1| le temps d'un monologue

En başından başla
                                    

Elle n'a pas cette chance d'habiter les quartiers chics de la capitale. Les duplex huppés surplombés de balcons, offrant une vue sur les monuments de Paris, sont bien loin du maigre budget possédé par sa génitrice. Malgré ses nombreuses heures supplémentaires en tant que femme de ménage, le salaire qu'elle obtient ne couvre pas la totalité de leurs dépenses et Clara doit y contribuer en travaillant l'été et le reste de l'année. Des petits boulots qu'elle enchaîne juste dans l'espoir de pouvoir continuer les cours de théâtre l'année suivante ou de pouvoir se faire une petite folie dans un magasin de vêtements. Vendeuse, serveuse dans un café, baby-sitter, caissière, l'adolescente s'en fiche du moment qu'elle peut toucher un petit quelque chose à la fin à rajouter dans sa tirelire d'économies.

La blonde envie tous ces jeunes qui possèdent un appartement épuré, soigné, où ils se sentent réellement chez eux. Ce petit cocon, dont Clara aimerait tellement pouvoir profiter elle aussi. Mais la jeune fille sait qu'elle n'a pas le choix. Sa mère compte sur elle. Et tant que cette dernière aura besoin d'elle à ses côtés, l'adolescente ne peut s'autoriser à rêver d'indépendance.

L'obscurité enveloppe désormais la quasi-totalité de la rue. En ce début du mois de septembre, la soirée est plutôt fraîche et Clara frissonne à travers sa veste en jean. En poussant un soupir, elle ouvre la porte de l'immeuble puis s'engage dans le couloir. L'ascenseur étant en travaux les trois quarts de l'année et hors-service ou trop encombré le restant, elle n'a pas d'autre choix que d'emprunter les escaliers. Depuis le temps qu'elle et sa génitrice vivent dans ce logement, l'adolescente s'est habituée à grimper ces cinq étages reliant la porte d'entrée à leur appartement. Gravissant les marches quatre à quatre, elle arrive bientôt à hauteur de leur couloir.

Clara essuie ensuite ses converses noires usées sur le petit paillasson élimé où s'étalent les mots «home, sweet home». L'adolescente se rappelle lorsqu'elle avait eu assez d'argent personnel pour s'acheter cette paire de chaussures. Sa mère l'avait déposé au magasin et l'avait attendue tandis qu'elle arpentait les rayons de boîtes en carton. Son regard s'était posé sur cette paire. Leur couleur aurait pu paraître banale mais Clara était tombée sous le charme. Depuis, elles ne quittent jamais ses pieds, vivant chacun de ses mouvements avec elle. La semelle est loin d'être bien blanche et la toile noire commence à se râper un peu mais l'adolescente les aime toujours autant.

Elle insère la clé dans la serrure et pénètre dans leur domicile.

— Maman ? Je suis rentrée !

L'adolescente n'obtient aucune réponse, mis à part le brouhaha sonore qui résonne dans l'appartement. Sa mère doit sûrement s'être endormie sur le canapé en regardant son feuilleton. Refermant soigneusement la porte sans trop faire de bruits, Clara part en direction du salon. Comme elle l'avait deviné, sa génitrice s'y trouve, allongée sur le canapé. L'adolescente attrape la télécommande et éteint la télévision, faisant régner le silence dans leur lieu de vie, puis remonte une couverture sur les épaules amaigries de sa mère. Après avoir déposé un baiser sur son front, la blonde ramasse les débris de bouteilles en verre jonchés sur le sol. Les larmes lui montent aux yeux mais Clara les essuie d'un coup sec et nerveux et ravale sa mélancolie. Elle n'a ni le temps ni l'énergie de pleurer.

Cela fait bien longtemps qu'elle a renoncé à porter sa mère jusque dans son lit lorsqu'elle celle-ci a trop bu. Comme souvent lorsqu'elle rentre de ses cours de théâtre, Clara se dirige vers la cuisine pour y dîner seule. Elle ouvre le frigo d'un mouvement presque machinal et trouve des restes de rôti froid et de pâtes dans une petite boîte en plastique hermétique. Elle fait réchauffer le tout au micro-ondes sans se soucier de réveiller sa mère. Vu la quantité d'alcool que son corps a ingurgité, le bruit de l'électroménager ne risque pas de la sortir de ses songes.

L'adolescente allume ensuite la radio et mange en silence. La voix féminine qui sort du poste grésille un peu, mais cela lui apporte tout de même un peu de compagnie et égaie sa soirée monotone tout en couvrant les ronflements naissants de sa génitrice. Elle redoute le jour où ce fidèle appareil rendra l'âme, la laissant seule dans son quotidien amer. Clara fait la grimace et tousse. Les aliments réchauffés lui brûlent l'œsophage. Elle déglutit péniblement tandis qu'un goût de bile lui monte à la bouche. La saveur fade de la viande sèche lui donne aussitôt la nausée. L'appétit coupé, l'adolescente repousse l'assiette d'un geste vif de la main et se lève pour faire la vaisselle.

Lorsqu'elle se permet enfin de souffler, il fait nuit noire dehors. Elle part dans sa chambre avec pour seule pensée de retrouver son lit douillet. Une fois que Clara a terminé de préparer ses affaires, elle ferme ses volets et se glisse sous les couettes. Au moment d'éteindre la lumière de sa lampe de chevet, son regard azur s'accroche sur une photo, encadrée sur sa table de nuit. Aussitôt, les larmes lui montent aux yeux et son cœur se serre. Le cliché représente une famille souriante, qui profite de la joie des vacances. Un couple, au regard amoureux, se tient debout derrière deux petites filles à la chevelure toutes deux dorées comme le soleil et au regard pétillant de malice et d'insouciance. Les yeux embués de larmes, la blonde se plonge dans le noir, cherchant à s'endormir. Les regards bleutés transperçants des petites filles habitent encore ses pensées, tandis qu'elle essaie de trouver difficilement le sommeil. Pas une journée ne passe sans que l'adolescente regrette ce temps où tout était encore si joyeux.

Coucou ♡

Ça y est, le premier chapitre de T'aimer En Vers est publié !

J'espère sincèrement qu'il vous a plu, et n'hésitez pas à me faire part de vos avis <3

Prenez soin de vous

— anaïs ♡

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