Le lendemain Lili émergeait lentement de son sommeil.
Chaque matin était pour elle une grande déception. Elle avait toujours l'espoir de ne jamais plus se réveiller.
Asim était déjà partis depuis plusieurs heures. L'autre côté du lit était silencieux et froid.
À peine avait t'elle ouvert ses yeux, qu'un étrange bruit se fit entendre à la fenêtre.
Oui, quelque chose tapait contre la vitre. C'était sans doute le vent qui faisait claquer les stores, pensait-elle.
Mais le bruit persistait et semblait bien différent qu'un bruit de store.
Elle sortit rapidement des draps et posa ses deux pieds sur le sol dur de la chambre. D'un coup sec, elle ouvrit les rideaux et eut le temps d'apercevoir deux ailes noires s'envoler.
C'était juste un oiseau qui picotait à sa fenêtre, rien d'extraordinaire. Pourtant, elle avait déjà cru voir cet oiseau la veille. Mais qui pouvait lui confirmer qu'il s'agissait du même ? Face à cette simple coïncidence, elle haussa les épaules et partit travailler.
Le métro, les gens, le brouhaha, le froid, les moteurs, la vitesse, l'engrenage, le stress, l'angoisse... Et on se languit la nuit pour à nouveau se rendormir en priant pour que le matin n'arrive jamais.
***
Les phares des voitures et les lampadaires s'allumaient. La journée se terminait enfin.
Elle prit le métro à contresens, et longea les ruelles bordées d'arbres. Arbres, qui, dans la nuit, ressemblaient aux montres effrayants sous les lits des enfants.
Mais Lili ne comprenait pas pourquoi elle adorait autant ce moment. Ce moment où tout était sombre, ténébreux et cauchemardesque. Il n'y avait qu'elle dans le silence. Il n'y avait qu'elle et...
Un croassement lui fit brusquement lever la tête. Encore lui ? Encore cet oiseau ?
Cette fois-ci, elle prit le temps de s'arrêter. C'était la première fois. La première fois qu'elle entravait un instant sa marche.
Un autre croassement se fit entendre.
E
lle posa son regard sur cette même branche et l'aperçut. Et cette fois-ci, elle restait là, immobile, à contempler ce curieux oiseau.
Elle plissa les yeux quand elle crut deviner un diamant bleu au fond de son œil rond comme une bille d'onyx.
Mais contrairement à cette pierre, cet éclat bleuté ressemblait à un saphir, ou peut-être, à de la topaze. L'oiseau prit soudainement son envol, les deux ailes noires agiles, se mêlant peu à peu au ciel obscure.
Un peu étourdie par ce qu'elle venait de voir, Lili continua sa marche jusque chez elle. C'était sans doute une hallucination, rien de plus. Parfois, le cerveau nous fait croire des choses qui sont en réalité totalement insignifiantes.
Elle rentra fatiguée et retrouva son cher mari toujours sur le canapé.
-"Ah, enfin, t'en as mis du temps ce soir !" s'exclama t-il.
-"Le tram a eu du retard..."
-"Ouai bon bref, j'ai quelque à t'annoncer."
-"Ce n'est rien de grave j'espère ?"
-"Non, non, demain je pars loin d'ici pendant quelques semaines. T'inquiètes c'est pour le boulot évidemment."
-"D'accord, c'est une bonne chose je présume." Répondit Lili.
-"Oui, même si nous n'allons plus nous voir pendant quelque temps... Mais on s'appellera !"
-"Eh oui." Dit-elle doucement.
Même si Lili n'avait pas la tête à ça, ils firent une dernière fois l'amour.
Une dernière fois avant son départ.
Au fond, Lili était assez joyeuse de son départ. Mais elle ne voulait pas se retrouver seule. Elle avait le pressentiment qu'un tas de chose allait se passer durant son absence.