Chapitre 19 - 1/2

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« Il était une saison réduisant tout en cendre. Une saison où il n'était pas bon de rester dehors. Tout ce qui était vie périssait pour devenir cendres à son tour. Elles purifiaient. Et puisque la cendre purifiait tout, la saison des cendres était la plus belle. »

Moi (paroles de la Prescience)


Les ténèbres se baladaient librement dans la nuit, ne laissant que l'obscurité bienveillante et silencieuse. On se taisait, respectueux de ce qui s'apprêtait à venir. Les hommes, les femmes et les familiers se rassemblaient, tels des papillons de nuit attirés par la Lune ou la flamme d'une bougie. Entourant l'arbre majestueux en des points bien précis, six sorciers se tenaient là. Les six Sièges. Il en manquait un. Jalil, un homme dont l'image commençait à s'effacer de mon esprit. Ce dernier décédé allait être remplacé pour cette nuit.

Ruth s'avança pour se placer sur le point manquant. Elle n'était pas un Siège, mais possédait une puissance nécessaire pour aider dans ce rituel.

Ouvrant leurs paumes, les sept sorciers concentrèrent leur énergie. Aux yeux des aveugles, rien de différent n'était visible. Qu'ils devaient être malheureux tous ces sorciers incapables d'être les spectateurs de cette splendeur. Je voyais tout, assistant à une union des énergies, une fusion qui fit se dresser tous mes poils dans un frisson en réaction à cette vague de magie.

Les auras des sept se déversèrent d'eux pour venir pénétrer dans celle des voisins du cercle. Il y eut des regards entre eux, certains surpris, d'autres complices. Un genre de lien venait sans doute de se créer parmi ces individus. Leurs mains bougèrent ensemble, s'élevant. Et à mesure qu'elles se levaient, un feu crépitant apparaissait pour consumer l'arbre au gui. Chacun s'en réjouissait. Étais-je la seule à l'entendre ?

Pas un bruit, pas un son si ce n'était la voix du silence et la pression sur ma gorge. Du chêne sortait une femme drapée dans une cape sombre. La capuche sur le visage, je savais qu'elle me regardait. Elle leva un doigt, le posant sur ses lèvres qui souriaient. Elle me donnait un avertissement que je ne comprenais pas, au contraire de quelque chose en moi, profondément enfoui. Un sentiment de culpabilité et de peine. Du futur ou du passé ?

Le chant de tambours retentissait. Aucun instrument n'était présent. S'agissait-il d'un jugement ? Non, d'une cérémonie.

— J'ai essayé si fort de résister. Mais souviens-toi, l'avenir n'est qu'un passé à venir. Il n'est de désespoir que le présent et lorsque tu pleureras, il ne trouvera de l'espoir que dans la mort.

Ses mots, qu'elle me murmurait comme un courant d'air, ne m'étaient pas étrangers. Où avais-je pu les entendre ?

Sa bouche s'ouvrit en grand, sa main retomba le long de son corps. Elle poussa un cri effroyable. Son corps se dégradait, devenant cendre avec l'arbre qui s'effondrait dans les flammes.

Mes doigts balayèrent la larme qui venait de fuir sur mon visage. Une pluie de cendres envahissait la cour. Pourquoi était-ce si beau ?

Les sept sorciers s'étaient écartés, les flammes disparaissaient comme par magie. Que des cendres. Chacun me fixait. Il était l'heure pour le guide de jouer son rôle.

Un tas de cendres m'attendait. Elles devaient être brûlantes, prêtes à me faire devenir comme elles. Détruire ce qui devait être consumé pour laisser place à quelque chose de plus pur. De plus beau encore qu'une neige argentée.

Mon chapeau disparut pour retourner dans mon Mani, tout comme mes chaussures. Et bientôt, ce fut au tour de ma robe de s'en aller, accompagnée du reste de mes habits et bijoux. Même le maquillage ne résista pas. Un premier pied porté en avant, j'y plongeai un orteil avant de marcher dans la cendre chaude. Elle ne brûlait pas.

Ting Ting, Witching ; Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant