10. Soupçons

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  Je triture du bout de ma fourchette la ratatouille qu'a préparé ma mère. Elle s'est donnée du mal pour notre repas de famille, c'est la première fois depuis deux semaines que Papa repose un pied à la maison. C'est drôle de le voir si peu à l'aise dans sa propre maison, lui et Maman ne se sont pas encore disputés et étonnement ils sont même plutôt normal l'un envers l'autre ce qui je suppose est un bon point.

- Tu n'aimes pas ?

  Je lève les yeux vers ma mère qui me couve du regard attendant ma réponse.

- J'ai pas très faim, désolée.

  Elle me fait un sourire compréhensif avant de retourner dans la cuisine chercher de l'eau.

- Alors Abby ça se passe bien au lycée ?

  Je hausse un sourcil face à la question de mon père, c'est plutôt le genre de question que me poserait un grand oncle éloigné de la famille que je ne connaitrais pas bien, pas celle qu'un père pose à sa fille. J'en fait outre et me contente de répondre.

- Ça peut aller. J'ai un peu de mal en français.

  Mon père acquiesce en me disant de rien lâcher, il ne peut rien me proposer d'autre étant donner qu'il n'est jamais allé jusqu'en première, alors le lycée et ses matières c'est pas vraiment son fort.

- Damien, tu pourrais peut-être lui donner un petit coup de main, non ?

  J'esquisse une grimace tandis que Damien suspend sa fourchette pleine dans les airs.

- Papa, ch'étais en lycée pro, rappelle-t-il la bouche pleine, j'y comprends rien à son truc de figures de style et son Spleen.

  Si je n'avais pas le moral aussi bas je me moquerais de lui en le félicitant de connaître le mot Spleen mais le cœur n'y est pas. Je pense trop à Millie dans sa chambre d'hôpital pour avoir le cœur à la rigolade. Seule la famille proche est autorisée aujourd'hui.

Ma mère revient de la cuisine et nous finissons de manger en silence, seul le bruit des fourchettes contre l'assiette anime le salon.

A la fin du repas, nos parents se regardent et d'un commun accord décident de prendre la parole.

- Les enfants, si on vous a réuni c'est pour vous parler de quelque chose d'important.

  Damien et moi échangeons un regard intrigué, les repas de famille ne sont pas habituels chez nous, la dernière fois où nos parents avaient une nouvelle à nous annoncer c'est quand mon père s'était fait licencier, la fois d'avant c'était pour nous annoncer qu'on partait à la mer, on avait huit et onze ans.

- On va divorcer.

  Je m'étouffe avec mon verre d'eau tandis que Damien me tape maladroitement dans le dos.

- Quoi ? C'est pas possible. M'alarmais-je une fois en état de parler. Vous commencez tout juste à vous reparlez, vous pouvez pas faire ça. Qu'est-ce qu'on va devenir ?

  Mon père garde la tête baissée, décidément cette décision ne vient pas de lui, tandis que ma mère me couve de son regard. Je me détourne d'elle, j'ai pas besoin de sa pitié.

- Je vais dans ma chambre, j'ai des devoirs. Salut, Pa.

  Il fait nuit depuis un moment pourtant je me tourne et retourne dans mon lit, impossible de m'endormir. Les paroles de ma mère tournent en boucle, tu n'es plus une petite fille Abbygaël, tu peux comprendre ça. Ton père et moi nous aimons plus comme avant. Beaucoup d'enfants ont leurs parents séparés, c'est la vie.

Tombée du CielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant