Cœur Obscur [Tome 2]

By NyxMiller_

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~ L'Appel de La Lune ~ Du haut de son ciel étoilé, la Lune s'amuse aux dépens de Jasper. Mettre son âme sœur... More

| Avant-Propos |
| Chapitre 1 |
| Chapitre 2 |
| Chapitre 3 |
| Chapitre 4 |
| Chapitre 5 |
| Chapitre 6 |
| Chapitre 7 |
| Chapitre 9 |
| Chapitre 10 |
| Chapitre 11 |
| Chapitre 12 |
| Chapitre 13 |
| Chapitre 14 |
| Chapitre 15 |
| Chapitre 16 |
| Chapitre 17 |
| Chapitre 18 |
| Chapitre 19 |
| Chapitre 20 |
| Chapitre 21 |

| Chapitre 8 |

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By NyxMiller_

Une bourrasque d'air frais, aux senteurs du printemps, caresse mon visage. Les mains enfouies dans les poches de mon pantalon, je garde la tête penchée vers l'arrière, offerte à la clarté du ciel et à la chaleur réconfortante de ce soleil brillant. Intouchable, ici, je le suis. Face à cette cascade paradisiaque, entourée d'une verdure présente où plusieurs feuilles de couleurs m'entourent, je ne peux qu'éprouver un calme apaisant et une paix indescriptible. Une paix imaginaire, je sais, mais pourtant ancrée au creux de mon âme. Dans cet endroit illusoire, je ressens ce sentiment perdu il y a longtemps. Ce sentiment d'être enfin chez moi.

Tout ceci n'a rien à voir avec l'enfer des dernières heures. Je ne suis plus confronté à un passé que je cherche désespérément à fuir et à oublier. À cette douleur que je porte dans mon cœur et que j'essaye vainement d'étouffer. Je n'entends plus une seule voix appartenant aux ombres qui me maculent encore aujourd'hui, ceux qui ne cessent de me rendre visite lorsque je ferme les yeux. Et quand bien même le poison me faisait souffrir et me tordre de mal-être, il n'est plus. Je n'éprouve plus les vagues de douleur et de chaleur étouffantes. Au contraire, j'ai le droit à la fraîcheur de cet environnement.

Je ne suis pas idiot pour autant. J'ai pertinemment conscience que ce bonheur de courte durée ne vient pas de moi. Je suis tout bonnement incapable de créer ce prodigue. Auquel cas, toutes les fois où j'ai été empoissonné, à des doses différentes, m'auraient permis bien plus tôt de m'échapper dans ce lieu. Seule une différence est notable sur le tableau, celle qui explique toute cette douce mascarade que j'apprécie. Mon loup me le dit, me le montre par son calme et son repos bienfaiteur. Un nom, un seul. Ni plus ni moins.

Lincoln.

Il est là, tout autour de moi. Je perçois son parfum ensorcelant, digne d'une pluie fraîche en plein été. Cette fragrance de masculinité mêlée à celles, si savoureuses, des fruits rouges. Tout comme je ressens, sans le voir, la fermeté de ses bras enlacés à mon corps épuisé d'avoir tant souffert. La force qui émane de lui est facilement perceptible, non négligeable. La légendaire Neptune ne l'est pas devenue pour rien, encore moins par hasard. Je sais à qui j'ai affaire, plus que tout au monde. Mais je n'ai pas peur. Je me sens juste... protégé, en sécurité. À la maison.

Indirectement, je l'utilise pour surpasser le désagrément causé par cette jolie balle. Encore, comme je le fais à chaque fois que je perds le contrôle. Toutefois, lui et moi, ça s'arrête là. La Lune a beau s'amuser à mes dépends, à m'offrir tout ce que n'importe quelle créature de la Nuit désire plus que la vie, mon choix est fait. Et il restera inchangé, quoi qu'il advienne. En dépit des paroles de Reyes, mon livre avec lui, avec eux, a déjà pris fin et reprendra fin quand je m'en irai à nouveau. Définitivement, cette fois-ci.

Appeler l'Alpha de Red Moon a été une erreur dictée par un esprit troublé. J'aurais pu subvenir à mes besoins. Seul. Je l'ai déjà fait, bien trop de fois pour ne pas être confiant en mes capacités. Que je le veuille ou non, je suis un éternel survivant. À chaque fois, par miracle, j'arrive à m'en sortir. Par deux fois, j'ai échappé à la faucheuse devant les Hayes. Ça en dit suffisamment long sur mes espoirs de me voir un jour périr en pleine bataille, tout sauf comme un lâche. Sérieusement ? Il ne manquerait plus que ça.

L'incroyable et le magnifique Jasper Flores, survivant de multiples aventures, meurt d'une vilaine pichenette involontaire d'une vieille de presque cent ans.

Fade, ennuyeux, sans intérêt.

Ce n'est pas moi.

Un mince sourire s'immisce sur mes lèvres. Je ferme les yeux et respire une grande bouffée d'air frais, apaisé et reposé. Néanmoins, lorsque mes paupières s'ouvrent à nouveau, ce n'est plus la nature que je vois mais la chambre florale de Cora. Désorienté, je me hisse sur un coude et balaye la pièce du regard, la tête lourde de mon profond sommeil. Plus aucune trace d'un grand ténébreux, si bien que j'arrive à croire que, cette fois-ci également, je l'ai imaginé. Pourtant, je sais. Je sais qu'il était là, que ce chien a profité de mon état pour dormir avec moi.

C'est d'ailleurs même étonnant qu'il n'en a pas profité pour me faire des avances. Ou mieux encore, qu'il n'ait pas attendu mon réveil pour se vanter d'avoir partagé le même lit que moi. Je grimace et me pousse à me mettre assis, le dos légèrement courbé. Une chose est sûre : son odeur me colle à la peau et ne laisse finalement aucun doute sur sa présence. Dans un soupir théâtral, je baisse mon attention sur mon entrejambe pour constater l'inévitable. J'étais peut-être mal au point, ça n'a pas empêché ce stupide corps de réagir.

La porte de la chambre s'ouvre. Je n'ai pas le temps de réprimer mon sursaut que je relève aussitôt la tête et mets la couverture sur mon érection afin de la garder cachée.

- Aila, je salue.

La jolie blonde me tarde d'un regard d'intérêt. Elle s'avance dans la pièce avec un plateau repas et le dépose à côté de mes jambes.

- Tu as l'air d'être en forme. Le poison ne fait déjà plus effet ?

- Apparemment. J'imagine que Cora veut ma peau, j'amorce en connaissance de cause.

- Pour nous avoir volé nos précieuses recherches ? Pour le moment, elle est occupée à essayer de recruter tes compagnons de meute.

- Dois-je craindre de subir des remontrances de ta part ? je retourne dans un sourire charmeur. Je ne suis jamais contre quand il s'agit d'une belle femme.

Nullement perturbé par mon approche, la métamorphe contourne le lit et relève les stores pour éclairer la chambre. Elle aère ensuite la pièce sans un mot de plus à mon égard.

Elle ne daigne me répondre qu'une fois son petit manège fini.

- Peut-être que tu le devrais, Isaac. Ou devrais-je t'appeler Jasper ? réplique-t-elle en arquant un sourcil.

- Touché.

- Si on t'a retrouvé sans connaître ton vrai nom, réfléchis bien au fait que tu ne pourras pas nous échapper sans nous avoir rendu ce qui est à nous.

- Tu me sous-estimes, chérie.

- Je pense que c'est toi plutôt qui nous sous-estime. Crois-tu vraiment qu'après t'avoir tout montré et amené sur un plateau d'argent, nous ne te suivrons pas ?

Mes paupières se plissent de méfiance. Lentement, mon dos se dépose contre le dossier du lit.

Ça, je ne l'avais pas vu venir.

Je suis terriblement déçu que ma technique des toilettes n'ait pas fonctionnée.

- Tu veux dire que vous m'avez vu partir avec les documents et que vous n'avez rien fait pour m'arrêter ?

- C'est Cora elle-même qui l'a décidé. Nous étions tous curieux de connaître la raison pour laquelle tu t'intéressais autant à Aleksander et pourquoi, comme un sombre connard, tu as volé ces documents précis après que nous t'avons fait un tantinet confiance.

- La prochaine fois, évitez de tout dire à un homme que vous venez à peine de rencontrer sous prétexte qu'il a affronté les Hayes, je réponds, loin d'être gêné. De même pour la confiance, au cas où.

- Affronté ? glousse-t-elle. On affronte pas les Hayes, on les subit.

- N'est-ce pas ce que vous avez l'intention de faire ? Ton équipe de bras cassés et toi ?

- La première fois, du moins. Si tu me laissais finir, peut-être que tu n'aurais pas besoin de poser des questions inutiles. La seconde fois, explique-t-elle après un petit silence. On choisit si on veut encore subir ou si, a contrario, on veut les affronter.

Je hausse les sourcils.

- D'accord.

Le sujet clos, je me penche vers le plateau repas et saisis la tranche de pain de mie recouverte de Nutella.

- Tu n'es pas curieux de ce que nous avons appris sur toi ?

- Vous n'avez rien appris, je rétorque en croquant dans mon déjeuner. Si ce n'est que j'ai été titillé un chasseur. Et mon prénom, uniquement par le biais de Red Moon.

- Pourquoi Phillips, exactement ?

Ses yeux inquisiteurs me dévisagent, à la recherche d'une vérité.

- Pourquoi m'avoir fait confiance ?

- Parce que je sais que, d'une manière ou d'une autre, tu rejoindras nos rangs.

- Phillips est un connard. Qu'est-ce qui te fait dire que je viendrai jouer à la dinette avec vous ?

- Tu es fait pour jouer à la dinette, tu as ça dans le sang. Ton regard parle pour toi. Tu as été le chasser juste parce que c'était un connard ? Tous les chasseurs le sont.

- Il avait une tête qui me revenait pas. Je me suis dit qu'avec une balle entre les deux yeux et la pâleur d'un cadavre, il serait beaucoup plus à son avantage. Et juste histoire de me répéter, je ne repartirais pas dans une quête de vengeance.

- Je n'ai pas dit que tu allais nous rejoindre maintenant. Où sont nos documents ?

- J'ai des tendances pyromanes. Mais tu peux toujours attendre. Tu l'as dit toi-même, je viendrai vers... ah ! Jamais. J'avais oublié.

Je lui souris en avalant ma bouchée et prends la tasse de café. Debout en face du lit, son bref haussement de sourcils me fait voir son agacement naissant.

- Nous en avons besoin.

- De ces bouts de papier ? Je peux toujours aller ramasser les cendres.

- D'Aleksander.

- Il est avec les cendres, lui aussi.

Comme prévu, un grognement roule dans sa gorge. Patiente malgré tout, elle ne s'emporte pas et se contente de s'appuyer sur sa seconde jambe.

- Tu nous dois une dette pour t'avoir amené te reposer ici.

- Hm. Bien essayé mais, visiblement, Lincoln m'a trouvé avant vous. Et si ce n'est pas ici, il aurait déniché un autre endroit.

- Il n'empêche que nous te laissons te reposer et te remettre sur pieds en toute sécurité. Nous rendre ce que tu nous as pris est plus que suffisant.

J'expire longuement. Les arômes de la boisson chaude sous le nez, je bois une maigre gorgée.

Les mains jointes devant elle, je la vois les serrer.

- Vous n'avez pas besoin d'Aleksander, je reprends avec sérieux.

- Au contraire, il nous est presque primordial. Même si nous pouvons faire sans, pour combattre les Hayes, son appui ne sera pas négligeable. Il représente un pilier pour mon clan. Sans compter que sa présence ferait énormément de bien aux miens.

Je secoue la tête dans un furtif rictus amusé. Décidément, ils ont une vision édulcorée de mon vieux moi.

Même à cette époque, j'étais déjà une bombe.

Les culottes et les caleçons tombaient incroyablement vite.

- Quoi qu'il advienne, vous ne ferez pas le poids contre les Hayes. Personne ne le peut.

- Si, nous le pouvons. Et nous le ferons.

- Ce n'est qu'une utopie. Vous vous dirigez tout droit vers une mort assurée.

Plus aucun amusement, aucune raillerie, ne perce ma voix. Comment ne peuvent-ils pas comprendre, voir, qu'ils vont tous y perdre la vie ? Et s'ils espèrent une mort douce, là aussi, ils se trompent lourdement. Ce n'est pas le genre de la maison. C'est justement ce qui différencie les Hayes des autres chasseurs. Eux, ils prennent plaisir à tuer. Ils en font tout un spectacle.

Jamais je n'oublierai le nombre d'heures que j'ai passé à souffrir, à être torturé, par leurs soins. À travers leurs yeux, j'ai vu et connu l'enfer. J'ai même prié de toutes mes forces pour connaître le repos. Pire encore, jamais je n'oublierai que j'ai été marqué comme du bétail, comme un trophée exhibé à ceux qui auraient le malheur de croiser mon cadavre. J'ai failli être un foutu message de prévention : « pas touche aux Hayes sinon gare à vos culs ».

Une vague de rage ronge mon abdomen, si puissante que ma prise autour de la tasse se fait trop forte et la brise. Le contact brûlant du café me fait vigoureusement grogner et me sert de tremplin pour éviter de me consumer dans cette tempête destructrice. Mon loup tourne en rond, claque de la mâchoire, prêt à repartir à la guerre. Ce n'est pas mon cas, ça ne l'est plus.

Nullement surprise, Aila prend un linge propre de la commode, dont une serviette, et me la tend. Pendant que je me dépêche de nettoyer le liquide, elle ramasse les bouts du récipient et les ramène tous sur le plateau. Rien de mieux, en plus du sujet « Hayes », pour perdre une vilaine érection. Bien qu'elle était déjà un vague souvenir.

Assise au bord du lit, à proximité, elle rehausse le menton.

- Aleksander l'a bien fait, non ?

Je repose mes iris sur la métamorphe, pris en traître. La porte laisse justement apparaître Akram.

- Il n'a pas seulement affronté les Hayes. Il s'est mesuré à eux et a pesé du poids dans la balance.

Dans un sourire confiant, d'un air déterminé, le rouquin fouineur continue de renchérir :

- Aleksander a réussi à leur donner du fil à retordre. À les combattre et à les mettre à terre. Pas tous évidemment mais quelques-uns au moins. Et ça, ça n'est pas rien. Ça n'a pas de prix.

- Il ne lui a manqué qu'une seule chose, acquiesce Aila.

- Un clan. Seul contre tous, le résultat était évident. Pourtant, cet homme-là a fait l'impossible.

- C'est pour cela que nous avons besoin de ces documents. Nous le cherchons pour lui donner ce qu'il a cruellement manqué. Avec nous, avec lui, on est sûr de le remporter.

Eh ben, ils ont bien révisé leur discours.

C'est presque beau.

Silencieux, je les regarde tour à tour. Leurs mots résonnent malgré tout en moi, comme un écho que mon esprit refuse de relâcher. Mes propres mots se joignent à eux. Les souvenirs de ma bataille contre les Hayes sont gravés dans ma mémoire. Juste avant de me figer quand j'ai compris que je ne gagnerais pas, juste avant ça, je l'ai fait. J'ai combattu. Avec acharnement. Homme et bête à la fois.

Mes doigts se referment autour du tissu. Personne ne fait le poids contre les Hayes. Mais je l'ai tout de même fait, j'ai tenté. Ma seule erreur aurait été d'y aller seul ? Ce serait aussi simple que ça ? Aussi stupide ?

Non, bordel. Arrête ça.

Il n'en est pas question.

- Vous n'en savez rien. Vous ne pouvez pas savoir exactement ce qui s'est passé.

- C'est vrai. Seulement, quelqu'un l'a vu pour nous, affirme Aila.

- Tu n'en as jamais entendu parler ? La grande prophétesse, Osiris, a tenu un discours de la maison qu'elle dirige. Ça fait des années maintenant.

- Non, je l'ignorais. Qu'a-t-elle dit ? je questionne, crispé.

J'étais possiblement trop occupé à me remettre de ma défaite.

Peu importe, je n'aime pas ça. Les voyants, ce n'est franchement pas mon dada. Pas quand j'ai des secrets à garder bien au chaud.

- Une rumeur courait que les Hayes avaient eu Aleksander. Dans un communiqué pour nous, les créatures de la Lune, elle nous a assuré que c'était faux. Elle a affirmé qu'il avait survécu. Elle l'a vu se battre contre eux à travers une vision, mettre à terre des chasseurs, reprend Akram.

- Quand tu dis qu'elle l'a vu, tu veux dire qu'elle connaît son visage et son identité ? je demande d'une voix aussi neutre que possible.

Les deux mousquetaires s'échangent un regard. Je ne me tends que de plus belle. Aila m'a-t-elle approché en connaissant de cause... ? M'ont-ils tout dit parce qu'ils savaient ? Non, Jasper, réfléchis. Ce n'est pas possible sinon ça ferait bien longtemps qu'on serait venu me voir à Red Moon. On m'aurait reconnu dans les boîtes pour créatures de la Lune, dans la rue, partout où je vais.

Céder à la panique est inutile. Ça ne ferait que réveiller ma bête et perdre le contrôle. Et ici, proche de mes anciens camarades, ce n'est pas envisageable un seul instant.

- Oui, la prêtresse sait qui il est.

Mon cœur s'élève dans les cieux et retombe violemment dans mon estomac. Sans surprise, mon loup recommence à s'agiter.

- Et elle est la seule à être au courant à ce jour.

Je prends une inspiration, soulagé. Or, toujours incertain, je reste sur le qui-vive.

- Pardon ?

- Par sécurité, j'imagine. Elle a préféré garder cette information privée malgré les nombreuses demandes, soupire Aila. Elle a néanmoins dit qu'on pourrait le reconnaître à une marque qu'il arbore. Mais on ne sait même pas à quoi elle ressemble.

- Le plus important, c'est qu'il est enfin de retour.

Je jette une œillade à Akram avant d'être attiré par le troisième mousquetaire, dans l'embrasure de la porte. Et vu le regard qu'elle me porte, elle ne m'apprécie toujours pas. Voire encore moins.

Pas étonnant. J'ai piqué leur boulot.

- Tu comprends maintenant, tête à claque ? Non seulement, Aleksander a su trouver ces chiens mais il les a aussi combattu, dit-elle. Et maintenant, il est de retour. On a toutes les chances de notre côté.

- Il a surtout perdu, je précise.

- Mais regardez-le lui, grogne Cora. Et vous le voulez vraiment dans notre clan ? Il est putain de pessimiste. En plus d'être un putain de voleur. Voleur, crache-t-elle à mon intention.

- Il a perdu parce qu'il était seul, conclut Aila dans un haussement d'épaules.

- Où sont mes affaires, chiper ?

Je reporte mon attention sur l'ébène au visage renfrogné.

- Brûlées.

Elle rit.

- Brû... quoi ? C'est fou ça, j'ai eu l'impression que tu disais que tu les avais brûler.

- Brûlées, je répète en hochant la tête.

Son éclat disparaît. Les poings serrés le long de son corps élancé, ses muscles se contractent sévèrement.

- Espèce de fils de pute !

Elle s'élance dans un cri de colère, réceptionné dans les bras du rouquin. Indifférent, je la regarde se débattre comme une sauvageonne tandis qu'Akram essaye de la résonner. Il vaut mieux ça qu'ils partent après un leurre. Je leur fais une sacrée fleur.

Devant la soudaine agitation, Reyes accourt et scanne la pièce du regard pour comprendre le cœur du problème. Derrière lui, Jace apparaît. Ma pomme d'Adam se bloque sous ma déglutition.

Lâche, je fais comme si je ne l'avais pas vu.

- T'as ruiné des heures de travail, connard ! Tout ça pour quoi ?! gueule-t-elle. Comment on peut être un bâtard à ce point ?! On a besoin de lui. Merde, on a des familles à sauver et à préserver des chasseurs. Des enfants qui n'ont rien demandé à personne !

La mine grave, les deux mousquetaires détournent le regard, n'en pensant pas moins qu'elle. L'expression neutre, je me contente d'accepter les remarques légitimes que je reçois.

Je lève cependant les sourcils.

- Je croyais que vous n'aviez pas besoin de lui.

- Alors toi, tu n'as vraiment rien compris ! Lâche-moi, merde, je vais lui remettre les neurones en place ! Akram, putain !

- Avec ou sans lui, nous le ferons, rétorque Aila. S'il a pu se mesurer à eux, nous pourrons le faire nous aussi. Seulement... Aleksander est le cœur de notre essence. Notre guide. Il est indéniable que son poids ferait davantage penché la balance en notre faveur, ferait du bien à nos troupes.

- Non sans mentionner qu'il sait comment trouver les Hayes, comment les mettre hors d'état de nuire. Il connaît ce que nous avons besoin de savoir.

- Eh, calmez-vous, je les stoppe. Ce n'est pas Superman non plus.

Cora s'arrête un instant de se débattre avant de ruer dans la prise de son camarade.

- Je vais me le faire !

Akram se plie brusquement en deux dans un grognement de douleur. Sans attendre, je saute du lit alors que la tête du clan se précipite vers moi, arrêtée in extremis par un loup aux yeux polaires. D'une main autour du haut de la folle, il la repousse sans mal. Presque comme un vulgaire chiffon.

Furieuse, Cora dégage ses cheveux courts vers l'arrière. Aila la rejoint, sans doute pour la calmer. Jace la dépasse comme si elle n'était pas là et s'approche de moi. Je me fige, comme un lapin piégé entre les deux feux d'une voiture.

À choisir, je préfère la tête de clan.

Mille fois.

- Jace, je souffle en butant contre la table de chevet.

D'une poigne autour d'une de mes épaules, le bêta m'attire brutalement contre son torse et me serre contre lui. Mon corps se relâche soudainement, s'étant attendu à un vilain coup de sa part. Poison ou non, je suis toujours blessé.

Son odeur familière tranquillise mon loup. Je ne résiste pas plus et lui rends son étreinte. Merde...

- Salut, mon pote.

- Tu sais très bien que tu es le seul Delta que je préfère dans notre meute. Et tu te barres ? râle-t-il. Et tu ne fêtes ni Noël ni le nouvel an avec nous ?

Il recule et saisit ma tête entre ses mains, son front contre le mien. Je souris, désolé. Réellement.

- La mère Noël m'a appelé. Elle m'a demandé un plan à trois avec papa Noël, tu me connais, je n'ai pas résisté à la tentation, je glisse.

Le grand brun rit et me prend à nouveau dans ses bras avec une bonne tape dans le dos en supplément.

- Content que tu reviennes à la maison. Tu m'as manqué.

Alors qu'il s'écarte, je fronce les sourcils et ouvre la bouche, prêt à dédaigner. Son regard se plante sur moi, intransigeant.

- Tu rentres avec nous. En attendant, tu te reposes.

Plus aucun sourire aux lèvres, il se détourne et oblige tout le monde à sortir de la pièce sous les râles de Cora. La porte se referme sans un bruit, comme si personne n'était venu me voir dans cette chambre durant les précédentes minutes.

Je soupire et baisse les yeux sur le lit défait.

Non, Jace, je ne rentre pas.

Je m'en vais.

******

- Tu es sûr que tu n'as pas besoin d'aide ?

Sortir discrètement de la maison des mousquetaires en sachant que les bêtas de la meute étaient sur le qui-vive n'a pas été chose facile. Tout comme ça ne l'a pas été d'aller voir ni Rebecca afin de m'assurer qu'elle aille bien ni Elena pour au moins lui dire officiellement au revoir. Carl... c'est Carl, tout simplement. C'est ridicule parce que je suis celui à avoir pris cette décision de partir.

Néanmoins, avec l'aide de Reyes, ça a déjà été plus envisageable et possible que sans lui. Il est le seul à comprendre pourquoi je dois repartir. Le seul à voir au-delà de mon sourire enjôleur. Le seul, également, a avoir percé à jour ma raison principale de les fuir.

Avant tout, il sait.

Il sait quel genre de monstre je suis.

- Je vais simplement le trouver et m'occuper de son cas.

Son regard perçant me sonde. Arrêté devant l'hôtel dans lequel j'ai passé ma dernière nuit, autre que chez Cora, je détache ma ceinture.

- Tu vas le tuer ?

- Seulement si je n'ai pas le choix.

- Bien. Tu ne peux pas permettre à ce type de prendre ton nom.

- Les Hayes sauront que ce n'est pas moi s'ils tombent sur lui. Ils connaissent mon visage.

- Ça ne change rien au fait que ça attirera leur attention sur toi. Si une telle rumeur est née, ils penseront forcément qu'il y a une raison derrière tout ça.

Je soupire et oriente mes iris sur l'alpha.

- Et s'ils portent leur regard sur moi en plus de ça, il y a tout de même une chance qu'il tombe sur le vrai Apollyon.

- Et ça, il n'en est pas question.

- Il n'en est pas question, j'acquiesce.

- Fais aussi vite que tu peux.

- Compte sur moi.

Mutuellement, nous nous penchons l'un vers l'autre pour une dernière étreinte. La portière ouverte, je pose un pied à terre.

- Eh Jasper.

Je reporte mon attention sur lui.

- Je ne rigolais pas quand je disais que je viendrai à toi si tu ne revenais pas.

- Reyes...

- Nous sommes ta famille. Et j'ai bien l'intention de te le faire rentrer dans le crâne. Tu vas l'accepter.

- Prends soin d'Isaac, je me contente de répondre.

Foutue tête de mule.

Après Aleksander, la fuite devra reprendre.

Pas de repos pour les stars.

La portière refermée, je m'éloigne en trottinant vers l'hôtel. Un passage à l'accueil, je suis de retour dans la chambre et rassemble en vitesse mes affaires ainsi que les documents "brûlés". M'attarder ici serait prendre un risque inconsidérable. Entre Jace et les têtes de clan, il y a une chance sur deux qu'ils rappliquent en vitesse ici pour me saisir par la peau du cul et me ramener une fois qu'ils se seront rendu compte de ma disparition. Si ce n'est pas déjà fait.

Sac de sport sur l'épaule, je déserte la pièce et me dirige vers l'ascenseur, direction le parking souterrain où ma belle Suzie m'attend bien sagement. Le regard rivé sur l'écran de mon téléphone, je fronce les sourcils à mesure que la cage descend. À la légère fragrance de fruits rouges, je relève la tête et pose les yeux sur les portes. Dans un bruit sonore, elles s'ouvrent et me présentent le parking dans son ensemble sans aucune tête familière dans les parages.

Méfiant, je range mon smartphone et resserre ma prise autour de la bretelle de mon sac. Il ne me suffit que de quelques pas pour m'arrêter, un long frisson remontant mon échine. Les lèvres pincées l'une contre l'autre, je prends une inspiration.

Il est là.

- Comment as-tu su ?

Lentement, je me retourne et porte mon regard sur l'Alpha de Neptune. L'expression ferme, ce dernier est adossé contre les portes de l'ascenseur et me donne une impression de déjà vu. La seule différence est qu'il ne semble pas en colère.

Il arque un sourcil.

- Comment j'ai su que tu repartirais la queue entre les jambes dès que tu en aurais l'occasion, tu veux dire ?

- Je t'ai laissé un mot, je rétorque. Il était pourtant clair.

- Un mot ?

Il esquisse un sourire qui n'a rien de joyeux et lâche un petit rire.

- Tu veux dire celui où tu me dis d'aller me faire foutre ?

Je coule un regard sur le côté, l'air de réfléchir.

- C'est une bonne façon de l'interpréter. Alors si tu veux bien, j'ai un itinéraire à prendre..., je laisse traîner.

Sans perdre plus de temps, au risque d'être retenu, je tourne les talons et m'apprête à avancer d'un deuxième pas avant de me figer. Les poils sur mes bras se hérissent instantanément aux premiers effluves de dominance. Tout aussi dominant, mon loup se renfrogne et se joint à la partie afin de se faire sentir à son tour comme toujours. Pourtant, j'ignore encore si c'est par désir ou par colère. Si ce n'est les deux à la fois.

Mon regard tombe sur la femme en sweat à capuche sur la tête. Mal à l'aise de nous interrompre, elle courbe un peu plus la nuque et reprend son chemin pour rejoindre en vitesse l'ascenseur. Seule une mèche noire ondulée, accompagnée d'une violette, s'agite à son pas rapide.

Le bip retentit. Nous sommes à nouveau seuls.

- Ne joue pas à ça avec moi, Lincoln.

- Ne pas jouer à quoi ?

- Je n'ai pas envie de me battre aujourd'hui.

- Je n'ai pas non plus envie de te courir après.

- Parfait.

Sans me retourner, j'esquisse un pas de plus.

- Mais je ne peux pas te laisser partir.

- Trop beau pour être vrai, je marmonne dans une moue boudeuse.

De moitié, je pivote vers lui.

- Écoute, c'est mignon tout plein mais je préférerai passer mon tour.

- Ton message était clair. Non ?

- Pas assez, apparemment.

Son regard abyssal se plante dans le mien.

- Tu l'as admis.

Je fronce les sourcils, perplexe.

- Tu peux m'envoyer une notice pour que je puisse te comprendre ? Je dois avouer que, en plus de me faire perdre mon temps, je ne comprends rien.

- Toi et moi. Âmes sœurs. Des mots simples, tu as besoin d'une phrase plus longue ? D'une action particulière pour comprendre ? propose-t-il dans une provocation évidente.

Ouvertement, je l'observe comme si j'avais affaire à un fou. Alors que je sais. Je sais que c'est lui que la Lune a mis volontairement sur mon chemin.

Néanmoins il n'y aura jamais de « nous ».

Il me fout de l'urticaire plus qu'autre chose.

- Merde, t'as lu ça où ? Je te l'ai déjà dit. Toi et moi, pas âmes sœurs, je rectifie en levant l'index. Rentre toi bien ça dans le crâne.

J'expire et me dirige vers Suzie, garée plus loin. Je perds suffisamment de temps comme ça, autant ne pas en rajouter.

- « Un jour, je te dirai peut-être oui. En attendant, oublie-moi », lance-t-il.

Cette fois-ci, je ne m'arrête pas en dépit du saut que vient de faire mon cœur. Je sors les clés de voiture de ma poche. Plus jamais je ne laisserai de mot pour ce pauvre con.

- Quelle partie tu n'as pas compris ? J'aurais dû mettre des synonymes pour « oublie-moi », vu que ce n'est pas suffisamment compréhensif pour toi.

- C'est plutôt la première partie qui m'intéresse.

- Ah. J'étais sous l'influence de l'alcool.

- Tu ne bois jamais à ce point.

- Pas faux. Disons que j'avais plutôt de la pitié.

Arrivé devant ma fille, je lui fais une gentille caresse sur le capot et la déverrouille.

Papa est de retour, trésor.

- Retourne sur ton territoire, Lincoln. Une troupe a besoin de son alpha.

Le sac de sport jeté à l'arrière de la voiture, je referme la portière. Une main ferme harponne mon bras, me retourne et me plaque contre Suzie. D'abord surpris, mon regard se hâte de se poser sur le métamorphe, prêt à parer un éventuel coup de sa part. Au lieu de quoi, il dépose simplement sa main à côté de ma tête et continue de faire balancer mon cœur par secousses saccadées.

L'expression neutre, ça ne camoufle en rien la lueur colérique que je vois à travers ses pupilles. D'une intensité plus haute, ses phéromones se font plus prononcées et accélèrent inévitablement les battements de mon palpitant que je cherche, en vain, à contrôler. Naturellement, je contrecarre et impose les miennes.

Ses yeux noirs jouent avec mes yeux verts dans un silence mordant, intenable.

- Arrête ça, je grogne dans une menace. Je te l'ai dit : je n'ai pas envie de me battre.

- Arrête de me fuir, Jasper.

- Il y a une différence notable entre fuir et partir.

Ses cils épais s'abaissent un peu plus tandis que son regard dérive sur le côté. Sans le voir réellement, je ressens la moindre parcelle de ses muscles se tendre. D'une seule et même cohésion, mon loup et moi s'attardent sur le calme environnant. Ici-même, ça n'a rien d'étonnant. Toutefois, au-dessus, dans les étages de l'hôtel, rien ne vient chatouiller mon ouïe.

L'hésitation me survole. Hésitation qu'un simple regard de l'Alpha de Neptune enlève. Le problème ne vient pas de moi. Si je n'entends rien, ce qu'il n'y a réellement rien. Bêtement, les dernières paroles de Phillips résonnent en moi. Je n'ai pas voulu le croire puisqu'il est évident que ce chien n'en faisait pas partie mais... et si c'était vrai ? Non, ça reste impossible. Les Hayes ne pourraient pas être déjà là.

C'est autre chose.

Un son strident s'élève soudainement. Une lumière aveuglante file droit vers nous. À deux, nous nous décollons rapidement de Suzie et plongeons à terre. Restant au sol, Lincoln glisse jusqu'à moi et me force à garder la tête baissée.

- Garde la tête basse ! gueule-t-il par-dessus le bruit perçant. Ne regarde pas la lumière !

- C'est quoi ce bordel ?! Je ne sens personne d'autre que nous !

La main chaude de cet idiot autour de la nuque, je veuille à avoir les paupières closes. Puis, la seconde suivante, tout s'arrête.

- Parce qu'il n'y a personne d'autre que nous, confirme-t-il.

Le contact rompu, il se relève. Je fais de même et regarde les alentours, les sens aux aguets.

- Qu'est-ce que c'était ?

- De la magie.

Je pose les yeux sur lui et le vois décocher une flèche d'or du mur où, tout autour, le mur s'est craquelé dans une spirale hypnotisante.

Je grimace.

- Super, on se casse avant que l'hôtel voit ça. Hors de question de payer les réparations.

- Jasper, soupire-t-il lourdement.

Lincoln redirige son attention sur moi, s'appuyant lourdement sur une autre jambe. Entre son index et son majeur, il tient une carte elle aussi en or.

- Je peux savoir ce que tu as foutu pendant ces deux derniers mois ? me demande-t-il.

Je fronce les sourcils.

- Eh. C'est du vrai or ce que tu tiens là ?

******

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