Chapitre 14 : L'Enfant

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"Poème retrouvé gravé sur un arbre non loin de l'abbaye de Glastonbury"


L'arbre le plus vieux du monde

Noyé dans la lumière immonde

D'un Dieu dépourvu de sens


Brûlera dans la colère

D'un peuple dans la misère

Leurs vies au bout d'une lance


Que leurs âmes dominent ces terres

Car seule la forêt est mère

De toutes les connaissances


Les sauvages brûleront les cieux

Les femmes les enfants, les aïeux

Car ils suivront l'Ancien


Seul demeure l'innocence

Dépourvue de toute croyance

Fuyant les horribles mains


Le dernier moine est parti

Afin de protéger la vie

Qui ramènera le bien


L'Aubépine était majestueuse, sa floraison ne semblait pas s'arrêter tandis que l'été approchait. Ses fleurs blanches et duveteuses recouvraient entièrement ses branches et les plaies qu'on lui avait infligées semblaient guérir petit à petit. Perdu dans mes pensées autant que dans ma vie, l'arbre devint mon seul repère après qu'Eric soit parti. Je devais m'en occuper chaque jour, tailler les branches malades, changer la terre et lui réciter des prières. J'en pris un soin immense tout en suivant à la lettre les notes de Oliver. Malgré tout ce qu'on pouvait reprocher à l'ancien bras droit de l'abbé, Oliver savait s'occuper de l'Aubépine. Le temps restant, je continuai à m'occuper des jardins, soigner le peu de vie qui demeurait à Glastonbury.


— Randall, mon fils. Viens par ici, j'ai à te parler.


L'abbé Henry vint vers moi alors que je m'occupais des jardins, j'eus craint qu'il vînt me blâmer pour ne pas être au côté de l'arbre, mais il en était tout autre.


— Mon fils, te voilà! J'ai une faveur à te demander. Quand tu retourneras à l'Aubépine, pourrais-tu me couper une fine branche? Pas trop longue, une coudée maximum, plus courte même. Pose-la-moi sur le bureau.


— Pourquoi mon père ? Cela ne risquerait-il pas de blesser l'arbre ?


— Non, ne t'en fais pas. Pour être franc, il s'agit d'un cadeau pour un puissant duc, contre... sa protection. Il nous enverra des hommes en échange, il est malade et seule une branche de notre joyau apaise ses douleurs. Nulle autre question n'est à poser, mon fils, apporte la-moi avant ce soir, le plus tôt sera le mieux.


J'eus de la peine à le croire, mais que pouvais-je faire d'autre ? Je terminai ma tâche rapidement, je ne voulais pas faire attendre l'abbé. Ma nouvelle chambre me convenait malgré la jalousie des autres moines. Mon sommeil s'était peu à peu réparé et je ne voulais pas noyer tous ces efforts en me faisant remplacer. Je devais être irréprochable, je me mis donc en quête de cette branche. En arrivant dans les jardins-nord, je ne pouvais m'empêcher de toujours contrôler si l'abbé me surveillait. Je jetais donc chaque fois un regard discret en direction de la fenêtre. Je ne le vis jamais finalement, la confiance qu'il me portait me sembla étrangement infondée.

Les Filles du Diable, premier cycle  : GLASTONBURYWhere stories live. Discover now