Chapitre 3. La descendante d'Isis

95 9 21
                                    

Depuis une demi-heure, Widelène passait en revue ses dernières tenues. La jeune fille voulait être sûre de ne rien oublier. En un coup de fil, elle venait de planifier le séjour qu'elle allait passer chez Jessica sa meilleure amie, histoire de profiter pleinement de ses dernières semaines de vacances. Cela n'était qu'un prétexte. En fait, la jouvencelle avait un rendez-vous important à neuf heures précises du soir, ce week-end. C'était là l'excuse parfaite pour laisser le nid familial.

En contemplant son reflet dans le miroir, comme chaque jour, elle se redécouvrait. Elle se sentait femme voilà le mot. Elle se demandait comment elle a pu rester pendant si longtemps scotchée à ces histoires de princesses attendant (telle une assemblée avare de révélations dites divines) le prince charmant qui leur ferait connaître le grand amour. Elle regrettait d'avoir compris si tard que les bonnes fées marraines et tout ce qui va avec ne sont pas de son monde.

Ses parents n'étaient pas les plus friqués du pays. Ils faisaient partie de ceux qui avaient des kontak. Ce qui leur permettait de pourvoir à tous ses besoins. À l'école, elle était celle qui se faisait toujours remarquer. Est-il possible de passer inaperçu quand l'argent nous sourit dans ce pays?

Tout ce luxe n'empêchait guère aux rares garçons qui lui plaisaient de la qualifier de gamine. Ils avaient le don de l’exaspérer avec le fameux surnom qu'ils lui avaient inventé “Widelène la pucelle". Elle avait marre qu'on se mette à se moquer d'elle dès qu'elle posait le pied dans l'enceinte de l'établissement parce qu'elle était toujours accompagnée de sa mère qui y musardait jusqu'au son de la cloche pour s'assurer que sa fille rentre bien en classe. Quelques fois, elle considérait ces railleries comme une preuve d'une jalousie mais rien n'y fit. Elle voulait changer.

Ce fut lors d'une journée récréative dans son école que l'idée d'une double vie germa dans son esprit. Une journée orchestrée par la terminale où les élèves avaient le loisir de troquer leurs uniformes contre une tenue décontractée n'était pas de refus ! Elle se souvient encore du grand damne des élèves et professeurs à porter leurs yeux autre part qu'au niveau de son postérieur. En un rien de temps, elle était devenue : Widelène la fille de la rhétorique ou la digne descendante d'Isis...

De tous ses atouts, son regard est celui qu'elle affectionnait le plus. Elle prenait d'ailleurs le soin de le mettre en valeur dès que l'occasion se présentait. Perçant, d'un noir profond, il donnait l'impression qu'elle pouvait discerner les moindres pensées d'une personne. Il allait de paire avec son sourire d'ange qui ferait flancher même le prince des démons.

Son sac fait, elle alla dire au revoir à sa mère. Cette dernière lui intima l'ordre de l'appeler in presto dès qu'elle arriverait chez son amie d'enfance. Widelène alla rejoindre son chauffeur qui s'empressa de la conduire à destination.

Wilda, la mère de Widelène, ne lui avait permis qu'une seule amitié. Celle qu'elle entretenait avec Jessica, Qu’elle considérait comme sa seconde progéniture depuis la mort tragique de la mère de cette dernière car la défunte et elle étaient de très bonnes amies et anciennes camarades de classe de surcroît.

Chez Jessica pourtant, le tout est permis faisait la loi. Depuis le décès de sa femme, son père, un homme très occupé, ne trouvait jamais assez de temps pour en consacrer à sa fille. Plus de peur que de mal, cela leur avait permis, dès la fermeture des classes, de
monter FinDme. Un site de rencontre ou plutôt un réseau de prostitution s'il faut nommer la chose par son nom. Le dit réseau visait une catégorie bien particulière : des descendants de Mars, entre vingt-six et quarante ans. Le concept était simple, l'utilisateur payait une partie de la somme fixée via sa carte de débit en échange d'un strip-tease partiel puis donnait le montant restant après la rencontre.

Elles n'étaient que deux, Jessica songeait à entreprendre les démarches en vue d'accroître le nombre de vendeuses. N'allez surtout pas croire que la jeune entreprise ne leur rapportait pas! Plutôt timide dans ses débuts, vers mi-juillet la clientèle était nombreuse tantôt un avocat, un P.-D.G, un fils de bourge plaçait sa commande même ceux de pouvoir s'y mettaient. Les co-entrepreneures se virent bientôt dans l'obligation d’étendre la limite d'âge pour le plus grand bonheur des clients.

Widelène ne saurait décrire les sentiments qui l'animaient dans pareils instants. Voyez-vous ? Ceux d'être désirée, d'avoir tout un troupeau de mâles à ses pieds prêts à payer le plus cher pour froisser ses draps. Elle, la petite fille coincée d'antan.

Ne jamais avoir des agendas identiques. C'était la règle d'or sur laquelle les partenaires s'étaient mises d'accord en vue de pouvoir agir à couvert. Lorsque l'une d'entre elles était prise, l'autre avait pour devoir de la couvrir.

Il était trois heures quand Jessica aidait son acolyte à se préparer. Après avoir pris des forces et un bon supplément de vitamines. Ce fut un “aprèm-spa”. Tout y passa: l'épilation, la manucure-pédicure, la coiffure, le maquillage etc... Widelène enfila par-dessus sa lingerie la robe moulante bordeaux qu'elles avaient assortie à sa pochette et sa paire de chaussures beiges. Elle recouvra ses lèvres pulpeuses d'un rouge à lèvres nude mat qu'elle mit ensuite dans sa pochette suivi de son portable, un peu d'argent (pour faire bonne figure) et du fameux latex. En ajoutant ses bijoux pour compléter son look, elle ne se reconnut plus.

À Jessica qui s'exclama : “ Miss Jolimont, tu es superbe!”

Elle répondit : “ Merci Jess. Combien de fois dois-je te dire de m'appeler Leyna?!”

“C'est noté!”

Le temps de se préparer pour l'avènement il était déjà neuf heures moins le quart. Jessica s'empressa donc de la conduire à la rue où elle devrait être attendue. Elles arrivèrent pile à l'heure. Leyna (l'alter ego de Widelène) descendit de la voiture de son amie et se dirigea vers celle du client. Remarque à faire : ces derniers n'avaient jamais une seconde de retard. Tant qu'ils étaient pressés de la rejoindre. Cette pensée la fit sourire. Sourire qui s'agrandit quand elle vit l'élu du soir descendre de sa luxueuse voiture et lui ouvrir galamment la portière.

Une fois à l'intérieur, il fit un peu de lumière et c'est alors qu'il put contempler la beauté de la négresse.

"Si j'avais su que pareille beauté était de ce monde, je me ferais Dieu afin de m’octroyer le luxe de ne point te confier aux piètres créatures d’ici-bas. Bonsoir Milady, appelle-moi Eduardo."

C'était la carte d'accès au banquet charnel. Encore une fois, elle ne put s'empêcher de se dire:
"Ann al pot ti pla men sa a sou do nou."

*  *  *  *  *  *  *  *  *  *
Auteure: Dona-Khassy2

○○○○○○○○○○
Personnage principale : Widelène Jolimont.

Personnages secondaires :

Jessica, amie et complice de
Widelène.

Wilda Jolimont, mère de Widelène.

Anndan LakayWhere stories live. Discover now