes plus tard. Laisse-lui le temps. S'il est vraiment dans une situation compliquée, tu dois attendre qu'il t'en parle. Montre-lui qu'il peut avoir confiance en toi, et donnes-lui des pistes pour l'aider, des numéros à appeler, ou... un endroit où se réfugier.
Il lève les yeux au ciel avant de reprendre :
– Je préfèrerais que ce soit pas sous mon toit, mais s'il a besoin, la maison est ouverte.
– Merci papa.
Malheureusement, une furie arrive, gâchant la beauté de ce moment...
– ON A UN PROBLÈME ! s'écrit Ginny en déboulant des escaliers. ON A UN ÉNORME PROBLÈME !
– Laisse-moi deviner : le problème s'appelle Castiel ?
***
– C'est très divertissant, commente Rosalya, passionnée par la dispute des garçons.
– On devrait intervenir, commente Ginny, légèrement anxieuse.
– J'ai des chips si vous voulez, je les informe en leur tendant mon paquet.
Les filles poussent une exclamation de joie et continuent d'observer la scène avec fascination.
– Je devrais te remercier Gi' ! continue Rosa. Je vais pouvoir faire de nouvelles photos et les vendre aux fans de Lysandre !
– Tu pourras même en vendre aux fans de Castiel ! je réplique.
– Oui, dommage qu'Armin soit un imposteur... soupire Rosa. Il aurait eu du succès.
Oui, Lysandre et Castiel ne pouvaient pas être un groupe à deux, si bien qu'il nous fallait quelqu'un à la basse et un batteur. Iris s'est révélée être une plutôt bonne bassiste et a sauvé l'avenir de ce concert. En revanche, pour ce qui est du batteur, la situation est un peu plus compliquée...
– Bin quoi ? s'exclame Armin. Je vois pas où est le problème ! Le rendu est super !
– Mais enfin Armin... tente de le raisonner Iris. Tu ne peux pas jouer avec ça...
–Même techniquement ce n'est pas faisable... ajoute Lysandre
– Et nous aurions l'air de sombres crétins... ajoute à son tour Castiel.
Des bruits de pas se font entendre dans l'escalier et Alexy arrive en demandant d'un ton bien trop jovial :
– Qu'est-ce qu'il se passe ?
– Ce qu'il se passe, commence Castiel. C'est que ton imbécile de frère a emmené sa panoplie de Guitar Hero, voilà ce qu'il se passe... Un jeu vidéo où la manette est une batterie ou une guitare...
– Ou un micro ! précise Armin.
Mais qu'il est con ! Je l'adore !
– Tu sais vraiment pas jouer ? demande Ginny à deux doigts de s'arracher les cheveux.
– Il n'y a que quatre endroits où taper sur ce jeu... Une vraie batterie ça me semble plus compliqué, je n'ai pas envie de m'embarquer dans un truc que je ne maîtrise pas.
– Alors on n'a pas de batteur ? je demande.
– Mais si ! affirme Armin. Je vais jouer avec ça ! On fera des chansons hyper connues, ça plaira à tout le monde !
– Non, affirme catégoriquement Lysandre.
– C'est hors de question, ajoute Castiel
– N'insiste pas Armin... c'était idiot comme idée, confirme Alexy.
– Donc, on n'a pas de batteur ? je répète.
– Nope, lance Rosalya, retenant avec peine son fou-rire.
Ginny baragouine quelque chose avant de partir vers l'escaliers en s'arrachant les cheveux.
Grâce à Nathaniel, nous avons eu l'autorisation de la directrice d'organiser ce concert. Il s'occupe de la paperasse avec Melody et Ginny. Il nous a aussi trouvé une superbe salle où organiser l'événement : le sous-sol ! Il a fallu plusieurs jours pour débarrasser le sol, puis le club d'art (on remercie Violette pour ça) a décidé de donner un coup de main pour rénover les lieux. Tout ce qu'il nous manque désormais, c'est un batteur.
– Eh ! s'exclame Rosalya. Tu vas où ?
– Trouver un moyen efficace de me suicider ! s'exclame Ginny avant de disparaître.
– Ce qu'elle peut être dramatique ! je souffle, le sourire aux lèvres.
– Je vais la chercher, affirme Lysandre avant de disparaître à son tour.
Tout est silencieux l'espace d'un moment avant que Rosa n'intervienne :
– C'est moi où il se passe quelque chose entre eux ?
– C'est pas toi, je réponds.
– Oh j'ai hâte ! s'exclame-t-elle en tapant dans ses mains d'excitation.
– Vous êtes sûrs d'avoir demandé à tout le monde ? demande Iris.
– J'avoue, ajoute Rosa en se tournant vers moi : T'as demandé à Nathaniel ?
– Quoi ?
– Est-ce que tu as demandé à Nathaniel ?
Pour qu'il ait une horde de fans comme Lysandre ou Castiel ? Mais ça va pas ??
– Et pourquoi est-ce qu'elle lui demanderait ? s'énerve Castiel.
– Mais bon sang, c'est quoi l'histoire entre vous ?? je m'énerve.
– Tu demanderas à ton délégué ! réplique Castiel.
– C'est à toi que je le demande.
– Disons qu'il a tendance à s'approcher un peu trop des copines des autres, craque Castiel.
PARDON ?
On doit pas parler du même Nathaniel.
J'échange un regard intrigué avec Rosalya, perturbée par la révélation de Castiel. Je sais que les garçons ont tendance à être bêtes, voire toxiques. Mais je n'arrive vraiment pas à imaginer Nathaniel jouer à ça et je doute qu'il ait les mêmes goûts que Castiel niveau filles. Et puis, s'il était vraiment comme ça, il aurait dit oui à Melody, non ?
Néanmoins, le doute s'insinue en moi...
– Plutôt m'occuper du chien de la directrice pendant un mois que de jouer avec lui ! enchaîne Castiel. Je vous préviens que si ce crétin vient jouer avec nous sur scène ça veut dire qu'il faudra faire les répétitions avec lui... et vous aurez un mort sur la conscience.
– Je te rappelle que c'est de ta faute tout ça ! je lance. Si t'avais pas voulu jouer les caïds dans la forêt, ma meilleure amie n'aurait pas eu à gérer ce maudit concert et notre classe n'aurait pas entamé ce projet alors tu vas faire l'effort de jouer le jeu où je te colore les cheveux en bleu !
– De toutes les manières que tu avais de me pourrir la vie, il fallait que ce soit celle-ci ! s'exclame Castiel.
– Nathaniel n'a pas encore dit oui, alors reste calme, dit Iris.
– Oh arrête ! marmonne Castiel. On sait tous que la rouquine n'a qu'à lui faire un sourire pour qu'il accepte ! Ce con serait même capable de se jeter d'un pont si elle le lui demandait !
– Ok, c'est le moment pour moi de quitter les lieux ! je lance.
Quelques minutes plus tard, je me recoiffe rapidement avant d'entrer dans la salle des délégués où j'y trouve, sans grande surprise, Nathaniel penché sur ses cours.
– Salut Octavia ! J'ai eu une idée et j'aimerais savoir ce que tu en penses... A vrai dire, je voulais demander à Ginny ce qu'elle en pensait mais elle vient de passer et avait l'air... très énervée.
– Oui, je t'explique juste après, je réponds. Tu vas adorer !
– Est-ce que tu penses qu'il serait utile de tenir un registre des personnes qui vont assister au concert ?
Du style pour t'assurer que tes parents ne viennent pas ?
– Euh, oui, je réponds. C'est une super idée. On pourrait utiliser ce registre pour l'article de Peggy et ensuite pour réutiliser les contacts en cas de nouvel événement, c'est... intelligent...
– C'est exactement ce que j'allais te dire ! répond Nathaniel, le sourire aux lèvres. Et du coup, pour Ginny ? Qu'est-ce qui l'énerve ?
– Ah oui... J'ai une demande un peu particulière à te faire...
– Un peu particulière ? répète Nathaniel. C-C'est à dire ?
– Et bien on s'est aperçu qu'Armin n'était batteur que sur sa console...
Nathaniel soupire et son front rencontre sa main.
– Voilà... je continue. Et du coup il nous manque un batteur...
– Ah... Et tu veux que j'essaie de trouver quelqu'un qui sache en jouer ?
– En fait... je commence. C'est plutôt à toi que je pensais...
– Ah ah ! Non pas du tout, mes parents n'ont jamais voulu m'inscrire à un cours de musique. Ils pensaient que c'était du temps passé en moins à étudier. C'était proscrit !
– Et si je rédigeais tes cours de français à ta place pour te libérer du temps ? je propose innocemment.
– Je sais même pas si tu serais capable de tenir une heure, se moque Nathaniel.
– Bon d'accord, c'est vrai ! j'admets. Mais Nate, on a vraiment besoin de toi ! S'il-te-plait !
Il semble peser le pour et le contre et je m'approche de lui pour poser mes mains sur ses épaules :
– L'avenir de ma meilleure amie est entre tes mains ! Tu pourrais avoir une armée de groupies prêtes à tout pour toi, avoir l'occasion de jeter tes baguettes sur Castiel dans l'espoir de l'éborgner innocemment et tu aurais ma reconnaissance éternelle !
– Je me contenterai de ta reconnaissance éternelle, rit Nathaniel.
– YES !!!! je m'exclame en faisant un tour sur moi-même, les bras levés. T'es le meilleur !
L'étincelle que je vois dans son regard me laisse à penser qu'il ne le fait pas que pour moi, et cela se confirme lorsqu'il ouvre la bouche :
– Je veux bien essayer de jouer pour le concert ! Ça me changera de d'habitude et j'ai toujours voulu faire de la musique ! Il faudra juste veiller à ce que mes parents n'en sachent rien.
– Promis, je réponds en levant mon petit doigt pour sceller cette promesse.