Chapitre 15 : La Forêt

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Une lueur orangée traversait les arbres, pourtant le lever du soleil était encore bien loin. Je m'approchai donc de la lisière, poussant tous ceux se trouvant sur mon passage. Tous buvaient et chantaient à longueur de journée, tant qu'il n'y avait rien à piller c'était la seule chose sensée qu'ils pouvaient faire. Je voyais sur leurs visages qu'ils me craignaient. Depuis que les têtes des druides gisaient aux pieds du sanctuaire, tout le monde me respectait, plus personne n'osait contredire mes ordres. Une vague de chaleur me percuta puis j'entendis le crépitement familier des flammes, l'abbaye brûlait. Le bâtiment principal avait pris feu et une nuée de petits moines fuyaient Glastonbury était enfin libéré par les flammes. Je plissai les yeux pour voir Randall, mais il m'était impossible de le reconnaître parmi tout le monde. Des cris de panique se mêlèrent aux cris de joie des Nemediens. Je sifflai Epona qui galopa jusqu'à moi, je montai sur elle aussi vite que je pus et je me dépêchai en direction de l'incendie.

Je passais à travers la foule de moines perdus qui semblaient plus effrayés par moi que par le feu. Je scrutai le regard de chaque personne dans l'espoir de voir le sien, mais aucun signe de Randall. Je regardais mon doigt coupé en me demandant si je voulais vraiment aller le sauver, mais je connaissais la réponse au fond de moi.

Il se trouvait vers le lac, les Anciens me le chuchotèrent. Une fois l'abbaye contournée, je vis que l'Épine était ensevelie par les flammes, mais ne semblait pas vouloir brûler, une rage intense l'animait la forçant à se battre pour sa vie. Elle dominait le lac en contrebas et regardait avec envie la mer s'étalant au loin. Le brasier eut raison d'une de ses plus grosses branches qui s'écrasa contre le sol avec lourdeur. L'arbre était mort, j'eus presque la conviction de voir son âme s'envoler et partir vers l'est. Ou était-ce seulement de la fumée ?

Randall gisait là sur le sol non loin du lac. Une flèche d'acier lui avait transpercé l'épaule et une autre la jambe, il saignait beaucoup. Une étrange petite fille se tenait à ses côtés et pleurait si fort que je pus l'entendre au travers du vacarme de l'incendie. Elle n'eut pas peur de moi lorsque je m'approchai pour regarder les blessures du moine. Il allait vivre. Je portai Randall pour le poser sur la croupe d'Epona et pris la petite fille sur mes genoux. Elle se laissa faire. Je ne savais pas que Randall avait un enfant...



Je ne voulais pas ouvrir les yeux, je ne voulais pas voir dans quel monde j'étais. Je voulais être mort, mais je pouvais sentir la brise froide sur mes orteils. Je les bougeai et sus que j'étais encore en vie, un soupir de dépit sortit malgré moi. Autour de moi, je ne reconnus pas les bruits qui m'entouraient, j'avais passé bien trop de temps enfermé loin du monde. La douce chanson des oiseaux au matin et le bruissement des jeunes feuilles sous la caresse du vent résonnaient en moi tel un baiser du paradis. Je pouvais sentir la chaleur tiède du soleil matinal réchauffer mon visage. Je sentis un souffle chaud contre ma nuque, une respiration lente et calme, quelqu'un dormait à mes côtés. Ses cheveux venaient me chatouiller la gorge et je pouvais sentir sa main posée sur mon torse.


En ouvrant les yeux, je vis un paysage bucolique se dessiner devant moi, j'étais enseveli sous une mer d'arbres fleurissants dont les feuilles d'émeraude brillaient sous la lueur orangée d'un soleil nouveau. Au loin, je pus apercevoir de la vie, des maisons de bois d'une architecture que je ne connaissais pas. De la fumée en sortait et du monde se promenait comme pouvaient le faire les paysans de Glastonbury. J'essayai de me lever, mais une douleur atroce à l'épaule me coupa dans mon élan, je m'assis avec difficulté. À côté de moi, je pus voir la poupée des caves, elle semblait avoir été nettoyée et avait repris de la joie de vivre sur son visage. Elle ressemblait désormais à un vrai jouet. Elle était tenue au chaud par l'enfant qui dormait paisiblement. La petite fille semblait avoir tout oublié de ce qui s'était passé, je me demandai soudain combien de temps je fus resté endormi. Un vieux bol de gruau à moitié mangé trônait de son côté de la couche. Du mien, le bol était encore plein, mais froid. Je le pris à contrecœur et avalai quelques cuillerées. Un goût me surprit soudain, je ne le reconnus pas de suite. Du miel ! Si longtemps que je n'en avais pas goûté que le goût sucré me fit très étrange dans la bouche. Je finis ma part rapidement et me recouchai.

Les Filles du Diable, premier cycle  : GLASTONBURYWhere stories live. Discover now