Les affaires des autres (Laur...

By LeodeGalGal

6.4K 1.2K 7.3K

Quand Laura Woodward, médecin légiste, arrive à New Tren pour enquêter sur les pratiques de son homologue loc... More

Avant propos
Un instant volé
1. La morgue de New Tren
2. Le résident
3. Un Bon Samaritain dans la grisaille
4. Prise de température
5. L'homme de loisirs (1/2)
5. L'homme de loisirs (2/2)
6. Rencontres contrastées
7. De grands malades
8. Aides malvenues
9. L'antre du loup
10. Proposition intéressée
11. La neige de Snowvern
12. Jour après jour
13. Tensions dans l'église
14. L'aveu d'avant l'aube
15. L'opinion du légiste
16. Le point de vue du journaliste
17. Le jugement du curé
18. Mort à venir
19. Joyeux Noël
20. Grisaille aux marrons
21. Mises au point
22. Manque à l'appel
23. Confrontation
24. Lumière
25. Chevalier Servant
26. Convalescence
27. Un 28 décembre presque ordinaire
28. Crise de foi(e)
29. Procédure et éclats
30. Encaisser
31. L'antre du loup, de nuit
32. Les échanges nécessaires
33. Des intrus dans la morgue
34. William Willis
35. Réveillon révélateur
36. La fine équipe
37. L'antre du loup, en bonne compagnie
38. Les affaires des autres
39. Histoire de foies
40. Tous des monstres
41. Loin des yeux
42. Le silence de l'abri
43. Erreur de calcul
44. Après la nuit
45. Autour d'une salade
46. Retour aux sources
47. Aparté clandestin
48. Refuge de pacotille
49. Fouilles virtuelles
50. En porte-à-faux
51. La victime collatérale
52. Funérailles
53. Séquestration
54. Messe noire
55. Une vérité inacceptable
56. Une histoire d'antiquité
57. Effacer ses traces
58. Le poids du savoir
59. Sans conviction
60. Jeu de piste
61. Raisons et ressentiment
62. Hors jeu
63. Le coût du mépris
64. Orgueil et retombées
65. Descente aux enfers
66. Communion
67. Intervention humaine
68. Ultime repli
70. Tout est illuminé
71. Exfiltration
Et parce qu'il faut un petit mot de la fin !
Bonus : scène coupée à la réécriture

69. Contre-nature(s)

52 13 62
By LeodeGalGal

Quelque chose l'effleura, un carcan de vent qui tenta de la retenir dans ses griffes, mais elle parvint à le traverser et à poursuivre sa course. Un juron retentit dans son dos et elle esquissa un sourire de l'avoir surpris.

Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés.

Pas la bonne chanson, pas grave. Elle se sentait investie d'une énergie nouvelle, peut-être paradoxale, le dernier sursaut avant la nuit.

Michael allait arriver.

Elle entra dans la troisième pièce, au hasard, une ancienne bibliothèque aux rayonnages encastrés, nus. Elle referma la porte, décrocha une planche qu'elle glissa tant bien que mal sous la poignée. Une précaution inutile, elle le savait, mais les réflexes avaient la vie dure. Les zombies avaient défoncé l'épaisse porte en chêne de la sacristie, ils se joueraient de l'aggloméré de cette villa maudite.

Elle dégaina son révolver, recula jusqu'à la fenêtre et attendit. Gaspiller son unique balle frelatée sur un zombie était hors de question, mais Sam ne résisterait pas à l'envie d'assister à sa déconfiture, elle en était persuadée.

Le bois grinça subitement, un son blessé qui résonna une seconde dans la pièce vide avant que la porte ne cède en esquilles poussiéreuses. Les cadavres ambulants entrèrent les premiers ; Sam, comme prévu, dans leur sillage. Il paraissait mécontent mais pas aussi furieux qu'elle l'avait craint. Il y avait peut-être encore moyen de gagner du temps avant l'hallali.

— Est-ce que je n'ai pas été clair quand j'ai parlé d'un test ? s'exclama-t-il en écartant les bras sur un geste théâtral de mauvaise humeur.

— Tes hommes le brutalisaient juste derrière ma porte ! rétorqua-t-elle du tac-au-tac.

Il haussa les sourcils, faussement surpris, puis esquissa un « oh » négligent du bout des lèvres, avant de désigner sa paire de macchabées, les yeux vides, le visage et les vêtements ensanglantés.

— Grâce à toi, on ne les y reprendra plus.

Un sourire effleura ses lèvres.

— J'aurais dû envoyer la petite inspectrice. Je me demande comment tu aurais géré.

Laura ne voulait même pas devoir l'imaginer, même si elle le savait qu'entre Aaron et Jill, elle n'aurait pas hésité très longtemps.

— Tu es une tueuse, toi aussi. Je l'ai senti d'emblée, dès la première fois que nous nous sommes vus.

Il ne poussa pas le vice jusqu'à tirer d'autres parallèles fallacieux entre eux. Peut-être le ferait-il plus tard, quand il aurait réglé le problème le plus pressant. Il se contenta de croiser les bras.

— Bon, où est-il ?

— Laisse-le partir.

— Ou quoi ? Tu imagines que tu es en position de me dicter quoi que ce soit ? Tu m'as désobéi, et ça veut dire que je vais devoir sévir.

Répondant à une injonction inaudible, les deux zombies se remirent en mouvement. Laura aligna son tir, droit vers le front de la bête. Là aussi, il n'y avait pas lieu d'hésiter. Il leva les yeux au ciel avec une grimace moqueuse.

Elle appuya sur la gâchette.

La balle fusa hors du canon mais, sans doute déséquilibrée par son fardeau divin, elle ne suivit pas la trajectoire espérée. Elle heurta le plus grand des deux hommes dans l'épaule. Il se désintégra sous l'impact, en gerbes écarlates, qui éclaboussèrent tant Laura, que Sam et son acolyte. Ce dernier, comme frappé d'un contrecoup psychique, tituba et s'effondra sur le sol, où il resta immobile.

Sous son masque sanguinolent, l'expression du démon avait changé du tout au tout, reflétant la plus parfaite stupéfaction. Maculé de tripaille des pieds à la tête, on aurait dit le rescapé d'une explosion. C'est seulement en notant sa main serrée sous son épaule droite que Laura réalisa qu'elle l'avait touché. Un liquide noir, luisant, cascadait entre ses doigts et se fondait dans l'étoffe couleur d'encre de son costume.

Il n'articula pas le moindre mot et fondit sur elle. Elle vida son chargeur mais les balles ordinaires le traversèrent sans s'arrêter, comme s'il avait été intangible. Il était pourtant bien solide lorsqu'il referma la main sur sa gorge. Elle lui agrippa les doigts et lui décocha un coup de genou dans les parties, mais il ne broncha pas. Il manquait de force, cependant, sa poigne parvenait à la maintenir mais pas à l'étrangler. Elle chercha à crever ses yeux clairs et il chargea sa paume d'un feu dévorant qui lui coupa le souffle dans un cri de douleur. Elle cessa de lutter, il tempéra ses flammes.

— Comment as-tu pu me faire une chose pareille ? gronda-t-il, hors de lui.

Son haleine putride lui mena les larmes aux yeux, à moins que ce ne soit l'effet des émanations de son sang. Mais elle sentait la pression s'accentuer sur sa gorge, le signe que la blessure qu'elle lui avait infligée était en train, déjà, de se résorber.

C'est terminé, songea-t-elle. Il va te tuer.

La vue trouble, elle chercha quelque chose derrière son épaule, la lumière dorée qui refusait d'apparaître, une promesse non tenue, comme toutes celles qu'elle avait faites à l'archange, sans jamais les respecter.

C'était trop difficile.

Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Ils l'avaient prévenue, elle s'était entêtée.

— Après tout ce que j'ai fait pour toi.

La voix de Sam s'était chargée d'une rancoeur sourde.

— Pour moi ? railla-t-elle d'un fin filet de voix. C'est-à-dire ? Me damner ?

— Pourquoi crois-tu que j'ai tué sa femme, au juste ? Pour le plaisir ?

Elle le dévisagea sans comprendre tandis qu'il fronçait les sourcils puis secouait la tête, comme en proie à une pensée parasite dont il essayait de se défaire. Laura refusa d'en déduire l'impensable. Qu'il avait tué Linda pour punir Anubis de l'avoir agressée sur le quai. Pour la venger. Il n'avait même pas mangé son foie.

Son foie.

Combien y avait-il eu de morts, dans le Tren, entre son arrivée en ville, leur rencontre et leur séparation ?

Aucun.

— Sam, souffla-t-elle.

Une bourrasque les balaya, chaleureuse et dorée, poussière d'étoile, coucher de soleil, parfum d'un printemps éternel, et les miasmes s'évanouirent sous la puissance inévitable de celui que Laura avait espéré.

Les traits de Sam se figèrent de stupeur, puis se crispèrent sur une émotion qui mélangeait désarroi, colère et, peut-être, une sorte de tristesse. Laura n'eut pas le temps d'en juger. Une douleur effroyable lui explosa dans le ventre, à l'endroit où il l'avait frappée. Elle tourna de l'oeil dans un hoquet humide, la conscience aspirée vers ses entrailles et la sensation immonde de l'intrusion, tandis que le démon se pressait contre elle, le visage à deux doigts du sien. Le sang lui déborda des lèvres, le monde vira au gris, elle hurla sans le faire, aspirée par le gouffre.

— Je suis– murmura Sam.

Puis il explosa en une pluie de tisons rouges, qui virèrent au gris, au noir, qui se dispersèrent en cendres dans l'air scintillant.

Il y avait quelqu'un dans son ombre, une silhouette que Laura devina plus qu'elle ne la vit, tandis qu'elle glissait au sol.

Elle aurait voulu retenir ce qui se déversait d'elle d'une main, mais elle n'avait plus la moindre force. Un bras secourable la retint, l'adossa au mur, et elle perçut une énergie nouvelle à l'endroit où on la touchait, qui assourdit la douleur en son sein, lutta contre le vide qui l'appelait. Dans cet instant de répit, elle cligna des yeux pour chasser les larmes, et Michael, accroupi devant elle, se précisa.

Son visage reflétait une émotion nouvelle, douloureuse, le chagrin. Elle aurait voulu lui dire que tout allait bien mais elle avait la bouche pleine de glu, et froid, et mal, quand même, malgré cette sensation cotonneuse de ne plus s'appartenir.

Elle se contenta de lui sourire, il tendit la main pour lui toucher la joue.

— Je suis désolé, murmura-t-il.

Elle reposa sa tête lourde, si lourde, dans sa paume offerte. Son regard se perdit dans les plumes pourpre, or et blanc de ses ailes, un rideau mouvant, une promesse de douceur éternelle.

Une envie de dormir, profonde, lui grimpait des jambes à la poitrine, aux épaules, et ne tarderait pas à l'emporter. Elle était si fatiguée. Michael était arrivé. Il avait tué Sam, il sauverait Aaron. Elle pouvait lui passer le relais, enfin, après toutes ces heures à se débattre. Tout irait bien, immanquablement, même si elle aurait préféré le voir sourire plutôt qu'arborer cette mine chiffonnée.

Ses yeux papillonnèrent.

Je suis en train de mourir.

La prise de conscience l'arracha au glissement, un hoquet franchit ses lèvres en bulles écarlates, un spasme lui crispa le corps tout entier. L'expression de Michael se fit miroir de sa terreur, de l'inexorable chute, qu'il ne pouvait enrayer.

— Je vais... gargouilla-t-elle.

Michael ne répondit rien mais la lumière qui l'environnait s'intensifia, comme une caresse apaisante, un voile de douceur sur le pire. Il ne la regardait plus vraiment, les lèvres pincées, les yeux baissés.

— Je vais mourir.

Il esquissa l'embryon d'une réponse...

— Bien sûr que non, intervint une autre voix.

Ce timbre résonna à l'intérieur de Laura comme un courant interne, qui prit naissance dans son ventre et se répandit partout en elle. Michael grimaça, furieux de l'interuption, et se détourna pour regarder derrière son épaule.

En retrait, Anubis était tel que dans son souvenir d'une nuit humide : nu, grand, la peau mate, mi-humain, mi-bête. Sa tête de chien noir ne reflétait aucune émotion, ses yeux sombres s'ouvraient sur des abysses infinis. La Bête qui l'avait hantée... Il avait quelque chose de terrible et de terriblement rassurant en même temps.

Les voir côte à côte, révélés, en paix, emplit Laura d'un étrange sentiment d'accomplissement. Peut-être avait-elle, malgré tout, réussi quelque chose, au-delà de cette débâcle.

Le dieu égyptien s'agenouilla à la gauche de l'archange et prit une main que Laura ne sentait plus. En revanche, un petit cocon délicat se forma autour de son coeur et lui imprima un mouvement régulier, tranquille.

La torpeur la saisit à nouveau, avec sa promesse de silence.

— Fais-moi confiance.

Il posa la paume sur son front. Il avait de grandes mains presqu'aussi noires que son pelage de chacal, et le sang doré grondait sous sa peau si fine, elle percevait son mouvement immuable jusqu'au plus profond de son crâne.

— Laisse-toi dormir, Laura. Je serai là à ton réveil.

Michael s'était relevé, avait croisé les bras, son regard dirigé vers la fenêtre dans une moue tout juste maîtrisée. Ses ailes magnifiques s'étaient évanouies, son costume était froissé, sa chemise déchirée, ses traits reflétaient la fatigue d'une nuit difficile. Il faisait grand jour, à présent, et pourtant de plus en plus sombre.

— Laisse aller, répéta Anubis, de sa voix qui émanait toujours de l'intérieur d'elle-même.

Elle cessa de se cramponner.

Au moment de la chute, un sursaut la ramena en surface, elle hurla peut-être, puis les ténèbres effacèrent tout.

— Aie foi.

Une voix – laquelle ? – au milieu du néant.

Sans peur.

Son coeur s'arrêta, le sang cessa de couler dans ses veines, son souffle de siffler dans sa poitrine, puis son esprit bascula dans le rien.

Continue Reading

You'll Also Like

115K 4.2K 23
Hope Dixon, femme d'affaires la plus connu de Manhattan fait la rencontre d'un acteurs dès plus célèbre. Est-ce que ce se sera juste un rendez-vous p...
181K 9.6K 24
Elle : Elle ne s'aime pas et ce fait du mal. Lui: Il est le Badboy du lycée et adore jouer. Tous a commencer le jour ou il fallais travailler en binô...
6.1K 413 35
UPDATÉ : 30/08/18 A presque trente-et-un ans et avec un diplôme en poche, Emma débarque au Boston Miller Medical Center en tant que nouvelle titulair...
550K 16.8K 51
Dernière année à l'université de Californie. Emy et Hayden deux adolescents d'une mauvaise réputation se déteste mais vont voir leur vie changer aprè...