Les semaines passaient et se ressemblaient à Poudlard, le mois de janvier était sur le point de se terminer et je me comportais de plus en plus bizarrement...
Enfin plus bizarrement que d'habitude.
J'étais encore plus solitaire que d'ordinaire, je n'essayais plus de faire sortir de ses gonds Blaise et Théodore, je ne partageais plus tous les derniers potins de l'école avec Tracy et Daphné, je ne clashais même plus Harry Potter sur sa stupidité légendaire.
En fait, j'étais totalement à l'ouest ces derniers temps, je faisais acte de présence en classe, rendait des devoirs plutôt bons, en tout cas, pas suffisamment mauvais pour inquiéter les professeurs. Je passais son temps à dessiner et peindre, mais quoi ? Ça, personne ne le savait... Ou presque : Ginny Weasley, elle, avait compris, mais elle n'osait rien dire, elle avait trop peur des conséquences.
– Pourquoi refuses-tu de me croire ? a demandé Tom.
Ah oui, et j'avais un nouvel ami assez collant : Tom Jedusor.
– Parce que Hagrid n'a pas pu ouvrir la chambre des secrets, ai-je affirmé.
– Tu as bien vu le genre de monstres qu'il arrive à apprivoiser, qui te dis qu'il n'a pas pu en faire de même avec le basilic de la chambre des secrets ?
Tom Jedusor était un garçon intelligent et affreusement charismatique, il arrivait toujours à ses fins, avec tout le monde. Il avait réussi à berner Slughorn, les aurors, ses camarades et même le grand Albus Dumbledore.
Mais cette gamine de 13 ans que j'étais refusait catégoriquement de lui accorder sa confiance, et ça commençait sérieusement à l'énerver.
Cheh.
Car Tom Jedusor avait un plan !
Et dans ce plan, Ginny Weasley mourrait, et Electra Black se joignait à lui.
La dernière des Black en vie se devait de rejoindre ses rangs, il ne pouvait en être autrement. Mais quelles que soient ses manœuvres, ses promesses, je refusais catégoriquement de l'écouter. C'était rare de trouver des occlumens qui ignoraient qu'ils l'étaient, en fait, seule la famille Black était capable d'un tel talent, tout le monde le savait. Et j'avais visiblement hérité des talents de ma famille.
Je me suis engouffrée dans la bibliothèque dans l'optique de travailler mon cours de métamorphoses lorsqu'au détour d'une allée, j'ai surpris une conversation entre deux Poufsouffle...
Je me suis cachée et j'ai écouté telle la petite commère que j'étais.
– Je te jure Ced', il y a un truc qui va pas !
– Moi je la trouve pas si changé que ça.
– Ah ouais ? Avant elle se contentait de m'ignorer volontairement alors que depuis quelques temps, elle m'ignore vraiment. Elle ne fait plus seulement semblant d'être détachée et insensible, c'est comme si elle l'était vraiment devenue. Elle est amorphe, insensible, et... je sais pas, il y a un truc qui cloche.
J'étais scotchée.
– Léo, t'es au courant que c'est carrément flippant que tu sois capable de voir ça alors que tu lui as jamais parlé ?
– C'est faux ! a répliqué le garçon. Je lui ai parlé à la bibliothèque il y a un an, et il y aussi eu cette fois où...
– Arrête de jouer l'idiot, tu sais ce que je veux dire.
– Ce qui est flippant c'est surtout que personne d'autre que moi n'ait remarqué qu'elle était super mal !
Pour le coup, j'étais bien d'accord avec le pote de Cédric. Quelque chose clochait, je m'en rendais compte mais je n'arrivais pas à m'en défaire. A vrai dire, cette conversation fut le déclic dont j'avais besoin...
***
– Tom Marvolo Riddle... ai-je murmuré, pensive.
J'étais assise dans mon coin reculé des escaliers, les yeux rivés sur la fenêtre donnant sur le parc, c'était là que je venais se réfugier quand j'avais besoin de calme -et en ce moment, cela arrivait souvent.
– Quelque chose cloche... ai-je continué.
Tom avait essayé de me forcer à arrêter mes recherches, il devait savoir que mon esprit brillant était capable d'assembler ce puzzle. Le problème, c'est que cet esprit un peu encombrant s'amusait avec ma mémoire, si bien qu'à chaque fois que j'étais sur le point de faire une découverte, quelque chose m'en empêchait. Mais je persistais, encore et encore. Il était hors de question que je laisse un souvenir, aussi canon soit-il, gagner.
J'ai grandi dans un endroit sombre, dénué d'espoir. J'ai été forcée de me préserver pour survivre, pour ne pas me laisser abattre. J'ai forgé une armure me protégeant du monde extérieur, et cette armure que Tom n'arrivait pas à briser. Mon esprit était particulièrement fort, bien plus que la plupart des gens, c'est pourquoi il était aussi plus instable parce qu'il suffisait d'une seconde d'inattention pour laisser quelque chose s'engouffrer derrière cette armure et briser tout ce que j'étais.
Et c'est exactement ce qu'il s'est passé bien des années plus tard.
– Tom Marvolo Riddle... ai-je répété.
D'un coup, je me redressée, le souffle coupé.
– C'est un anagramme, ai-je murmuré. Mais bien sûr...
Comment était-il possible que je n'y ai pas pensé avant ? Pour la première fois de ma vie, ma dyslexie m'a apporté quelque chose. Les lettres qui dansaient devant moi, se permutant, ont commencé à former d'autres mots. Ces mots ont bientôt formé une phrase, une toute petite phrase...
– I am Lord Voldemort.
Tout s'est éclairé dans mon esprit : le journal que Ginny avait dans les mains était celui de celui qui deviendrait plus tard Lord Voldemort.
Sans attendre une seconde plus, j'ai quitté ma cachette et j'ai couru droit vers les premières toilettes pour fille que j'ai trouvé pour y jeter ce maudit journal, cherchant à tout prix à se débarrasser de lui.
Après réflexion, ce n'était peut-être pas la meilleure décision à prendre, mais j'avais 13 ans et j'étais carrément flippée.
J'avais conscience de jouer à un jeu dangereux, mais c'était un jeu qui me plaisait.
Le danger a toujours eu un attrait sur moi, le danger c'est ce qui nous rappelle que nous sommes en vie. Mais à présent que les pièces du puzzle se remettaient en place, j'étais plus déterminée que jamais à trouver le reste de mes réponses, et surtout, à me débarrasser définitivement du mage noir qui s'accrochait un peu trop à la vie et à mon esprit.
– Tu crois vraiment pouvoir faire ça Electra ? a demandé Tom d'un ton moqueur. Tu penses pouvoir te débarrasser de moi ?
– C'est ce que je suis en train de faire, ai-je confirmé en lui faisant face. Tu n'es qu'un monstre...
– Un monstre, c'est ce que tu penses, vraiment ? Fais attention, peut-être qu'un jour, ce sera toi que l'on qualifiera de monstre.
J'aurais aimé qu'il ait tort...
– Comment ? ai-je demandé. Comment devient-on le chef d'une secte suprématiste ?
– Ce n'est pas une secte, ce n'est pas un mouvement suprématiste, m'a contredit Tom, voyant enfin sa chance de me faire basculer dans son camp : C'est une révolution.
Il marqua une pause avant de reprendre :
– Trop longtemps nous avons été chassés, traqués et tués pour ce que nous sommes. J'ai promis de rétablir l'ordre : nous sommes le prochain stade de l'évolution, pourquoi devrions-nous nous cacher du monde ? Nous sommes plus forts, plus puissants, alors pourquoi devrions-nous les craindre ? Ce sont eux qui le devraient.
Ok Magneto.
– Tu es complètement taré... ai-je murmuré dans un souffle.
– Et pourtant, toi et moi nous ressemblons plus que tu ne le crois, a dit Tom sur un air de confidence. Nous avons tous deux grandi dans ce même endroit dépourvu d'espoir, nous avons tous deux perdu nos mères trop tôt et nous avons tous deux reçu le nom de nos pères indignes et abjects.
Je ne vais pas vous mentir, je commençais à sérieusement flipper. Non pas de Tom Jedusor, mais de moi-même. Je me connaissais suffisamment pour savoir qu'il y avait cette part d'ombre en moi, comme en chacun des êtres humains, sauf que je jouais souvent avec sa limite. Et à cet instant, j'étais terrifiée qu'un jour je puisse franchir cette limite...
– Tous deux nous avons des esprits brillants, une ambition sans précédent et, il faut bien le reconnaître, un charme à toute épreuve, a continué Tom. As-tu la moindre idée de ce que nous pourrions accomplir ensemble, si tu acceptais de rejoindre ma noble cause ? Tu pourrais changer le monde, rétablir cette justice qui t'es si chère.
– La vengeance, ce n'est pas la justice, ai-je répliqué, encore trop innocente pour voir les choses différemment.
– Il n'y a qu'une justice en ce monde, celle que nous rendons nous-même.
J'ai fait un pas vers Tom, la tête haute et j'ai sifflé :
– Sors de ma tête.
Le garçon pouffa, moqueur.
– Tu crois que tu arriveras à me faire partir ? Vraiment ?
– Sors de ma tête, ai-je répété.
Mais Tom était têtu et refusa catégoriquement de s'en aller. Alors j'ai fermé les yeux, concentrant toutes mes forces sur une seule pensée : mon armure.
Depuis que j'étais arrivée à Poudlard, j'avais laissé les autres entrer dans mon esprit : Harry, Hermione, Ron, Tracy, Daphné, Cédric, tous m'avaient affaibli, tous avaient fissuré l'armure que je m'étais forgée lorsque j'étais enfant, et je devais retrouver la force que j'avais en moi et qui me permettait de supporter toutes les épreuves qui se présentaient à moi.
Lorsque j'ai ouvert les yeux, Tom Jedusor avait disparu.
Le soir-même, alors qu'Harry Potter trouvait le journal de Jedusor, j'entrais dans la réserve pour se procurer deux ouvrages : Guide d'occlumancie avancée de Maxwele Barnett et Protection Charm Your Mind : Un guide pratique pour contrer la légilimencie de Franciscus Fieldwake. Car je venais de passer plus d'un mois avec un mage noir dans sa tête, et il était absolument hors de question que cela ne se reproduise à nouveau. Je m'intéressais peut-être moyennement aux cours de sortilèges ou de potions, mais les magies alternatives elles, pouvaient s'avérer très utiles.