Chapitre 1: Mémoire

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« La mémoire des mots se perd, pas celle des émotions. »

Amin Maalouf

2020, France, dimanche 15 mars, Aix en Provence

J'ai mal à la tête, très mal. Aux jambes, aussi. Au cœur, aussi. Je vois tout blanc, j'entends des pas, je sens qu'on me touche, qu'on me lève la jambe puis la deuxième ce qui me fait un mal de chien. J'essaye de bouger, de parler, d'ouvrir les yeux. Je suis endormie mais consciente. Cette sensation est bizarre et je déteste être là sans l'être. C'est horrible. On claque la porte, je sens ma tête s'alourdir et bientôt je n'entends plus rien.

Quand je me « réveille », je sais qu'il n'y a personne dans la chambre, pas de bruit, un silence me renvoyant ma solitude en pleine face. J'ai encore très mal à la tête et aux jambes, mais je vois bien, je peux observer les murs blancs d'une chambre d'hôpital, je cherche quelque chose pour appeler mais je ne peux me redresser sans avoir le tournis alors je me rallonge et j'attends un médecin qui ne tarde pas à arriver.

-Bonjour, me dit-il en refermant la porte.

Je lui rétorque son bonjour et il s'approche de mon lit. Je le détaille sans vergogne, il a un regard bleu envoutant, il est plutôt fin et grand ce qui le rend charmant, il a une barbe épaisse et des cheveux châtains fins. Je le trouve beau dans son genre. Mais son regard qui me fixe alors que je suis moi-même en train de le regarder me déstabilise.

-Comment vous sentez vous ? me demande-t-il.

-J'ai mal partout, j'ai l'impression de mettre fait rouler dessus par une voiture.

-C'est un peu le cas, rigole-t-il mais reprend son sérieux automatiquement en me demandant :

-Je suis votre médecin, monsieur Adam Maurel, je vais vous ausculter. Comment vous appelez vous ? On n'a pas retrouvé vos papiers sur les lieux de l'accident.

L'accident ? Mon nom ? Il voit que mon nom est une énigme pour moi. Je n'ai aucuns souvenirs. Ma mémoire est comme vide. Alors pour masquer mon désarroi je demande :

-Quel accident ?

-Vous avez eu un accident de voiture, vous avez grillé un feu et la voiture qui elle passait au vert vous a foncé dedans. Vous vous êtes cassée deux côtes et vous avez eu un traumatisme crânien ce qui explique votre coma de deux jours.

Cela fait beaucoup d'informations à assimiler mais une question me dérange toujours autant : comment je m'appelle ?

-Vous n'avez aucune information sur moi, n'est-ce-pas ?

-Non aucune. On comptait sur vous pour nous aider mais j'ai l'impression que vous avez quelques problèmes de mémoires. On s'en doutait un peu mais on va refaire une autre IRM pour voir si tout va bien là-haut. Mais pour l'instant je vais regarder vos côtes et vos jambes.

Il s'approche de moi, prend une de mes deux jambes pour la lever et voir si j'ai mal, à la vue de ma grimace il repose de ma jambe et prend la deuxième en répétant la même opération, j'ai la même réaction. Ce qui a l'air de lui faire plaisir et c'est ce qu'il m'explique après :

-On avait quelques doutes concernant une paraplégie mais quand je vois votre réaction quand j'ai touché vos jambes ce n'est pas le cas.

Je souffle un bon coup, rassurée. Il touche mes côtes révélant ainsi un hématome sur mes côtes droites et une mini cicatrice au-dessus de mon nombril, elle a l'air beaucoup plus vieille que mon accident.

-Tout va bien à ce niveau-là, dit-il en se redressant, il reprend : comme on ne connaît pas votre identité et que l'on n'a pas retrouvé vos papiers, on n'a pu appeler personne de votre famille mais on a joint la police. J'espère pour vous qu'ils trouveront vite. Nous avons donc posé quelques affaires pour vous dans la salle de bain. En fait, j'avais oublié nous sommes le 15 mars 2020, votre accident était il y a deux jours. Il se pourrait que vous ayez aussi du mal à trouver vos mots mais sinon nous pouvons estimer que vous êtes chanceuse.

Il me serre la main et quitte rapidement la pièce.

Chanceuse ? Je suis chanceuse ? Je m'estime vraiment pas du tout chanceuse, je ne me rappelle de rien, ni de ma famille, ni de ma vie d'avant. Ce n'est pas être chanceuse.

Je me retrouve une nouvelle fois seule, observant les oiseaux et le temps pourri par la fenêtre. Je ne comprends plus rien, qui suis-je ? Pourquoi j'ai grillé ce feu ? Est-ce que j'ai une famille ? Des parents, un mari, un enfant ? JE SUIS QUI BORDEL ?

SANS NOMOn viuen les histories. Descobreix ara