Inès cligna lentement des paupières, la lumière du soleil réchauffant son visage. Elle était si bien dans ce lit moelleux, au milieu de tous ces coussins et de ces draps. Elle se força tout de même à se réveiller. La jeune femme fut surprise lorsqu'elle se rendit compte qu'elle n'était pas chez elle. Cet endroit lui était inconnu. Elle se leva en vitesse, se dirigeant vers le miroir collé au mur. Elle s'y regarda, cherchant une preuve que ce qui c'était passé était réel. Elle ne portait qu'un simple teeshirt gris lui arrivant juste en-dessous des fesses. Elle se retourna et le releva doucement. Elle avait une longue trainée rouge le long de ses vertèbres, mais il n'y avait aucune trace de coupure. La jeune femme était pourtant certaine que le couteau lui avait entaillé la chair. Ses doigts se posèrent ensuite sur sa nuque, puis sur son crâne. Rien. Elle avait toujours du sang séché dans les cheveux mais son corps ne portait presque plus aucunes traces de quelconques blessures.
Il l'aurait guérie ? Cela lui semblait invraisemblable.
Ces amis l'avaient-ils retrouvée inconsciente et ramenée dans ce lieu pour qu'elle s'y repose ?
Aucune des deux options ne semblaient satisfaire Inès, elle décida donc de découvrir ce qui se passait par soit même au lieu de spéculer inutilement dans cette chambre. Elle entrebâilla la porte et y passa la tête pour observer le couloir qui s'étendait de chaque côté. Il était désert. Une odeur étrangement familière flottait dans l'air, une odeur gourmande et douce. Le parfum d'un petit déjeuner qui ne pourrait faire que du bien à son estomac vide qui criait famine.
Elle traversa le corridor sur la pointe de ses pieds nus le plus silencieusement possible, rejoignant les escaliers de bois sombre dont elle entreprit la descente. Elle avait l'impression de rêver, la lumière du petit matin illuminait le manoir de rayons blanchâtres et voilait chaque surface d'une couche protectrice.
Les escaliers donnaient pile sur la cuisine qui faisait face au salon qu'elle reconnut comme le lieu où elle était attachée le soir précédent. Elle remarqua en y arrivant que de la musique s'échappait d'une petite radio posée sur l'ilot centrale de cette pièce étrangement moderne. Kai était là, de dos. Elle n'avait pas rêvé, ce qui s'était passé était bien réel et ces traces sur son dos étaient les vestiges de la torture cruelle qu'il lui avait fait subir le jour précédent.
Le sorcier ne l'avait toujours pas remarquée et continuait à cuisiner ce qui semblait être des pancakes en fredonnant sur l'air qui emplissait la pièce. Un éclair de rage s'alluma dans les prunelles de la jeune femme qui ne supportait de le voir si heureux et insouciant alors qu'il l'avait faite agoniser quelques heures auparavant. Elle remarqua un couteau qui trainait sur l'ilot et s'en saisit. Elle retenait son souffle, de peur que celui-ci ne la trahisse et se rapprocha de Kai, inconscient de sa présence. Elle leva le bras et visa l'artère qui pulsait dans son cou. Elle abattit le couteau aussi fort qu'elle put mais son geste fut bloqué par le bras de Kai qui stoppa le sien. Il s'était retourné en une seconde. Aucun être humain normalement conçu n'aurait du être capable d'arrêter son geste.
Inès se retrouva collée à son torse, le fixant dans les yeux. Kai lui tordit le poignet, la forçant à lâcher son arme. Un petit souffle s'échappa de ses lèvres à cause de la douleur de ce geste. Contrairement à la colère que la jeune femme s'attendait à voir sur son visage, le brun arborait un petit sourire en coin. Il la lâcha enfin comme-ci de rien était et Inès recula d'un pas, méfiante. Le sourire de Kai s'étira, révélant ses dents blanches parfaitement alignées. Il fit un geste brusque qui fit sursauter la jeune fille, étirant son bras vers elle.
« Pancakes ? Lui demanda-t-il en plaçant une assiette remplie de galettes brunes entre eux. »
Inès écarquilla les yeux. Etait-il sérieux ?
« Qu'est-ce qu'il y a dedans ? Demanda-t-elle méfiante.
-Farine, œuf, lait... Commença-t-il d'un air innocent.
-Poison ? Le coupa-t-elle. »
Il se mit à rire à gorge déployée. A chaque fois qu'il essayait de s'arrêter il explosait de nouveau. Inès ne voyait vraiment pas ce qu'il pouvait y avoir de drôle dans ce qu'elle venait de dire.
« Du poison ? Ricana-t-il quand il réussit enfin à aligner deux mots. Tu ne crois pas que si j'avais voulu te tuer j'aurais utilisé autre chose que du poison ? Pour qui est-ce que tu me prends ? »
Il engouffra une bouchée de ses pancakes dans sa bouche tout en continuant de la fixer de ses yeux rieurs. Il ne semblait plus être la même personne.
« Tu n'as pas faim ? Lui demanda-t-il en posant une assiette avec deux pancakes en face du tabouret vide devant lui. »
Il s'assit en face de sa propre assiette et recouvra son petit-déjeuner de chantilly. Méfiante, Inès s'assit en face de lui. Elle ne voulait pas le contrarier, elle avait beaucoup trop peur des conséquences et elle avait besoin de temps pour repérer un moyen de s'échapper. Elle ne le quitta pas des yeux tandis qu'elle posait la main sur la fourchette qu'il lui tendait. Elle croqua dans l'une des galettes recouverte de chantilly et elle se rendit alors compte de combien sa faim était grande. Les pancakes étaient vraiment bons mais elle ne voulait pas lui donner la satisfaction d'apprécier quelque chose venant de lui. Elle en prit tout de même une autre bouchée juste pour qu'il la voit manger et ne se méfie pas.
« Qu'est-ce que tu vas me faire maintenant ? Demanda-t-elle ses yeux toujours plantés dans les siens.
-Je compte m'amuser avec toi.
-Pourquoi est-ce que tu m'as soignée, t'aurais pu me laisser me vider de mon sang sur le parquet.
-Ça aurait été dommage de perdre un si joli jouet. Tu m'es encore utile. Je ne veux pas te tuer.
-Laisse-moi m'en aller, je ne dirais à personne que je suis venue ici.
-Tu es bien courageuse pour une simple humaine. Pourquoi rester avec des vampires qui peuvent te mordre si facilement, juste là...»
Il retourna le poignet d'Inès et passa ses doigts sur ses veines bleutées. Doucement il traça leur parcours le long de son bras jusqu'à la manche du teeshirt qu'elle portait. L'atmosphère calme qui régnait jusqu'à présent venait de s'électriser à leur contact. Kai s'appuya de son coude sur l'ilot pour être en mesure de l'atteindre de l'autre côté de la plaque de marbre. La jeune femme retenait un frisson de dégout. Mais étais-ce lui qui la répugnait ou les sensations qu'il lui faisait ressentir. Comment pouvait-elle être attirée par un psychopathe tel que lui ?
Il glissa ses doigts au-dessus du tissu pour atteindre son cou.
« Ou là... Murmura-t-il d'une voix grave en touchant son cou. »
Il posa ensuite sa main à plat sur sa joue, caressant de son pouce le haut de sa pommette. C'est ce moment qu'elle choisit pour planter sa fourchette dans son bras. Surpris il relâcha l'emprise qu'il avait sur elle en s'effondrant sur le plan de travail. Inès ne perdit pas de temps et s'élança vers la porte d'entrée qu'elle avait réussi à repérer en descendant. Elle appuya de toutes ses forces sur la poignée mais elle ne daigna pas s'ouvrir.
« Et merde ! S'exclama-t-elle frustrée. »
Elle se retourna pour voir Kai retirer la fourchette sanguinolente de son avant-bras déjà couvert de ce même fluide écarlate. Il ricana quand il leva les yeux vers elle.
« Tu ne croyais tout de même pas que j'étais assez stupide pour laisser la porte ouverte ? »
Il pencha la tête sur le côté, la jaugeant. Un petit sourire narquois naquit sur son visage lorsqu'il reluqua ses jambes nues, le haut de ses cuisses seulement couvertes par son teeshirt.
Inès regardait autour d'elle paniquée. Elle n'avait pas pensé une seule seconde à la possibilité que la porte soit close. Qu'allait-il lui faire maintenant qu'elle l'avait défié en tentant de s'échapper.
Elle reporta son regard sur lui. Il avait contourné l'ilot et la toisait immobile les yeux mi-clos. La jeune fille se mordait la lèvre inférieure pour s'empêcher de crier ou d'émettre un quelconque son qui pourrait montrer sa panique.
« Cours. »
Kai prononça ce mot distinctement, sa voix surplombant la musique joyeuse qui tournait toujours en arrière-plan. Son sourire se transforma et il éclata de rire.
Inès ne se fit pas prier et s'élança vers les escaliers. L'étage du dessus était un terrain plus connu pour elle que le rez-de-chaussée et elle espérait que Kai ai oublié une fenêtre ouverte par laquelle elle aurait pu se faufiler. Mais cet espoir s'évanouit lorsqu'elle remarqua qu'il ne prit même pas la peine de courir, se contentant de la suivre en marchant. Si elle avait eu une quelconque échappatoire dans cette direction il ne prendrait pas son temps de cette façon.
La jeune femme redoubla d'efforts et courut jusqu'au bout du couloir où elle s'enferma dans une petite salle de bain. Elle monta dans la baignoire et referma le rideau de douche sur elle. Son cerveau tournait à toute vitesse, comment allait-elle pouvoir s'en sortir ? Il fallait qu'elle réussisse à décamper quand Kai visiterait l'une des autres pièces. Elle pourrait alors traverser le couloir sans qu'il ne la suive et regagner le rez-de-chaussée.
« Inèssss...Susurra-t-il. »
Une première porte claqua. La jeune fille frissonna. Il lui parlait d'une voix joueuse et triomphante comme si les jeux étaient déjà faits.
« Je vais te trouver, ça ne sert à rien de rester cacher, tu n'as aucune chance de t'en sortir. »
Une seconde porte claqua. Plus que deux et il arriverait à son niveau.
« J'aime jouer, surtout avec toi. C'est plus drôle quand on essaye de me résister en sachant qu'on n'a aucune chance. »
La troisième se referma à son tour dans un bruit sourd.
« Plus que deux. Dans quelle pièce es-tu ? »
C'était sa chance. C'était maintenant ou jamais. Elle sortit de sa cachette en vitesse, sans un bruit et traversa le couloir sans se retourner, atteignant en quelques secondes le haut des escaliers qu'elle commença à descendre. Un rire éclata derrière elle, beaucoup trop proche. Elle sursauta et perdit l'équilibre, se tordant la cheville sur les dernières marches. Kai se trouvait sur le palier, la regardant en riant. Tout était un jeu, un jeu terriblement malsain et terrifiant. Il avait des tâches de sang sur ses vêtements, là où son bras blessé les avait effleurés. Il ne semblait pourtant pas s'en soucier, comme-ci tout ceci était habituel et totalement ordinaire. Tout ceci ne le rendait que plus terrifiant.
Inès ne perdit pas de temps et se remit sur pieds, bien décidée à lui échapper. Mais sa cheville ne semblait pas vouloir l'aider et céda sous son poids. Elle se rattrapa de justesse à la rambarde, évitant de ce fait une chute sur le carrelage de l'entrée. Serrant les dents, elle parvint à faire quelques pas en avant dans le vestibule mais Kai n'était pas loin derrière elle et il lui attrapa les cheveux pour la tirer en arrière.