Rongée par le stress, je suis discrètement Derek dans le grand hangar. L'air est chaud mais l'anxiété qui me consume me fait frissonner. Nous avançons, pas à pas, guidés par l'odeur de la sœur de Derek. Contrairement à moi, Derek se faufile aisément entre les différents meubles en fer lourd placés sur notre chemin. Nous arrivons, finalement, devant une grande porte en métal.
— Prête, gamine ?
Je respire fort. Je ne me suis jamais battue, je ne maîtrise pas encore mes pouvoirs mais pour la meute, je dois y arriver. J'inspire un grand coup, jette un regard décidé à Derek qui enfonce la porte d'un violent coup de pied.
L'immense mur se fissure et la porte tombe bruyamment au sol. De la poussière s'envole, me brouillant la vue. Lorsque celle-ci finit par s'évaporer, nous tombons nez-à-nez avec une grande femme brune, assise à même le carrelage, les mains et la bouche bandées. Cora.
Derek grogne à la vue de sa sœur et ses yeux rouges se mettent à briller. J'arrive à sentir la colère qui le consume d'ici. L'affection qu'il porte à Cora se ressent. Il est venu pour la sauver et il la sauvera au péril de sa vie.
Soudainement, un grand homme apparaît derrière Cora. Il marche avec un air félin dans notre direction. Par précaution, Derek se replace devant moi, son bras devant mon corps en guise de protection.
— Reste bien derrière moi, gamine. Ça serait bête que tu morfles dès la première mission.
J'acquiesce timidement.
L'ennemi s'approche de nous. Son odeur est celle d'un humain, comme prédit par Derek. Malgré tout, il ne paraît pas un brin effrayé face à la férocité de l'alpha.
— Bien le bonjour, Derek. Comme prévu, tu es venue chercher ta chère et tendre sœur. J'aurais aimé te la rendre, vois-tu, mais elle a volé quelque chose qui m'appartient et elle ne veut pas me dire où est-ce qu'elle l'a caché, annonce l'inconnu.
Cora grogne et se débat afin de défaire ses liens mais rien ne se passe. Sa peau se cisaille légèrement sous la corde qui la retient et elle ne cicatrise pas. Je ne suis pas encore une experte dans le domaine mais, étant une louve, ses plaies devraient pouvoir se refermer. Quelque chose doit l'en empêcher.
L'ennemi me sort de mes pensées lorsqu'il continue sa tirade :
— Mon cher Derek, trois choix s'offrent à toi. Premier choix, tu demandes à ta chère petite sœur où est caché mon trésor et je te la rends en un seul morceau. Deuxième choix, je te rends ta sœur et en échange, tu me donnes la jolie blonde qui t'accompagnes. Bizarrement, elle a l'air bien plus intéressante que ta hargneuse de sœur. Il se pourrait que son agréable compagnie réussisse à me faire oublier le bien que l'on m'a dérobé.
Derek est concentré. Son regard sanguin est plongé dans celui de l'ennemi. Suite à la seconde proposition, il n'a pas vacillé d'un pouce.
— Donne-moi ta dernière proposition, répond l'alpha.
L'ennemi rigole.
— Vous mourrez.
Suite à sa réponse, l'adversaire sort deux armes qu'il pointe droits sur Cora et nous. Son air est vainqueur et pédant. Il sait ce qu'il fait. Il a un coup d'avance sur nous.
— De l'aconit, dit Derek, les dents serrées.
— Tu es perspicace, jeune homme. En effet. Tu sais comment ça fonctionne. Une balle entre les deux yeux de ta sœur et elle va rejoindre le reste de ta famille.
Derek ne tient plus en place. Ses griffes sont sorties et il grogne à s'en rompre les cordes vocales. La dernière réflexion a été terrible pour lui. Qu'est-il arrivé au reste de sa famille ?
Il va pour se jeter sur l'ennemi, les canines déchaînées mais je le retiens par la main. Il stoppe directement sa course et se tourne vers moi, le visage tordu de colère.
— Ce n'est pas la bonne solution, Derek. Il cherche à te faire sortir de tes gons. Ne l'écoute pas, il doit y avoir une autre solution, lui chuchoté-je, en serrant sa main dans la mienne.
Il reprend son souffle et me fixe, les yeux écarlates. Il semble réfléchir aux options se présentant à lui et finit par tourner vers l'ennemi.
— J'ai pris ma décision.
L'homme retenant Cora prisonnière sourit. Un sourire de prédateur carnassier. Il sait que, peu importe le choix de Derek, il sera gagnant dans l'histoire. Il fixe mon acolyte, les yeux emplis de curiosité et de malice.
— Dis-moi, mon cher Derek.
— Prends-la gamine et rend-moi ma sœur.
Mon cœur rate un battement. Quoi ? Moi ? Pourquoi a-t-il pris cette décision ? Après avoir parlé, il lâche ma main qu'il tenait encore fermement. Mon bras est ballant le long de mon corps. Je ne sais quoi répondre. Derek me pousse de tout son poids ce qui me déstabilise et me fait avancer d'un pas en direction de mon adversaire.
L'inconnu se met à rire de plus belle, Derek à la tête basse tandis que Cora nous fixe, les yeux écarquillés. Elle tente de hurler quelque chose mais sa bouche bâillonnée l'en empêche.
L'ennemi s'approche de Cora et détache ses mains du mur contre lequel elle est attachée. Il la soulève pour la remettre sur ses pieds et se met face à nous.
— Donne-moi la fille, Hale.
Derek se retourne vers moi et m'attrape précipitamment les poignets. J'essaye de me débattre tant bien que mal mais sa poigne est forte, je ne peux me détacher. Je grince des dents et remue des jambes. La colère s'empare de moi. Mes yeux virent au violet. Ma force se décuple et je continue de me débattre. Derek éprouve une plus grande difficulté à me maintenir mais il y parvient. Je ne peux rien faire.
— Arrête de gigoter, la blonde, dit Derek d'un ton acide.
Les larmes me montent mais j'essaye de les ravaler. Derek me pousse afin que j'avance vers l'inconnu qui souhaite procéder à l'échange. Je me retrouve face à la sœur de mon bourreau qui me regarde, les yeux vitreux. Le sourire de l'ennemi grandit en me voyant de plus près.
— Mais c'est qu'elle est encore plus mignonne vue d'ici. Et puis, ses yeux violets. Magnifiques. C'est la première fois que je vois ça.
Il s'extasie face à moi, son visage a quelques centimètres du mien. Mes canines me transpercent les gencives. J'ai mal, je souffre mais j'ai surtout peur. Peur de lui, peur de l'abandon. Pourquoi ?
Les deux hommes procèdent à l'échange. Derek lâche légèrement la poigne sur mes avant-bras afin de récupérer ceux de sa sœur. Quant à l'ennemi, il m'attrape afin de me serrer dans ses bras. L'odeur de transpiration émanant de son débardeur jauni par le temps me donne la nausée. Je ferme les yeux afin de ne plus observer la situation. J'ai peur.
Une fois sa sœur récupérée, Derek défait ses liens. Il retire le morceau de tissu lui bloquant la bouche et défait la cordelette utilisée comme menottes. Cora saute dans les bras de son frère, les poignes lacérés et le corps remplis de blessures. Malgré tout, le frère Hale garde ses yeux fixés sur l'ennemi et sur moi. Il nous scrute, il scrute la manière dont cet homme pose les mains sur mon corps : ses doigts qui se baladent aisément sur la peau de mes bras, de mon cou. Son sourire malsain. Sa langue se baladant amoureusement sur ses lèvres. Cette fois, c'en est trop.
Derek se jette sur l'inconnu et le martèle de coup. Il commence par un crochet dirigé droit vers l'estomac de l'homme. Avant qu'il n'ait le temps de tomber sur le sol, le frère Hale frappe le cou de sa cible à l'aide de la semelle de sa chaussure. L'ennemi tombe violemment sur le carrelage. Derek en profite pour attraper ma main et me tirer contre lui. Il me serre dans ses bras puissants, et, lorsque l'ennemi se relève, il lui assène un dernier coup au niveau de la boite crânienne qui craque sous le choc.
Toujours abasourdie, je n'arrive pas à comprendre les événements qui viennent de se dérouler devant mes yeux. Je fixe, tour à tour, Cora, qui semble aussi impressionnée que moi, et Derek, contre qui je suis toujours blottie.
— Il faut partir avant que les autres ne se ramènent, avoue Derek, le ton agité.
Cora se précipite, en premier, vers le trou dans le mur où était, auparavant, la porte du hangar. Derek passe en second, me tirant derrière lui. Nous courrons en direction des voitures qui sont garées deux kilomètres en contrebas.
Arrivés là-bas en un temps record, nous retrouvons les autres membres de la meute, tous aussi essoufflés que nous.
— Il faut partir, et vite, dit Scott avec un air sérieux.
Tout le monde acquiesce et nous sautons dans les voitures. Assise, cette fois-ci, sur la banquette arrière de la voiture de Derek, je reste subjuguée par la situation. C'est la première fois que je vis un événement comme celui-ci. Mon corps accuse un mélange de stress, d'adrénaline et de joie d'avoir réussi à accomplir la mission qui nous était confiée. Cora est là, saine et sauve, assise avec son frère dans la voiture. Ils discutent. Enfin, dire qu'ils se hurlent dessus serait plutôt une expression adaptée. Je n'arrive pas à me concentrer sur leur discussion car mes yeux se ferment seuls. Je pose délicatement ma tête contre la vitre de la voiture et, observant le paysage qui défile devant moi, je m'endors.
Je me réveille après un temps incertain. Je ne suis plus dans la voiture de Derek. J'ouvre avec difficulté les yeux, la lumière brouillant mon champ de vision. Je reconnais difficilement l'endroit où je me trouve. Après quelques secondes, je réalise que je me déplace lentement. Enfin, ce n'est pas moi qui me déplace mais quelqu'un qui me déplace. J'arrive enfin à ouvrir les yeux. Je suis dans les bras d'une personne. N'osant pas ouvrir les yeux, gênée de la situation, je continue à simuler mon sommeil. J'analyse la situation autour de moi. Je reconnais une odeur bien particulière. Une odeur musquée.
Derek.
C'est dans ses bras que je me trouve. Où allons-nous ? Je bouge, alors, le plus discrètement possible, ma tête afin de la placer dans le creux de son cou. Je sens l'étreinte autour de mon corps se resserrer délicatement. Des papillons envahissent mon bas-ventre. Je me remémore les événements de la journée. Il m'a sauvée. Enfin, il m'a sacrifiée puis sauvée. L'essentiel est de se focaliser sur le positif, n'est-ce pas ? Avait-il planifié de me récupérer ?
Une porte s'ouvre avec un bruit sourd et métallique. Je reconnais aisément le loft de Derek. Il avance de quelques pas, referme la porte derrière nous et me dépose sur une surface moelleuse et agréable semblant être son lit. Lorsque qu'il se sépare de mon corps, je me sens vide, comme si une partie de moi m'avait été arrachée. Je suis si à l'aise dans ces bras. Malgré qu'il m'ait lâchée, la sensation de sa présence à mes côtés ne disparaît pas, que fait-il ? Je sens un souffle chaud s'approcher de mon visage.
— Eh, tu dors, gamine ? dit-il avec une voix si douce qu'elle en paraîtrait presque étrange.
J'hésite à ouvrir les yeux et à lui répondre que, oui je suis totalement consciente et que j'entends tout ce qu'il se passe mais, une petite voix au fond de moi me pousse à rester silencieuse. Je reste, donc, muette. Il soupire, s'éloigne de moi, puis finit par se rapprocher à nouveau de moi.
— Je suis désolée pour aujourd'hui, Sky. Vraiment. Je suis désolée d'avoir dû t'utiliser pour récupérer Cora. Évidemment, je ne l'aurais jamais fait si je t'avais sue en danger mais, j'ai vu la peur dans ton regard. Je m'en excuse.
Mon cœur bat la chamade. Tout ça était donc dans son plan. Jamais il ne m'aurait abandonnée aux bras de cet homme. Heureusement que mes yeux sont fermés, sinon, je crois que mes joues deviendrait écarlates à la vue de son visage.
Derek décale avec une douceur extrême une mèche de mes cheveux blonds tombée sur mon visage et se redresse avant de s'éloigner de moi. Les papillons que je ressentais au préalable, se sont envolés. Une fois Derek parti, mon corps devenu brûlant se refroidit instantanément.
Que vient-il de se passer ?
Je suis allongée sur son matelas, ses draps remplis de son odeur, dans sa maison. Ma poitrine se lève au rythme de ma respiration qui est bien trop rapide pour quelqu'un qui censée dormir. J'espère que Derek ne le remarquera pas. Je ne contrôle plus mon corps et je sais exactement ce que cela signifie.
Je tombe amoureuse.
Et c'est mauvais.
Vraiment mauvais.
L'amour ne présage jamais des ondes positives. À chaque fois, ce sentiment se comble de déception et de douleur. Aimer, c'est douloureux. Aimer, c'est apprécier devenir faible, vulnérable. Aimer, c'est souffrir. J'ai bien trop souffert. Je ne peux accepter cette situation. Et puis, Derek ? Franchement ? De tous les individus affectueux de la meute, il faut que je m'éprenne de l'homme froid, mystérieux et agressif.
Mais après toutes ce remue-méninge, je me rappelle de la douceur de la voix de Derek. La force avec laquelle il m'a protégée, sauvée des mains de cet homme dégoûtant. Et puis, son sourire. La beauté de son sourire lorsqu'il a su sa sœur saine et sauve.
Je suis totalement éprise de cette homme.
Sur ces pensées qui me rongent l'esprit de douleur et de douceur, je finis par sombrer dans les bras de Morphée, bercée par le doux son des pas de Derek.