Chapitre 24

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Callum quitta le lit d'Esmée peu après que le beffroi eut sonné ses douze coups. La jeune femme dormait, son visage tourné vers la place qu'il occupait un peu plus tôt. Ils avaient passés deux jours à tenter d'oublier ce qui allait avoir lieu cette nuit, deux jours à se blesser mutuellement, lui qui rêvait d'être dans les bras d'un autre et elle qui savait qu'il ne l'aimait comme, elle, elle l'aimait.

Il s'habilla le plus silencieusement possible pour ne pas la réveiller.

— Callum, l'appela-t-elle alors qu'il s'apprêtait à sortir de la chambre.

Il se figea, se sentant légèrement coupable d'avoir voulu se sauver sans lui dire au revoir, comme un voleur.

— Oui, dit-il en se retournant.

— S'il te plaît, promets-moi que tu reviendras en vie. Je me fiche que tu ne m'aimes pas et que tu ne m'aimerais sans doute jamais, je veux te savoir en sécurité.

En voyant Esmée assise sur son lit, il songea qu'il pourrait être heureux avec elle. Ou du moins, quelque chose d'approchant. Si seulement, il arrivait à oublier Aidan. Non, il ne fallait pas qu'il pense à ça. Pas maintenant.

— Je ferais de mon mieux, dit-il en lui tournant le dos.

Edwane l'attendait en bas. À l'instar de Callum, il avait troqué son uniforme d'ombre pour une tenue passe-partout. Une pèlerine en laine grise dissimulait son équipement. Ainsi attifé, il ressemblait au commis de n'importe quel marchand de la capitale.

Au grand soulagement de Callum, le rouquin s'abstint de tout commentaire sur le temps qu'il avait passé avec la courtisane. À vrai dire, le jeune homme semblait inhabituellement tendu.

— Nerveux ? demanda Callum.

— Un peu, admit Edwane. Et toi ?

— Aussi.

Dehors, la pluie tombait, noyant la ville sous des trombes d'eau.

— Je n'aime pas ça, murmura Edwane.

— La pluie ? Ne me dis pas que tu crois aux mauvais présages ?

Pour toute réponse, Edwane se contenta de rabattre son capuchon, dissimulant son visage.

— Allons-y.

Callum lui emboîta le pas en silence. L'étrange comportement de son collègue l'angoissait. Pour une fois, il aurait aimé qu'Edwane lui sorte l'une de ces blagues dont il était coutumier, histoire de détendre l'atmosphère.

Le palais se dressait en haut du mont des rois, dominant le reste de la cité de sa silhouette massive. Callum et Edwane rejoignirent un groupe d'hommes qui les attendaient autour de chariots chargés de lourds tonneaux en bois en bas de la route escarpée qui menait à la porte nord. Le marchand, un gros bonhomme au crâne dégarni, transpirait la nervosité par tous les pores. L'assassin ignorait si Silus l'avait soudoyé, menacé ou les deux à la fois, mais le pauvre bougre ne paraissait pas à l'aise de se retrouver ainsi entouré de rats.

— Allons-y, lança Callum. Plus vite nous y serons, plus vite nous aurons fini.

Le commerçant acquiesça et le convoi se mit en branle.

Véritable place forte conçue pour résister à l'assaut d'une armée, la résidence des rois de Riglian était isolée du reste du monde par trois remparts. Tandis qu'ils remontaient la pente avec une lenteur exaspérante due au chariot que les rats peinaient à tracter, Callum se sentit comme écrasé par l'ombre de la première muraille. À l'époque où il vivait entre ses murs, il n'avait conscience d'à quel point ils paraissaient intimidants vu de l'extérieur. Il leva la tête, fixant le sommet de la colline. Là-haut, bien planqué à l'intérieur de la troisième et ultime enceinte, se trouvait le roi.

Le prince et l'assassin - tome 1 : les rats [ a l'arrêt]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant