Chapitre 1

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Wendy Darling était appuyée contre la rambarde du port de Londres et regardait le navire de la Royal Navy accoster. C'était un jour nuageux ; elle avait le vent de face, qui mélangeait les odeurs à la fois de la mer et de la ville – pas le meilleur mélange qui soit. Autour d'elle, de nombreuses épouses, certaines avec leurs enfants serrés dans leurs bras, venaient accueillir leur mari de retour d'un mois passé en mer. Wendy sourit intérieurement ; elle n'attendait pas de mari, et heureusement !

Des silhouettes s'activaient à bord du navire, des ordres étaient lancés, les marins effectuant des gestes rompus par l'habitude. Wendy pouvait seulement imaginer les efforts conjugués pour manœuvrer un tel monstre. Avec sa ceinture blindée, dont une couche épaisse métallique, son armement à l'avant et à l'arrière, ainsi que ses nombreux canons sur le pont principal, ce navire de guerre lui faisait parfois froid dans le dos. Il n'évoquait pas le sentiment d'aventure et de liberté que l'on pouvait prêter à d'autres bateaux.

Une fois le navire immobilisé, les hommes vêtus de l'uniforme bleu de la Royal Navy descendirent à tour de rôle pour enlacer leur femme ; la même scène se répétait inlassablement au point que Wendy commençait à se demander si elle était la seule à venir voir un ami.

Enfin, elle aperçut Will. Impossible de le manquer, même avec sa barbe de quelques jours. Wendy se souvenait encore du temps où ils étaient enfants, insouciant, partageant leurs rêves avec la promesse de conserver leur amitié quoi qu'il en coûte.

Lui aussi la vit, et lorsqu'il la repéra, un léger sourire étira ses lèvres, comme s'il quittait enfin son rôle sérieux pour retrouver un peu de légèreté.

— Toujours présente au rendez-vous, miss, dit-il en s'inclinant.

— Toujours, sir.

Elle s'inclina à son tour puis ne put retenir un éclat de rire et l'embrassa chaleureusement. Presque aussitôt, Will leva un sourcil suspicieux.

— Quelque chose me dit que tu ne vas pas me laisser rentrer chez moi, n'est-ce pas ?

— Les bonnes choses n'attendent pas, répliqua Wendy. Et puis personne ne t'attend chez toi.

Ouch, merci du rappel.

C'était une boutade, bien entendu. Will était en âge de se marier, mais il n'était pas pressé de trouver une épouse, sans compter qu'il était assez... exigeant. Il cherchait une femme indépendante, passionnée, avec ses propres centres d'intérêt. Wendy aurait pu être la candidate idéale, mais leur relation était et resterait une belle amitié.

Will représentait beaucoup de choses pour Wendy. Elle pouvait lui faire confiance peu importe les circonstances et ils avaient de nombreux points communs. À commencer par l'escrime. Il était le seul avec qui elle n'avait pas besoin de cacher son enthousiasme pour une activité qui n'était pas toujours bien vu de la part d'une femme.

Ils marchèrent d'un bon pas pour remonter la Tamise et Will lui raconta les détails de son dernier séjour en mer. Le port était derrière eux, l'activité des rues reprenait : on apercevait des carriages tirés par des chevaux, des passants qui se pressaient en débauchant ou qui allaient faire quelques emplettes.

Ils passèrent Fleet Street, le quartier de la presse, puis le British Museum, et enfin Trafalgar Square, dont la statue de l'Amiral Nelson ornait la place, mort en vainquant Napoléon lors de la bataille éponyme de 1805. Wendy était encore jeune lorsqu'ils avaient célébré les cent ans de cette bataille.

En arrivant au local qui servait de salle d'escrime, Wendy brandit la clé qu'elle avait réussi à emprunter exceptionnellement au gérant.

— Tu as pensé à tout, s'esclaffa Will. Dois-je m'attendre à trouver des vêtements de prêt à ma taille ?

WendyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant