Homo Sum 2 : l'éveil de l'humanité (Episode 2 : Révélation)

4. Les Bleus

Après un quart de siècle de voyage, les jeunes et fougueux cadets, embarqués d'urgence à bord du FXL350, étaient devenus des hommes et des femmes d'âge mûr. La monotonie de leur vie quotidienne les rendait impatients d'enfin pouvoir atteindre l'objectif de leur longue mission...

Nos quatre « Bleus » devenus premiers voyageurs temporels avaient, depuis bien longtemps, terminé leur formation de pilote. Ils arboraient fièrement sur leur poitrine les ailes d'or de la légendaire « Cavalerie Spatiale ». Tout comme le reste de l'équipage, ils maîtrisaient parfaitement l'éventail varié de tâches qui leur incombait, tant à bord du vaisseau qu'aux commandes de leur chasseur.

Le rythme de leur entraînement en vol réel avait fortement diminué, dans le but d'économiser les réserves de carburant de la frégate, principalement destinées à l'abordage du TXL1138 et à la capture de ses occupants. De nombreuses séances de simulations virtuelles étaient ainsi venues remplacer la plupart des véritables missions dans l'espace.

Les Bleus avaient déjà effectué, avec succès, plusieurs sauts temporels... Le dernier en date avait atteint une durée de 5 ans ! Ils l'avaient exécuté à quatre à bord de deux petites sphères et venaient à peine de se rematérialiser dans le laboratoire du professeur, quelques jours auparavant... tout comme l'avait fait la fille de leur groupe à l'issue de son premier saut, d'à peine cinq minutes.

L'équipage leur vouait une grande admiration, sachant pertinemment que la durée de leur voyage retour dépendait du résultat des expériences auxquelles ils avaient accepté, non sans risque, de participer. Un sentiment de jalousie commençait néanmoins à s'installer envers ces quatre privilégiés qui voyaient, à chacun de leur saut, la durée de leur propre voyage écourtée d'un laps de temps de plus en plus long...

Ces sentiments mitigés que leur portaient leurs congénères, de même que leurs longues absences, avaient tendance à les isoler des autres cadets... ce qui n'avait fait que renforcer la complicité qui les unissait. Les « Bleus » étaient devenus une véritable légende ! Ils étaient respectés et admirés, tant pour le courage dont ils faisaient preuve durant leurs sauts temporels, que pour leur esprit d'équipe et leur camaraderie. Celui-ci en faisait de loin la meilleure équipe de chasseurs à bord de leur frégate.

Nulle autre n'était arrivée, depuis bien longtemps, à les vaincre... ni même à abattre un seul d'entre eux en combat singulier. Cela poussa l'Amiral, dans le but de maintenir bien haut le moral et la qualité de l'entraînement de ses pilotes, à offrir une récompense considérable à ceux qui arriveraient à détrôner les légendaires « Bleus » de leur piédestal. Celle-ci ne consistait en rien de moins que le retour immédiat vers la Fédération, grâce à un saut spatio-temporel à bord d'une des sphères modifiées par le professeur...

Quatre d'entre eux, les Blancs, se préparaient à venir tenter leur chance en combat virtuel contre la légendaire formation des Bleus. Il s'agissait de leur toute première mission depuis leur dernier voyage temporel. Leurs adversaires étaient impatients d'enfin pouvoir tenter leur chance de gagner le gros lot !

La majorité des membres de l'équipage désirait plus que tout rejoindre la Fédération... hors de cette frégate qui avait été la seule demeure qu'ils n'aient jamais connue après être sortis des pyramides du Système Préparatoire. Ils aspiraient à pouvoir déambuler librement dans les rues d'un dôme, en y utilisant les crédits auxquels ils pourraient prétendre pour s'acheter leurs propres vêtements ainsi que tout ce qu'ils désiraient posséder.

Ils rêvaient de partager une petite alvéole avec celui ou celle qui serait choisi pour vivre avec eux. Ils voulaient profiter pleinement des distractions intenses procurées par les sphères de simulation virtuelle, connectées aux capacités illimitées du réseau Ethernet... Mais qu'à cela ne tienne, ils allaient bientôt assister à l'un des spectacles les plus exaltants disponibles à bord de leur frégate : une simulation de combat entre deux formations de chasseurs FXS !

Dans leur vestiaire les Bleus enfilaient leur combinaison spatiale avant d'aller s'installer dans leur sphère virtuelle. Ces dernières étaient destinées à reproduire avec précision l'environnement du cockpit de leur appareil... Malgré leur saut temporel de cinq ans, le souvenir de leur dernier combat ne datait, pour eux, que de quelques jours à peine. Ils se sentaient donc fin prêts pour ce prochain engagement !

— Même tactique que la dernière fois, entama l'aîné qui, comme la plupart du temps, avait reçu le commandement de leur formation. On reste en position rapprochée jusqu'à ce qu'ils nous prennent en contact radar et puis on éclate dans toutes les directions, OK ?

— Tu ne crois pas qu'ils vont s'y attendre ? rétorqua la fille.

— N'oublie pas que nous venons de nous absenter durant cinq longues années... Ils ont dû être confrontés à bien d'autres patrouilles depuis lors. Je suis certain qu'ils ont oublié les détails de notre dernier combat !

— OK, c'est toi l'ancien, répliqua-t-elle ironiquement en souriant.

La différence d'âge et d'expérience qui les séparait à leur arrivée sur la frégate s'était bien estompée à présent.

— Clair Éther aux Bleus ! s'exclamèrent-ils en chœur, instinctivement, comme animés par une étrange force télépathique qui semblait les unir...

Ils sortirent de leur vestiaire, gonflés à bloc par l'esprit d'équipe inébranlable qui les unissait. Un long couloir les mena vers la salle de simulation, où vingt-quatre sphères étaient alignées en deux rangées de douze se faisant face.

Les Blancs avaient pris place dans les leurs. Ils devaient s'y être installés depuis quelque temps déjà. Ils observaient leurs adversaires de façon arrogante, mais respectueuse, dans le silence le plus complet.

— Regardez-moi ces quatre statues... Elles semblent nous avoir attendus ici pendant cinq ans ! s'exclama l'indiscipliné de service.

— En tout cas, ils méritent bien leur indicatif, remarqua le quatrième. Ils sont aussi pâles que leurs casques, de vrais bonshommes de neige ! Venez, on s'installe, on va bien vite les faire fondre...

— ... en larmes, reprirent-ils à l'unisson, comme si leurs esprits n'avaient fait qu'un.

Dès qu'ils furent harnachés dans leurs sphères, faisant face à celles de leurs adversaires, les Bleus connectèrent leurs implants frontaux au simulateur virtuel central. L'environnement de la salle fit alors place, dans leurs esprits, au décor familier des tubes de lancement.

— Blanc 1, prêt au catapultage, s'exclama le leader de la formation adverse, sans plus attendre un seul instant.

— Blanc 2.

— Blanc 3.

— Blanc 4.

Les Bleus firent rapidement de même. Ils furent éjectés, peu après leurs adversaires, dans l'espace intersidéral vide et sombre.