Le printemps était bien installé à Poudlard et le pollen tabassait ses pauvres habitants. Nous étions submergés de travail (enfin, les autres l'étaient, moi j'avais hérité du talent de mon paternel à obtenir des notes parfaites sans fournir aucun effort, ce qui énervait grandement Miss Granger). Malgré tout, je passais tout mon temps à la bibliothèque et la pierre philosophale était bien loin de nos préoccupations.
– Comment tu fais pour lire autant en si peu de temps ? s'est exclamé Ron en voyant la pile de livres posée sur la table.
– J'avais pas grand-chose à faire durant mon enfance à part lire ai-je répondu distraitement, le nez plongé dans un livre de botanique, prenant deux-trois notes. Et j'ai une mémoire photographique, ça aide pas mal.
– Tu ne parles jamais de ton enfance, pourquoi ? m'a demandé Hermione.
J'ai fait mine de ne pas avoir entendu la question tandis qu'Hermione échangeait un regard avec les garçons. Je ne voulais pas parler de mon enfance tout simplement parce que j'estimais qu'il n'y avait rien à en dire et je ne voulais pas subir ce que tous les orphelins subissaient, ce regard de pitié. Je n'avais pas besoin de la pitié des gens, j'étais parfaitement heureuse telle que j'étais. Hermione a secoué la tête et s'est concentrée sur son devoir de métamorphoses.
Mais je connaissais suffisamment bien mon amie pour savoir qu'elle n'en resterait pas là alors j'ai refermé mon livre et j'ai quitté la table pour rejoindre le rayon de littérature moldue dont j'avais presque entièrement lu les livres présentés. Heureusement que d'une année sur l'autre nous gardions le même dortoir, cela me permettait de laisser ce qui m'encombrait un peu trop (c'est à dire, toutes mes affaires de sorcière) pour caler des choses plus utiles dans ma malle, comme par exemple des livres.
Je me suis donc résignée à m'approcher de l'étagère spéciale "science-fiction" qui aurait bien besoin d'un coup de jeune. Je n'étais pas une grande fan de science-fiction, c'était donc la seule étagère que je n'avais pas intégralement lue. J'ai opté pour le meilleur des mondes et me suis adossée contre l'étagère pour lire les premières pages en toute tranquillité.
C'est alors qu'un bruit fracassant a retentit derrière moi. En me retournant, j'ai découvert un garçon empoté qui venait de faire tomber une rangée complète de livres.
– Salut ! s'est-il exclamé en me faisant un signe de main avec un grand sourire révélant des fossettes.
J'ai levé un sourcil avant de me détourner pour le laisser réparer ses bêtises. Quelques instants plus tard, le garçon m'a dépassé et s'est adossé à l'étagère, dans la même position que moi, ce qui était tout sauf naturel.
– Tu devrais essayer Fondation d'Asimov, c'est le meilleur livre de l'univers.
J'ignorais qu'il y avait des nerd à Poudlard. Si nous étions dans un film américain, ce garçon serait le meilleur pote du héros, celui qui fait toujours des blagues complètement nulles mais qui finit quand même avec la plus jolie fille de l'école dont il est secrètement amoureux depuis le premier jour. C'était un garçon maigre, assez grand (enfin, en comparaison avec ma petite taille), la peau pale, des cheveux bruns coupés très courts, presque rasés et des yeux de couleur chocolat. Sur le moment, j'ai aussi remarqué qu'il avait un grain de beauté sur la joue gauche, près de la lèvre et trois grains de beauté plus petits sur l'autre joue. Il ne semblait pas non plus être un grand fan de l'uniforme de l'école puisqu'il avait un jean noir, sa chemise blanche, un sweat à capuche gris et une paire de Vans noires. Oh, et une cravate jaune et noire dénouée.
Oui, j'ai remarqué toutes ces choses en seulement un coup d'œil.
Il a tendu la main vers l'étagère et a sorti un livre qu'il m'a présenté avec un grand sourire niais comme s'il était vendeur dans une boutique de bandes-dessinées.
– ça c'est de la science-fiction, a-t-il commenté.
J'ai refermé mon propre livre et l'ai agressé :
– Je peux savoir qui tu es ?
– Euh... Je suis... a-t-il commencé à bafouiller. Léo... Léon... Léonidas ! Léonidas Anderson. Mais tout le monde m'appelle Léo.
J'ai eu du mal à croire que des gens l'appellent, à part peut-être pour avoir des cours de Klingon. Et quel genre de parents appellent leur enfant Léonidas ? C'est cruel !
– Et toi, tu es... a-t-il continué.
– Pas intéressée, j'ai répliqué avant de tourner les talons.
J'ai commencé à enjamber les cadavres de livres au sol tandis qu'il levait la main pour me saluer :
– Bon bah c'était... C'était cool de faire ta connaissance !
En revenant à ma place, j'ai soupiré et je me suis tournée vers Hermione :
– Bon, j'ai loupé quoi ?
Hermione m'a appris qu'ils comptaient rendre visite à Hagrid pour parler à la chasse aux infos car pendant mon absence, le garde-chasse avait été aperçu dans la bibliothèque (ce qui était particulièrement étonnant).
C'est ainsi que nous sommes arrivés à la cabane d'Hagrid quelques minutes plus tard pour découvrir que tous les rideaux étaient tirés et que de la fumée s'échappait de la cheminée (ce qui était étrange étant donné les températures clémentes du mois d'avril).
– Qui est là ? a demandé Hagrid avant de nous faire entrer et de refermer rapidement la porte derrière nous.
En bonne anglaise que je suis, j'ai toujours aimé le froid et détesté la chaleur. J'aime la pluie, pas le soleil. Et la chaleur qui régnait dans cette cabane était étouffante. J'ai même été forcée de desserrer ma cravate argentée et verte afin de mieux respirer. Les vacances aux Caraïbes, c'est clairement pas pour moi !
– Alors, vous vouliez me demander quelque chose ?
– Oui, a répondu Harry. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui garde la pierre philosophale, à part Touffu ?
– Bien sûr que non, je ne peux pas vous le dire ! D'abord parce que je l'ignore, ensuite parce que vous en savez déjà trop et donc, même si j'étais au courant, je ne vous dirais rien de plus. Il y a de bonnes raisons pour que cette pierre se trouve ici. Elle a failli être volée chez Gringotts, j'imagine que vous l'aviez déjà compris ? Je me demande bien comment vous avez fait pour découvrir l'existence de Touffu.
– Je comprends que vous ne vouliez pas nous le dire, mais ne nous faites pas croire que vous ne le savez pas. Vous savez tout ce qui se passe ici, a déclaré Hermione d'un ton flatteur. Nous voulions simplement savoir qui s'était chargé du dispositif de protection de la pierre. Nous nous demandions en qui, à part vous, Dumbledore pouvait avoir une telle confiance.
– Bah, j'imagine qu'il n'y a pas de mal à vous dire ça... dit Hagrid, beaucoup trop crédule. Voyons, il m'a demandé de lui prêter Touffu. Et certains professeurs se sont chargé des sortilèges. Le professeur Chourave, le professeur Flitwick, le professeur McGonagall, le professeur Quirrell... Et Dumbledore lui-même a fait quelque chose, bien sûr. Ah oui, j'allais oublier, le professeur Rogue aussi.
– Rogue ?
Et c'est reparti ! ai-je pensé.
– Oui, vous ne vous doutiez pas de ça, hein ? Rogue a aidé à protéger la pierre alors, vous voyez bien qu'il n'a pas l'intention de la voler.
Nous avons échangé un regard, Harry et Ron étaient persuadés de la culpabilité de Rogue alors qu'avec Hermione, nous en doutions encore. S'il avait voulu voler la pierre, il aurait pu le faire bien avant. Néanmoins, nous étions sûrs que quelqu'un cherchait à la voler, la question était... Qui ?
– Vous êtes le seul à savoir comment faire pour se protéger de Touffu, n'est-ce-pas ? a demandé Harry. Et vous ne voulez le dire à personne, même pas à un professeur ?
– Personne ne le sait, à part moi et Dumbledore, a répondu Hagrid avec fierté.
Et Héraclès.
– Voilà enfin quelque chose. a marmonné Harry. Est-ce qu'il serait possible d'ouvrir la fenêtre ? C'est un vrai chaudron ici.
– Impossible Harry, désolé.
Hagrid a jeté un coup d'œil vers le feu.
– Hagrid, qu'est-ce que c'est que ça ? s'est exclamé Harry.
En effet, au milieu des flammes se trouvait un gros œuf noir. J'ai froncé les sourcils (oui, j'ai eu des rides d'inquiétudes très jeunes si vous vous posez la question) et je ne pus résister à la tentation d'aller observer avec attention l'œuf.
– Où est-ce que vous l'avez trouvé ? a demandé Ron en s'accroupissant devant le feu à mes côtés. Vous avez dû le payer une fortune.
– Je l'ai gagné ! dit Hagrid. Hier soir, j'étais allé boire un ou deux verres au village et j'ai joué aux cartes avec un client de passage. Pour tout vous dire, je crois qu'il n'était pas mécontent de s'en débarrasser.
– Vous utilisez les œufs de dragons comme marchandise ? Mais c'est horrible de parier sur un animal ! me suis-je révoltée.
– Mieux vaut qu'il soit avec moi que dans un cirque illégal ! m'a contredit le garde-chasse.
– Et qu'est-ce que vous allez en faire quand il aura éclos ? l'a interrogé à son tour Hermione.
– J'ai lu des choses là-dessus, a répondu Hagrid en sortant un gros livre de sous son oreiller. J'ai trouvé ça à la bibliothèque, l'élevage des dragons pour l'agrément ou le commerce. C'est un peu daté bien sûr, mais tout y est. Il faut garder l'œuf dans le feu parce que, sans la nature, c'est leur mère qui leur souffle dessus, vous comprenez ? Et quand l'œuf a éclos, il faut donner au petit un seau de cognac mélangé à du sang de poulet toutes les demi-heures. Regardez, là, ils expliquent comment reconnaître les différents œufs. Le mien, c'est un Norvégien à crête, une espèce rare.
Hagrid était très fier de lui. Avec Hermione, nous l'étions beaucoup moins.
– Hagrid, votre cabane est en bois.
Merci Captain Obvious.
– Et je ne suis pas certaine que les îles britanniques soient un lieu adapté pour un tel animal il pourrait s'attaquer à des populations ou s'enfuir, vous devriez le confier à des personnes qui en ont les compétences.
Harry ne put s'empêcher d'afficher un air d'étonnement face à ma réaction. C'était bien connu, faire dans la dentelle n'était pas vraiment mon genre. Je crois que c'est à ce moment précis qu'il a compris pourquoi est-ce que j'étais à Serpentard : parce que j'étais capable de jouer la comédie à la perfection.
Mais Hagrid ne voulait rien entendre, ce qu'il voulait plus que tout, c'était avoir un dragon. Alors quelques jours plus tard, nous avons reçu un message d'Hagrid lors du petit déjeuner indiquant que l'œuf était en train d'éclore.
– Je me demande à quoi ça ressemble, une vie paisible, a soupiré Ron.
– Ma vie était paisible avant que je commence à traîner avec des Gryffondor, ai-je répondu.
– Alors pourquoi tu continues de trainer avec nous ?
– Pour les commérages, ai-je répondu en haussant les épaules, après tout, la réponse était logique.
Et c'est ainsi que pendant la récréation du matin, nous nous sommes précipités vers la cabane d'Hagrid.
– Il est presque sorti ! a-t-il annoncé fièrement alors que l'œuf était posé sur la table.
Nous nous sommes assis autour de la table et avons observé l'œuf en retenant leur souffle. Pour ma part, j'hésitais à contacter les services de protection des animaux magiques mais je n'ai trouvé leur numéro nulle part. Quelques instants plus tard, le bébé dragon s'avançait sur la table d'une démarche pataude. Même si le bébé était adorable, je n'étais guère fan des créatures magiques qui crachaient du feu (oui, on est bien loin de la mère des dragons). En fait, je n'étais guère fan des créatures vivantes en général. Hagrid a tendu la main vers le dragon qui a claqué des dents, ce qui m'a conforté dans l'idée qu'avoir un dragon dans le coin était une très mauvaise idée.
– Le brave petit ! Il a reconnu sa maman ! s'est exclamé Hagrid qui parlait aussi bien le langage dragon qu'il ne cuisinait.
Le dragon a éternué et de petites étincelles ont jailli de son museau.
– Hagrid, il faut combien de temps pour qu'un Norvégien à crête atteigne sa taille adulte ? a demandé Hermione.
– D'après les animaux fantastiques, il s'agit d'un espère très rare et des plus dangereuses capable de cracher des flammes dès l'âge de trois mois. J'ai répondu à sa place.
C'est à ce moment qu'Hagrid se redressa violemment et se précipita vers la fenêtre.
– Qu'est-ce qu'il y a ?
– Quelqu'un regardait entre les rideaux ! Un garçon ! Il s'est enfui vers le château.
Et en effet, Draco Malfoy avait vu le dragon.