- Nikodem?
Personne ne me répondit dans l'appartement. Je passai la porte, déposant le dossier rouge sur ma table de salon après avoir allumé les lumières. Le garçon état là, flottant en boule dans le coin de mon plafond, sa tête encrée entre ses bras et enlaçant ses jambes. Son corps tournait légèrement sur lui-même, lui mettant bien rapidement la tête en bas avant qu'il ne se remette à remonter. Je m'approchai de lui en dessous de sa position, mes deux pieds eux bien encrés au sol. Il fît comme si il ne m'avait pas entendu arriver, continuant de tourner dans le vide, et j'en déduis que je n'obtiendrais aucune réponse de sa part pour le moment. Soupirant, j'allai me prendre une douche pour décompresser de ma journée qui avait été riche en émotions. J'avais découvert que Nikodem, appelons-le maintenant Stiles, était le fils du Shérif et qu'en plus de ça je l'avais connu de son vivant. Et pourtant, j'avais beau le savoir maintenant, aucun moment passé avec lui ne m'était revenu en mémoire. Pour moi, je n'avais tout simplement jamais de ma vie rencontré ce garçon.
Une fois enfilé mon jogging de pyjama et mon débardeur blanc, je me mis en tailleur sur le tapis du salon pour commencer à feuilleter le contenu du dossier. J'étais très nerveux à l'idée de lire les rapports car je savais que là dedans certaines informations allaient nous dérouter moi et mon nouvel ami. Il me fallut un moment avant de tourner la page cartonnée pour découvrir les papiers rangés à l'intérieur. Les feuilles glissèrent de la pochette, s'étalant devant moi. Une seule photo à l'intérieur, Stiles aussi simple qu'il puisse paraître en format portrait sur un fond blanc. C'était sûrement un cliché prit dans un photomaton pour une carte d'identité ou un truc du genre. Mais je fus surpris de ne pas en trouver plus car habituellement les dossiers d'enquête étaient alimentés de photos de scènes de crimes ainsi que des cadavres et des armes ou preuves associées au meurtre ou incidents. Ici, rien de tout ça n'avait été mit dans le dossier, il était sobrement décoré de ce simple cliché. Je pris donc le rapport écrit entre mes mains, commençant à en lire le rédigé.
- "Rapport officiel d'enquête D875HY6 : 9 Juin 2013.
Affaire : Mieczyslaw STILINSKI.
Auteur : Jordan PARRISH, Officier rattaché au Commissariat de Beacon Hills.
Informations concernant la victime :
Né le 8 Avril 1995. 18 ans au jour de sa disparition. Homme. Blanc. Américain. Originaire de Beacon Hills en Californie. Célibataire. Lycéen en dernière année. ".
Je me frottai le front, soupirant en sentant l'angoisse monter. Je m'apprêtais à lire les premières informations sur les conditions de sa mort, et je trouvais ça étouffant car je connaissais la personne en question et elle se trouvait même dans mon salon à ce moment précis.
- "J'ai l'honneur de vous rendre compte des faits suivants :
Disparition déclarée le 7 Avril 2013 au soir. Véhicule toujours au domicile et aucune affaire personnelle manquante.
Téléphone portable introuvable même avec localisation GPS : Supposition de portable détruit.
Aucun témoignage recueilli en rapport avec l'incident.
Aucun conflit avec les proches dans les dates précédent la disparition révélé par les enquêtes.
Aucun passif relevé en rapport avec des délits de justice, la possession de drogues ou de mauvaises fréquentations.
Deux contraventions impayées relevées sur le véhicule immatriculé: 6DGH387.
Casier judiciaire vierge."
Ce Mieczyslaw, ce Stiles, ne semblait rien avoir à se reprocher et n'être en conflit avec personne. Un véritable ange dans la vie. Ce qui m'intrigua fût immédiatement l'impossibilité de traquer son portable, ce qui était plutôt suspect pour être une simple mort infortuite. Je continuai ma lecture, sentant le fantôme se rapprocher discrètement de moi pour mieux entendre ce que je lisais. Je fis donc l'effort d'élever un peu plus la voix pour qu'il ne manque rien.
- "Aucun témoignage n'a pu être recueilli concernant l'incident. Les proches affirment qu'il n'y avait rien d'anormal dans son comportement jusqu'au jour de la disparition. Des recherches ont été effectuées du 8 Avril 2013 au 8 Juin 2013 sur toute la zone de Beacon Hills ainsi que son bois pour retrouver la victime. Corps déclaré introuvable. Cessation des recherches et déclaration du décès. Causes de la mort inconnues à ce jour. N'ayant aucune preuve, aucun témoignage ni aucune piste de recherche, le cas a été déclaré "mort naturelle sans récupération de dépouille". Fermeture du dossier ce 9 Juin 2013. Rapport clos."
Il n'y avait rien d'autre. C'était absolument tout ce que l'on avait pu retirer de ce dossier. Personne ne savait ce qui lui était arrivé, et de plus son corps manquait à l'appel. Il n'y avait aucun moyen de faire se rappeler à Stiles comment il était mort. Je remis tout dans la pochette rouge avant de la refermer et de la poser près de moi, accablé par ces recherches qui encore une fois ne nous menaient à rien. Le garçon s'assit face à moi, fixant le dossier avec une expression de tristesse profonde.
- Je n'ai jamais été retrouvé.. On a juste arrêté de me chercher..
- C'est bizarre que personne n'ait la moindre idée de ce qui a pu t'arriver.. Tu n'as pas pu disparaître comme ça, il doit bien y avoir une trace quelque pars !
- J'ai disparu en 2013 d'après le rapport, le jour juste avant mes dix-huit ans.. Ça fait combien de temps ça Derek?
- Ça fait deux ans Stiles.
- Stiles?
- C'est comme ça que tu voulais qu'on t'appelle. C'est ton père qui me l'a dit. Ton vrai prénom c'est Mieczyslaw, mais personne n'a l'air de t'appeler comme ça. Alors je reprend le nom que tu semblais préférer de ton vivant.
- Ouais.. Merci..
Il hocha la tête, se remettant à flotter un peu plus loin. Il n'arrivait toujours pas à croire tout ce que l'on avait entendu aujourd'hui, et je devais admettre aussi avoir besoin d'adaptation à ces nouvelles. On en avait entendu tellement, mais sans pour autant ne rien apprendre de plus à propos de lui. Au moins, je savais comment l'appeler maintenant. Mais le fait que son corps n'ait jamais été retrouvé était plus qu'embêtant car il n'y avait donc pas eu de rapport d'autopsie, ce qui voulait dire aucune condition déterminée de la mort. Nous nous retrouvions dans une impasse. Je croisai les bras contre ma poitrine, secouant nerveusement le pied en mordant l'intérieur de mes joues. Nous devions essayer de réfléchir à une solution. Tout d'un coup, je me fis une réflexion qui me fît froncer les sourcils.
- Stiles.
- La vache c'est quand même vraiment pas mieux que Nikodem.. Quoi?
- Pourquoi je ne me rappelle pas de t'avoir connu?
Le fantôme cessa de se laisser porter par le néant, reposant les pieds au sol pour s'approcher avec un air interrogateur. Est-ce qu'il avait assisté à cette partie là de la conversation, ou était-il parti avant? Il fronça les sourcils, particulièrement intrigué par ma question. Il était parti avant.
- De quoi tu parles Derek?
- Ton père, le Shérif, m'a dit que toi et moi nous nous entendions bien et que quand tu venais le voir au poste pour lui rapporter à manger nous avions l'habitude de discuter ensemble. Alors pourquoi est-ce que je n'arrive pas à me rappeler d'un seul moment passé avec toi?
- Attends tu veux dire que toi et moi on se connaissait? Quand j'étais en vie?
- Non seulement on se connaissait, mais en plus je pense que nous étions amis.
Je me mis à frotter mon menton, me relevant pour commencer à faire les cent pas sur mon parquet qui grinçait sous chacun d'eux. Stiles me regarda faire, me suivant du regard alors que lui aussi essayait de comprendre la situation. Il secoua les mains devant lui, mimiquant son père à la perfection.
- Attends quoi !? Si c'est vraiment le cas, pourquoi tu ne peux pas te rappeler de moi?
- Je n'en sais rien.. Mais je peux te garantir que je m'en souviendrais si toi et moi nous étions déjà vu avant que tu ne meures. Tu es quelqu'un qui marque plutôt l'esprit.
- Derek, c'est vraiment bizarre. Je ne me souviens pas de ma mort ni de ma vie, et toi tu ne te souviens pas m'avoir connu alors que pourtant mon père t'affirme qu'on était des amis avant tout ça. Il y a quelque chose de plus suspect qu'une simple mort naturelle là dedans non? Tu crois que tu pourrais être impliqué?
- Impliqué? De quoi, tu m'accuses de t'avoir tué ou je rêve?
- Non ! Non non pardon ! Je voulais plutôt dire "être lié". Ça m'étonnerait que ce soit une coïncidence que tu m'aies effacé de ta mémoire.
- Peut-être mais en attendant notre amnésie mutuelle ne va pas nous aider à résoudre cette foutue enquête.
- Et si tu m'avais oublié justement parce que tu as l'as résolue ton enquête..?
- Comment ça?
- J'en sais rien.. Je ne sais pas ce que je dis désolé.. J'essaye de réfléchir..
A nouveau, je repris à tourner en rond au milieu du salon, marmonnant dans ma barbe en sentant Stiles me suivre. Il ne faisait aucun bruit lorsqu'il se déplaçait mais je ressentais sa présence comme si il existait réellement physiquement dans la pièce. Peut-être même plus fort que ça encore. Je me tournai vers lui, le faisant s'arrêter très près de moi. J'eu le réflexe d'essayer de le repousser par surprise pour ne pas qu'on se rentre dedans, mais mes mains le traversèrent. Il se racla la gorge, embarrassé. Tout était devenu bizarre depuis la lecture du rapport, comme si un malaise s'était installé.
- Désolé Stiles.
- Ça a presque l'air de te préoccuper plus que moi Derek. Et pourtant c'est moi qui suis mort, pas toi.
- Ben.. Jusqu'ici, on pensait que tu étais le seul à qui il faille ramener la mémoire. Mais ce soir, on se rend compte qu'il me manque à moi aussi des souvenirs et qu'ils te concernent directement. C'est un peu déroutant.. Plus on essaye d'avancer et plus on recule. C'est la première fois qu'une enquête me pose tant de problèmes.
Il se frotta le bras nerveusement, se sentant idiot de ne rien pouvoir dire face à ça. J'en conclus que nous ne tirerions rien de plus dans cette discussion et entrepris plutôt de remettre le dossier sur ma table de salon pour ne pas oublier de le ramener le lendemain. La nuit portait conseils à ce qu'on disait, peut-être qu'il fallait tout simplement aller dormir pour le moment. Je n'attendis pas plus longtemps pour aller me mettre au lit.
Mais impossible de trouver le sommeil. Je tournais, me retournais, me retournais encore sans arriver à fermer l'œil. Stiles s'était allongé dans le cadre de ma fenêtre, attendant comme chaque nuit que je me réveille en observant les étoiles se dessiner dans le ciel. Je me mis à le regarder alors qu'il n'avait toujours pas remarqué que j'étais réveillé, le détaillant longuement. J'eu à mon tour l'impression d'observer les constellations en laissant se balader mon regard sur lui. Je l'avais décris plus tôt au Shérif comme parsemé de grains de beauté, mais je ne m'étais pas attardé à les apprécier jusqu'ici. Et plus je les regardais, et plus j'avais l'impression de les connaître. Je ne pouvais pas me leurrer, je sentais Stiles m'être de plus en plus familier avec le temps, comme dans un vieux souvenir. Mais pourtant rien ne semblait vouloir me revenir à son propos. Tout étais scellé sous un voile noir qu'il m'était impossible de soulever, et ça me rendait malade de ne pas pouvoir découvrir ce qu'il s'y cachait. Je n'osais même pas imaginer à quel point ce devait être dur pour Stiles de vivre la même situation mais avec l'intégralité de son existence. J'avais beaucoup de peine pour ce jeune homme qui devait probablement dissimuler une souffrance plus grande qu'il n'y laissait paraître. C'est rassuré par les mouvements de son balancement doux dans le vide qu'enfin je fus gagné par le sommeil.
Je fis un rêve cette nuit. Un rêve où j'étais à nouveau enfant. Ou disons plutôt adolescent, aux alentours de mes quinze ans. Je jouais au basket dans la coure de la maison familiale avec mon oncle Peter tout aussi âgé que moi. Nous faisons des passes, et c'était au premier qui arriverait à marquer. La compétition était rude mais je finissais toujours par lui mettre des points d'avance. Et alors que je marquai encore une fois en m'accrochant au panier sous les râles accusateurs de Peter, j'entendis plus loin une voix féminine très douce s'adresser à quelqu'un d'autre que nous. Ma mère, habillée de sa elle robe de printemps jonquille ainsi que de son bandana rouge tout bien noué dans ses cheveux dans lequel elle avait piqué tout un assortiment de fleurs, s'avançait dans le sentier vers le bois avec un petit panier contenant encore de nombreuses herbes et élixirs de sa composition. Curieux, je m'approchai des bosquets qui nous séparaient d'elle, essayant d'entendre ce qu'elle était entrain de se raconter à elle-même. Mais alors qu'elle se retourna pour me faire un grand sourire, je vis derrière elle un petit garçon aux cheveux bruns d'une dizaine d'années tout au plus qui lui tenait la main. Il était habillé d'un petit short noir ainsi que d'une chemise à carreaux, n'osant pas regarder en ma direction. Il ne s'agissait pas d'un membre de ma famille, mais pourtant ma mère semblait très proche de lui. Elle secoua doucement la main qui était dans la sienne, attirant l'attention du petit pour l'inciter à me dire bonjour. Des yeux noisettes se posèrent sur moi, le garçon hochant simplement la tête sans un mot. Son visage était pâle et constellé de petites tâches. J'ouvris de grands yeux, comprenant que cette personne n'était autre que Stiles. Je tendis la main vers lui, les regardant s'éloigner vers la forêt en oubliant ma présence. Mes jambes refusèrent d'avancer, me donnant presque la sensation de devenir liquide alors que j'essayais en vain de leur courir après. J'entrepris donc de les appeler, mais mes paroles se transformèrent en bulles qui s'envolèrent jusque dans le ciel sans jamais ne les atteindre. Le sol s'effondra sous mes pieds, m'entraînant dans les tréfonds du néant alors que la silhouette jaune de ma mère accompagnant le garçon devint ridiculement petite jusqu'à disparaître.
Mon corps tomba du lit dans un grand fracas faisant sursauter Stiles alors que je me vis tirer du sommeil par un atroce mal de dos dû à la chute. Il se précipita vers moi alors que je fixais le plafond avec le souffle court, prenant un moment pour essayer de me ramener à la réalité. Je laissai courir ma main sur mon visage, fermant les yeux en avalant ma salive. Un rêve. Un rêve? J'avais l'étrange impression d'avoir déjà vécu ce moment pourtant.
- Derek ça va? T'as fais un cauchemar?
- Ma mère..
- Euh.. Quoi?
- Ma mère Stiles. C'est elle qu'on doit aller voir. Elle sait. Je suis sûr qu'elle sait.
Je m'assis sur le sol, essayant de le convaincre d'un simple regard. Il hocha la tête, se mettant à genoux près de moi. Il avait confiance, il ne doutait pas un seul instant de mes paroles.
- Si tu dis que c'est ce qu'on doit faire, je te crois. Alors allons-y. Allons voir ta mère Derek.