Acte 5 - La soirée (2)

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Nous entrons dans la pièce. Les gens sont encore plus déchaînés qu'à l'extérieur. Je revois Capucine, visiblement éméchée, en pleine partie d'action ou vérité avec ses stupides amies, et d'autres visages que je ne reconnais pas. Aaron pose sa main sur l'épaule de Sophia, avant de s'exclamer :

- Je m'absente deux minutes, j'ai des affaires à régler.

Il se dirige vers la fond de la pièce, où je distingue, noyée dans la pénombre, la silhouette de Pierre, adossé contre un mur. Les bras croisés, il semble furieux. Mon coeur s'accélère. Sans réfléchir, je fais un pas dans sa direction, avant d'être interrompue par Sophia.

- Laurie, et si on jouait avec eux ?

- Oh, vas-y toi, je préfère m'abstenir.

Elle hoche la tête et prend place sur l'un des fauteuil. Je ne souhaite pas m'adonner à ses jeux futiles. Heureusement, contrairement à ses adolescents barbares, mon temps doit être utilisé à bon escient, pour me préparer à succéder à mon père. J'ai appris d'importantes leçons, comme ignorer les problèmes de la classe moyenne, mais surtout, de la classe populaire. Mais j'ai aussi acquis des compétences plus ciblées, comme l'art de mettre au gouvernement des hommes au passé douteux, accusés de viol, par exemple !

Il faut aussi savoir se sacrifier, soi-même, ou les membres de notre famille. Comme quand mon père m'a mariée pour sauver la patrie à un homme que je ne connais pas sans me demander mon avis. Au début, cette décision m'a parut un petit peu exagérée, mais aujourd'hui je comprends totalement : un vrai homme politique doit être près à tout pour conserver son pouvoir (et assurer la prospérité de son pays).

- Sophia, c'est ton tour ! Action ou vérité ?

Le son de la voix insupportable de Capucine me tire de mes pensées.

- Euh, vérité ! répondit l'intéressée.

- A qui tu roulerais bien une pelle dans cette salle ?

Sophia regarde à sa droite, puis à sa gauche, avant de soupirer, s'exclamant :

- Franchement ? Personne. Vous êtes tous claqués au sol.

Capucine s'esclaffe, mais je vois bien que son rire est hypocrite. Une fille superficielle comme elle ne peut qu'être vexée par cette remarque. Pas moi. Après tout, je sais que mon physique est on ne peut plus banal, contrairement à Sophia qui elle, si elle avait été un peu plus grande, aurait facilement pu faire carrière dans le mannequinat. Mais bien sûr, elle est bien trop intelligente pour ça. Son sourire artificiel aux lèvres, Capucine reprend :

- Bon ! C'est à moi ! Donnez-moi une action !

Deux de ses amies se concertent en chuchotant pendant quelques secondes. Enfin, l'une d'elle lance, avec une expression pleine de malice :

- Va pécho Pierre.

Je retiens mon souffle. Elle ne va pas le faire, si ? Je vois que je ne suis pas la seule à être décontenancée. Les autres filles gloussent légèrement, visiblement mal à l'aise. Capucine se lève, confiante.

- Vous me connaissez les filles, dit-elle, leur lançant un clin d'oeil. Je ne décline jamais un pari.

Elle replace une mèche derrière son oreille et s'avance vers Pierre avec un grand sourire. Je trouve sa démarche beaucoup trop exagérée. Est-elle vraiment sur le point de l'embrasser ? Je ne le crois pas... Enfin, je n'espère pas... Mais à mon grand désarroi, sans aucune hésitation, elle lui donne un baiser. Pierre, d'abord surpris, entoure sa taille de ses bras, lui rendant son étreinte.

Mariée de force à un gilet jauneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant