Au coeur du Chaos - Les ailes...

By Maloann

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Le Chaos gangrène le Royaume d'Esméria depuis près de seize ans. Après son coup d'État, Ambros a instauré un... More

Le Royaume d'Esméria
La royauté en danger
Une réalité bien sombre
Un destin tout tracé
Nourrir les Esprits
Fuir pour l'avenir du Royaume
Tisane et effusions
La senteur de la jonquille
L'âge des responsabilités
La lueur d'espoir
L'esprit plus clair
Le Chat et le Rat
Un allié inattendu
Douces caresses
Renaissance
Mauvaises rencontres

Une nuit éternelle

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By Maloann

— Docteur..., souffla Ohtar qui s'était placé debout à côté du lit. Je crois qu'elle est partie...

Le médecin releva la tête et comprit que le guerrier avait raison. La Reine avait perdu une quantité importante de sang et était bien trop exténuée pour pouvoir supporter une opération d'une telle ampleur.

Ohtar se sentit coupable du sort de la souveraine, mais si l'intervention n'avait pas eu lieu, l'enfant royal n'aurait pas vu le jour et ils seraient tous les deux morts à cette heure-là. Il fit une nouvelle prière pour que son âme repose en paix dans un endroit plus paisible que ce qu'allait bientôt devenir ce monde à la suite de sa disparition.

Laurelin réapparut dans la chambre, son nourrisson dans les bras et elle se stoppa un instant lorsqu'elle comprit ce qu'il s'était passé. Les trois adultes présents dans la pièce exprimaient tous une mine grave mélangée à de la tristesse. Ils avaient tous saisi l'ampleur de la situation.

Avant que quelqu'un puisse s'exprimer au sujet de la mort de la souveraine ou de son nouveau-né, un bruit de trompettes se fit entendre. Un communiqué important venait d'arriver du château.

Le médecin, Ohtar et Laurelin, qui portait toujours son enfant, descendirent dans la rue. Le bébé royal resta auprès de sa défunte mère. Tous les habitants de la chaussée étaient sortis afin d'écouter les nouvelles.

Un homme était assis sur son cheval, l'instrument dans une main, un parchemin dans l'autre, avec deux individus à pieds de chaque côté. Tous les trois portaient des tenues similaires à celle d'Ohtar lorsqu'il était de service. Ils avaient une armure attachée autour du buste. Cependant, elle était en cuir noir contrairement au guerrier, qui était faite de métal. Ils revêtaient un pantalon noir ainsi que des bottes. Ils avaient des épées accrochées à la ceinture et il était facile de deviner qu'ils étaient prêts à les utiliser à n'importe quel moment.

Après quelques secondes, le cavalier s'éclaircit la voix et commença son discours qui résonna dans tout le village :

— Hier, notre vénéré Empereur s'est emparé du pouvoir afin d'instaurer une ère nouvelle où les richesses seront plus abondantes, les Hommes plus épanouis et la Nature plus resplendissante. Il l'a fait pour vous, pour que vous puissiez vivre dans un monde meilleur. Le Roi était devenu passif et fuyait ses devoirs, mais aujourd'hui, tout ceci est du passé. Grâce à l'Empereur Ambros, le Royaume connaîtra la prospérité. Il vous guérira de tous les maux, même ceux dont vous n'aviez pas encore conscience.

— Ce ne sont que des mensonges ! Qu'avez-vous fait au souverain ? s'exclama un homme qui se trouvait à deux maisons de celle du couple.

L'un des deux individus à pieds, l'épée à la main, s'approcha de celui qui venait de couper la parole au cavalier. C'était le plus terrifiant des trois soldats. Il semblait être tout droit sorti des cachots du château où il attendait la sentence de mort. À son regard, les Esmériens étaient capables de deviner que c'était un homme cruel, sans pitié et sans aucun état d'âme. Il devait avoir de nombreuses victimes à son actif.

Sans une seconde d'hésitation, il lui trancha la gorge habilement, comme s'il avait fait ça toute sa vie. Les habitants poussèrent des cris d'horreur lorsque la tête du villageois tomba sur le sol, suivie par le reste de son corps.

— Quelqu'un d'autre veut-il intervenir ? demanda l'homme qui venait tout juste de décapiter ce pauvre vieillard sans défense.

Un silence suivit la question rhétorique du soldat. Personne n'osait parler, de peur d'être tué en moins d'une seconde par cet être abominable.

— Nous sommes actuellement à la recherche de la Reine. Si vous avez une quelconque information, je vous prierai de me la donner. Si jamais il s'avère que vous l'aidez à s'échapper, vous savez quel sort vous sera réservé, menaça le cavalier en désignant de la tête l'homme exécuté. À présent, nous allons fouiller chacune de vos maisons pour vérifier qu'il n'y a pas de trace de la souveraine. Je vous conseille de ne pas vous y opposer. Mes hommes se serviront aussi de ce qu'ils jugent nécessaire pour soutenir l'Empereur.

Des soldats vêtus de noir et aux allures terrifiantes arrivèrent de tous les côtés et commencèrent par entrer dans les habitations à proximité des intersections. Le jeune couple et le médecin saisirent rapidement la situation et ils savaient qu'ils devaient faire quelque chose s'ils ne voulaient pas être exécutés. Ils retournèrent à l'intérieur de la maison alors que des cris s'élevaient à l'extérieur.

— Comment allons-nous faire pour sortir du village avec autant de rebelles ? demanda Ohtar, désespéré. Il faut que l'enfant de la Reine vive. C'est notre seul espoir pour sauver ce monde qui est en train de sombrer.

Le docteur réfléchissait à toute allure. Il savait qu'il s'était fourré dans le pétrin en acceptant d'aider cette femme à la chevelure blonde à accoucher. Il savait qu'il y avait un souci, une souveraine ne donnerait pas naissance loin du château, dans une maison aussi simple avec des personnes qui ne faisaient pas partie de la famille héritière au trône. Il avait par la même occasion remarqué les blessures au niveau de ses pieds et de ses membres. Elles indiquaient qu'elle avait marché plusieurs heures dans la forêt, ce qui voulait dire qu'elle avait fui la demeure royale.

Mais à présent, comme le guerrier l'avait dit, il fallait mettre l'enfant à l'abri. Il n'était pas assez stupide pour le livrer aux sauvages qui se trouvaient dehors. Il savait qu'ils la tueraient dès qu'ils l'auraient entre leurs mains, mais il n'était pas assez fort pour tous les combattre et éloigner la menace. Que pouvait-il bien faire dans une situation pareille ?

Il devait aider cette famille qui avait secouru la Reine au péril de leur vie et devait s'occuper de cet enfant qu'il avait miraculeusement réussi à sortir vivant du ventre de sa mère. Il se sentait responsable de lui à présent.

— Je vous propose un plan, dites-moi si cela vous convient, annonça le médecin d'une voix basse pour être certain que seul le couple puisse l'entendre. Je peux emmener Cleena en la cachant. Je sortirai de la ville avec ma calèche sans trop de difficulté étant donné que je ne suis pas du village. Quant à vous, il va vous falloir user de la force. Si ces gens découvrent que vous avez hébergé la Reine, ou pire encore, qu'ils apprennent qu'elle a donné naissance à un héritier légitime au trône, ils vont vous tuer sur le champ. Brûlez cette maison pour ne laisser aucune trace et sortez du village. Faites-vous discrets, mais n'hésitez pas à vous battre. Je vous attendrai dans la forêt. Si les imposteurs ne trouvent pas la souveraine ici, ils iront chercher dans tous les villages du Royaume alors le mieux serait de se réfugier un moment dans le monde souterrain. C'est une région abandonnée de tous, pauvre, sans ressource. Ils n'iront jamais chercher dans un endroit aussi reculé que celui-ci. J'habite là-bas, je vous hébergerai un temps si vous le souhaitez.

— Je pense qu'il n'y a pas meilleure solution, approuva Ohtar après quelques secondes de réflexion. Qu'en penses-tu, Laurelin ?

La jeune femme hocha simplement la tête. Elle n'était pas ravie à l'idée de devoir quitter cette maison et encore moins de la brûler, mais elle savait que c'était ce qu'il fallait faire. Le médecin avait raison, si les rebelles apprenaient qu'ils avaient hébergé la Reine et qu'elle avait donné naissance, ils seraient pourchassés jusqu'à leur mort. Il fallait qu'ils fassent disparaître le corps de la jeune femme et qu'ils prennent la fuite s'ils voulaient avoir une chance de survivre.

Laurelin avait conscience qu'ils se confrontaient à des risques en secourant la souveraine après que son mari lui ait raconté le coup d'État, mais elle avait tout de même décidé de l'aider. À présent, il était temps d'en payer les conséquences. C'était nécessaire.

Laurelin savait parfaitement que dès que la famille royale était chassée du trône, cela se traduisait par de multiples catastrophes naturelles, des guerres civiles, et des épidémies. Si l'enfant de la Reine venait à mourir, il n'y aurait plus d'espoir pour ce monde et tous sombreront dans le Chaos. La vie de l'héritière à la couronne était bien plus importante que la sienne et elle n'hésiterait pas à se sacrifier pour la protéger.

Le médecin monta les marches de l'escalier deux à deux. Il rangea les instruments médicaux qu'il avait utilisés pour l'accouchement encore posés sur le lit et prit quelques feuilles d'une herbe qu'il connaissait bien. Il porta Cleena dans ses bras et lui fit boire un peu d'eau dans laquelle il avait trempé la plante.

Le bébé avala sans faire d'histoire et s'endormit sur le coup à cause de ses propriétés qui se rapprochaient de celles des somnifères. Cleena devait être silencieuse pendant le voyage, sinon il risquait de se faire démasquer, alors il fallait qu'elle dorme profondément. Le docteur se saisit de la couverture qui était posée sur le lit et recouvra le corps de la Reine avec. Il descendit rejoindre le couple au rez-de-chaussée.

— Je pars en premier, je vous attendrai à la lisière de la forêt à l'ouest pour regagner le monde souterrain, déclara le médecin.

Il enveloppa le bébé dans un drap pour donner l'impression d'être simplement un gros tas de linge. Il fit tout de même attention à ce qu'il puisse respirer. Le docteur monta dans sa petite calèche où étaient disposés divers outils et de multiples traitements médicinaux. Il plaça l'enfant allongé entre ses pieds puis asséna un coup de cravache au cheval qui se mit à galoper.

Le médecin fut pris d'effroi à la vue du tableau d'horreur qui se déroulait autour de lui. Il n'y avait plus un, mais des dizaines de cadavres décapités sur le sol. Le sang tachait les pavés. Les cris continuaient de fendre l'air et les hommes du nouvel Empereur violentaient les individus vulnérables comme les femmes et les personnes âgées. Ils leur prenaient leurs biens : nourriture, objets de valeur, argent. Si quiconque s'interposait et trouvait cela injuste, ils lui coupaient la tête sur le champ, sans aucun état d'âme. Ils se rapprochaient de plus en plus de la maison de la famille qui avait accueilli la Reine. S'ils ne partaient pas maintenant, ils ne pourraient plus jamais quitter ce village.

Le médecin avança à vive allure jusqu'à la frontière entre la localité et la forêt qui était gardée par deux hommes. Ils ressemblaient aux personnes qui étaient en train de ravager les habitations. Ils portaient également la même tenue constituée de l'armure en cuir noir ainsi que l'épée à la ceinture.

— Qui êtes-vous ? demanda l'un d'eux à l'égard du professionnel de santé.

— Je suis docteur, j'étais venu faire mes visites de routine, je souhaite rentrer chez moi, je n'ai plus rien à faire ici.

— Nous devons vérifier votre calèche.

— Je vous en prie, il n'y a rien d'autre que mes outils et traitements médicinaux.

Les deux hommes se dirigèrent vers l'arrière de la calèche pour jeter un œil sur ce qui s'y trouvait. Le médecin lança un regard furtif à ses pieds pour vérifier que le bébé était bien caché et qu'il ne s'apprêtait pas à pleurer, mais il dormait profondément. Les deux soldats fouillèrent ici et là, à la recherche d'une quelconque trace de la Reine et lorsqu'ils furent certains qu'il n'y avait rien, ils annoncèrent :

— Vous pouvez y aller.

Le docteur les remercia et s'en alla vers la lisière de la forêt pour attendre la famille qui avait sauvé la souveraine. Il attendit d'être assez enfoncé dans le bois pour qu'aucun homme de l'Empereur ne puisse le voir avant de s'arrêter et de guetter l'arrivée du couple.

Laurelin ferma le petit sac qu'elle avait rapidement préparé et qui renfermait de la nourriture, de l'argent, et de quoi s'occuper de son enfant. Elle se saisit de la bouteille d'huile qu'elle avait achetée une fortune, mais qui à présent ne valait plus grand-chose à ses yeux. Elle essaya d'en disperser un peu partout sur les dalles pour que les flammes gagnent en intensité et puissent atteindre l'étage supérieur principalement composé de bois. Laurelin inspira profondément pour se donner le courage de brûler sa propre maison tandis qu'Ohtar la pressait de l'extérieur.

Les hommes de main de l'Empereur se rapprochaient dangereusement de leur demeure. La jeune femme laissa tomber une allumette à l'entrée de sa résidence et en l'espace de quelques secondes, l'ensemble du rez-de-chaussée périssait sous les flammes. Ohtar saisit la main de son épouse et il se mit à courir en direction de la frontière ouest, comme leur avait indiqué le médecin.

Ohtar cavalait avec l'enfant dans les bras. Il essayait de cacher la vision d'horreur au bébé, même s'il ne savait pas s'il était capable de comprendre l'enfer qui se tramait autour de lui ni s'il s'en souviendrait en grandissant. Les maisons mitoyennes possédaient toutes des charpentes en vieux bois séché. Elles prirent donc feu rapidement et de nouveaux cris s'élevèrent dans l'air.

Tout n'était qu'un concert de hurlements. Il y avait des cris de terreur, de désespoir, de douleur. Désormais, des flammes s'élevaient à leur tour et se propageaient d'habitation en habitation. Les hommes en noir continuaient de ravager le village. Ils en tuaient certains, en frappaient d'autres et tachaient un peu plus les dalles de l'allée. Ohtar aperçut une nouvelle fois ce qu'était l'enfer.

Lorsque le jeune couple se retrouva proche de la frontière de la localité, ils ralentirent le pas. Ohtar confia le nourrisson à son épouse. Il savait qu'ils ne les laisseraient pas s'échapper, d'autant plus que son visage ne devait pas être inconnu aux rebelles. Ils auraient vite fait de le repérer et de l'éliminer, sûrement après l'avoir torturé pour avoir des informations concernant la Reine, ou pire, faire du mal à sa femme et à son enfant. Ohtar ne permettrait jamais cela. Il se prépara à combattre et à tuer quiconque s'en prendrait à lui ou à sa famille.

Le guerrier ne s'était pas trompé. Lorsque les deux hommes qui gardaient la sortie de la ville le virent, ils eurent un moment de réflexion, et quand ils comprirent de qui il s'agissait, ils s'empressèrent de dégainer leurs armes. Mais Ohtar, dernier descendant de sa lignée de guerriers, les mit hors d'état de nuire en quelques secondes à peine, à mains nues.

Le couple jeta un coup d'œil derrière eux. Ils regardèrent pour la dernière fois leur village en train d'être détruit, puis s'enfoncèrent dans la forêt pour rejoindre le médecin et changer complètement de vie. Ils se dirigeaient vers ce monde souterrain dont personne ne leur en avait jamais parlé.

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