Heart Pulse ! || Trafalgar La...

By LadyLemoonn

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L'équipage du Heart est confronté à une de ces tempêtes surprise si typique du nouveau monde. Alors qu'ils se... More

# À Propos
Prologue
Chapitre 1
# Présentation OC
Chapitre 2
Chapitre 3
# Annonce 1 (edit)
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10

Chapitre 11

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By LadyLemoonn




Le chant des mouettes résonnait à travers la brise marine et le claquement des vagues contre les coques des bateaux.

Les navires accostaient un à un au port de Tónos, et les pêcheurs déchargeaient leur prise de la matinée, des thon argenté géants qui faisaient la réputation de l'île.

Le vacarme était présent à chaque recoin du quai. Autant les poissonniers avec leurs voix criardes que les marchands étrangers négociant les meilleurs prix.

Enfin, arrivé ! Quel enfer cette traversée. J'ai cru que j'allais crever trois fois ! S'essouffla un marin.
Pas pire que d'habitude. Soupira l'autre, plus chétif.

Les deux marins s'essuyèrent le front, étirant leur dos endoloris après avoir déchargé une bonne partie de leur cargaison.

En soulevant le dernier tonneau, le marin chétif le posa aussitôt. Le poids de celui-ci étant anormalement trop léger, il ouvra le couvercle d'un coup sec avec un pied-de-biche. Mais le referma aussitôt.

Quoi ? Il a un problème ce tonneau ? S'interloqua son collègue.
Y-Y'a une grosse bestiole dedans...
C'est pas... le tonneau que nous a filé la vieille foll-

Le tonneau bougea.

Ils se sautèrent dans les bras, effrayés, en émettant chacun un couinement aigu.

Leur capitaine, perplexe, s'approcha d'eux las de constater qu'il avait engagé de telles mauviettes sur son navire.

Tch, je vous jure.

Il soupira avec flegme et enleva le couvercle du tonneau, en imaginant quel gros rat avait bien pu manger sa marchandise.

Quand il laissa échapper un cri de stupeur, les deux marins hurlèrent en se cachant derrière une caisse.

Au fond du tonneau, des pupilles sauvages et fatiguées. Les bras et jambes couverts de boue sèche et de tâches de mûres. Une robe tellement imbibée de jus qu'elle en était devenue à moitié violette. Ses genoux égratignés avaient commencé à cicatriser malgré les croûtes de sang craquelées qui les décoraient toujours.

U-une gamine...

Cette gamine était évidemment Rio.

Elle plongeait son regard sombre et cerné dans les yeux, merlan frit, du capitaine. Gobant les dernières mûres au fond du tonneau dont elle s'était gavée toute la semaine de la traversée. Ses lèvres et son menton dégoulinaient de jus violet, comme un tigre sauvage qui viendrait de dévorer une proie fraîchement chassée.

Plus loin sur les côtes de Tónos, après avoir traversé plusieurs rangées de belles maisons en pierres blanches –décorées par endroits de mosaïque atypique–, et une large plaine, les marins et Rio arrivèrent au bord d'une falaise, où prônait l'église de l'île.

Après une course-poursuite des plus chaotique sur leur bateau, ils l'avaient ficelée tel un saucisson et s'étaient diriger ici suite au conseil d'un vieux marin.

Elle avait beau s'être débattu, s'être laissé traîner sur le sol comme un cadavre, ou agripper chaque tronc d'arbre qu'elle croisait avec ses jambes, la force du capitaine avait eu raison du peu d'énergie qu'il lui restait.

Il aurait pu la laisser filer à son gré dans la ville, mais il avait bien trop cœur à imaginer cette pauvre jeune fille seule face au monde à mendier au bord de la rue quelques écailles de poisson pour son dîner, ou pire encore lorsqu'elle aurait quelques années de plus.

Je suis désolé, si désolé de ne pas pouvoir m'occuper de toi, petite ! Mais la mer est bien trop dangereuse pour une jeune pousse comme toi... Sa voix tremblait de sanglots. Mais je- snif. Je ne te laisserais pas vivre une vie de débauche !

Rio soupira lourdement coincé sous son bras, ayant abandonné les coups de pieds inefficaces contre l'armoire à glace qu'il était.

Lâche-moi, vieux pleurnichard ! Je n'ai pas besoin qu'on s'occupe de moi !

Le capitaine du navire marchand frappa à la porte de l'église, qui n'était pas en très bon état soit dit en passant. Son poing manqua de traverser le bois pourri de la porte.

Des pas retentirent à l'intérieur, accompagnés d'une toux bien grasse. La porte s'ouvra dans un craquement inquiétant.

Bonjour ma sœur ! S'exclama le capitaine d'un air ravi.

Rio détailla avec perplexité la sœur qui venait d'arriver. Son regard se posa d'abord sur ses chaussures, des escarpins d'un bleu voyant.

Elle était vêtue d'une robe noire typique d'une religieuse de couvent.

Rio commence à déglutir quand son regard commença à se lever.

Un tablier taché de sang frais et moins frais lui faisait face, ainsi qu'un énorme couteau de cuisine où ruisselait encore le liquide rouge. Du poisson, sûrement. Si l'on en croyait l'odeur, en plus des écailles qui y étaient collées sur le plat de la lame.

Si ce côté glauque la rendait perplexe, le faciès de la sœur attirait également son attention.

Une mâchoire carrée contrastant avec son ossature fine, des cils épais, un maquillage voyant et coloré sur les paupières, des lèvres d'un bleu tout aussi excentriques que celui de ses talons hauts. Une chevelure rousse, en une coupe carrée décorée de lunettes de soleil rose sur son crâne.

C'est pour quoi ?

La connotation de sa voix grave et rauque, était presque effrayante.

J'ai un petit souci, ma sœur... Laissez-moi vous expliquer.

Rio inclina la tête curieuse et confuse, alors que les adultes continuaient leur conversation.

Ce n'est pas vraiment en orphelinat ici...

Les prunelles brunes de la sœur détaillèrent le visage de Rio sous tous les angles. La jeune fille grimaça, défiant son regard avec méfiance et crainte. Puis la sœur se ravisa, en soulevant le menton du capitaine d'un doigt, la voix mielleuse.

Mais pour toi mon chou, je ferais un effort. Elle gloussa.

Le capitaine partit le sourire niais et les joues rougissantes avec ses deux marins déconfits qui regardaient au-dessus de leur épaule.

Et maintenant, elles en étaient là.

À se regarder dans le blanc des yeux à s'inspecter l'une l'autre, des pieds à la tête, alors que la sœur sifflait un quart de sa cigarette qu'elle venait d'allumer, avant de tousser un coup.

Elle expulsa la fumée par son nez d'un souffle bruyant, avant de s'accroupir à la hauteur de Rio, relevant les coins de ses lèvres pour former un sourire qui se voulait amicale.

Alors ma jolie... C'est quoi ton petit nom ? Elle lui demanda tout en dénouant la corde qui privait la gamine crasseuse de ses mouvements.

Mais Rio éjecta brutalement ses grandes mains aussitôt libérée, puis recula de plusieurs pas, silencieuse. Elle la toisait avec méfiance, les mains légèrement tremblantes.

Le visage de Silvas, ses sbires armés, sa maison dévorée par les flammes, Marta et sa jambe ensanglantée. Cette sombre soirée avait tourné dans sa tête depuis lors, en long, en large et en travers dans ce tonneau, à un point où elle n'était plus sûre du vrai et du faux.

Elle avait peur. Elle ne savait plus, elle ne savait pas. Pouvait-elle donner sa confiance à quelqu'un qui n'était pas Marta ? Après tout, oncle Silvas l'avait trahie, lui qu'elle connaissait pourtant depuis qu'elle était née. Un ami proche de son père qui avait toujours fait partie de sa vie.

Son journal bleu s'échappa de sa robe.

La sœur peinée de voir cet enfant réagir de cette façon, tenta à nouveau une approche en lui ramassant son journal. À peine ses doigts effleurèrent le cuir du journal, qu'elle se retrouva soudainement pliée en deux, restreignant un couinement de douleur entre ses dents, les yeux humides.

Rio se précipita sur son journal en le serrant dans ses bras, les ongles enfoncés dans la couverture. Soufflée en même temps par la puissance de la technique secrète que Marta lui avait appris. "Si un méchant monsieur t'embête, utilise cette technique Rio. Elle fera mouche à tous les coups.", disait-elle. Un souvenir vif où le sourire malicieux de Marta l'avait presque effrayée.

S-Sacré coup de pied, ma cocotte... Un peu plus fort et je serais devenu une femme... arg...

Sa voix était redevenue rauque et grave. La sœur peinait à se relever, soutenant son bas ventre endolori sur ses jambes flageolantes.

Rio prit le couteau ensanglanté d'écailles que la sœur avait fait tomber et pointa la lame en direction de son visage.

Ne t'approche pas ! Ou je... Ou je te tue !!

La sœur la dévisagea, les yeux écarquillés, avant que son visage ne se déforme de mécontentement.

C'est quoi ces manières, ma cocotte ! Avant de tuer qui que ce soit, tu vas déjà te décrasser ! Urgh ... On dirait que t'as mariné dans du vinaigre ou une bassine de fruits pourris pendant des mois !

La sœur lui empoigna le poignet.

L-Lâche-moi ! Vieille sorcière tordue et mal peignée !
Une sorcière de toute beauté, si tu veux mon avis. Elle rectifia.

Elle se débattait et se contorsionnait de la forte poigne de la sœur, lâchant toutes les insultes et jurons vulgaires qu'elle connaissait, alors que la sœur continua de la traîner à l'intérieur de l'église. Jusqu'au moment où Rio lui planta son couteau dans le bras, où suivit une plainte de douleur.

Non, d'un chien ! Ça fait mal !

Rio tomba sur le parquet de la cuisine, mais ne bougea pas. Perturbée par le couteau ensanglanté qu'elle tenait entre ses doigts fins.

La sœur empoigna la robe violette et collante de la gamine pour la balancer dans la baignoire. Elle tourna le robinet à fond et l'eau s'écoula abondamment sur Rio. Et lui confisqua le couteau au passage, bien entendu.

Ceci est un couteau de cuisine, ma cocotte ! Pas une arme de meurtre ! Ne sors pas d'ici avant d'être propre comme un Berry neuf !

La porte claqua brutalement, manquant de faire tomber quelques lotions, savons et autres multiples babioles de soin en tout genre.

Rio resta abasourdie de longues minutes, laissant l'eau ruisseler dans ses cheveux et le reste de son corps. Le sucre des mûres avait rendu sa peau poisseuse.

Elle finit par se dessaper de ses vêtements sales qui avaient rendu l'eau du bain boueuse et prit le premier savon qui lui tomba sous la main. Elle frotta frénétiquement chaque trace de boue et de mûre, ainsi que le sang séché de ses genoux et de ses coudes.

Ce bain lui faisait du bien. Surtout après avoir été enfermée pendant une semaine dans un tonneau. Mais elle n'arrivait pas à l'apprécier, sa gorge restait nouée et les sanglots l'étranglaient.

Elle se recroquevilla dans le fond de la baignoire, sous le son de l'eau chaude qui martelait sa peau.

Alors ma cocotte, c'est bon ? Ta pulsion meurtrière est passée ?

La sœur expira la fumée par ses narines en reposant de manière gracieuse son large menton carré dans sa paume. Une fois encore, toutes deux se faisaient face, mais cette fois-ci, assis à la table de la cuisine.

Rio grimaçait de manière bizarre pour cacher ses yeux rouges et son nez coulant. Mais cela n'empêcha pas la nonne d'imaginer ce qu'il s'était passé dans sa salle de bain.

T'es pas très causante toi...

Rio lorgna sur le bandage rougeâtre autour de l'avant-bras de son interlocuteur, sans dire un mot.

La sœur soupira dramatiquement en sifflant sa cigarette, un sourcil relevé, avant d'agiter théâtralement les bras.

Enfin. Je suis sœur Richa ! Le prêtre de cette ville ! Les mariages : c'est mon dada ! La grand-mère du village est morte ? Je m'en occupe aussi ! Tu veux confesser tes vilains péchés, car t'as encore trompé ta femme : je serais muet comme une tombe ! Il ajouta d'un ton plus bas. Ça ne veut pas pour autant dire que je vais rester silencieux pour ta mauvaise conduite...Pas que mes mots soient dirigés contre quelqu'un en particulier ! Il rit à gorge déployée.

Les yeux de Rio clignotèrent plusieurs fois, ébahie par cette drôle d'énergumène qui s'agitait énergiquement sur ses talons hauts, à deux doigts de lui faire une représentation sur la table de la cuisine.

Bien, ma cocotte ! Je vais te prêter cette chambre, là, juste ici. Qu'il pointa du doigt. Mais avant cela, j-

Clac.

Risha eut à peine le temps de se retourner, qu'il entendit la porte se fermer à double tour. Il hoqueta de stupéfaction, vexé d'avoir été ainsi ignoré.

Mais quel toupet ! Et les bonnes manières, c'est pour les orties !? Hurla-t-il avant d'être pris par une violente quinte de toux. Rah ! Cette satanée toux ! Il rouspéta d'autant plus.

Rio ne répondit pas, assis en boule derrière la porte. Elle était fatiguée. Fatiguée de tout. Épuisée physiquement et mentalement. Elle ne voulait penser à rien, ne pas avoir affaire aux autres et encore moins à cette sœur extravagante. Pour autant, elle pensa que s'enfuir n'était pas une bonne idée. Si elle restait au même endroit, Marta aurait sûrement moins de difficulté à la retrouver.

Patiente. Elle devait juste être patiente et attendre son arrivée.

Elle serra son journal en cuir bleu contre sa poitrine, le petit mot de son père et sa vivre card froissée dans sa main.

Dans la cuisine, Richa souffla en allumant une autre cigarette. Il se demanda encore ce qu'il lui était passé par la tête d'avoir décidé d'héberger cette gamine. Ce petit quelque chose dans son regard, peut-être.

Alors qu'il regardait le plafond, un papillon de nuit se prit dans une toile d'une araignée. Celle-ci, déjà prête à ficeler son prochain repas.

Que ce monde peut être cruel... Murmura-t-il à lui-même.

Les jours suivants se suivirent et se ressemblaient comme une boucle intemporelle et redondante.

Quand Richa se levait le matin, la gamine était déjà partie de sa chambre. Si le premier jour, il paniqua en pensant qu'elle s'était déjà enfuie, il n'eut pas à chercher bien loin pour se rendre compte que ce n'était pas le cas.

Elle était assise, là, les genoux recroquevillés sous le menton, au bord de la falaise, derrière la vieille église blanche et décrépit. Ses grandes pupilles indigo ne déviant jamais des mers du nouveau monde.

Chaque jour, il tentait. Plusieurs fois dans la journée même, il essayait. De lui parler, de l'inviter à sa table, de lui faire simplement décrocher une phrase. Mais à chaque fois : rien, ignoré.

Elle ne mangeait jamais directement les plats qu'il avait la gentillesse de lui apporter. À la place, il la surprenait à chaparder directement dans le garde-manger. Cela montrait d'autant d'évidence à quel point la gamine n'avait aucune confiance en lui. Elle était en permanence sur ses gardes.

Et pourtant à contrario, lorsqu'elle dormait, il aurait pu autant lui dessiner sur le visage que la balancée du haut de la falaise qu'elle ne s'en rendrait même pas compte.

Quel sommeil de plomb... S'essouffla bruyamment Richa dans l'encadrement de la porte. Dire que je viens de hurler à la mort en me cognant l'orteil contre le coin de la commode...

Il s'approcha du lit après avoir écrasé son mégot contre la porte. Les bras croisés sur le torse. Il observa silencieusement cette gamine dont il ne connaissait rien, dormir en étoile de mer, complètement retournée et les draps sans dessus-dessous. Les rayons de la lune dévoilant ses jeunes traits fatigués.

Il remit son drap en place.

Quand ton cœur sera plus tranquille, j'espère que tu me diras ton nom, ma jolie...

Les jours continuèrent de s'écouler ainsi et six mois étaient déjà passés, les feuilles d'automne décorant maintenant les arbres sur l'île de Tónos.

Mais un soir, Rio ne rentra pas.

Bien qu'il n'ait jamais trop montré son inquiétude envers elle, son absence lui pesa.

Il alla par curiosité à l'endroit où elle faisait toujours le guet, muni d'une lanterne. Il cria de stupeur quand il vit la gamine étalée sur le sol.

Qu'est-ce qu'il ne va pas, ma cocotte ?!

Richa s'agenouilla avec hâte à côté d'elle, manquant de briser sa lanterne. Sa respiration semblait saccadée, et son corps se contractait de douleur.

Il paniqua d'autant plus, avant d'éprouver un léger dégoût, quand il remarqua ses cheveux imbibés dans une flaque de vomi.

Mais il inspira profondément et prit sur lui. Richa dévala la falaise jusqu'à la ville, la gamine dans les bras.

Il frappa avec violence la porte du médecin en plein milieu de la nuit.

Un vieux chauve à la moustache épaisse en sortie, les cernes bien marqués et surtout énervés.

Ce n'est pas bientôt fini ce bou- !
Si tu ne soignes pas cette gamine immédiatement, je promets que tes sombres secrets vont fuiter dans les oreilles de ta femme. Le coupa Richa d'une voix rauque et essoufflée.
A-Amènes-la à l'intérieur... Répondit le moustachu bien plus aimablement.

Le docteur l'examina sous le regard précautionneux de Richa. Il resta pantois quand il constata l'état de la gamine sous son stéthoscope.

Eh bien. Elle s'en sort plutôt bien ta gamine.
Qu'est-ce qu'elle a ? S'exclama Richa.
Les symptômes m'ont tous l'air de dire qu'elle a mangé un champignon vénéneux. Même les pêcheurs les plus robustes du coin continueraient de vomir leurs tripes et à pleurer leur môman pendant plusieurs jours s'ils avaient avalé ça. Affirma le docteur, en replaçant son stéthoscope autour de son cou.
Donc sa vie n'est pas en danger ? S'exclama Richa toujours un peu tendu.
Aussi incroyable que cela puisse paraître : non. Tu peux même la ramener dans son lit dès ce soir. Surveille-la juste cette nuit et demain, on ne sait jamais.

Richa s'écroula sur la chaise la plus proche en soupirant de soulagement.

Suis-je horrible à ce point pour que cet enfant mange un tel poison ?
Ouais.
Je ne te demande pas ton avis, vieux croûton !
Plus sérieusement, ça ne doit pas être la première fois qu'elle fait cela. Je ne serais même pas étonné que cela fasse déjà plusieurs années même.

Le docteur désinfecta l'épaule de Rio, avant de lui faire une piqûre d'antidote.

Je ne sais pas si ça me rassure d'apprendre cela. Merci, pour les soins Doc'.
Richa.
Quoi ? Il y a autre chose ? Se raidit à nouveau Richa.

Après avoir apposé un pansement, le vieux moustachu tendit un papier.

Ta facture.

Sur le chemin de l'église, Rio soupirait paisiblement, la joue écrasée contre l'épaule de Richa. Celui-ci reniflait bruyamment, frissonnant à la fraîcheur de la nuit, étouffant cette fichue toux chronique qui l'accompagnait depuis des années maintenant.

Cette fichue gamine. Elle va me faire rejoindre le bon dieu bien plus tôt que cette satanée toux si elle continue de m'inquiéter comme ça ! ... Mais...

Son visage se déforma hideusement et il se mit à pleurer. Abondamment.

Je suis si soulagé !

Alors que les larmes avaient ruiné son maquillage, il borda Rio dans son lit.

Richa s'installa dans le fauteuil, près du lit avec la ferme intention de veiller sur elle toute la nuit. Il ne fermerait pas un œil tant qu'il n'aurait pas vu la gamine avec les deux yeux bien grand ouverts.

Ce qui aurait été tout à son honneur s'il ne s'était pas endormi trente secondes plus tard. La bouche grande ouverte, affalé comme un cadavre sur le fauteuil.

Quand Sœur Richa daigna ouvrir les paupières, après quelques ronflements saccadés, Rio, elle, était réveillée.

Adossée contre son oreiller, le regard rivé sur l'océan. Ses iris scrutant silencieusement chaque bateau de pêche et voilier qui rentraient au port. Encore.

Richa manqua de laisser un cri de joie s'échapper quand il la vit de nouveau consciente avec le teint plus frais, mais se ravisa quand Rio lança un coup d'œil vers lui.

Il massa son visage, retenant ses émotions.

Ça l'agaçait de s'être entiché si rapidement de cette gamine alors qu'il n'avait reçu qu'ignorance, regards noirs, méfiance, ainsi que dépouillage quotidien de garde-manger en retour du loyer chaleureux qu'il lui offrait.

Il s'appuya contre son dossier, craquant sa colonne vertébrale de tout son long dans une longue plainte. Allumant sa cigarette d'un geste habile, avant de la coincer entre ses lèvres colorées –qui ne l'était plus tant que ça–.

La nonne traîna le pied jusqu'à la cuisine avant de revenir sur sa chaise avec un panier de citron et un pot de miel.

Il commença à couper en rondelles les citrons. Mélangés avec un peu de miel, ces citrons allaient lui donner un regain d'énergie.

Il exhala un nuage de fumée.

Dis ma cocotte. Il serait temps qu'on ait une conversation sérieuse tous les deux.

Rio le fixait incrédule pendant qu'il coupait les citrons en rondelles dans une assiette.

Parlons à cœur ouvert. Reprit Richa. Je ne vais pas te laisser dépouiller mon frigo indéfiniment. Surtout si par-derrière, tu manges des champignons toxiques ! Après six mois de... "cohabitation" tu dois bien pouvoir me dire ton nom, non ?... Ah ! Le mien, c'est Richa au cas où tu l'aurais oublié ! Il rajouta mi-enthousiaste, mi-exaspéré.

Six mois...

Rio lâcha une quinte de toux, sa gorge était toujours irritée de la veille et sa voix avait du mal à sortir.

Tu veux un peu d'eau ? S'inquiéta Richa, prêt à courir une seconde fois dans la cuisine.

Sa voix était éraillée, ses lèvres tremblaient. Elle avait l'impression qu'une main invisible lui empoignait les cordes vocales.

Ses petits poings frappèrent le lit, sous plusieurs coups de frustration.

Eh-oh ! Tu veux casser mon li-
Six mois ! Elle cria d'une voix faible et cassée.

Des sanglots de frustration et de colère se déversaient sur son visage. S'en était trop, elle n'y arrivait plus. Elle ne pouvait plus contenir ce qu'elle avait gardé en elle depuis cette fameuse soirée.

Six mois ! Elle répéta d'une voix plus forte et tremblante. E-Et, elle ne revient pas ! Elle avait pourtant dit qu'elle me rejoindrait !

Rio mordit sa lèvre de frustration et empoigna la robe noire de Richa.

Vous les adultes ! Vous n'êtes que des menteurs !

Les muscles de ses doigts se tendirent d'autant plus.

Si seulement Marta ne l'avait pas laissée seule dans ce tonneau. Si seulement son père était revenu après quatre mois comme il l'avait promis.

Si seulement, elle avait su. Que Silvas la trahirait de la pire des façons possibles. Mais l'avait-il vraiment fait ? Elle ne l'avait pas vu concrètement. Et pourtant. Ce sourire malsain qu'il avait montré, ce sentiment de peur et de rage qui lui soulevait le cœur à chaque fois qu'elle y repensait.

Tout est de sa faute.

Elle bredouillait les lèvres pincées.

Hein ? Richa tendit l'oreille. Qu'est-ce que tu racontes, cocotte ?
Si j'avais été plus forte... Marta ne m'aurait pas laissée toute seule ! Et ce sale chien. Elle agrippa le col de Richa. Je l'aurai tuer-

À peine, elle prononça ces mots que le goût acide du citron la fit grimacer. Elle avala tout rond ce qu'elle avait en bouche pour protester, mais Richa ne lui en laissa pas le temps et lui mit trois autres rondelles entre les dents. Grimaçant de plus belle en rentrant le menton.

Je ne pige rien à ce que tu dis. Il annonça nonchalamment. Mais ne prononce pas des mots dont tu ne peux pas porter le poids. Tu es bien trop jeune pour cela.

Rio repoussa la main de Richa et avala tout rond sa rondelle de citron.

Et alors ! Les adultes le font bien sans vergognes "eux" ! Tuer ! Tuer ! Tuer ! Hmf- ?!

Il ajouta une autre rondelle dans sa bouche, puis finit par lui mettre un demi-citron entier.

Et ces adultes-là sont des idiots. Cela n'apporte rien les tueries, la vie s'en charge très bien sans nous, et... Hey ! T'es pas censé apprécié le citron cru ! C'est quoi cette gosse !?

Il se rassit sur sa chaise en bois en penchant la tête en arrière, une nouvelle cigarette à nouveau entre ses lèvres bleu saphir.

Tu dis que les adultes mentent, et que cette... Marta l'a fait aussi. Eh bien, c'est sûrement vrai, tout le monde ment de temps en temps. Il exhala son nuage de fumée. La vraie question est : pourquoi ? Pour adoucir la vérité ou pour en cacher une encore plus terrible.

Les sourcils de Rio se fronçaient sous cette question. Perdu dans le flou, elle mastiquait sa rondelle de citron comme un bonbon, sous l'air perplexe de Richa.

Elle le savait bien. Elle savait pertinemment au fond d'elle que Marta n'aurait pas menti à sa promesse. Mais c'était frustrant de ne pas savoir, et d'attendre. Attendre indéterminément, avec cette petite voix qui doute, susurrant des "et si..." et des "et ça" à tout bout de champ.

Richa se redressa sur sa chaise, en essayant de se montrer plus rassurant.

Mais peut-être que ta Marta s'est simplement perdue en chemin ! L'océan est gigantesque après tout. On peut l'attendre ensemble un plus longtemps si tu le souhaites ?Pourquoi... Est-ce que tu m'aides ? Renifla Rio en essuyant ses yeux humides et sa morve dans sa manche, avant de lécher les dernières gouttes de jus de citron sur ses doigts.

La nonne se montra silencieuse un moment. Les prunelles indigo de la jeune fille révélant un certain doute derrière sa curiosité.

Richa crapota sa cigarette avant de répondre, reprenant sa pose assise en croisant les jambes.

J'sais pas. Il répondit avec une expression ahurie. J'en avais envie, c'est tout.
T'es bizarre...
Ah ! Dixit la gamine qui savoure son citron cru et mange des champignons bizarres ! S'esclaffa Richa, avant que sa toux ne le rattrape.

Rio prit une grande respiration. Elle se plaça au bord du lit, regardant ses pieds se balancer dans le vide.

Tu devrais rester encore au lit, ma cocotte. Suggéra Richa, calmement.

Ses lèvres s'entrouvrirent et se refermaient, hésitant encore un peu. Peut-être pouvait-elle se confier à lui, ou peut-être pas. Elle se perdit si profondément dans ses pensées qu'elle n'entendait plus que les pulsations de son cœur résonner dans ses tympans.

Puis elle se décida au moins à se présenter.

Je... Je m'appelle Roselyne Dandelion... Elle inspira une nouvelle fois. ... Mais je préfère que l'on m'appelle Rio.

Richa en fit tomber sa cigarette de ses lèvres. Après dix secondes de pétrification, il leva les mains dans les airs en criant :

Banzai !!

Son rire joyeux retentit avec une petite danse bizarre avant d'être abruptement arrêté par d'étranges pleurs de joie.

Après six mois... uuh. Sanglotait-il. Je ne pleure pas, hein ! J'ai juste une poussière dans l'œil !

Rio était confuse, elle ne comprenait pas pourquoi il pleurait.

T'es vraiment trop bizarre. Elle confirma une nouvelle fois. Oh ! Il te manque une dent devant.
La ferme ! Il hurla avant de s'écrouler gracieusement sur le plancher, alors que son mascara lui faisait pleurer des larmes noires.

Rio s'approcha doucement de lui, le drap de son lit dans sa main, pour essuyer les joues de Richa.

N'utilise pas mes draps pour ça, petite imbécile. Il renifla. Tu sens le vomi en plus... Va prendre un bain, tu empestes !

Alors que ses paroles sanglotantes pouvaient paraître un peu dures, sa main lui caressait la tête d'une intense douceur.

Petite illustration de Marta que j'ai fais l'année dernière. 👀✨

Bonjour/ Bonsoir ! Et désolée pour cette longue période d'absence. Pour dire la vérité, ce chapitre est terminé à 96% depuis 6 mois, mais je n'ai jamais été satisfaite de la fin, ahah ! Anyways, je remercie d'avance les lecteurs.ices qui auront pris la peine de lire ce chapitre jusqu'au bout et que je n'ai pas été trop maladroite en écrivant Richa.💦💦

Et pour fêter ça, voici la 1ère édition de lore inutile !

Lore inutile #1 : Quand Rio est née, son père avait à peine 19 ans. Un très jeune papa !

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