Game On

Chapitre 6 : Cadis

NOLAN :

Nous sortîmes de la boîte, la musique diminuant petit à petit dans nos oreilles. Un silence prit place mais il ne nous dérangeait pas. C'était agréable. Les filles étaient devant, à l'exception de Nina qui était sur le dos de Robb. Elles se dirigeaient vers un petit recoin à côté d'un supermarché non loin de là, d'un pas assuré. Je savais qu'elles faisaient souvent ce genre de soirées entre elles.

June sortit son enceinte Bluetooth et mit une musique un peu trop électro pour mes goûts mais qui me convenait malgré tout.

- On va où ? s'enquit Garry.

- Dans notre coin, répondit Addison.

- Votre coin ?

La châtaine hocha la tête.

- C'est un endroit où on met toutes nos affaires de soirée. Alcools, skates, cadis...

- Cadis ?

Garry pouffa et je comprenais sa réaction. Pourquoi avaient-elles des cadis ? Addison ne répondit rien, et regarda June, Pearl et Charlotte se faufiler derrière le supermarché. Il fallut attendre quelques instants avant que les filles n'apparaissent de nouveau. Et à notre plus grand étonnement, Charlotte arriva dans un cadi que Sydney poussait, vite suivie de Pearl poussée par June. Les deux passagères des véhicules déclenchèrent une lacrymogène et furent lancées dans la pente que formaient la route, criant leur joie. De notre côté, en tant que garçon, nous avions encore du mal à comprendre ce qu'il se passait.

Mais en voyant Addison, Samantha et Nina courir après les cadis, nous abandonnâmes toute réflexion. En fait, il n'y avait rien à comprendre, juste à s'amuser. Addison sortit son téléphone et commença à faire des photos des deux femmes dans les cadis. Les véhicules tournoyaient sur eux-mêmes. Charlotte réussit à s'arrêter elle ne savait trop comment. Pearl, en revanche, se prit un mur de plein fouet. Le cadi amortit sa chute mais elle se renversa malgré tout sur le sol. Elle ne bougea pas un instant, un peu sonnée, puis se mit à exploser de rire.

Je savais que Pearl préférait ces soirées-là, en petit comité, par rapport aux sorties en boîte : elle se sentait bien plus libre. Elle pouvait se bourrer la gueule, être ridicule, se foutre de ce qu'elle essayait et où elle échouait. Elle pouvait partager ses souvenirs avec les personnes qu'elle voulait, ceux qu'elles choisissaient.

Et ce soir, elle m'avait choisie, moi, Nolan.

June et elle abandonnèrent le cadi détruit et mobilisèrent celui de Charlotte pour porter les bouteilles d'alcool qu'elles avaient récupérées dans leur repère. Des dizaines de bouteilles d'alcool, comme si nous allions tout boire ! Addison monta ensuite dans le véhicule et Garry entreprit de la pousser juste après que Robb ait piqué une vodka.

Nous participâmes tous à la soirée en enchaînant les conneries. Les filles, quand elles se sentirent toutes trop bourrées, retirèrent leurs talons pour marcher pieds nus. Addison enleva aussi ses chaussures pourtant plates, « en soutien » comme elle avait dit. Toutes avaient une bouteille à la main sauf Nina qui fauchait dans celle de Robb, en l'embrassant un peu trop langoureusement pour nous autres au passage. Nous étions tous un peu trop ivre pour parfaitement maîtriser ce que nous faisions, mais ce n'était pas important : nous avions l'âge de nous amuser.

J'étais de ceux qui buvaient le moins. Je collais Pearl qui, même bourrée, me résistait. Mais de toute façon, ça n'aurait pas été amusant de gagner si vite. Et puis, la soirée ne faisait que commencer.

Après plusieurs heures à déambuler dans les rues new-yorkaises, nous nous assîmes dans un petit espace près de voies ferrées. June avait voulu prendre des photos au milieu de ces dernières mais Pearl se chargea de la retenir en lui disant que c'était irresponsable. D'entre toutes, elle restait probablement celle qui tenait le mieux l'alcool.

Nous parlâmes de plein de choses. Je m'étais rarement autant amusé lors d'une soirée. Et cela, je le devais aux filles. Nous le devions aux filles. Je n'avais réfléchi à mes gestes une seule fois, j'étais simplement complètement libre. Et c'était cela d'avoir des amis. De vrais amis.

A six heures du matin, Pearl s'éloigna pour prendre un appel de son père. Pour lui, la journée commençait. Pour Pearl, la veille n'était pas encore terminée. Charlotte en profita pour me demander :

- C'était bien ta danse collée serré avec Pearl ?

- Très bien merci, et toi ta solitude ?

- Quelle solitude d'abord ? J'ai dansé avec une nana, mon dieu qu'elle était sexy !

Elle s'extasia devant ce souvenir et je ne pus que rire. C'était vrai, je l'avais vue. Malgré tout, je préférais ma « nana » à la sienne.

Pearl revint vers nous, toujours au téléphone.

- Oui je te l'ai déjà dit, j'ai bu mais je gère. ... Bien sûr que je m'en rappelle ! ... Nan Papa, je ne vais pas réciter ça... Bah parce que c'est ridicule et que je suis avec des amis. ... Oui il y a des garçons, je te l'ai déjà dit aussi.

Elle s'allongea sur le ventre en face de moi.

- Pour la énième fois, oui ! Va bosser maintenant, je t'aime.

Elle raccrocha, et se retourna sur le dos. Elle souffla, mais son sourire trahissait sa joie.

- Il voulait que tu dises quoi de si « ridicule » ? l'interrogea Charlotte.

- Les commandements de l'homme bourré.

Je la regardai en levant un sourcil interrogateur. Elle le remarqua et poursuivit :

- C'est une liste de choses à ne pas faire quand on est ivre. C'est un truc que mon père a mis en place quand j'avais seize ans, pour mes premières soirées, mais il continue de me les rabâcher.

- Et c'est quoi, ces dix commandements ? demandai-je.

- Alors déjà, premier hic, il n'y en a pas dix. Et sinon c'est « Nager, l'homme bourré ne sait pas. Marcher sur les rails, l'homme bourré ne doit pas. Aux garçons, la femme bourrée doit faire attention. L'alcool avec modération, l'homme bourré boira. Et responsable, ma puce tu seras. ».

Je souris. Son père avait l'air d'être un sacré numéro.

- C'est original, ricana Garry.

- Oui mais bon, autant sur ce genre de sujet il est mature, autant il n'a toujours pas appris à repasser à quasiment quarante ans ...

- C'est ta mère qui repasse ? demanda Samantha.

Un sourire naquit sur les lèvres de Pearl. Un sourire.... Nostalgique ? Était-ce un sujet sensible comme cela l'était chez moi ?

Je ne tardai pas à avoir la réponse.