GINNY
– Jamais je n'ai vu une chose pareille depuis que j'ai été nommée directrice de ce lycée ! JAMAIS !
Les yeux rivés sur le sol, j'accuse le coup. Suite à notre petite mésaventure dans la forêt, la directrice nous a convoqué dans son bureau dès la première heure de cours. Elle est furieuse, et moi je culpabilise de l'avoir mise dans cet état.
– Nous nous sommes fait un sang d'encre ! Deux élèves, disparus dans la nature alors que le chemin était tout tracé ! Qu'est-ce qui vous est passé par la tête bon sang ?
Si je pouvais creuser ma tombe dans le sol de son bureau, je le ferais volontiers.
– C'est bon, vous énervez pas sur elle, intervient Castiel. C'est moi qui ai foiré.
Je relève les yeux vers lui, sous le choc qu'il prenne ma défense et prenne l'entière responsabilité de ce qu'il s'est passé hier. C'est la vérité, mais je ne pensais pas que Castiel pouvait se sacrifier pour sauver l'honneur d'une fille qui n'arrive même pas à échanger plus de trois phrases avec lui.
– Cela ne m'étonne même pas de vous M. Veilmont ! Depuis que vous êtes entré dans ce lycée vous ne faites que vous attirer des ennuis ! À cause de vous la course d'orientation a été un désastre ! Nous voulions récolter des fonds, pas courir après les élèves perdus en forêt !! M. Faraize a passé des heures à vous chercher ! DES HEURES ! Vous devriez avoir honte ! Vous allez me faire le plaisir de vous excuser auprès de lui pour cet incident ! Et s'il a besoin de votre aide, vous avez intérêt à la lui apporter ! Je le saurai si vous n'en faites rien, et croyez-moi vous regretterez d'être entrés dans ce lycée !
Je bafouille des excuses tandis que Castiel marmonne un :
– Ouais ouais c'est parfaitement clair.
– Et maintenant disparaissez de ma vue ! J'espère pour vous que vous saurez vous tenir à carreau ! Pendant un moment ! Sinon vous verrez de quel bois je me chauffe !
Je fuis son bureau avec précipitation et attends d'être dans le couloir pour enfin relâcher l'expiration que je retiens depuis que j'ai entendu mon nom dans la bouche du surveillant.
– Mon chien aboie plus fort que ça, lance Castiel.
Essaie-t-il de me rassurer là ? Où est-ce qu'il essaie de faire de l'humour pour détendre l'atmosphère ? Ou veut-il juste critiquer la directrice ? JE NE COMPRENDS RIEN À CE GARÇON !!
– Eh, lance Castiel. Tu sais que c'est pas de notre faute hein ? C'est elle qui aurait dû assurer la sécurité de ses élèves. C'est sa responsabilité, pas la nôtre.
– Je-je sais, je réponds.
Octavia m'a dit la même chose.
– Bon, je vais aller voir l'autre prof plus tard, reprend Castiel. Je te laisse.
***
Les yeux rivés sur mon tup, j'essaie d'ignorer le brouhaha du self pour me concentrer sur les paroles de ma meilleure amie. Le problème, c'est qu'Octavia est récemment entrée dans une phase maniaque et tourne en boucle sur un seul sujet. En général, c'est assez drôle à voir, mais aujourd'hui je ne suis clairement pas d'humeur.
– Dis-donc, vous avez fait fort hier ! s'exclame quelqu'un en posant un plateau plein de gluten à côté de moi.
Je regarde avec dégoût le plateau avant de lever les yeux sur Alexy qui se laisse tomber sur la chaise à côté de moi.
– Alors comme ça tu t'es perdue dans les bois ! reprend Alexy.
– Comment vous êtes au courant de ça vous ? demande Octavia.
– La vidéo de ta bagarre avec Ambre tourne partout sur internet, répond Armin en s'installant à côté de ma meilleure amie. C'est assez drôle, on aurait dit une bagarre de SIMS ! J'ai clairement pu voir la jauge d'énergie de l'autre virer au rouge !
Octavia le dévisage et j'ignore s'il s'agit de confusion ou d'admiration. Je ne sais même pas si elle a déjà touché à un jeu de sa vie !
– Merci ? répond la rouquine. Je suppose...
– Du coup, qui a gagné la course ? demande Alexy.
– C'est nous, les vainqueurs dans l'histoire, intervient Castiel, assit à l'autre bout de la table. Tout le monde parle de nos exploits, alors que les "vrais" gagnants, personne ne les connaît...
Le ricanement d'Octavia me donne une réponse claire quant à la question du vainqueur.
– Wow, souffle Armin. On dirait le Joker...
– Depuis quand une carte de jeu de société rigole ?
Sortez cette fille de sa grotte par pitié !
– Tu sais, reprend Armin. Le Joker, comme dans Batman !
– Ooohhhh ! réalise Octavia. Euh ouais, je-j'avoue que j'ai jamais vu Batman.
– TU DÉCONNES ? hurle Armin avant de se reprendre et d'y voir l'occasion parfaite pour dire : Je pourrais te montrer les films si tu veux... Ou les comics...
– Pourquoi pas, répond Octavia en haussant les épaules.
– C'est moi où c'est super awkward ? me demande Alexy.
– C'est super awkward, je confirme.
– Elle le fait exprès ou...
– Non, non, je le coupe. Elle est socialement inadaptée et visiblement incapable de voir quand un garçon est intéressé par elle.
– D'ailleurs, c'est quoi son genre ?
– Aucune idée, je réponds. Aux dernières nouvelles, c'étaient les délégués coincés.
– Eurk, souffle Alexy.
– Tu l'as dit, je confirme avant de pencher la tête pour regarder les deux autres d'un air pensif : Quoi qu'il pourrait aussi être son genre, elle adore Léonard dans Big Bang Theory.
– Oh, souffle Alexy. On va s'amuser.
***
Mon regard se détourne de mon cours de droit, légèrement soporifique, pour se river sur les dessins que Violette est en train de réaliser. Entourées par les étagères de la bibliothèque, notre premier contrôle arrive à grands pas et je me maudis de ne pas avoir les capacités d'apprentissages de d'autres personnes. J'aurais dû le savoir que la spécialisation en droit serait une terrible idée, mais c'était ça où la spécialité langues anciennes d'Octavia et il était absolument hors de question que j'en arrive là.
– T'as pris quoi comme option facultative ? demande Violette sans lever les yeux de son dessin.
Ah oui, il nous fallait aussi choisir une option facultative pas réellement facultative. Cette fois, j'ai pu éviter l'option jardinage et opter pour la musique. Je suis absolument terrifiée à l'idée de me retrouver en compagnie de personnes talentueuses alors que je n'ai pas la moindre connaissance en matière d'instruments mais j'ai toujours rêvé de pratiquer.
– Tu penses quoi d'Alexy ? me demande Violette.
Je penche la tête, intriguée par cette question des plus étranges venant d'elle avant de répondre :
– Je l'aime bien, il est sympa.
– Je trouve aussi, répond Violette en rougissant. Je trouve qu'on se sent bien avec lui.
– Euh... Violette... je commence.
– Oui ?
– Tu sais que... enfin, Octavia pense qu'il est... Gay...
– Oh... souffle Violette d'un air éteint avant d'hausser les épaules et de reprendre : Tant pis !
Des mains se posent sur mes épaules et je retiens un cri. J'ai peur qu'une autre scène de notre part n'aboutisse à une interdiction totale de nous rendre à la bibliothèque.
– T'es prête pour notre premier cours d'art ? me lance Octavia.
Je lui souris, et cette fois c'est sincère ! Contrairement à elle, j'ai trouvé l'option de mes rêves.
– J'arrive pas à croire qu'il y ait une option musique mais pas théâtre ! bougonne-t-elle. c'est pas juste !
Octavia n'est jamais montée sur scène mais elle a toujours baigné dans le théâtre. Elle aime assister à des représentations, lire des pièces, transposer absolument tout œuvre en pièce de théâtre. Je crois que c'est la seule chose qu'elle partage avec son père, heureusement pour eux.
– Tu as pris quoi comme option toi du coup ? lui demande Violette.
– Histoire de l'art, répond Octavia.
– Je suis sûre que ça va te plaire, dit Violette. Je te vois bien étudier ça plus tard, tu pourrais étudier l'antiquité, en plus avec tes connaissances en langues anciennes, ce serait parfait.
Nous restons silencieuses un moment face à la pertinence des paroles de Violette. Octavia ne s'est jamais intéressée à ses études, mais il est plus que clair qu'elle a une passion pour le savoir. Elle ne sait pas s'exprimer, que ce soit à l'écrit (elle est incapable de tenir un journal plus de trois jours de suite) ou tout autre forme (elle a essayé le cours de danse une fois, son pied s'est pris dans le parquet et on a dû attendre que les urgences interviennent et elle a finit la jambe dans le plâtre pendant des semaines, et je ne parle même pas de ses talents de musicienne, elle a carrément cassé une guitare dans une boutique en la faisant tomber).
– Violette... murmure Octavia. Tu es brillante !
– Merci, répond la fille aux cheveux violets clairs.
Octavia l'enlace avant de me tirer vers la sortie de la bibliothèque.
En route vers nos salles, nous croisons Lysandre et Castiel, penchés l'un vers l'autre, se faisant des messes basses. Octavia me lance un regard qui ne me rassure absolument pas et m'entraine dans un coin à l'écart pour espionner leur conversation :
– Tu sais, cette passion c'est comme un poison... J'ai besoin de ton corps contre le mien...
Je suis forcée de plaquer ma main contre la bouche de ma meilleure amie pour l'empêcher d'éclater de rire mais celle-ci me mord les doigts. Je pousse une exclamation de douleur et elle se dégage de sa prise. Bien évidemment, notre raffut attire l'attention des deux garçons qui nous lancent un regard interrogateur et un éclair passe dans le regard de ma folle de meilleure amie.
– Ne le dis pas... je murmure, les dents serrées. Pitié, ne le dis pas...
Mais ce serait mal connaître Octavia :
– Bah alors les gars ! Ça y est, vous avez enfin fait votre coming out ?
TUEZ-MOI
TUEZ-LA
QUE QUELQU'UN ACHÈVE L'UNE DE NOUS PARCE QUE JE NE SAIS PAS COMBIEN DE TEMPS JE VAIS ENCORE TENIR !!