Chapitre 2 : Gifle

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NOLAN :

Je crois que j'ai tout de suite compris que Pearl allait jouer un grand rôle dans ma vie. Je n'ai pas tout de suite voulu l'admettre, bien sûr : j'étais jeune et je tentais encore de me convaincre que j'étais fait pour la vie de célibataire, que j'aurais bien le temps de m'enfermer dans un couple une fois la trentaine passé.

Mais Pearl possédait une qualité, difficile à nommer, qui bousculait mes convictions. Je crois que c'est mon refus de voir la vérité en face qui m'a poussé à me comporter comme je l'ai fait avec elle.

Au deuxième jour de cours, j'arrivai au campus en moto, suivi de près par Robb et Garry que je retrouvais toujours sur le chemin. Nous nous dirigeâmes mécaniquement à l'arrière d'un des bâtiments de l'université. C'était l'ancien repère des sportifs. Robb et moi faisions partis de l'équipe de basketball lors de nos trois années de bachelors, nous avions donc l'habitude d'y aller. L'été dernière, NYU avait refait son gymnase, et les sportifs s'étaient trouvés un nouveau coin. Mais Robb et moi avions décidé d'arrêter le sport lors de notre master, alors nous avions gardé nos vieilles habitudes. Nos amis nous y avaient rejoints.

Les filles étaient déjà installées sur l'une des tables lorsque nous arrivâmes. Nous les saluèrent rapidement et je remarquai que Pearl manquait à l'appel. Il ne me fallut pas attendre longtemps avant de la voir arriver aux côtés de Steve. C'était la personne du groupe avec qui j'avais le moins d'affinité.

- Pourquoi vous arrivez ensemble ? demanda Nina des cœurs pleins les yeux.

- J'ai raté mon bus et je l'ai croisé, il m'a emmené, expliqua la brune en haussant les épaules.

- Tu sais que tu aurais pu prendre celui d'après ? continua sa cousine.

- Commence pas à te faire des films : j'avais la flemme d'attendre et Steve était là, c'est tout.

Elle s'assit calmement en face de moi et le brun se mit à côté d'elle. Tout le monde parlait plus ou moins dans son coin tandis que je fixais ma voisine d'en face. Elle ne tarda pas à le remarquer.

- Pourquoi tu me regardes ? demanda-t-elle.

- Comme ça, pour voir ta réaction, répondis-je.

Personne ne faisait attention à nous. Tant mieux.

- Et elle te plaît ?

- Plutôt ouais, tu vas bientôt tomber amoureuse de moi de ce que je vois.

- Oh ?

Elle mima une surprise à peine crédible.

- Et bien j'ai hâte de voir ça, dis donc.

La cloche de l'église voisine à l'université raisonna juste après cela, annonçant l'heure d'aller en cours. Pearl se leva en rompant notre contact visuel sans aucun ménagement.

La première classe de la journée était sport, un cours obligatoire. Même après trois ans à NYU, je n'en revenais toujours pas : on devait être la seule université avec des cours de sport obligatoires ! Contrairement aux sports universitaires, le cours était mixte. Dans la vingtaine d'élève avec qui je partageais le cours, j'en connaissais quatre : Nina, Pearl, Garry et Steve.

Pour commencer l'année, le professeur décida de nous faire faire du volley. Chaque année, j'espérai avoir droit au basket, mais j'étais toujours déçu. Tous les étudiants s'attelèrent à de petits exercices ou des matchs amicaux et le cours se passa avec la même lenteur à laquelle je m'étais habituée les trois années précédentes. Je faisais à peine semblant de m'investir, je pratiquai suffisamment de sport dans mon temps libre pour comprendre que cette classe n'avait aucun intérêt. Le seul divertissement auquel j'eus droit arriva quand Garry envoya malencontreusement un ballon dans le ventre de Pearl.

Sous le coup, la brune s'écroula au sol et Nina entreprit de venger sa cousine en frappant Garry autant qu'elle le pouvait. Mon pauvre ami n'eût même pas l'occasion de s'excuser. Je me dirigeai alors vers Pearl et lui proposai ma main pour l'aider à se relever. Elle l'accepta et me remercia.

- Pas la peine de me remercier, un baiser suffira, répondis-je avec le ton le plus enjôleur dont j'étais capable.

Elle n'apprécia cependant pas l'humour puisqu'elle m'adressa un regard noir.

- Tu devras te contenter d'un « merci », dit-elle avant de s'éloigner.

Sur le moment, je ne compris pas vraiment pourquoi elle se vexait, mais je n'y prêtai pas vraiment attention

La séance se termina trente interminables minutes plus tard. Je me changeais rapidement dans le vestiaire mais décidai d'attendre Pearl devant le sien. Nina sortit avant elle et rejoignit Garry devant le gymnase.

Quand la nouvelle étudiante de NYU sortit de l'antre des filles, je lui barrai immédiatement la route avec un bras sur le mur. Elle remonta lentement son regard vers mes yeux azurs et commenta froidement :

- Nolan.

- Je n'ai pas eu mon bisou, répondis-je.

- Je suis au courant.

- Je le veux.

- Et moi je ne veux pas te le donner.

- Bah on va devoir rester là longtemps alors parce que je ne partirai pas sans l'avoir eu.

- Laisse-moi passer, répondit-elle simplement.

- Je ne t'en empêche pas.

Nous savions tout deux que je mentais. Mais alors que je m'amusais de mon côté, elle s'énervait plutôt.

- Nolan, je ne me répéterai pas.

J'allai répondre quand une voix retentit dans notre dos :

- Il y a un problème ?

Steve. En me tournant pour lui faire face, je décollai mon bras du mur et Pearl s'empressa de me dépasser. Steve l'interrogea une nouvelle fois silencieusement et Pearl nia. Je répondis alors :

- Chasse gardée mon pote.

J'eus à peine le temps de respirer qu'une gifle s'écrasa contre ma joue. Je sentis le poids de la main de Pearl me brûler bien après qu'elle l'eût retiré, et l'entendit à peine me hurler :

- Garde tes putains réflexions misogynes pour toi, gros con.

Elle partit sans attendre et Steve la suivit. De mon côté, je restai un moment abasourdi par ce qu'il venait de se passer. Pearl venait-elle... de me gifler ? Pour une simple blague ?

Mais ce n'était pas une simple blague pour Pearl. C'était un énième geste déplacé, comme elle en subissait bien trop au quotidien en tant que femme. Je crois que cette gifle a été la première chose que Pearl m'a appris. Pour la première fois, on m'a forcé à me mettre à la place des choses, on m'a obligé à faire attention aux autres, à leur réalité et à leurs difficultés.

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