01 | la saint-valentin et un voleur de vélos

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J'ai toujours été un cas niveau amour.

Valentin, 16 ans, aujourd'hui 17, né un 14 février, jour des amoureux et pourtant l'amour et moi ça fait dix milles. Ce terme était pour moi un mot d'une autre langue, non existant dans mon dictionnaire personnel. Je ne comprendrais jamais pourquoi tout le monde, que ce soit les films, les médias ou les chansons en parlent si aisément. Jusque là, ma situation amoureuse a été juste catastrophique.

La première s'appelait Agathe, une jolie blonde aux yeux bleus et à la peau pâle. Elle était notre déléguée de classe en 4è. Gentille et intelligente, tu m'étonnes que tous les garçons étaient raides dingues d'elle, moi y compris. Chaque soir je rêvais qu'elle me remarquait enfin, qu'elle m'embrasserait devant tout le monde comme dans les films à l'eau rose que regarde ma grande sœur, qu'on se marierait dans le hall du collège et qu'on aura et deux enfants et un chien, qu'on chantera tous ensemble à la fin comme dans High School Musical avec les chorégraphies et tout le tralala -je me rends compte maintenant que mes rêves sont assez glauques. Tu parles, elle avait déjà un petit-ami alors mes rêves se sont tout de suite réduits à néant. Premier cœur brisé.

La deuxième était Bonnie. Bonnie était une fille rebelle aux allures de "punk" comme dirait si bien mamie Gertrude : des cheveux noirs avec une mèche violette, des vêtements noirs, des ongles noirs et un piercing sur sa lèvre inférieure. On s'est rencontrés en colonie de vacances pendant mon année de 3ème. Elle était drôle, joviale et impulsive et m'emmenait à chacune de ses aventures. Une fois, Bonnie m'avait emmené dans une ferme près du camp en entrant par effraction. Je me suis fais prendre par manque d'agilité et bien évidement elle s'est barrée sans m'attendre. Le propriétaire était quand même sympa et m'a laissé partir. Le hic c'est que Bonnie aimait les filles quand je lui ai déclaré ma flamme et puis elle habitait à l'autre bout du pays. Deuxième cœur brisé.

La dernière en date est Lihn, une jolie asiatique aux traits fins, aux yeux amandes, aux cheveux soyeux qui sentent la fleur de cerise et à la peau laiteuse. Elle a été ma seule amie en seconde. Ça me plaisait d'avoir un peu de compagnie après mes années de solitude dans mon coin au collège. Inséparables comme des jumeaux siamois, on passait nos journées ensemble à parler aussi bien de la naissance d'un ornithorynque que de théories sur le monde qui nous entourent. Puis un jour, elle a disparu, comme ça, pouf. Elle ne répondait plus à aucun de mes messages. J'ai appris via un élève de ma classe qu'elle avait déménagé au Japon, pile au moment où je voulais lui déclarer ma flamme. Troisième cœur brisé.

Depuis j'évite tout ce qui concerne l'amour que ce soit livres, films, documentaire animalier sur ARTE ou Ushuaia, préférant m'intéresser à la science-fiction, ce qui était dommage car j'aimerai vraiment savoir comment les girafes se reproduisaient. J'ai commencé à haïr mon prénom et mon anniversaire jusqu'à ne plus le fêter. C'était assez douloureux de voir des gens en couple et amoureux s'offrir des cadeaux pendant le jour de sa naissance, jour qui, selon moi, doit être banni. Le jour des cœurs rouges et du chocolat me dégoûte. Comme ce petit ange accroché sur mon lit. Foutu Cupidon de merde.

J'ai toujours cru que ce serait différent aujourd'hui. Bien évidemment, tout est normal. Sauf peut-être les couples qui s'embrassent à longueur de journée sous prétexte que c'est la "fête des amours" aujourd'hui. J'ai envie de gerber rien qu'à les voir. Pourvu qu'ils n'ont pas prévu de baiser dans les toilettes comme l'année dernière. J'ai un frisson rien que d'y penser. Pitié, épargnez mes pauvres yeux et mon innocence.

- Valentin ? Oh je te parle là !

Je sursaute. Lucie agite sa main devant moi. Ce qu'elle dit ne m'intéresse pas vraiment mais comme je suis gentil, je sors de mes pensées à contrecœur :

- Hein ? Quoi ?

- Alors tu vas participer à ma collecte de fond ?

Elle me tend une brochure avec une photo d'un panda qui tient un cœur et l'agite sous mon nez :

- Sauvez les pandas ! Pour tout don, un gâteau offert pour la Saint-Valentin !

Ok mais pas besoin de crier. Je soupire puis réponds évasivement :

- Ouais, ouais, je verrai.

- Ça se tient à midi d'accord ? Je compte sur toi !

Elle part sans que je ne puisse réagir. Je froisse la feuille et le fourre dans mon sac. T'es bien sympa mais je n'ai pas que ça à faire de mes journées. J'aime les pandas mais là n'est pas ma priorité. Aujourd'hui, mon objectif est de survivre à ce jour infernal qu'est la saint-Valentin. Valentin, né un 14 février, quelle ironie tout de  même. Le monde -ou mes parents au choix- a voulu se moquer de moi.

A midi, je n'assiste pas à la collecte de fond de Lucie. Ce n'est pas que je ne m'intéresse pas au sort des pandas -les pauvres leur maison ont considérablement diminué à cause de la déforestation- mais je n'ai juste pas la tête pour ça. Je vais déprimer dans mon coin en regardant les couples roucouler. Regarder tous ces amoureux à s'embrasser et à se dire "je t'aime". Ouais vous verrez quand vos copains vont vous larguer avec l'excuse du " c'est pas toi c'est moi" dans un mois alors qu'ils vous ont trompé avec une autre. Suis-je jaloux ? Complètement. Mon sandwich a un goût amer. Je hais le 14 février. Je hais de tout mon cœur. Je jette l'emballage dans une poubelle à proximité et sors du self sans demander mon reste. J'ai une soudaine envie de gerber. Maxime n'est même pas là pour me tenir compagnie. Désavantage d'avoir pris des filières différentes.

Je suis un cœur brisé ambulant. Enfin, ça c'est ce que me dit Maxime, mon meilleur ami quand il voit que Clarisse/Émilie/Uma/etc. m'a encore recalé à cause d'une quelconque raison -timidité, bégaiement, gêne, tics ou propos étranges- en me tapant hyper fort dans le dos et en commentant : "Ah merde pas de bol, tu veux en parler à
Docteur Love ?". Pour ceux qui ne savent pas, Docteur Love c'est lui. Oui, Maxime se croit être Cupidon car soit disant qu'il a aidé Gaspard et Joakim en couple, ce qui est assez vexant pour un mec comme moi qui ne savait même pas qu'ils se tournaient autour. Bref, laissons les délires de Maxime.

La fin de journée se déroule normalement, si ce n'est que les profs font des allusions gênantes sur les préservatifs et l'acte pour faire des bébés comme ils disent -silence gênant dans la salle-. Maxime n'a pas arrêté de faire des allusions bizarres à la fin de la journée. Enfin tout est bien qui fini bien. Ou pas.

En me dirigeant vers l'emplacement où l'on gare les vélos, je remarque que de loin, quelqu'un se dirige vers le mien. D'un pas précipité,  j'essaye de le rattraper :

- Eh ! Mon vélo ! Voleur !

Il ne semble pas m'entendre. Je commence à courir de plus en plus vite tandis qu'il chevauche mon vélo. Il pédale tranquillement mais quand il se tourne, il pédale de plus en plus vite.

- Attends !

Le voleur à capuche noire accélère sa vitesse, si bien que j'ai failli ne pas l'attraper. Putain, ce con pédale vite ! En même temps c'est logique. Je pique un sprint jusqu'à me retrouver au même niveau que lui et le pousse. Il tombe et roule par terre, le vélo tangue avec lui. Je me dépêche de démasquer le voleur en enlevant sa capuche.

- Gaétan ? Non mais sérieusement ?




Média : Crush Culture- Conan Gray.

La théorie du cœur brisé (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant