Cœur Obscur [Tome 2]

By NyxMiller_

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~ L'Appel de La Lune ~ Du haut de son ciel étoilé, la Lune s'amuse aux dépens de Jasper. Mettre son âme sœur... More

| Avant-Propos |
| Chapitre 1 |
| Chapitre 2 |
| Chapitre 3 |
| Chapitre 4 |
| Chapitre 5 |
| Chapitre 6 |
| Chapitre 7 |
| Chapitre 8 |
| Chapitre 9 |
| Chapitre 10 |
| Chapitre 11 |
| Chapitre 12 |
| Chapitre 13 |
| Chapitre 14 |
| Chapitre 15 |
| Chapitre 16 |
| Chapitre 18 |
| Chapitre 19 |
| Chapitre 20 |
| Chapitre 21 |

| Chapitre 17 |

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By NyxMiller_

Mon regard s'attarde sur la bâtisse, et plus exactement sur la porte violette que j'ai déjà franchie il y a seulement quelque temps. Si ce soir-là ce bon vieux John n'avait pas attiré mon attention, je n'aurais pas su où trouver le clan des têtes à claques. Tout comme je n'aurais pas non plus su que quelqu'un de suffisamment stupide était en train de jouer en mon nom. Et sans eux qui plus est, la trace de mon gentil et adorable usurpateur m'aurait facilement filé entre les doigts. Le temps que j'aurais perdu à le rechercher m'aurait coûté, indéniablement. Si les Hayes viennent réellement à moi, pour m'y préparer, je n'ai d'autre choix que de les ralentir. Je ne perdrai pas la vie sans me battre de toute mon âme.

Un jour entier s'est écoulé et aucune vidéo n'a bousculé le monde de la Nuit, annonçant la triste nouvelle que le bel Aleksander n'est en réalité jamais apparu et que tout n'était que mensonge. Mais il faut croire que mon cher mini moi se plaît bien trop dans son rôle et ne souhaite pas l'abandonner pour le moment en dépit de la menace latente au-dessus de sa petite tête. Le luxe, la célébrité et le sexe ont dû bien trop être à son goût. Malheureusement pour lui, je ne laisse jamais une deuxième chance se produire. Mon âme est déjà souillée, ce n'est donc pas une personne de plus sur mon tableau qui va m'arrêter.

Le regard ferme et déterminé, je coupe le moteur de Suzie, garée un peu plus loin de la maison par mesure de sécurité. Sans un regard sur le côté passager où Lincoln s'est installé, je me détache et descends de la voiture.

Cette fois, mon cœur, tu vas m'obéir.

Dépourvu de la moindre hésitation, je passe le portique une fois que j'ai traversé la route et les marches conduisant à l'entrée. Je frappe fermement, laissant le son emplir les lieux silencieux.

Lincoln s'extirpe du siège et se décide à me rejoindre en toute tranquillité tandis qu'il ferme son long manteau.

— Je ne perçois aucune odeur et je n'entends aucun son, commente-t-il à ma hauteur. Tes petits copains m'ont tous l'air d'avoir déserté.

Je ne lui prête pas un seul regard et refuse obstinément de lui adresser même ne serait-ce qu'un mot. Pas après qu'il nous a entendus, Isaac et moi. Pas en sachant qu'il est désormais dans la confidence, l'une des seules personnes que j'aurais aimées qu'elles n'en sachent jamais rien. Le dégoût, la surprise de voir ce que je suis réellement et la vision, brute et à nu de ma personne entièrement tachée de sang, sont révélés au grand jour. Le fait que mes mains y baignent depuis tout ce temps ne loupe pas, lui non plus. Je ne veux pas avoir à affronter ça, certainement pas avec lui. Plus que tout.

Je m'écarte sensiblement, puis je balance mon pied contre cette putain de porte. Le battant frappe bruyamment contre le mur, nous débloquant ainsi le chemin. Je ne perds pas plus de temps et j'envahis les lieux.

Le métamorphe esquisse un sourire satisfait.

— J'adore quand tu es comme ça, ronronne-t-il. Ça m'excite.

— La ferme.

Il ne s'offusque pas de ce tout premier mot après quelques heures de conduite. Il se contente simplement d'en rire.

Je ne prends pas la peine d'aller dans le salon, ou encore dans les chambres à disposition. Non, je me dirige directement verrs la porte du bureau. Ici, bordel, il n'y a que Lincoln et moi. Et cette constatation me fout les nerfs.

Les odeurs sont bien trop faibles pour me dire que leur départ est récent. Au contraire, ils ont dû remballer leurs affaires dès qu'ils ont mis la main sur ce mini moi. Et cela m'est rapidement confirmé une fois au milieu de ladite pièce autrefois couverte de divers articles, post-it et cartes de mon parcours. Il n'y a plus rien. Rien.

Les mains dans les poches, l'alpha m'attend sur le seuil du bureau.

— Ne fais pas cette tête trésor, ils ne sont pas non plus introuvables.

— Je n'ai pas de temps devant moi, lâché-je, sec. Et tu le sais.

Frustré, je me tourne vers lui.

— Et toi, putain, tu devrais être avec ta troupe. Elle a besoin de son alpha, pas d'un déserteur. Arrête de me coller au cul et barre-toi.

Son regard onyx glisse calmement sur mon corps alors que sa tête vient se déposer sur le chambranle de la porte. Pendant que je tente désespérément de le faire partir de mon côté, de le garder en sécurité aussi sûrement que je continue de ne pas vouloir percevoir ce que lui a fait ressentir cette révélation.

Je ne veux rien savoir. Rien.

Plus que jamais, il doit me laisser.

— Ne me demande pas de rentrer sur mon territoire. Surtout pas alors que ta vie est en danger, Jasper. Tu risquerais de me mettre en colère.

— Tu ne peux pas mourir dans cette bataille. Encore moins dans une bataille qui ne te concerne même pas.

— À partir du moment où elle te concerne, il en va de même pour moi. Je ne te laisserai pas.

— Rentre chez toi.

— Encore ? rebondit-il, comme toutes les autres fois où je lui ai demandé de s'en aller par le passé.

Lentement, il se redresse et s'approche de moi. Pour ma part, je ne réponds pas et ne m'écarte pas non plus.

— Je te l'accorde, j'ai mis un peu de temps à comprendre pourquoi tu avais quitté si soudainement Red Moon et pourquoi tu refusais d'y retourner en dépit du fait qu'ils t'ont retrouvé. Deux fois.

Muet, je le laisse venir à moi. Or, si je pensais qu'il s'arrêterait face à moi, il n'en fait rien et me contourne. Mon regard retombe donc sur le mur et mon cœur, lui, continue de se serrer.

Immobile, je le sens s'attarder dans mon dos. Tous mes sens le ressent, se focalisent sur sa personne. Comme à chaque fois.

— Puis je t'ai entendu hier. Je t'ai entendu dire toutes ces choses à tes anciens camarades de meute. À Rebecca, à Jace, à Isaac puis finalement à Reyes. Je t'ai regardé... Toi et ton regard, ton essoufflement, tes mains qui s'agitent et qui tremblent. Et j'ai finalement compris.

Une main se pose sur ma hanche et attire mon regard, me faisant baisser la tête par conséquent. Elle se déploie toutefois, elle ne bouge pas et reste là où elle est. Je ne fais rien pour la déloger, je l'observe simpplement. Tout mon être a besoin de son toucher, de son réconfort tant il est fébrile depuis notre départ.

Sa proximité avec moi m'est d'autant plus perceptible par ce contact, par son parfum et par le son de sa voix non loin de mon oreille. Je me nourris de tout ce que je peux avoir sans rien demander, sans admettre verbalement que j'en ai besoin.

Sans que je ne prête attention à mon âme, suppliant de ne pas avoir affaire à son dégoût et à son rejet de la personne que je suis réellement.

— Tu es effrayé à l'idée de perdre un de tes proches, un proche auquel tu tiens.

Son souffle sur ma nuque me fait frémir incontestablement. Doucement, mon torse s'élève et mes lèvres s'entrouvrent pour me laisser respirer convenablement.

— Alors tu préfères fuir plutôt que d'avoir à faire face au malheur d'être confronté à une perte douloureuse, même si cela signifie que tu dois en avoir le cœur brisé.

Mes sourcils se froncent, ma langue reste scellée et ma nuque baissée.

— Oh Jasper...

Sa bouche effleure la naissance de mes cheveux. Mes paupières se ferment.

— Si tu savais à quel point tu es adorable.

Mes yeux s'ouvrent. Je le repousse sèchement et pivote pour lui faire face, incapable de le laisser poursuivre et d'accepter ce besoin stupide. Je ne peux pas me le permettre, encore plus aujourd'hui qu'hier.
Sous l'action, sa main glisse sur ma taille jusqu'à ce que tout contact se rompt. Je le dévisage, impuissant quant à cette sensation d'avoir eu le cœur mis à nu. À nouveau.

— Arrête ça.

— Je ne sais toujours pas pourquoi tu continues de me mentir et de me dire que nous sommes pas âmes sœurs, toi et moi. Mais je sais une chose.

Il reprend le pas que je l'ai obligé à perdre.

Et si je m'attendais à voir un sourire railleur et plein d'arrogance, j'ai affaire à un visage sérieux et à un regard confiant.

— Tu tiens à moi, que tu le veuilles ou non. C'est pour cela que tu as cherché à me repousser, à m'inciter de partir de chez Mckenna. Et c'est également pour ça que tu refuses que je te suive.

Je passe d'un œil à l'autre, la respiration plus rapide que je ne l'aurais aimé sous ce début de panique.

— Tu as peur de me perdre.

Voyant que je reste obstinément silencieux, il ne s'arrête pas.

— Donc comprends-moi, Jasper. Comprends que moi aussi, je ne peux pas te perdre. Je ne peux pas te laisser affronter les Hayes seul.

La distance s'envole en un mouvement. La chaleur de ses paumes encadre mes joues, inquisitrice.

— Il n'est pas question que tu meurs.

— Rentre chez toi, Lincoln. Je te le demande.

Ma langue passe sur mes lèvres devenues sèches. Mon cœur continue de marteler ma poitrine sans que je ne puisse reprendre le contrôle dessus.

Je refuse, quoi qu'il arrive, que Lincoln reste à mes côtés. Tout comme je refuse qu'il me voit sombrer, de plus en plus chaque jour. Il en sait déjà trop, en a vu bien assez. Plus que tout ce qu'il n'aurait dû.

Je ne le peux pas.

Je ne le veux pas.

Le regard plongé dans le mien, il décline :

— Non.

— Retourne chez toi.

— Tu as besoin de moi.

— Repars sur ton territoire, dis-je plus faiblement, presque suppliant.

Mon loup souhaite l'avoir à mes côtés autant qu'il se range de mon avis. Et je sens, moi, ma volonté défaillir...

J'ai besoin de lui. Il est ma faiblesse comme il est, en quelque sorte, l'encre qui me maintient dans la réalité. Incontestablement.

Son pouce flatte ma pommette.

— Va-t'en...

— Je ne peux pas rentrer, m'avoue-t-il.

Surpris devant son regard fuyant et l'intonation impuissante de sa voix, mes sourcils se froncent de plus belle. Alors que j'ouvre la bouche, mon ouïe perçoit le son caractéristique d'une démarche et d'une montée dans les courts escaliers menant à la porte d'entrée.

Deux personnes approchent. On recule en même temps l'un de l'autre, comme brûlés, et nous sortons du bureau. Nous nous engouffrons dans l'une des chambres, là où il y a plus de chance de se cacher.

— Il y a quelqu'un ? demande une voix féminine.

— Des squatteurs ont dû profiter du départ de cette petite famille pour loger, râle une voix masculine, âgée. Sortez ou j'appelle les flics ! Tonne-t-il ensuite, plus ferme.

Lincoln me tire par le bras à l'approche des bruits de pas. À deux, nous finissons dans l'armoire vide de toutes affaires. Les portes refermées, je grimace, ne pouvant, ici, n'être que collé à lui. Et inversement.

Je pose les yeux sur lui. Peu de temps après, il fait de même et les baisse sur moi.

— Pourquoi ? chuchoté-je.

Il hausse un sourcil, ne comprenant visiblement pas la question.

— Pourquoi tu ne peux pas rentrer ?

— On a tous nos petits secrets. Tu es bien placé pour le savoir, répond-il, la mâchoire contractée.

J'ouvre la bouche. Néanmoins, je n'ai pas l'occasion d'en placer une qu'il plaque sa main contre mon visage pour me faire taire, cognant légèrement ma tête contre l'une des portes au passage. La lumière de la chambre s'allume et l'homme, le propriétaire présumé, entre dans la pièce.

Onyx contre émeraudes, il retire doucement sa paume après m'avoir signifié de me taire. Je prends une brève inspiration, amenant indirectement les effluves de son odeur à emplir mes sinus, et je repasse ma langue sur mes lèvres. Cette proximité me ramène à cette foutue soirée, à cette danse que nous avons partagé, lui et moi.

Mon cœur se met à battre bien plus vite, bien plus fort. Lincoln abaisse les yeux sur mon torse avant de rediriger son attention sur moi. Lentement, il pose sa main sur mon abdomen et la remonte petit à petit sur ma poitrine pour en ressentir les vibrations.

Je le fusille du regard en contradiction avec ce que j'éprouve, évitant de justesse de lui foutre un coup. Ou encore de le rapprocher de moi. Je ne sais plus.

Putain de lien de merde.

Comme une bribe de souvenir, mon esprit me renvoie cette fois-ci à l'instant où, sous l'effet des phéromones et de la morsure, je l'ai fantasmé. Où j'ai imaginé ses mains sur mon corps, autour de ma queue, contre moi...

Difficilement, je déglutis. Quand il redescend son attention, bien plus bas, je me maudis, ce stupide corps sensible et moi. Dans un sourire en coin, ses iris noirs retournent auprès des miens.

— Tu la fermes, grogné-je dans un murmure.

Le lit, de l'autre côté des portes en bois, est visiblement fouillé et des phrases sont échangées entre les deux personnes. D'une prise ferme, ce chien empoigne ma hanche et en profite pour pousser mon bassin à la rencontre de sa jambe étroitement collée à moi.

Mon souffle se coupe à la seconde où ma demie érection frotte contre sa cuisse. Aussi sec, je glisse une main entre nous et agrippe fermement ses bourses pour le lui faire regretter, le regard plongé dans ses billes noires.

Il grimace fortement et s'incline vers moi, cherchant à se plier de douleur. Les lumières s'éteignent, la porte est claquée.

— Rien, marmonne le vieux.

— Rien ici non plus, répond la femme.

— J'appelle la police pour effraction. Putain, ces petits cons... je suis sûr que c'est les jeunes de l'autre quartier, discute le propriétaire. Ils viennent tout le temps !

— Appelle la petite Cora pour voir si ce n'est pas elle qui a oublié de refermer la porte. On ne sait jamais.

En pleine satisfaction, je savoure l'expression de mal-être sur son visage.

— Recommence pour voir, le menacé-je en pressant mes griffes contre cette zone si sensible. Je t'en prie, Lincoln, vas-y. Donne-moi ce plaisir.

Un sourire amusé retrousse ses lèvres sensuelles, assorti à un rire qui me retourne ni plus ni moins l'estomac. Putain de taré de merde.

Lorsqu'il repose son intérêt sur ma personne, la lueur de sa bête se montre à moi tandis qu'il se lèche la lèvre inférieure et accentue la pression entre nos deux corps.

— Je t'en prie, trésor, sers juste un peu plus fort.

Ma respiration diminue considérablement. Je le relâche derechef et, ouvrant les portes d'une main à tâtons pour me permettre d'avoir suffisamment d'espace, j'envoie violemment mon genou à la rencontre de son abdomen et un autre contre son entrejambe. J'en tire un grognement rauque pendant que je sors en même temps de l'armoire.

Son regard noir vient me trouver.

— Putain de loup, gronde-t-il.

Son aura picote mes épaules, certes faible mais cela est suffisant pour me faire sentir son agacement.

Je renâcle.

— C'était assez fort cette fois, hm ?

Il mange vivement la distance entre lui et moi, si bien que son brusque mouvement me pousse à reculer précipitamment. Il lui suffit pourtant de se pencher pour me saisir le poignet et me tirer à lui. Et en deux trois mouvements, à peine, mon buste est vigoureusement plaqué contre le mur.

Derrière moi, le corps écrasé entre lui et le papier peint, il enferme de nouveau ma bouche dans sa paume.

— Ferme là, ils sont encore là.

Le torse montant et descendant, il se fige à la seconde main plongeant vers ma queue, si bien que mon souffle se coupe une fois de plus. Comme je l'ai moi-même fait plus tôt, il attrape mon érection et la serre sans ménagement pour me punir. Et ce toucher, loin d'être plaisant, me brûle néanmoins de désir.

Un grognement de douleur roule dans ma gorge. Mon corps esquisse naturellement une vive fuite vers l'arrière dans l'espoir de s'en échapper. Or, il rencontre celui, ferme et large, de ce putain de chien. Je retrouve rapidement le plat du mur, poussé et pressé par ce connard.

Incapable d'ouvrir la bouche pour le mordre et le faire lâcher tant il maintient ma mâchoire, je balance un bras derrière moi, le glisse sous son manteau et plante sans vergogne mes griffes dans la chair tendre de ses fesses. Je ne vais pas plus profondément que ça au risque d'y laisser une foutue marque d'appartenance mais la menace est claire.

Lincoln râle faiblement et raffermit sa prise autour de mon entrejambe. Je ferme les yeux, retenant tant bien que mal le glapissement que je manque d'émettre. Ma queue pulse d'inconfort dans sa paume, peu sûr d'apprécier le traitement qu'elle reçoit.

D'un coup de coude, il me fait abandonner ma prise. Il me lâche lui-même au niveau de la mâchoire avant d'empoigner mes poignets, de les diriger dans mon dos d'une main et de m'immobiliser définitivement.

Essoufflé, mon front retombe contre le mur.

— Perdu, ronronne-t-il, la bouche pressée contre mon oreille.

— Ta main, prononcé-je difficilement, les dents serrées.

Il allège considérablement son emprise sur mon entrejambe, la rendant plus supportable. Et elle, l'air de rien, reste dure contre sa paume.

On ne fait plus un geste au piétinement des deux personnes, non loin de la chambre.

— Tes petits amis ont laissé un mot pour toi, murmure-t-il alors que je suis plus concentré sur son toucher en bas qu'autre chose.

Il expire, m'électrisant au passage.

— Apparemment, ils t'ont donné un lieu de rendez-vous et t'attendent. Nous y allons ?

Pour conclure, il agite un post-it sous mon nez marqué d'encre noir.

Je ferme les yeux, hautement conscient de notre folle proximité et de nos deux corps pressés l'un contre l'autre. Les lèvres pincées l'une contre l'autre, je me force à hocher la tête, à aligner ne serait-ce que deux pensées cohérentes.

En douceur, il me relâche. L'instant suivant, je lui mets un coup et je le fais sèchement tomber au sol dans un bruit sourd. Complaisant, je le regarde de haut.

— Là, nous pouvons y aller.

Je ne perds pas de temps pour courir vers la fenêtre et en sortir. Je me précipite vers Suzie au moment même où la porte de chambre s'ouvre à la volée et que la lumière s'allume sur les deux inconnus.

Je démarre au quart de tour, le métamorphe ayant suivi le mouvement.


Une main sur le volant, le coude en appui sur ma portière, je fais rouler ma belle Suzie vers notre prochaine destination. Le point de rendez-vous est seulement à une heure de route de l'endroit où nous étions. Et comme l'indique ce message écrit par Aila, si je ne montre pas mon adorable petit nez en temps et en heure, ils partiront et disparaîtront dans la nature. Avec ce mini moi.

Elle savait que je repasserais pour les voir, pour les trouver. Et bien qu'elle n'en connaisse pas les raisons précises, elle s'attend à me voir. Tout comme elle est persuadée que je vais me joindre à eux, que je vais nourrir cette flamme qu'elle a vue brûler en moi. Elle s'attend à ce que je mène bataille après bataille jusqu'à cet unique but que je partageais à l'époque : les Hayes.

Et aujourd'hui, à nouveau, je le partage. Les Hayes sont à en chasse, et je n'ai d'autres choix que de répondre à cet appel dévorant : me remettre en route, reprendre mon nom et le loup que j'ai été. Ce loup envers lequel, malgré cela, je suis toujours aussi détaché. Je ne le ressens que trop bien.

Je ne pourrais jamais plus le retrouver comme avant. Comme lorsque nous ne faisions plus qu'un.

La tempête, au fond de mon être, n'a jamais été aussi calme. Et les voix traumatisantes de mon passé, leurs cris déchirants, ne font plus un bruit. Pour la simple et bonne raison que la soif de vengeance, celle qui ne m'a jamais quittée en réalité, est délivrée de ses chaînes et est prête à être consommée. Éternellement, jusqu'à satisfaction. Jusqu'à ma mort.

Une bouffée dévorante et violente de haine me brûle l'estomac, accentuant ce besoin de venger ma famille et de punir ces chiens de leurs actes envers elle. Envers moi. Je brûle, je brûle d'un feu incandescent.

Une main se glisse sur ma cuisse tendue.

— Doucement, s'amène la voix grave de l'alpha de Neptune.

Je fixe la route, me forçant à relâcher l'accélérateur.

Le regard onyx ne me lâche pas, lui.

— Il vaut mieux éviter que tu perdes le contrôle de ton loup pendant que nous roulions.

— Tout va bien, dis-je, un grognement dans la gorge. Je vais très bien.

— Non. Tu ne vas pas bien, rectifie Lincoln. Je te sens t'agiter.

Et il a raison. Mon loup tourne en rond, désireux de sortir de cette prison de chair et de faire saigner les chasseurs. Tous autant qu'ils sont, jusqu'aux derniers.

Je ralentis considérablement jusqu'à m'arrêter à un feu rouge. Je ferme les paupières.

— Jasper.

— Ça va.

J'inspire profondément. Quand je les ouvre de nouveau, je les pose sur lui.

Il me balaye du regard puis acquiesce.

— Tu vas intégrer ce clan ? me questionne-t-il, changeant de sujet.

Je pince mes lèvres l'une contre l'autre et reprends la route.

— Pourquoi le ferais-je ?

— Pour les Hayes. N'est-ce pas leur but final ?

Je reste silencieux.

— Ou vas-tu encore faire cavalier seul ?

— Je vais m'occuper de ce faux Aleksander. Et ensuite, avant de partir, je te ramènerai sur ton territoire, me contenté-je de dire.

— Il n'en est pas question.

— Pourquoi ? Parce que tu ne peux pas rentrer ?

— Je te l'ai dit : je ne te laisserai pas. Et c'est non négociable. Tu as besoin de moi, point.

— Tu ne m'as pas dit pourquoi tu ne pouvais pas rentrer.

— Et tu ne m'as toujours pas dit ce que t'ont fait les Hayes et pourquoi tu es devenu Aleksander.

— Apollyon, corrigé-je. Et je ne veux pas en parler.

— Moi non plus, je ne veux pas parler de mes raisons. Je ne te demanderai rien de plus que ce que je sais déjà, et tu en feras de même.

— Je ne t'emmène pas avec moi.

Au tournant d'une rue, je m'avance dans une autre et me dirige vers l'hôtel où sont les têtes à claques.

Je lorgne le parking.

— Je serais d'avis de rejoindre ce club, reprend Lincoln comme s'il n'avait rien entendu. Autant mettre le plus de chances de notre côté. Plus nous serons, plus nous aurons de chance de remporter la guerre contre les Hayes. Tu as besoin d'une sorte de meute pour cela, et tu le sais : tu seras plus fort, plus grand.

Je me garre. Puis dans un soupir, je coupe le moteur et tourne la tête vers lui.

— C'est ma guerre. Pas la leur.

— Les Hayes ne t'ont pas fait de mal seulement à toi, ne l'oublie pas. C'est aussi la leur.

Je le dévisage, muet.

« Il ne lui a manqué qu'une seule chose. »

Je détourne les yeux et me détache pour sortir de la voiture, claquant gentiment la porte derrière moi.

« Un clan. Seul contre tous, le résultat était évident. »

En silence, nous entrons à l'intérieur de la bâtisse. Nous nous dirigeons directement vers le numéro de chambre donnée.

Face à elle, leurs odeurs nous parviennent. Ils sont toujours là.

Avant de signaler notre présence, je marque une pause.

— J'ai peut-être besoin d'une meute, oui.

Des yeux abyssaux me regardent et un sourire se forme sur les traits sombres de son visage.

Je lève la main et frappe à la porte. Cora ouvre le battant peu de temps après et me fixe.

— Nous t'attendions.

C'est peut-être véritablement ce qui m'a manqué.

Et j'en aurais la confirmation.

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