Les Filles du Diable, premier...

YannickRodari द्वारा

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Randall, troisième né d'une puissante famille du royaume d'Angleterre se retrouve forcé à rejoindre les frère... अधिक

Chapitre 2 : Le convoi
Chapitre 3 : Moine
Chapitre 4 : Une rose dans la nuit
Chapitre 5 : L'Épine
Chapitre 6 : Fae
Chapitre 7 : Les Anciens
Chapitre 8 : Pillages
Chapitre 9 : La grotte
Chapitre 10 : Le lac
Chapitre 11 : La croix
Chapitre 12 : La haine
Chapitre 13 : Innocence
Chapitre 14 : L'Enfant
Chapitre 15 : La Forêt

Chapitre I : Glastonbury

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YannickRodari द्वारा

Je ressentais chaque pas me rapprochant de ce nouveau départ, chaque mouvement du cheval me lançait une affreuse douleur parcourant chaque os de mon corps tel un poison mortel. Dix heures que nous parcourions les marécages du Wessex en direction de Glastonbury et toujours aucun signe de vie.

Le soleil caressait déjà la mer lorsque nous vîmes enfin l'abbaye. Elle était entourée d'un sol marécageux ne laissant pas douter du passé de ces terres, le monastère, le plus vieux du Royaume selon les dires, avait été construit sur une île. Cela lui offrait une protection contre les pillards et les voleurs, mais la mer s'étant retirée, elle laissa place à de grandes étendues boueuses.

Seuls l'abbaye, un village délabré et une forêt reposaient sur un terrain praticable et arable, cela expliquant facilement le peu d'habitants de la région.

L'immense forêt de Sharpham s'étendait au nord ainsi qu'à l'est. Des étendues boisées parcourant la région jusqu'aux mers du sud. Eric m'avait quelquefois parlé de ces terres comme un immense repaire de bandit et que je ne devrais jamais y pénétrer. Je n'en aurais jamais l'occasion de toute manière.

Cela faisait bien une heure que je voyais le haut de la cathédrale, je savais que je passerais de nombreuses heures enfermé dans cet immense édifice à prier notre Seigneur. C'était l'un des plus beaux monuments du royaume et un lieu de pèlerinage avec une immense renommée. Des paysans venus des quatre coins de l'Île venaient s'y recueillir.

Malgré tout, un vert marin recouvrait les murs du bâtiment et les lieux semblaient abandonnés. Nous ne vîmes pas une âme dans le village, mais nous pouvions entendre des gens travailler derrière les murs de l'abbaye. L'enceinte protégeant le lieu de culte fut construite au moment où la mer se retira. Faisant à peine quatre mètres de haut, j'avais vite compris que de simples échelles seraient suffisantes afin de passer cette piètre défense. De plus, aucun garde n'était présent pour éloigner ou ne serait-ce même que dissuader les malfrats ayant l'idée de venir s'emparer des trésors abbatiaux.

Arrivé devant l'immense monastère, mon frère s'arrêta et nous nous approchâmes des portes d'un pas sûr.
- Nous sommes de la famille Fletcher, j'amène ici mon cadet venu pour suivre une formation de novice, ouvrez ! cria-t-il avec une voix pleine de noblesse.

Les portes s'ouvrirent aussitôt et deux moines nous laissèrent entrer. Ils étaient habillés simplement, une humble tunique couleur terre recouvrait leurs épaules et une paire de chaussures usée protégeait leurs pieds des cailloux tranchants. Ils ne souriaient pas, après nous avoir jugés rapidement. Ils firent signe d'entrer et nous les suivîmes.

L'intérieur contrairement aux apparences était très vivant. Une vingtaine de religieux fourmillaient à diverses tâches contribuant au bon fonctionnement des lieux. De là où j'étais, je pouvais voir des champs de blé pour le pain et la bière ainsi que des pâturages avec des moutons pour la laine et des bœufs, pour la viande. Plus loin, je pouvais apercevoir un moine-forgeron préparant divers outils agricoles. Le bruit de son lourd marteau était étouffé par les chants grégoriens venant de la cathédrale. Cette petite industrie fonctionnait à merveille et tout semblait organisé par la main de Dieu lui-même.

Nous vîmes au loin une personne semblant, par son habillement, être l'abbé du lieu. La silhouette s'approcha de nous avec un air chaleureux. Il était bien plus en chair que la plupart des autres habitants du cloître, ses joues rouges faisaient ressortir la pâleur maladive de sa peau. L'homme n'était pas très grand, mais dominait tout le monde par sa démarche assurée. Il s'approcha de nous les bras grands ouverts.

- Bienvenue dans notre modeste abbaye mes bien chers frères, nous lança-t-il alors que nous étions en train de descendre de nos montures.

- Je suis l'abbé Henry, je dirige ces lieux sous la tutelle de notre Seigneur.

- Je me nomme Charles Fletcher et voici mon frère Randall, je l'accompagne depuis la Northumbrie pour qu'il puisse entreprendre sa formation de moine. En tant que cadet, c'est à lui que revient le privilège de bénir notre nom ainsi que notre famille.

Mon frère parlait comme si je n'étais pas là. Je restais silencieux tout en écoutant les deux hommes parler de mon avenir sans intervenir. Mes yeux étaient, quant à eux, attirés vers ce monde qui me semblait si nouveau, bien loin de ma vie de noblesse. J'allais désormais devoir vivre cloîtré toute ma vie. Voir le même paysage tous les jours, réciter les mêmes prières sans pouvoir sortir de ces murs ne serait-ce que pour une journée. Une vie de misère pour seul raison d'être né après mes deux frères.

- La famille Fletcher, oui je vois, reprit l'abbé. Votre père est venu quelques années auparavant, il venait voir l'Aubépine. Je sais de source sûr que la famille Fletcher est très respectée en Northumbrie, c'est donc un immense honneur de recevoir un de ses fils pour étudier dans notre humble monastère. Mais venez donc, le voyage a dû être long et fatigant, permettez-moi de vous offrir de quoi vous rafraîchir.

Mon frère hocha la tête en guise de remerciement et nous suivîmes l'abbé Henry dans un bâtiment au nord de la cathédrale. Il était plus petit que les autres, mais tout de même assez grand pour accueillir une dizaine de personnes. Adossé aux murs d'enceinte, il devait offrir une vue imprenable sur les plaines et la mer. J'en déduisis qu'il devait servir de séjour pour des invités de hauts rangs et je fus étonné que notre famille reçoive ce privilège.

Mais les novices manquaient, la monotonie de la vie abbatiale effrayait de plus en plus les paysans et les nobles préféraient former leurs fils à la guerre plutôt qu'à la religion. Chaque nouvel arrivant était donc traité comme le serait le plus renommé des ducs. La guerre se faisait ressentir, les farouches Écossais au nord menaçaient les terres anglaises. Les Gallois, fourches en main, attaquaient des divisions de la couronne et la famine avait réveillé la colère des paysans. De plus, les Français, de l'autre côté de la mer, attendaient le bon moment pour attaquer et mettre fin à la trêve qui avait, selon eux, déjà trop duré.

Il n'y avait donc que peu de temps pour la foi. Pour ma part, j'avais même prié mon père pour rejoindre la garde royale, je n'étais peut-être pas le meilleur combattant, mais j'étais prêt à donner ma vie. Il en avait décidé autrement : en tant que cadet je devais servir Dieu par la prière plutôt que par les armes. Je l'ai toujours haï pour cette décision, mais je savais que ce n'était pas vraiment son choix, il ne faisait que perdurer les traditions.

Arrivé devant le bâtiment, l'abbé sortit une grosse clé et ouvrit la lourde porte. Les gonds grincèrent et nous pûmes rentrer dans l'immense séjour.

- Voici vos appartements pour la durée de votre séjour seigneur Fletcher. Restez autant qu'il vous plaira. Nous apporterons de la nourriture à vous et à vos montures. Il va de fait que celle-ci ne sera pas de la qualité dont vous êtes habitué, mais nous ferons notre possible pour vous sustenter.

- Merci, mon père, mais je ne compte pas rester. Je dois poursuivre mon entraînement, de graves menaces pèsent sur nos terres. Répondit mon frère de manière à rester le plus courtois.

- Cela va de soi, revenez quand vous voulez, les portes vous seront toujours ouvertes.
L'abbé sorti du bâtiment en me faisant signe de l'accompagner. Mal à l'aise, je le suivis dans la cour extérieure. Intrigué par le monde qui m'entourait seul mon mutisme trahissait ma gêne et mon appréhension. Les questions fusaient dans ma tête sans qu'aucune n'ose sortir de ma bouche. J'avais bien trop peur de passer pour un sot devant mon nouveau maître.

- Tu me sembles bien silencieux, mon fils, c'est une qualité entre ces murs, beaucoup ont de la peine les premiers mois à ne pas parler sans réfléchir, mais ils s'y habituent d'une manière ou d'une autre, tu sais.
Les paroles de l'abbé ne me rassuraient pas, mais il me paraissait malavisé de lui faire part de mon sentiment.

- On ne fait pas vœu de silence, cela serait trop compliqué et peu utile. Le Seigneur nous a donné la parole et cela dans le but de communiquer. Mais comme tu devras l'apprendre, les paroles n'ont pas lieu d'être partout. Le soir, la nuit ainsi que pendant les repas, aucune discussion ! Tu seras autorisé à parler le reste du temps, mais tes dires devront être mûrement réfléchis et tes mots resteront courtois. J'espère que cela est clair. Dans tous les cas, ton planning est bien rempli, tu n'auras que peu de temps pour discuter avec qui que ce soit. Les règles sont toutes importantes, apprends-les vite et respecte-les si tu ne veux pas être renvoyé dans ta famille avec déshonneur.

J'avais très vite compris que cette vie n'allait que peu me plaire. Nous continuâmes par une visite des jardins où de nombreuses plantes médicinales poussaient. Seule l'église était autorisée à préparer divers breuvages et potions. Toutes autres personnes surprises à jouer les alchimistes étaient brûlées sur le bûcher de l'abbaye, prévu uniquement à cet effet. La visite se poursuivit dans les cuisines, il ne s'y passait rien de très intéressant si ce n'est que l'odeur me donna la nausée. Ensuite, les dortoirs, situés juste au-dessus des cuisines, avaient pour unique but de chambre à coucher. Il s'agissait seulement d'une quarantaine de lits alignés dans deux chambres. Point de beau matelas tel que j'avais connu auparavant, seulement de la paille sale et humide. Le second étage de lits se trouvait juste au-dessous du toit. L'humidité de la région faisait perler des gouttes d'eau sale sur les poutres du toit, gouttes d'eau qui avaient une désagréable tendance à vous tomber sur le visage une fois endormi. Une raison de plus de me réjouir de ma nouvelle vie.

Le réfectoire était tout ce qu'il y a de plus normal et après que nous ayons terminé la visite de l'aile sud. Nous sortîmes du bâtiment et je me retrouvais devant les magnifiques jardins intérieurs. Paradis de verdures, ils étaient entourés par un chemin amenant aux différentes parties de l'immense abbaye. Seuls les religieux avaient le droit de pénétrer ce cloître et je tirais de cela un étrange sentiment d'exclusivité. Je ressentais une certaine puissance d'être parmi les quelques élus autorisés à voir la beauté de cette cour intérieure. Mais à peine sorti de mes pensées que l'abbaye m'amena en direction de l'aile nord. Elle servait de zone de travail, scriptorium, bibliothèque et laboratoires alchimiques s'y trouvaient. C'était donc un endroit où j'allais passer une grande partie de mon temps. En ce qui concerne l'aile est, elle n'était que peu intéressante, il s'y trouvait la forge, le cellier et diverses réserves. Grâce à mon haut rang, ce seront des tâches qui ne me seront pas allouées, à moins que je n'enfreigne les règles comme me l'a sermonné l'abbé Henry.

Nous avons terminé la visite par le plus important et aussi le plus imposant, la cathédrale. Saint lieu où se passeront les nombreuses prières de la journée ainsi que celles de la nuit, car selon l'abbé, Dieu ne dort pas. Ma visite fut donc terminée dans le courant de l'après-midi. Tout cela me paraissait grand pour une simple visite, mais un lieu bien trop étroit pour y passer sa vie. Je n'eus que peu de temps pour me plaindre, car on me donna déjà ma robe. Miteuse et usée, elle était le signe que je n'étais pas moine, mais simple novice pour l'instant.

C'est à ce moment que je rencontrai David qui sera mon précepteur et un fidèle ami durant de longues années.
- Bonsoir mon fils, moi c'est David. Ton précepteur ! me cria-t-il enjoué

Il était grand, large avec une barbe seyante et soignée. Sa carrure ne trompait pas sur ses origines normandes, mais cela ne semblait déranger aucun moine, peut-être avaient-ils peur de lui ? Je n'en saurais jamais rien. Il s'avérera plus tard qu'en effet, son père était écossais et sa mère normande. Lorsqu'il me racontait l'histoire de ses parents, j'étais comme envoûté par sa voix rauque. Son passé me semblait irréel. Il ne me racontait ça sûrement que pour me faire plaisir et m'occuper... et cela semblait fonctionner.

D'une tape sur l'épaule l'ours m'amena m'asseoir dans les jardins. Il se posa à un banc et, timide, je m'assis à ses côtés.

- Tu sais fils, me dit-il. Il va falloir que tu apprennes un grand nombre de règles ici. C'est très important de les respecter. La première chose que je dois t'apprendre sera l'organisation de ta journée. C'est complexe tu verras, mais tu la sauras très vite par cœur.

Il en déduisit à mon regard vide et froid que cette nouvelle vie n'était en nul point semblable à celle de mes rêves.

- Quasiment personne n'est venu ici de son plein gré. Tu verras, c'est dur, mais tu t'y feras. Dis-toi au moins qu'ici tu ne risques pas de finir empaler sur une lance... c'est ce que mon père m'a toujours répété, ça n'a jamais fonctionné pour moi et l'ennui sera ton pire ennemi. Mais tu n'es pas tout seul, alors prends soutient sur ceux qui ont déjà vécu ce que tu t'apprêtes à vivre.

Je ne voulais pas rester là, j'étais jeune, plein de rêves, et tout s'est écroulé à ce moment-là. La tempête rugissant en moi ne fit apparaître qu'une piètre larme. L'aide de David avait beau apaiser ma peine, mais il m'était difficile d'abandonner mes rêves. Jamais je ne connaîtrais l'amour ni le bonheur de fonder une famille, seuls la solitude et l'ennui m'accompagneront jusqu'aux bras de Dieu.

David m'expliqua donc les différentes activités qui feront mes journées. Celles-ci n'étaient que peu variées et oscillaient entre prières et travail que ce soit dans le scriptorium, la bibliothèque ou le laboratoire. Les huit prières étaient réparties dans la journée, la première commençait à une heure du matin et la dernière se terminait peu avant le coucher du soleil.

Il commençait à se faire tard et comme mon précepteur me l'avait annoncé, les Vêpres sont à dix-huit heures et il ne faut les manquer sous aucun prétexte. S'en suivit un immense déplacement de moines en direction de la cathédrale. Les sermons de l'abbé Henry ne semblaient pas être très respectés, car tout le monde parlait sans se soucier de l'importance des mots. Mais dès qu'ils posèrent un pas dans la cathédrale, le silence complet. Je pris place à côté de David et nous pûmes tous commencer. Ce n'était pas ma première prière, je connaissais donc parfaitement le déroulement. Mais tout était plus solennel et morose qu'au château. Une atmosphère qui n'avait rien de divin régnait en ces lieux, je n'ai jamais rapporté rien de bon dans cette prière, ni dans aucunes des milliers qui suivirent. Je ne doutais pas de l'existence de notre Seigneur, je doutais des hommes qui m'entouraient. Seul David me semblait être un ami en ces lieux. L'ambiance malsaine de la cérémonie m'envahissait lorsque je tournai la tête en direction de mon précepteur, je le vis me sourire ce qui me redonna un peu de courage. Je n'étais pas fait pour vivre en ces lieux, mais j'allais devoir m'y habituer.

La cérémonie s'éternisa et je sentis mes yeux lutter contre le sommeil lorsque tout le monde se releva, prêt pour aller dîner. David me suivit en baissant la tête comme les autres moines, mais dès que tout le monde fut sorti de la cathédrale, le cloître reprit vie. Le repas du soir était bercé de chuchotements et de ragots dignes de la cour d'un roi. L'abbé Henry m'avait prévenu que le repas de midi se passait dans un silence complet tout en écoutant attentivement une prière. Mais le soir, c'était plus léger et beaucoup moins formel. Le meilleur moment pour discuter et effleurer un semblant de vie normale.

- Comment s'est passée ta première prière, mon fils ? me demanda David entre deux bouchées de pain.
Je lui répondis par un hochement de tête tout en gardant un silence gêné.

- Il ne faut pas t'en faire, ça va aller. Tu es jeune et tu as plein de choses à apprendre. Tu verras quand tu auras grandi, tu te poseras plein de questions et cet endroit te permettra d'y répondre. Il marqua une courte pause, soupira et regarda le plafond avant de continuer.

- Tu devras douter, mon fils, tout ce que tu crois comme acquis ne l'est pas. Tu devras te battre pour la vérité, pour la sagesse, pour le savoir. Combattre le mal là où il se trouve. Et le plus important ce n'est pas de le détruire, mais de le comprendre et de l'assimiler ! Le mal n'est qu'une vision alternative du juste que l'on connaît, il te faudra le maîtriser afin de prendre les bonnes décisions.

J'avoue qu'à ce moment je n'avais pas réalisé l'importance de ces mots, loin dans mes pensées il me semblait entendre comme un lointain écho des sermons de mon père. Je n'en pris donc pas compte immédiatement et continuai de manger tout en hochant la tête de manière approbative. Vint ensuite l'heure de médiation, un moment de repos où tout le monde se devait de penser à sa vie et à ses péchés. Pour moi, ce ne fut qu'une longue complainte sur mon propre sort. Je finis par prier pour que ma vie ne se noie pas dans la monotonie au fil des longues années qui allaient suivre.

La journée se termina par les Complies et nous partîmes ensuite tous dans les dortoirs. La nuit allait être très courte avant la prochaine prière. Je me couchai dans le lit adjacent à mon précepteur et m'endormis aussitôt.
La nuit fut difficile le premier soir. Chaque réveil était de plus en plus difficile, mais aux environs de six heures du matin la journée commença enfin avec une réunion dans les jardins. Je continuais de suivre David, la tête basse et sans dire un mot. J'avais encore beaucoup de peine à lui parler, il me disait souvent que j'allais devoir sociabiliser pour survivre à l'ennui. Rien ne me réjouissait aussi peu que de converser des heures avec des moines cloîtrés depuis leurs enfances dans le même lieu.

Lorsque nous arrivâmes dans les jardins, l'abbé nous y attendit pour un discours matinal.

- Aujourd'hui, nous avons l'honneur d'accueillir Randall en ces lieux saints, il va travailler avec nous au service de Dieu et sous la tutelle avisée de frère David. Sa famille est très respectée, il s'agit donc de le traiter avec le plus grand des égards, car il deviendra un homme d'Église très important. C'est donc tout ce que vous avez à savoir.

L'abbé commença à réciter les Saintes Règles avant que l'on parte s'occuper nos différentes tâches. Mon père me les avait apprises étant plus jeune. Ma naissance ayant fait de moi un homme d'Église, il voulait me former un maximum avant de m'envoyer dans ce cloître. J'ai toujours jalousé les leçons d'escrime que mes frères suivaient chaque soir. J'avais toujours un œil sur eux et sur leurs entraînements pendant que je lisais tel ou tel livre religieux. Et la nuit, lorsque toutes les lumières étaient éteintes, je faisais virevolter un bâton dans l'air en tentant de reproduire les mouvements que j'avais observés durant la journée. Père devait entendre les bruits venant de ma chambre, j'en étais certain. Mais il n'intervint jamais.

Le discours terminé, il était maintenant temps pour moi de dire adieu à mon frère. J'allai le trouver dans sa chambre. Il était assis, seul, accoudé à son bureau. Le grincement de mes pas sur le plancher le fit remarquer ma présence.

- Randall ! Mon cher frère, prêts pour cette nouvelle vie ? Je ne pourrais guère venir te trouver, mais nous nous reverrons, car tel est le souhait de Dieu.

Je n'ai jamais aimé mon aîné autant que mon autre frère, égoïste, narcissique, il ne cessait de se vanter de sa place de fils préféré dans la famille. Comme s'il l'avait gagné après un fait d'armes exceptionnel, mais le fait est que seul Dieu avait décidé de son sort, comme du mien. Richard avait toujours été le préféré de père, c'était avec lui qu'il passait la majeure partie de son temps et à qui il consacrait la moitié de la fortune familiale. Cours spécialisés avec les meilleurs maîtres d'armes, habits de la plus haute des noblesses, chevaux d'exception et festins dignes d'un roi. Eric quant à lui avait reçu une éducation martiale dès son plus jeune âge, il était censé aider Richard à la défense du Royaume, mais il n'était pas ce genre de chevalier. Il préférait voyager, explorer des terres barbares et combattre les pillards. Enfin, c'est ce qu'il racontait à père, ce qu'il me racontait me semblait bien moins chevaleresque, beuverie, prostituée et pillage. Il avait un esprit viking, une vision de la vie que j'appréciais énormément. C'était avec lui que j'eus les meilleures conversations et des histoires exceptionnelles sur les légendes de notre pays. Peu soucieux de la religion, il m'avait souvent proposé de quitter père pour partir à l'aventure à ses côtés. Mais je n'ai jamais osé, un choix que je regretterais toujours.

- Je ne me sens pas à l'aise ici Richard, passer ma vie cloîtré ne me réjouit vraiment pas et je préférerais vivre une autre vie, comme Eric.

Une dernière tentative désespérée et infantile pour quitter ces lieux en priant de toute mon âme pour que Richard réponde : « Évidemment, viens ! Repartons et allons vivre des aventures dignes des plus belles légendes », la déception, même si très prévisible, n'en fut pas moins douloureuse.

- À t'entendre parler, je pourrais croire que père nous à offert une sœur, mais ce n'est pas le cas et nous avons eu toi à la place. Sois donc heureux d'être né et profite de ce que Dieu peut t'offrir. Car la guerre ou l'aventure, comme tu l'appelles, ne t'apportera que la mort et malgré tout, tu restes mon frère et je ne désire pas que tu périsses la gorge tranchée sur le champ de bataille. Je dois partir, alors maintenant embrassons-nous tels deux frères unis.

C'est donc ce que nous fîmes et après un signe de la main, il partit. Et les derniers sanglots de mon ancienne existence moururent sur les terres sacrées de l'abbaye de Glastonbury.

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