Chapitre 1: Une vie ?

13.6K 581 125
                                    

Clair de Lune de Debussy. Voilà la première chose que j'ai entendue. Mon père m'a dit avant en langage des signes, qu'il voulait me faire écouter le son le plus beau et le plus doux pour ma première fois.

Quand j'ai écouté les premières notes s'infiltrer dans mon conduit auditif et glisser lentement dans mon cerveau et que je compris que j'entendais, je me suis mise à pleurer. Toutes mes émotions refoulées jusqu'à ce jour, se sont déversées comme cette douce mélodie dans ma tête.

J'avais treize ans quand on m'a opéré. Aujourd'hui, j'ai un implant cochléaire.

Comment vous dire à quel point c'était difficile? Mes parents me couvraient d'amour et me protégeaient beaucoup à cause de mon handicape. Mais ils ne pouvaient faire cela qu'à la maison. Dans l'enceinte des établissements scolaires, ils ne pouvaient rien pour moi.

Quand je suis rentrée dans une école primaire, j'étais folle de joie. Je pourrais enfin jouer avec des enfants de mon âge, qui ne remarqueraient pas mon manque d'ouïe. J'étais trop naïve et trop innocente,  pour comprendre que l'enfer commencerait ce jour-là.

Les élèves ne m'ont jamais accepté. Mes géniteurs m'avaient fait rentrer dans une école normale où tous les enseignants pratiquaient le langage des signes. J'étais l'une des élèves les plus brillantes, car  mon seul passe-temps était les études. Je n'avais pas d'amis. Qui voudrait d'une sourde ? Je me le demande encore.

Je passai mes récréations seule sur un banc, à lire ou à faire mes exercices. Je n'ai jamais joué à la marelle, ni à l'épervier. Je voyais tous ces enfants rires et moi, je ne pouvais pas. Je n'ai pas vraiment eu d'enfance, j'ai dû grandir. Je me suis réfugiée dans la littérature. Heureusement, mes parents m'avaient appris à lire. Ça avait été laborieux mais après des années d'entraînements, nous avions réussi.

C'était dur pour moi d'être différente mais ça devait l'être aussi pour eux. Ils n'avaient pas eu la fille parfaite qu'ils avaient espéré. Avant, je ne m'étais jamais fait la réflexion, jusqu'en sixième. Une fille de ma classe m'avait envoyé un mot, qui disait que je devais être une honte pour mes parents. Depuis, j'y croyais.

Je suis devenu timide, solitaire. Je ne pouvais pas communiquer avec les autres, ni même les interpeller. Vous me direz que je peux quand même parler, mais quand vous n'avez jamais entendu de sons, comment faire pour le reproduire ? La voix, ne va pas sans l'audition. Je n'ai pas eu à ma naissance l'ouïe, mais j'ai perdu beaucoup d'autres choses après.

Durant tout le secondaire, j'étais le souffre douleur. Pourquoi ? Ma différence. Est-ce une raison valable ? Je crois que pour certains, oui. Je croyais que la diversité des personnes faisait leur richesse, il faut croire que je me suis encore trompé. Quand j'étais encore en grande section, j'avais le droit à des insultes. Internet c'est bien. Mais on peut trouver les gros mots en langage des signes. À cette époque-là, je ne comprenais pas la phrase « Un mot peut faire plus mal qu'un geste ». Les mots ne sont-ils pas des gestes ? J'oubliais des fois, que je n'étais pas « normal » pour eux. Mais savaient-ils ce qui était normal ? J'en doute fortement. Alors au collège, je me faisais tabasser. C'était amusant de faire du mal à une personne qui ne pouvait pas crier. C'était d'un courage extraordinaire. Les insultes continuaient bien évidemment, et les humiliations commençaient. Jusqu'aux jours, où je me suis vraiment renfermé sur moi-même. Je n'étais plus qu'un fantôme. Je ne mangeais plus au self. A quoi ça servait ? Manger seul, non merci.

Je ne me faisais pas remarquer. J'étais la plus forte dans toutes les matières. Je n'avais donc aucun commentaire. De plus, ma transparence se faisait aussi au niveau de mes vêtements. J'étais toujours habillé en sombre, je ne m'autorisais aucune fantaisie, même pas une robe.

Pendant un certain temps, j'avais espéré que mes professeurs m'aident. Ils n'ont jamais levé le petit doigt. Une fois, alors que je mettais pris des coups de poing, de pieds et que je gisais dans une flaque de mon propre sang, un enseignant était passé à côté de moi. Pas un mot. Pas un regard. Pas un geste. Rien. Depuis, j'ai une sorte de haine envers eux.

Je n'ai jamais dit à mes parents ce que j'endurais. Je souriais à longueur de journée, de peur de leur faire mal.


___________________________________________________________________________________

Note de l'auteur:

J'espère que cette nouvelle fiction, vous plaira :)

Bisous

La pianiste (relation prof/élève)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant