illustration : Iris
GINNY
La cloche sonne, me libérant de cet horrible cours d'histoire. J'attends Octavia à la sortie, dévisageant les personnes de ma classe au passage pour essayer de retrouver leurs noms. Heureusement pour nous, nous ne partageons pas nos cours avec les trois pétasses qui ont décidé de faire de nous leurs cibles favorites. Je ne l'ai pas encore dit à Octavia, mais après son départ, elles sont toutes les trois revenues me voir pour se moquer de ma prétendue relation amoureuse avec Ken le binoclard.
– Alors ? je demande.
– La blonde c'est la soeur de Nathaniel, répond-t-elle, le regard noir. Il pense qu'elle lui a volé les clefs dans la soirée. Il dit qu'il va lui parler mais je doute que ça mène à quelque chose, c'est l'archétype du nice guy pas foutu de se faire entendre.
– C'est drôle, c'est pas vraiment l'impression que tu m'as donnée hier après l'avoir rencontré, je la chambre.
Elle me lance un regard qui en dit long et je préfère ne pas en rajouter. Octavia n'est pas du genre à tomber en pâmoison devant le premier garçon qu'elle rencontre.
– On a quoi après ? demande-t-elle.
– Je crois que c'est en demi-classe.
Elle grimace.
Etant dans la première partie de la classe et elle dans la seconde, nous ne sommes presque jamais ensemble. Elle déverrouille son téléphone et jette un coup d'œil à son emploi du temps alors que nous nous arrêtons devant nos casiers.
– Oh non ! s'exclame-t-elle.
Ah, ça, c'est l'expression du cours de physique-chimie.
– J'ai physique-chimie, se plaint-elle.
Bingo.
– GINNY !
Oh non.
Pas ça.
– C'est quoi ce délire ? s'écrit Octavia en voyant Ken apparaître devant nous. Je peux savoir ce que tu fais là toi ?
– J'ai appris que Ginny changeait de lycée alors je l'ai suivi ! répond innocemment Ken. Comment ça va ?
– Tu peux répéter ?
À mesure que Ken répète sa phrase, le regard de ma meilleure amie s'assombrit.
– Ken ! je le coupe avant que la bombe à retardement rousse n'explose. T'as croisé les trois filles ?
– Oui ! répond Ken. Elles m'ont pris mon argent tout à l'heure.
– Elles t'ont pris ton argent ? je répète.
– Oui, elles m'ont poussé par terre et m'ont pris mon argent en disant qu'elles voulaient manger au restaurant ce midi plutôt qu'à la cantine, explique-t-il.
Je vois les larmes couler derrière ses lunettes et cela me rappelle aussitôt pourquoi je ne peux pas réagir comme Octavia. Ce garçon est lui aussi victime des brimades de nos camarades depuis longtemps, ce serait cruel de le laisser affronter ça seul.
– Et tu pouvais pas les envoyer chier ? attaque Octavia, n'ayant que faire de l'hypersensibilité du garçon.
– M-mais elles m'ont poussé par terre ! Et elles sont trois, je pouvais rien faire !!! Est-ce qu'elles t'ont fait quelque chose aussi?
– Oui, mais j'en fais pas toute une histoire, moi.
Je finis à mon tour par craquer :
– Et je peux savoir ce que tu leur a dit ? Tu leur as dit qu'on sortait ensemble ou quoi ?
– N-non pas tout à fait... je leur ai dit que tu es l'amour de ma vie. Et après elles ont pris mon argent de poche aussi. Mais... p-pourquoi tu me demandes ça ? Tu veux sortir avec moi !?
J'échange un regard avec Octavia, cherchant à lui faire comprendre que c'est à moi de gérer la situation.
– Pourquoi tu leur as dit ça ?? je m'exclame. Fais attention à ce que tu racontes quand même !
– Non mais je rêve ! soupire Octavia.
– O'... je murmure, essayant de retenir la furie.
Elle lève les bras en signe de capitulation et ouvre son casier. Heureusement pour nous, la sonnerie nous libère de Ken qui me salue vivement avant de partir vers son prochain cours. Je me tourne vers Octavia dont les lèvres s'ouvrent et je m'attends au pire.
– Mesdemoiselles ! la coupe la voix de la directrice.
Nous nous tournons d'un seul vers elle et elle continue :
– J'aimerais que vous participiez un peu aux activités du lycée. Dans cette optique, j'aimerais que vous donniez un coup de main à un des différents clubs. Actuellement, les clubs de basket et de jardinage ont tous deux besoin d'un coup de main. Je vous laisse le choix, où préférez-vous vous rendre utile ?
Nous échangeons un regard avec Octavia et peut immédiatement voir le regret dans ses yeux.
– Il n'y a rien d'autre ? demande-t-elle. Quelque chose de moins... barbant ?
– Mademoiselle Rousseau, votre langage s'il-vous-plaît, la réprimande la directrice. Et étant donné que vous êtes arrivée en avril, j'ai bien peur qu'il n'y ait de place nulle part ailleurs. Et puis, peut-être pourriez-vous être surprise par le choix de votre club.
– J'en doute, marmonne-t-elle avant de soupirer bruyamment : Bon, puisqu'on n'a pas vraiment le choix, je vais prendre basket.
Octavia déteste le sport à peu près autant que moi. Sauf qu'elle est bien plus maladroite. Un jour, je l'ai vu trébucher dans le couloir alors qu'il n'y avait absolument aucun obstacle devant sa route, pas même un gravier. C'est dire ! Mais à choisir entre les deux, je sais qu'elle préfèrera se taper un 0 de participation plutôt que de risquer la mort par asphyxie à cause du pollen.
– Et moi je prendrai jardinage, je réponds à mon tour.
J'ai aussi des allergies au pollen mais moindre que celles de ma meilleure amie alors, à choisir, je préfère largement choisir cette option qui n'implique ni ballon, ni personne de type masculine en t-shirt trempé de sueur.
– Parfait ! s'exclame la directrice. Rendez-vous dans vos clubs dans une heure !
Et sans un mot de plus, pas même une indication, elle nous abandonne dans le couloir, peu soucieuse de l'inquiétude qui a pris place sur nos visages.
Une heure plus tard, je me dirige vers mon club, bien décidée à en terminer au plus vite. Alors que je suis à sa recherche, je crois, oh malheur ! Ken.
– Eh Ginny ! Tu dois donner un coup de main dans un club toi aussi ?
– Oui, la directrice me l'a demandé, je réponds poliment.
– Je suis sûr que tu as choisi le club de jardinage comme moi, pas vrai ?!
J'aurais mieux fait de choisir le basket...
– J'avais pas vraiment le choix, je réponds.
– Aaah, c'est génial ! On va pouvoir jardiner ensemble alors !
– Oui, je suis sûre qu'on va bien s'amuser ! je réponds avec sarcasme, imitant la voix de ma meilleure amie.
Je suppose que mon sarcasme est passé au-dessus de l'esprit simplet de Ken puisqu'il répond :
– Super, j'ai hâte !
Quelques minutes plus tard, je trouve enfin mon club. J'ai la bonne surprise de découvrir l'une des filles de notre classe sur place : Iris. Nous sommes accueillies par le type qui gère le club, un gars aux cheveux verts en alternance dans un autre lycée. Il nous indique que la directrice a demandé au club de décorer le lycée avec des fleurs (qui mourront sûrement d'ici une semaine). Je me retrouve donc à décorer la salle des délégués et la salle dans laquelle nous passons la grande partie de notre semaine avec deux plantes différentes, un ficus et un mimosa. D'après mes rapides recherches sur la route, je découvre que l'une d'elle est une plante à pollen et l'autre non.
C'est la raison pour laquelle je dépose la plante sans pollen dans notre salle de classe, et la deuxième dans la salle des délégués.
Alors que je dépose la plante qui m'étais inconnue une demie-heure plus tôt, un type blond apparaît. Il sursaute légèrement en me voyant et son regard se pose sur le mimosa.
– Hé ! s'exclame-t-il. Qu'est-ce que tu fais ?!
– J- Je dois mettre des plantes ici et en salle A130. C'est pour le club de jardinage.
– Et qu'est-ce que tu as mis ici ?
Je le trouve ce garçon un peu trop agressif, mais je me garde de le lui faire remarquer. En revanche, il me dit quelque chose, comme si... Oh nom de dieu ! C'est lui Nathaniel, le frère de cette pétasse d'Ambre !
Il est beaucoup moins sympa que le prétend Octavia... J'ai l'impression que quoi que je réponde, il va mal me juger et me donner une heure de colle.
– Euh... je reprends. Le bouquet de mimosa. Pourquoi ? Il y a un problème ?
J'espère que ma voix n'est pas trop vacillante, tel Raj dans The Big Bang Theory, j'ai beaucoup de mal à parler au sexe opposé. Et avant que vous posiez la question : non, je n'ai jamais subi de violence sexuelle ou sexiste qui pourrait expliquer un tel mutisme. Je n'ai toujours aucune explication quant à cette caractéristique.
– Un peu oui ! s'exclame-t-il, une main posée contre son front. Je suis *atchoum*, je suis complètement allergique au pollen !
Il ne cesse d'éternuer et un énorme problème se pose à moi : dois-je laisser ce bouquet ici au risque d'avoir la mort de Troy Bolton sur la conscience ou dois-je le changer de place au risque d'avoir la mort de ma meilleure amie sur la conscience ? Pour ma part, le choix est vite fait.
– Je suis... je commence. J-Je su-suis désolée...
– C'est pas grave, dit-il d'une froideur digne d'un iceberg. Laisse ça comme c'est et *atchoum !* sors d'ici. Je vais *atcha !* prendre mes cachets et me débarrasser de ça. *atchoum!
J'espère que cela se passe mieux du côté d'Octavia...