Chapitre 6 : Ecrire son histoire*

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Secouant la tête pour éloigner toute pensée parasite, Lina leva la main pour activer sa radio. Un grognement s'échappa d'entre ses lèvres lorsque ses blessures se rappelèrent à son bon souvenir, mais rien de très préoccupant, se disait-elle : tout au plus elle boiterait au retour, et elle avait un jour de repos. Une fois la sanctification accomplie, elle pourrait rentrer et s'allonger dans son lit. Voire manger la pièce de viande dont elle avait senti l'odeur ce matin en sortant de sa tente. De quoi la faire saliver... Et même si la plupart des wakéliens n'étaient pas pour l'idée de manger de la viande rouge au petit déjeuner, Lina n'allait certainement pas cracher sur une entrecôte maintenant.

Deux doigts sur le bouton de communication, elle attendit que chaque prêtre se soit accordé à sa fréquence, avant de lancer :

« Tout le monde est prêt ? »

Une nuée de murmures affirmatifs lui répondit, et Lina laissa le bouton enfoncé, prête à dire la première formule. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Il était temps de s'y mettre.

Elle écarta grand les bras et se mit à réciter une très ancienne formule en Wattpadien ancien, qu'elle entendit bientôt reprise par des dizaines d'autres voix entonnant à l'unisson l'incantation ancestrale. Une lumière ne tarda pas à émaner de son pendentif et de son bâton de prière, avant de se répandre sur son corps entier à travers le tissu léger de sa robe. Lina sentit ses poils se hérisser sous la caresse de la lumière, et écarta encore davantage les bras pour laisser la magie sortir. Bientôt, seul son dos qui se mettait à la brûler la distrayait du bien-être qui lui procurait la magie créationniste, la forçant à se recentrer sur l'incantation. Au bout de quelques minutes de récitation ininterrompue, cependant, Lina sentit qu'elle avait achevé sa part, et laissa la magie se mobiliser sans elle alors qu'elle ouvrait les yeux.

La ville était recouverte d'une intense lumière blanche, qui se réverbérait sur les visages des prêtres et soulignait leurs expressions allant de la concentration à la pure extase. Quelques corbeaux surpris par la concentration de magie inhabituelle tournaient dans le ciel autour des bâtiments, en attendant de se poser. Sinon, il n'y avait plus âme qui vivait dans les environs : Lina n'entendait pas le moindre animal, et elle ne sentait aucune présence dans la ville. Sans doute les quelques habitants avaient fui les lieux en apprenant qu'ils allaient être sanctifiés. Peu importait. La magie ne fauchait que les clichés. N'importe quel autre habitant ne serait pas affecté.

Il fallut un peu de temps avant que la lumière ne disparaisse, laissant derrière elle une ville intacte, avec peut-être des pierres qui semblaient moins souillées. Lina baissa les bras, rapidement suivie par les prêtres aux alentours, et éteignit sa radio. De toute façon, le rituel l'avait fait dysfonctionner. Elle était au bord de l'évanouissement, ses blessures hurlaient leur désaccord et le bas de son dos lui paraissait envahi par les flammes. Le rituel l'avait entièrement vidée, et la seule chose qui lui faisait envie, désormais, c'était une douche et une bonne assiette de viande.

Attrapant une serviette que lui tendait un obligeant soldat non loin, la jeune femme s'essuya le front, ébouriffant ses mèches rebelles et plaquant trois épis égarés sur sa tête. Épis qui ne tinrent pas très longtemps plaqués sur son crâne, et rebiquèrent aussitôt la serviette dans les mains du soldat. Constatant le piètre effet de ses tentatives, elle grogna, avant de tirer sur ses insupportables mèches dans une nouvelle tentative de les faire se tenir tranquille. Double échec : non seulement les épis maintenaient leur position, mais en plus maintenant ses muscles récalcitrants lui hurlaient leur douleur. Un juron s'échappa de ses lèvres, ce qui lui attira l'attention des autres prêtres scandalisés d'entendre pareille vulgarité dans la bouche de leur Cardinale ; mais Lina, fatiguée, n'en avait rien à faire de ce que pouvaient penser ses subordonnés, et pensait surtout à maudire ses fibres musculaires.

Le Feu Et La CendreWhere stories live. Discover now