Sky
Je me réveille au son strident de mon réveil. La nuit a été terriblement courte. Je n'ai cessé de cogiter dans mes rêves. Les événements précédents m'ont bouleversée. Un air de changement règne et je ne me sens pas forcément prête à l'affronter. Malgré tout, la seule chose à affronter à l'instant présent, c'est ma journée de cours qui s'annonce fastidieuse.
Après un certain temps, je finis par me lever. Je prends une douche rapide, enfile le premier sweat large qui me tombe sous la main et mets mes fidèles converses noires. Je descends en trombe, apeurée d'être à nouveau en retard. Je croise ma tante qui est assise à table, comme à son habitude, son thé parfumé à la cardamome à la main.
— Bonjour, toi. Tu m'as beaucoup inquiétée hier soir. Je suis heureuse que tu te soies fait des amis, ma chérie. Je sais que je suis envahissante mais pense à m'envoyer un message, dit-elle les yeux fatigués.
— Pardon... Je suis désolée. J'y penserai la prochaine fois, promis. J'étais tellement heureuse d'avoir rencontré des gens que j'ai oublié tout ce qui m'entourait.
Mes dires sont un demi-mensonge. Oui, j'ai rencontré mes nouveaux amis mais, j'omets volontairement mon détour dans un cabinet vétérinaire où le protagoniste est un expert en surnaturel. D'ailleurs, je dissimule surtout que la personne surnaturelle, c'est moi. Elle me sourit tendrement en retour et me tend une pomme pour mon petit-déjeuner que j'accepte avant de partir pour le lycée.
La journée se passe sans encombre. J'oscille entre un cours d'art avec Stiles, où ce dernier préfère étaler la peinture sur les affaires d'un camarade plutôt que sur sa toile, et un cours d'anglais lors duquel je suis accompagnée de la timide Kira. Un changement drastique du cours avec Stiles. J'ai quand même pu discuter avec cette dernière qui, derrière son calme olympien, arbore une bienveillance monstre.
Ce soir, nous allons chez Lydia. Elle a annoncé qu'elle réservait une surprise et apparement, les surprises de Lydia ce sont « des soirées ». Je n'ai jamais été très friande de soirées, mais vu qu'ici tout m'a l'air différent, rien ne m'empêche d'essayer. J'ai, contrairement à hier, pensé à prévenir ma tante qui, toute heureuse, m'a souhaité une bonne soirée. J'ai la chance qu'elle soit aussi peu regardante sur tout ça avec moi.
J'arrive chez Lydia à la fin des cours. Sa mère m'ouvre, me salue et, après quelques échanges, m'indique la direction de la chambre de sa progéniture. Sa maison est immense. J'ai dû ouvrir trois mauvaises portes dont celle d'un immense dressing et celle d'une petite salle de sport d'appoint, avant de trouver sa chambre. Je toque discrètement. L'odeur fleurie de la rousse me monte immédiatement au nez lorsque cette dernière ouvre la porte, tout sourire. Tout comme le reste de cette villa, sa chambre est spacieuse à souhait. Un immense lit à baldaquin, un tapis en fourrure et une gigantesque placard trônent contre les murs rosés. Lydia me prend dans les bras, avant de s'écrier :
— Je suis tellement heureuse que tu aies accepté mon invitation. Tu vas voir, tu vas t'é-cla-ter ! Dit-elle en appuyant chaque syllabe. Mais avant tout de chose, il faut te trouver TA tenue de soirée.
Je rigole de son intervention. C'est vrai que je suis venue les mains vides en sortant des cours. Je risque de faire mauvaise impression si je viens à une soirée habillée d'un sweat délavé trop grand et d'un jean sombre usé aux genoux.
Pendant que je suis perdue dans mes pensées, Lydia s'affaire à me chercher une « tenue convenable » comme elle l'appelle. Elle est penchée dans son armoire, jetant des vêtements par-dessus ses épaules. Elle finit par se relever dynamiquement, un air triomphant sur le visage.
— Ok. C'est celle-là qu'il te faut. En plus, tu es chanceuse, elle est neuve. Normalement, elle devrait t'aller.
Elle me jette la robe dessus et me pousse vers la salle de bain de sa suite parentale, pour que je me change. Après quelques minutes, je ressors changée mais surtout, méconnaissable. La robe noire qu'elle m'a dégotée est superbe. Elle est longue avec une longue fente remontant jusqu'au haut de la cuisse, en dévoilant juste assez de mon corps. La matière satinée épouse parfaitement mes hanches et le creux de ma poitrine. Cette robe est tout bonnement divine.
— Euh, wow ! Qu'avez-vous fait de mon amie et de ses pulls abîmés ? Annonce la rousse en riant.
Je la suis honnêtement dans son rire. C'est vrai qu'on est pas sur la même gamme de qualité. Lydia me pousse vers sa coiffeuse afin de s'occuper de ma tignasse blonde et de mon maquillage. Elle s'affaire pendant une bonne demi-heure à me boucler les cheveux, à me réaliser des traits d'eye-liner parfaitement symétriques. Je peux avouer qu'elle est réellement douée pour ça, le résultat est carrément probant. Pour une métamorphose, ça en est une. Je m'observe timidement dans la glace, presque que trop narcissique face à mon reflet. Mes yeux grisonnants sont apprêtés avec un maquillage léger mais flatteur et ma vague blonde est simplement ornée de quelques boucles naturelles. Lydia a des doigts de fée.
Le temps semble passer à une vitesse grand V car pendant mes légères observations, la rousse a eu le temps d'enfiler sa tenue. Elle arbore une superbe robe écarlate, assortie à son fidèle rouge à lèvre. Sa peau de porcelaine est parfaitement poudrée et ses lèvres pulpeuses brillent de mille feux.
— Je n'ai pas les mots, Lydia. Tu es superbe. Merci pour tout, répliqué-je un sourire sincère au visage.
— C'est normal, on est amies, non?
Je craque. Cette fille est une perle. Je la prends dans mes bras en la remerciant encore et encore. Elle me tapote gentiment le dos. Son effluve florale emplie mes narines et me couvre d'une sensation de bien-être. Peut-être que l'acclamation va être moins dure que ce que j'imaginais. On se sépare l'une de l'autre à l'attente d'une sonnerie émanant de la porte d'entrée. Je reconnais facilement les voix des deux meilleurs amis. Je commence, non sans difficultés, à mieux appréhender mes pouvoirs et mes capacités. Je ne suis qu'au début d'un long chemin, mais tout le monde commence quelque part. On descend les escaliers sans encombre avec nos chaussures perchées. Lydia ouvre la porte, le sourire aux lèvres.
— Bonsoir les garçons ! Dit-elle.
Ils nous observent, la bouche béante. Eux aussi on fait un effort vestimentaire, Scott a mis une chemise noire et Stiles, un t-shirt habillé. On sent que ces deux-là ne sont pas forcément des adeptes de soirées, mais on notera l'effort fait.
— C'est tout l'effet que l'on vous fait ? Annonce Lydia en riant.
Scott finir par refermer sa bouche et nous complimenter amicalement sur nos tenues respectives. Nous nous installons dans la voiture bleutée de Stiles en rigolant aux blagues de ce dernier.
Sur le trajet, nous parlons de tout et de rien. Nous rions des professeurs, des cours, du beau temps ou des prochains travaux prévus par la mère de Lydia. Après des diffusions totalement anodines, Scott prend la parole afin de me questionner sur les fameux dons que je possède. Ce sujet devait forcément, à un moment ou à un autre, arriver sur le tapis.
— Honnêtement, aucun ne s'est manifesté. Pour l'instant, je me focalise sur le plus important. Comprendre et mieux appréhender mes capacités. Ça m'en demande déjà beaucoup, réponds-je avec un air plus détaché que ce que j'aurais imaginé.
Le brun acquiesce, un sourire au visage.
— Tu sais, si tu as besoin d'un conseil ou de quoi que ce soit, n'hésite pas. Je suis passé par là. Être un loup-garou n'est jamais simple.
Je le regarde avec une moue approbatrice. Je suis heureuse de ne pas être seule et d'avoir des personnes sur qui compter. Pendant un moment je croyais être folle, unique et surtout, seule au monde. Je réalise que la situation est bien plus complexe que ce que j'aurais pu imaginer.
Nous arrivons devant une grande bâtisse abandonnée. Les murs sont faits de pierres rougeâtres agglomérées. Le lieu de fête semble être une sorte de grange désaffectée. Une musique forte s'en dégage, ainsi que des nombreuses voix hurlant, chantant et de la lumière, provoquée par de nombreux stroboscopes.
Nous avançons, doucement, avant de rejoindre le groupe qui nous attend, assis sur une motte de paille. Mon ouïe a du mal à se focaliser sur ce qui est important, mes oreilles captent surtout les puissants décibels sortant des deux caisses de résonance d'enceintes immenses. Je salue tout le groupe de la main contrairement à Lydia qui s'empresse d'enlacer ses amies, une par une. Tout le monde est apprêté. Bien trop apprêtés pour une fête se déroulant dans une écurie aux portes grignotées par les mites.
— On y va ? Annonce Malia avec un sourire gigantesque.
Cette dernière semble enjouée, presque autant que Lydia, pour cette célèbre fête annuelle. Nous accédons, non sans mal, à l'intérieur de cette bâtisse abandonnée. L'air est chaud, voire irrespirable. De nombreux individuels dansent, se trémoussent les uns contre les autres, des verres rouges à la main sentant l'alcool à plein nez. Malgré mes réticences, mon amie aux cheveux de feu m'entraîne avec elle, au plein cœur de la piste de danse.
Le début de soirée se passe à merveille. Nous dansons, chantons à tue-tête, un verre à la main. J'ai horriblement chaud et l'alcool me monte doucement à la tête, mais l'ambiance entraînante est bien plus forte. Je me sens bien. Scott et Stiles dansent avec Malia et Kira, Liam est assis, avec des personnes que je ne connais pas, un sourire trônant sur le visage. Lydia est à quelques pas de moi, entourée de superbes garçons aux muscles saillants. Probablement des joueurs de l'équipe de lacrosse. Quant à moi, je danse et hurle, quitte à en perdre la voix ou la raison.
Après quelques minutes de déhanchés, ou quelques heures, je ne saurais que dire. Je me dirige vers une sorte de bar approvisionné juste pour l'occasion. Ma gorge est brûlante d'une soif semblant insatiable.
— Bonsoir beauté. Je te serre quoi ? Me questionne un grand blond, très peu habillé, que je devine être le barman.
— Bonsoir ! Est-ce que je pourrais avoir un verre d'eau ?
— Hum... Je ne crois pas ça possible. Tu es certaine que tu veux un verre d'eau? Ici, c'est alcool à volonté. L'école maternelle c'est de l'autre côté de la rue, dit-il, taquin.
Je souris à sa réflexion.
— Ça ira alors, merci. Je retourne de ce pas à l'école. Annoncé-je, langoureusement, accompagnant ma réflexion d'un clin d'œil et d'un signe de main.
Le garçon me sourit en retour avant de retourner vaquer à ses occupations, c'est-à-dire à une brune pulpeuse, peu habillée, réclamant un shot de tequila pure.
Je fais marche arrière afin de retrouver mon amie rousse qui a échappé à ma surveillance. Je l'appelle, les mains sur la bouche, afin de faire porter ma voix au-dessus du son bruyant des enceintes mais personne ne semble m'entendre. Je me dirige vers l'entrée principale où j'aperçois Lydia, accroupie au sol.
— Lydia, ça va ?
Elle sursaute, se redresse, époussette le bas de sa robe et me souris timidement.
— Oui, ne t'en fais pas. Je prenais un peu l'air.
Elle me ment. Ses pulsations cardiaques sont irrégulières. Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi, mais je le ressens au plus profond moi, comme un écho qui ne voudrait pas s'arrêter.
C'est quoi ce bruit ? Aïe, ma tête ...
Qu'est-ce que ? Ces pensées, ce ne sont décidément pas les miennes. Et puis, cette sensation, je me suis sentie transpercée de part en part.
— Hum, je reviens. Je vais aux toilettes, renchérît la rousse.
— Tu es sûre que tu ne veux pas que je t'accompagne ?
— Certaine! Retourne t'amuser, Stiles et Scott te cherchaient.
Elle s'en va, sans se retourner, avec une vitesse bien trop supérieure à la normale. Je la regarde étrangement et décide de la suivre discrètement. Elle se retourne plusieurs fois, certainement le pressentiment que quelqu'un la suit, sachant que c'est secrètement le cas ... Soudainement, elle commence à courir. Ses foulées deviennent progressivement de plus en plus rapides et puis, une cinquantaine de mètres plus loin, elle s'arrête net. Elle ne bouge plus du tout. Son regard est livide, ses yeux sont blancs et vitreux. Je n'ai pas le temps de réagir qu'elle se met, sans crier gare, à hurler. Son cri est strident, perçant, insupportable.
J'accours difficilement vers elle, les oreilles bouchées, tant bien que mal, avec le creux de mes mains. Quand j'arrive enfin à son niveau, elle s'écroule par terre, le visage pâle et sans vie. J'observe les alentours et j'aperçois, horrifiée, devant elle, un corps féminin, lacéré sans vie. Scott arrive, quelques secondes plus tard, en courant accompagné de Stiles. Les deux meilleurs découvrent, après moi, le corps de cette femme, allongé par terre, les yeux clos, le torse en sang.
Que se passe-t-il ici, bon sang ?