La lumière de la pièce dans laquelle je me trouve agresse ma cornée lorsque j'ouvre les yeux. Elle est blanche, forte et froide.
C'est à ce moment-là, alors que le jour se lève je ne sais où dans le monde, que je me rends compte de ce que j'ai fait. Mais je ne regrette pas.
J'aperçois une silhouette à ma gauche. Un coup d'œil vers elle me permet de déterminer de qui il s'agit.
— J'ai faim.
C'est la seule chose que je dis, parce que si je veux partir d'ici un jour, il va falloir que je leur tape le plus possible sur les nerfs.
— Je sais, acquiesce Séléné. Suis-moi à la cuisine. Tu n'as pas mangé depuis avant-hier soir.
— Euh... Ça fait combien de temps que je dors ?
— Deux nuits et une journée. Tu t'es réveillée, à un moment, mais dès que tu m'as vue, tu t'es rendormie. Je me demande pourquoi, d'ailleurs.
— Et où sommes-nous ?
— En Alaska.
— Où, en Alaska ?
— À Juneau.
— Attends... Tu m'as kidnappée et tu me divulgues toutes ces informations hyper confidentielles ?
— On n'est pas dans un film, Margot. Et tu es venue de ton plein gré.
— Eh bien, j'ai l'impression que si, et ta blonde psychopathe a failli tuer Théo !
— Elle avait des comptes à lui rendre, dit-elle simplement. Yaourt ou lait ?
— Ils se connaissent, pas vrai ? Qui est-ce ?
Séléné esquisse un léger sourire. Avant, je le pensais innocent et simple, mais je me rends compte à présent qu'il cache des milliers de secrets. Où est-elle née ? Qui l'a élevée, étant donné que son père est un peu spécial ? Pourquoi a-t-elle attendu aussi longtemps avant d'oser sortir de chez elle ? Je ne sais rien d'elle alors que je la considérais comme une de mes plus proches amies.
— C'est la seule chose que je n'ai pas le droit de te dire, désolée, annonce-t-elle, coupant court mes réflexions.
— Qui te l'interdit ?
Elle pose sur moi ses yeux de fer, tristes et fascinants.
— Eux.
Je tourne la tête dans la direction que me montre Séléné.
Deux personnes se tiennent dans l'encadrement de la porte. Un homme. Son père. Et une femme. Ce n'est pas la jeune femme blonde de l'autre jour. Comme l'homme, elle a le teint très pâle, translucide. Pourtant, elle n'a pas ses yeux noir charbon, ni ses cheveux de jais. Ses iris sont d'un gris argent presque irréel, et ses cheveux tombent en cascades blond très clair – quasiment blanc – sur ses épaules. Elle doit avoir environ quarante cinq ans.
— Qui est-ce ?
Séléné pousse un soupir. Elle sait que je parle de la femme.
— Je te présente ma tante, Cléophée.
— Euh, enchantée.
Le regard de Cléophée est dur et doux à la fois. Je me demande ce qu'elle pense, et je crois que personne n'en a jamais rien su.
— Bonjour.
Elle se retourne après cette brève réponse, bientôt suivie par celui que je pense être son frère, le père de Séléné.
Une fois qu'ils sont partis, le silence tombe sur la pièce. Séléné ne parle pas et se contente de me donne mon yaourt. Je pense que c'est le moment des explications.
— Bon, Sél', tu m'expliques ce qu'il se passe, là ?
Elle ne semble pas être ce cet avis.
— Margot, tu n'es pas débile, il me semble. Tu as compris, non ?
À vrai dire, non. Je ne vois pas le lien entre la soirée s'il y a deux jours, Séléné, la femme blonde et...
Le père de Séléné.
Ce n'est que là que je comprends.
Le kidnappeur, mon frère, le père de Séléné.
Théo me l'avait dit : dans ses souvenirs, il était brun et sa peau était très pâle. Comme le père de Séléné.
Je ne dis rien un moment et me rassois sur la chaise que j'occupais un peu plus tôt. Séléné pose une main timide sur mon épaule, comme pour me réconforter.
— Tu le savais, pas vrai ? Tu savais que ton père...
— Tu ne sais pas ce que je sais, Margot. Arrête de faire tes hypothèses. Peut-être que... Peut-être qu'il avait ses raisons ? Tu y as pensé, toi ?
Non, je n'y ai jamais pensé. Le kidnappeur est méchant. Le père de Séléné est méchant. Il a mené au malheur de ma mère, à la ruine de ma famille.
Mais, peut-être que sans lui je n'aurais jamais connu Théo ? Non. Sa famille habite à Lyon. Et il ne peut pas y avoir de bonne raison pour avoir arraché un enfant de quelques années à sa famille. Quoi qu'en dise mon (ancienne ?) amie.
— Il n'y a pas d'excuse.
— Si, Margot. Tu ne la connais juste pas ! Parce que, évidemment, ta mère a « omis » de te la dire !
Ma mère n'est au courant de rien. C'est impossible. Elle a commencé à boire après cet incident. À moins que... Ce ne soit pas pour ça. Mais non, elle me l'aurait dit plus tôt.
Je me masse le front pendant que Séléné observe ma réaction.
Dans le halo de la lumière du matin, elle paraît si fragile. Je croyais qu'elle était fragile. Mais c'est une femme différente qui se tient devant moi.
— Alors explique-moi ! je m'exclame. Explique-moi pourquoi ton père a enlevé mon frère du jour au lendemain, alors que tout se passait très bien ! Vas-y, je t'écoute !
Elle fronce les sourcils et passe une main dans le noir corbeau de ses cheveux, gênée. Elle ne va pas me le dire, je le sens.
— Je... Je n'ai pas le droit.
— Tu vois ? Aucune raison, je te dis. Je ne te ferai plus jamais confiance.
Elle semble au bord des larmes. Mais elle ne pleure pas. Cette fille a une faculté impressionnante à cacher ses émotions, à paraître neutre à n'importe quel moment, quoi qu'il se passe. On aurait tous besoin de pouvoir se cacher comme elle, parfois.
— Arrête.
— Sinon quoi ?
Je la regarde dans les yeux avec un air de défi
— Je suis la seule solution qu'il te reste, souffle-t-elle, si bas que j'ai l'impression que je suis dans un rêve. Quand ton monde s'écroulera, je serai celle sur qui tu pourras prendre appui. Je pourrai aussi être celle qui t'achèvera. Je suis la clef qui te libérera et la porte qui t'enferme. Un mot et je te mets sous sédatifs.
Elle sort de la pièce calmement, comme si rien ne s'était passé. Je reste immobile quelques secondes et finis par me dire qu'il faudrait peut-être la rattraper. Mais elle est déjà partie je ne sais où.
Je remonte le couloir que j'ai pris quelques temps plus tôt. Les volets ont été ouverts, on y voit donc mieux que quelques minutes plus tôt. J'ouvre quelques portes à la volée. Ce n'est pas bien de fouiner, mais si elle m'a laissée seule sans surveillance, c'est qu'elle accepte que je le fasse. Ou qu'elle me fait confiance.
Il n'y a rien de particulier dans les salles que je visite. Deux chambres, une salle de bain – je note d'ailleurs dans un coin de mon esprit qu'elle se trouve ici –, d'autres couloirs... Moi qui m'attendais à un quartier général hyper-sophistiqué, c'est raté. Finalement, Séléné doit avoir raison, je me crois trop dans un film. La réalité est bien moins amusante.
En me penchant vers une fenêtre qui mène sur une rue bordée par de grands pins qui doivent faire sept fois ma taille, si ce n'est plus, je me prends à espérer que Théo est parti à ma recherche.
Non, c'est trop dangereux.
Je m'en veux d'être assez égoïste pour avoir ce genre d'espérances. Il ne doit surtout pas venir. Il doit... Faire quoi, en fait ? Que ferais-je, à sa place ? Je pense que mon premier réflexe serait de prévenir la police. Mais je sais à quel point il est têtu. Il a fait tout ça seul, et ce n'est pas pour finir par prévenir les autorités. Il est comme moi, dans un sens. Néanmoins, pour moi, est-ce qu'il en serait capable ? La réponse, je pense, est non. Et je le comprends, c'est ça, le pire.
Il ne fait pas très beau, aujourd'hui. Le temps est plutôt brumeux. Je me demande quel jour on est. Je retourne dans une des chambres pour vérifier sur le réveil, et éviter d'espérer trop longtemps en regardant la fenêtre.
Douze octobre. Oh.
Ça passe vite. J'ai raté la rentrée – ce n'est pas une réelle surprise – et plus d'un mois de cours. Je ne sais pas si j'aurai le temps de tout rattraper. Pourvu qu'on rentre vite.
Je lâche un petit rire en réalisant que je suis en train d'espérer que je rentrerai bientôt chez moi. Peut-être que je ne vais jamais revenir ? Dans ce cas, ce n'est pas la fin du monde. Ma mère est heureuse, maintenant. Élise a trouvé Lemon. Et Théo... Il est bien assez beau pour trouver une autre fille. Mon cœur émet un petit pincement. Arrête de penser à ça, Margot, murmure-t-il.
J'aimerais tellement.
Je m'apprête à passer dans une autre pièce quand j'entends une dispute au rez-de-chaussée. Je crois avoir oublié de dire que je suis très curieuse. Trop, peut-être ?
Toujours est-il que je descends discrètement les escaliers.
~ NDA ~
Heyyy !! Désolée pour l'absence, je vais essayer de poster plus souvent vu que c'est les vacances ! Peut-être que je posterai un autre chapitre aujourd'hui...?
J'espère que ça vous a plu !
N'oubliez pas que je vous aime mes chers sujets ❤️❤️
Pour les bonus dans le tome 1, vu que j'ai posté le 1er chapitre de ce tome un peu plus tôt que prévu, je pense que je les continuerai à la fin de celui-ci !
Bisouuus et peut-être à tout à l'heure !
Aliénor 👑✨✨