Chapitre 2: Rohirrims

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Dans la soirée, les compagnons s'arrêtèrent un temps pour se restaurer et se reposer.

— Nous n'allons pas faire demi-tour ici. Dit soudain Aragorn. Je suis pourtant las.

Il tourna la tête pour contempler le chemin par lequel ils étaient venus vers la nuit qui s'assemblait à l'Est. Ses yeux fatigués se fermaient tous seuls et il soupira.

— Quelque chose d'étrange est à l'œuvre dans ce pays. Reprit-il avec une voix douce. Je me méfie du silence. Je me méfie même de la Lune pâle. Les étoiles sont faibles, et je suis fatigué comme je l'ai rarement été, fatigué comme aucun Rôdeur ne devrait l'être avec une piste claire à suivre. Il y a ici quelque volonté qui donne la rapidité à nos ennemis et nous oppose une barrière invisible : une fatigue dans le cœur plutôt que dans les membres

— C'est vrai ! Dit Legolas. Cela, je l'ai su dès le moment où nous sommes descendus de l'Emyn Muil. Car la volonté n'est pas derrière, mais devant nous.

Il désigna, au-delà du pays de Rohan, l'Ouest obscur sous le croissant de la lune.

— Saroumane ! Murmura Elenwë. Mais il ne nous fera pas faire demi-tour ! Il nous faut nous arrêter encore une fois, car, voyez ! Même la Lune s'enfonce dans les nuages. Mais c'est vers le nord, entre les hauts et les marécages, que sera notre route, quand reviendra le jour.

Quelques heures durant, nos compagnons se reposèrent, dormant d'un sommeil léger et agité, à l'affut de quelque danger pouvant venir de l'extérieur.

Comme auparavant, Legolas et Elenwë furent les premiers sur pied, même s'ils avaient dormi.

— Debout ! Cria Legolas. C'est une aube rouge. D'étranges choses nous attendent à l'approche de la forêt. Bonnes ou mauvaises, je l'ignore, mais on nous appelle. Debout !

Les autres se levèrent, Gimli ronchonnant juste pour la forme.

— Ah.. Je n'en peux plus de courir ! Mes jambes sont fatiguées ! Pensez-vous à moi alors que du haut de vos grandes tailles ne faîtes que deux pas quand j'en fais sept ?! Misère.. Les Nains ne sont pas une race accoutumée à la course ! 

Elenwë esquissa un sourire et ils reprirent leur course effrénée.

Vers le milieu de la matinée, Legolas qui regardait au nord s'exclama :

— Des cavaliers ! Des cavaliers nombreux montés sur des coursiers rapides viennent vers nous !

— Oui, reprit Elenwë, observant à son tour. Il y en a cent cinq. Ils ont les cheveux blonds, et brillantes sont leurs lances. Leur chef est très grand !

Aragorn sourit.

— Perçants sont les yeux des Elfes, dit-il.

— Non ! Les cavaliers sont à moins de cinq lieues, dit Legolas.

— Que ce soit cinq lieues ou une, dit Gimli, nous ne pouvons leur échapper dans ce terrain nu. Allons-nous les attendre ici ou poursuivre notre route ?

— Nous attendrons, dit Aragorn. Je suis fatigué, et notre poursuite a échoué. Ou du moins d'autres nous ont-ils précédés, car ces cavaliers reviennent sur la piste des Orques. Peut-être recevrons-nous d'eux des nouvelles.

— Ou des lances, dit Gimli dans sa barbe.

— Il y a trois selles vides, mais je ne vois pas de Hobbits, dit Legolas.

— Je n'ai pas dit que nous recevrions de bonnes nouvelles, dit Aragorn. Mais, mauvaises ou bonnes, nous les attendrons ici.

Le groupe de cavaliers s'approchait peu à peu et les compagnons eux, s'étaient arrêtés, heureux de pouvoir se reposer..

— Ils arrivent ! Dit soudain Elenwë après un moment.

La troupe de cavalerie passa, superbe, non loin du rocher derrière lequel ils s'étaient réfugiés.

Aragorn s'élança hors de leur cache et dit d'une voix forte:

— Quelles nouvelles, cavaliers du Rohan ?!

Bien vite, les cavaliers se rassemblèrent et formèrent une triple rangée autour des quatre compagnons, en tournant autour d'eux.

Ils sortirent leurs lances et l'un des cavaliers descendit de sa monture.

— Qui êtes-vous et que faites-vous dans ce pays? Dit le Cavalier, usant du Langage Ordinaire de l'Ouest, semblable à celui de Boromir, Homme de Gondor.

— On m'appelle Grands-Pas, répondit Aragorn. Je viens du Nord. Je chasse des Orques.

Tendant sa lance à un autre qui s'était avancé et qui avait mis pied à terre à côté de lui, il tira son épée et se tint face à face avec Aragorn, l'examinant attentivement et non sans étonnement.
Il finit par parler de nouveau.

— J'ai cru tout d'abord que vous étiez vous-mêmes des Orques, dit-il, mais je vois à présent qu'il n'en est pas ainsi. En vérité, vous ne connaissez pas grand chose des Orques pour les chasser de cette façon. Ils étaient rapides et bien armés, et ils étaient nombreux. Si jamais vous les aviez rejoints, vous n'auriez pas tardé à devenir, de chasseurs, proie. Mais il y a quelque chose d'étrange en vous, Grands-Pas.

II fixa encore sur le Rôdeur ses yeux brillants et clairs.

— Ce n'est pas un nom d'Homme que vous donnez. Et votre habillement est curieux. Auriez-vous surgi de l'herbe ? Comment avez-vous échappé à notre vue ? Seriez-vous des Elfes ?

— Non, dit Aragorn. Deux seuls d'entre nous sont des Elfes, Legolas du Royaume sylvestre dans la lointaine Forêt Noire et Elenwë, fille d'Elrond seigneur de Fondcombe. Mais nous avons passé par la Lothlorien, et les présents et la faveur de la Dame nous accompagnent.

Le Cavalier les regarda avec un étonnement renouvelé, mais ses yeux se durcirent.

— Il y a donc une Dame dans la Forêt d'Or, comme on le voit dans les anciens contes ! Dit-il. Peu nombreux sont ceux qui échappent à ses filets, dit-on. Nous vivons en d'étranges temps ! Mais si vous jouissez de sa faveur, peut-être êtes-vous aussi des tisseurs de filets et des sorciers ?

Il tourna soudain un regard froid sur Legolas, Elenwë et sur Gimli.

— Pourquoi ne parlez-vous pas, vous autres muets ? Demanda t-il.

Gimli se leva et se campa fermement sur ses pieds écartés, sa main se crispa sur le manche de sa hache et ses yeux sombres étincelèrent:

— Donnez-moi votre nom, dresseur de chevaux, je vous donnerai le mien, et autre chose avec. Dit-il.

— Quant à cela, dit le Cavalier, braquant de haut ses yeux sur le Nain, c'est à l'étranger à se déclarer le premier. Je vous dirai néanmoins que je me nomme Eomer fils d'Eomund, et qu'on m'appelle le Troisième Maréchal de Riddermark.

— Eh bien, Eomer fils d'Eomund, Troisième Maréchal de Riddermark, permettez que Gimli, fils du Nain Gloïn, vous mette en garde contre vos sottes paroles. Vous parlez en mal de ce qui est d'une beauté qui dépasse vos capacités de pensée, et seul peut vous excuser votre peu de sagesse.

Les yeux d'Eomer s'enflammèrent, les Hommes de Rohan eurent des murmures de colère, et leur cercle se resserra, lances pointées.

— Je vous couperais la tête avec la barbe et le heaume Maître Nain, pour peu qu'elle fût un peu plus loin du sol. Dit Eomer.

— Il n'est pas seul, dit Legolas, bandant son arc et encochant une flèche d'un tour de main plus rapide que la vue. Vous seriez mort avant que votre coup ne tombe.

Elenwë avait dégainé rapidement Ant Estel, le regard flamboyant de colère.

— Touchez à un seul de mes amis et il vous en coûtera, Eomer fils d'Eomund.

Eomer brandit son épée, et les choses auraient pu mal tourner si Aragorn ne s'était précipité entre eux, main levée.

— Pardonnez-nous, Eomer ! S'écria t-il. Quand vous en saurez plus, vous comprendrez pourquoi vous avez irrité mes compagnons. Nous ne voulons aucun mal au Rohan, ni à aucun de ses habitants, hommes ou chevaux. Ne voulez-vous pas entendre notre histoire avant de frapper ?

La fille de la Lune Tome IIWhere stories live. Discover now