OCTAVIA
TW : automutilation, mention d'abus sexuels
Je claque la porte derrière moi, plaque Castiel contre celle-ci et le fusille du regard.
– Si ton but était juste de te retrouver seule avec moi dans une pièce vide, il fallait juste le dire, se moque-t-il. Dommage, tu vas briser le petit cœur de l'autre looser !
J'ignore sa remarque plus que déplacée sur Nathaniel (d'une part parce qu'elle est idiote, de l'autre parce qu'il se fourvoie totalement sur les prétendus sentiments de Nathaniel) et assène :
– Mais qu'est-ce qui va pas chez toi ?
– Ça vois-tu, c'est ma question ! réplique-t-il en croisant les bras.
J'adopte la même posture défensive et réplique :
– Je croyais que l'affaire était close.
– Non, ça c'est ce que toi tu as décidé, pas moi.
– Et pourquoi ça t'intéresse ?
– C'est pas le cas, affirme-t-il en haussant les épaules : Mais j'ai besoin de savoir si je peux te laisser seule avec mon sac sans que tu cherches à t'en servir d'arme du crime.
Bien sûr, demander à ce type d'être sérieux deux minutes, c'est trop lui demander ! À quoi est-ce que je m'attendais ?
Je lève les yeux au ciel et tourne les talons. Je pose la main sur la poignée et l'abaisse mais la porte refuse de s'ouvrir. Je lève les yeux et découvre la main de Castiel plaquée contre celle-ci, la maintenant fermée.
– On a tous vécu des choses merdiques dans la vie, reprend-t-il. C'est pas pour ça qu'on essaie d'y mettre fin. Alors dis-moi, qu'est-ce qui t'est arrivé de si tragique pour que tu en arrives là ?
Je ferme les yeux et essaie de repousser les souvenirs encore trop frais dans mon esprit.
– Rien de si exceptionnel que ça, je souffle.
C'est certainement le pire dans cette histoire, de savoir que mon histoire est similaire à tant d'autres.
– Peut-être que je suis juste une putain de gamine fragile, je réplique d'un ton qui se veut sarcastique.
– Toi ? s'étonne Castiel. On parle de la fille qui n'a pas peur d'envoyer un ballon dans la tronche du gars le plus intimidant du lycée ? Qui n'hésite pas à rendre sa monnaie à Princesse Ambre ? Qui, dès le premier jour a levé le majeur dans le couloir pour bien faire comprendre au monde entier qui valait mieux ne pas l'ennuyer ?
J'ignorais qu'il était aussi observateur. Peut-être me suis-je trompée sur le compte de Castiel après tout. Peut-être n'est-il pas juste un blaireau qui se donne un genre.
– Je lâcherai pas l'affaire tant que tu ne m'auras pas répondu, insiste-t-il.
Je laisse ma tête basculer en avant et reposer contre la porte avant de méditer la question. Qu'est-ce que je pourrais bien répondre à ça ? Si je lui dis la vérité, il va agir comme les autres, me prenant pour une petite chose fragile qui a besoin d'être protégée, ce que je ne suis pas. Je ne veux pas de sa pitié.
– Octavia... insiste Castiel. Tu as besoin d'en parler.
Non. J'ai besoin d'oublier.
Mais je sais identifier l'âme des gens et je sais que ce type ne lâchera pas l'affaire. C'est pourquoi je finis par craquer et confesse :
– J'ai subi une agression, très grave, et... Quand j'ai essayé d'en parler à un adulte, il ne m'a pas cru. Il a dit que j'avais l'habitude de mentir et qu'on pouvait pas me faire confiance et il a décidé de rompre le secret médical pour prévenir mes parents que j'avais dit ça... je ne pouvais pas rentrer chez moi après ça...
Il reste silencieux un moment et je finis par faire volte-face pour l'affronter. Un flot de questions traverse son regard froid mais je n'en dirais pas plus, j'en suis incapable.
– Où est-il ? demande-t-il finalement. Celui qui t'a fait ça ?
Je déglutis.
– En prison, pour l'instant.
– Donc, il était majeur, murmure pensivement Castiel.
– S'il-te-plait... je l'implore. Ne cherche pas à en savoir plus.
Il hoche pensivement la tête et je continue :
– Il a pris trois ans de prison, dont un ferme... La dernière crise que j'ai faite, je venais d'intercepter une lettre de l'avocat de mon père qui disait qu'il allait sortir plus tôt grâce à sa "bonne conduite".
Le regard du garçon aux cheveux rouges s'assombrit immédiatement. L'idée que ce type soit de nouveau libre me donne envie de retomber dans mes travers. Aucune blessure n'est plus douloureuse que cette peur qui m'étreint chaque jour.
– Octavia... murmure Castiel.
– Ne fais pas ça, je le coupe. Me regardes pas avec... cette pitié.
Il baisse les yeux et je comprends qu'il est véritablement touché par mes confessions.
On a tous une part d'ombre, chacun d'entre nous. La mienne me pousse à maltraiter mon corps de toutes les façons qu'il soit, celle de Ginny lui impose d'être toujours plus parfaite afin que personne ne s'en prenne à elle. Cette part d'ombre nous pousse à agir, on cherche à se protéger d'elle, à l'éteindre avant qu'elle ne se révèle.
Même mon golden boy favori a une part d'ombre. Celle de Nathaniel est certainement la plus insidieuse de toutes. Il le masque parfaitement bien, mais je l'aperçois parfois, lorsque je l'observe à la dérobée alors qu'il pense être seul.
Mais, malgré son attitude, Castiel n'a pas cette part d'ombre en lui. Il n'en a aucune, ce qui, pour une personne comme moi, est absolument terrifiant.
– Laisse-moi t'aider, murmure-t-il.
Je reste interdite, me contentant de froncer les sourcils. Je ne saisis pas immédiatement le sens de sa phrase, ce qu'il sous-entend. Ce n'est que lorsqu'il fait un pas vers moi que j'en prends la mesure.
Je ne comprends pas sa démarche, pourquoi fait-il ça ? Pourquoi m'offre-t-il une échappatoire ? Il m'a fait comprendre à plusieurs reprises que je ne lui inspirait que du mépris (réciproque) alors pourquoi à-t-il fallu qu'il se laisse entraîner dans cette salle ?
– Tu ne peux pas continuer à avoir peur, affirme-t-il.
Bien que cela me fasse du mal de le reconnaître, je sais qu'il a raison. Je ne peux pas continuer à réagir comme une victime à agir sur la défensive. Tant d'autres réussissent à s'en sortir, je dois le faire aussi.
– Castiel... je souffle, cherchant une réponse de sa part à une question que je ne possède pas encore.
– Fais-le, répond-t-il.
Puis-je le faire ? Réellement ? Une part de moi aurait l'impression de trahir ma meilleure amie qui a une attirance certaine pour ce garçon. Et puis il y a Nathaniel... Nathaniel qui, comme l'a dit Ambre : " une fois qu'il saura ce que j'ai découvert dans ton dossier, il sera aussi dégoûté que je ne le suis.". Je dois me le sortir de la tête, admettre qu'il n'y a que dans mes fantasmes que mon attirance pour lui est partagée.
– Personne ne saura, continue Castiel en prenant une mèche de mes cheveux en main pour jouer avec.
Peut-être le pourrais... Après-tout, ce n'est qu'un baiser. Pas de sentiments, pas de conséquences.
Qu'est-ce qu'un baiser si n'est des lèvres qui entrent en contact ? Pourquoi tout le monde fait toujours toute une histoire d'un baiser ? Je n'ai jamais vécu de baiser qui puisse être à se damner comme dans les livres. La plupart des baisers que j'ai échangés n'étaient qu'un poison avec un goût de cendre. Mais certains poisons sont utilisés comme remède, Castiel pourrait être le poison dont j'ai besoin pour guérir...
C'est pourquoi, sur un coup de tête, je décide de me mettre sur la pointe des pieds et de poser mes lèvres sur les siennes. Elles ont un goût de cigarette et d'inspiration. Je comprends enfin pourquoi il voulait tant m'aider : il a besoin de ma noirceur autant que j'ai besoin de m'en débarrasser. L'obscurité est la meilleure exaltation pour un artiste. Les plus beaux textes sont imprégnés de noirceur et ce rockeur a besoin d'y goûter pour la comprendre.
C'est pourquoi je lui donne avec plaisir une partie de cette noirceur qui m'enchaine, me paralyse et plonge ma vie dans un tourbillon d'angoisse, de terreur et de solitude.
Castiel pose ses mains sur ma taille et me soulève pour me déposer sur la table la plus proche. J'entoure la sienne de mes jambes et le rapproche de moi. Aucun sentiment, aucun cœur battant à la chamade mais une sensation nouvelle qui s'offre à moi.
Eros.
Le désir.
Pour la première fois, je découvre cette sensation qui n'a rien de honteuse comme j'ai pu si souvent le croire... Le garçon semble savoir parfaitement ce qu'il fait puisque ses lèvres quittent les miennes pour s'attaquer à mon cou. L'une de mes mains se loge dans ses cheveux tandis que l'une des siennes effleure l'arrière de ma cuisse et je ferme les yeux pour en apprécier que plus la sensation. Une image s'insinue dans mon esprit et je dois me mordre la lèvre pour la chasser et m'empêcher de prononcer le prénom qui hante mon esprit.
Mais comme toujours, cet instant de répit ne dure pas et mes démons refont surface.
À l'instant où Castiel passe une main sous mon t-shirt, un flash s'empare de mon esprit et un frisson de dégoût me saisit. Ses lèvres n'ont plus un goût d'artiste mais de cendres. Castiel remarque ce changement immédiatement et ne cherche pas à lutter. Il se détache presque aussitôt de moi mais il est déjà trop tard.
Je le repousse, le faisant basculer contre un tabouret et saute de la table avant d'ouvrir la porte pour m'enfuir, laissant le garçon penaud.
Je m'enferme dans l'une des cabines des toilettes les plus proches et me laisse tomber sur le sol. Sérieusement, O', à quoi tu pensais ? Tu es absolument ridicule ! Croire que flirter avec un garçon qui ne t'attire même pas pouvait guérir des années de traumatismes !
Je me prends la tête entre les mains et essaie de calmer mon esprit aux prises d'un cyclone qui est loin de m'emmener au-delà de l'arc-en-ciel et essaie de réaliser les exercices de respiration que le docteur Leiko m'a appris pour calmer mes crises. Mais rien ne se passe, le cyclone de souvenirs continue de me submerger et je ne vois aucune solution pour le calmer.
Perdue entre ma peur de vivre, celle de mourir, honteuse de cette douleur qui m'agresse, je sors mon téléphone de ma poche, la main tremblante. Je retire la coque et fais tomber la lame de rasoir que je cache précieusement à l'intérieur et relève de quelques centimètres de mon jean.
À l'instant où la lame touche ma peau, ma respiration se stabilise. Je me hais pour ça. Je me hais plus que quiconque de ce travers. Mais rien n'efface ces souvenirs comme la douleur le fait. Un poison contre un poison. Les deux sont mortels, mais l'un me procure une sensation de paralysie plus que bienvenue.
Le cyclone s'éloigne, l'arc-en-ciel de souvenirs disparaît, ne laissant que les nuages gris de mon monde peint en noir.
***
NDA : bon, je sais que c'est un chapitre un peu risqué... C'est pourquoi j'aimerais connaitre votre avis sur celui-ci ! et l'histoire en général. Alors comme d'hab, n'hésitez pas à commenter et liker !